Résumé :
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Ce numéro invite, à considérer les conséquences que le type de gouvernance du champ gérontologique a sur les subjectivités des personnes âgées. En effaçant le temps long et les parcours, il contribue à altériser un peu plus des personnes âgées mises hors du temps (Fabian, 2017), réduites à une condition de vieux, sans reconnaissance de la spécificité des histoires les singularisant. Cette prise en compte du temps et de l’histoire singulière est pourtant centrale à la continuité du soi, lorsqu’il est fragilisé par la maladie neurodégénérative, mais pas seulement. En standardisant des lieux de vie au nom de la sécurité et de la préservation de l’autonomie fonctionnelle, ce gouvernement du grand âge construit des lieux de vie inhabitables dans lesquels le sujet ne peut se projeter sans s’en trouver disqualifié. Or, au grand-âge, plus qu’à d’autres âges, l’espace domestique se fait prothèse du « moi » (Voléry, 2013). Enfin, en se focalisant sur la préservation de l’autonomie, ce gouvernement passe à côté d’un objectif de reconnaissance du vieillissement impliquant la valorisation des dépendances mutuelles et des vulnérabilités. Ce numéro invite également à une réflexion sur l’hétérogénéité des supports par lesquels produire des savoirs sur le vieillissement : comment les dispositifs de surveillance quantifiée de la vie en Ehpad ont-ils contribué à construire une vision particulière de ce qu’il était en train d’advenir dans les premiers temps de la crise pandémique ? Comment les dispositifs de production/transmission des connaissances professionnelles modèlent-ils les représentations des personnes âgées (réduites à des troubles codifiés) ? Comment les formes d’écriture du vieillir et de la dépendance – qu’elles soient scientifiques, littéraires ou audiovisuelles – nourrissent-elles ou subvertissent-elles la vision déficitaire et altérisée de la grande vieillesse, en question dans ce numéro ?
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