Titre : | Garantir la prise en charge des personnes âgées en établissement, encadrer leur prise en charge : un impératif, réguler, une nécessité, simplifier, une urgence, choisir, une obligation, agir : Rapport à la Première ministre |
Auteurs : | Christine Pirès-Beaune |
Type de document : | Rapport |
Editeur : | Paris [FRA] : Gouvernement, 2023/07 |
Description : | 147p. |
Langues: | Français |
Mots-clés : | Rapport ; EHPAD ; Résident EHPAD ; Financement ; Personne âgée ; Prise charge ; Reste à charge (RAC) ; Crédit d'impôt ; France |
Résumé : |
Au cours des dernières années, la proposition de transformation en crédit d’impôt de l’actuelle réduction d’impôt au titre des frais d’hébergement des personnes âgées dépendantes a régulièrement animé les débats lors de l’examen des lois financières. En effet, les parlementaires de sensibilités diverses qui soutiennent cette proposition jugent inique le dispositif actuel de soutien des personnes âgées dépendantes : aujourd’hui, les ménages modestes sont relativement moins soutenus que les plus aisés, en particulier compte tenu de l’impact de cette réduction d’impôt. Ce rapport - accompagné de neuf annexes thématiques - vise à éclairer, mais également à dépasser ce débat. Le Gouvernement a en effet souhaité une analyse plus large du cadre dans lequel les personnes âgées dépendantes sont prises en charge. Le reste à charge est la conséquence d’un écosystème qui doit être amélioré. Faute d’une action globale, toute baisse du reste à charge serait en effet vouée à l’échec, les moyens supplémentaires risquant d’être absorbés par certaines structures. Il n’y aurait aucune garantie que les coûts effectivement supportés par les résidents et leurs familles baissent ou que la qualité de leur prise en charge soit améliorée.
Ce rapport relève ce défi et propose une démarche globale et ambitieuse de changement, matérialisée dans différents scénarios servant un objectif unique : replacer la personne âgée dépendante au centre de l’action publique, pour mieux la soutenir, en clarifiant et rendant plus cohérent le cadre d’action de tous les acteurs publics et privés qui se dévouent quotidiennement pour en prendre soin. Les propositions formulées sont d’ambition variable ; leur mise en œuvre pourra être cumulative ou progressive. Avec ce rapport, les décideurs publics disposent d’un ensemble simple, complet et cohérent permettant d’améliorer l’action publique. S’il est nécessaire, ce changement n’est pas certain. De nombreux rapports le démontrent : depuis près d’un quart de siècle, les propositions sont légion. Le virage domiciliaire et la demande constante - et justifiée - d’un renforcement de la qualité de la prise en charge de nos aînés les plus dépendants ont conduit à laisser de côté la question du reste à charge en établissement. Alors que l’accessibilité financière est un point central de nombreux champs d’action publique, elle est ici passée relativement sous silence, du fait d’un supposé conflit de priorités. Les besoins en matière d’accompagnement du grand âge vont croissants. Il est logique et légitime de répondre aux attentes des Français, en renforçant la qualité de la prise en charge et en assurant le virage domiciliaire. Pour autant, il ne peut être question de négliger la prise en charge en établissement et l’accès de tous à des séjours qui, au demeurant, ne sont la plupart du temps pas choisis, mais subis. C’est une des promesses de la création de la 5ème branche : protéger nos concitoyens les plus dépendants,lorsqu’ils sont contraints de quitter leur domicile. Nous devons regarder la réalité en face. Parmi les résidents en EHPAD, les personnes âgées les plus pauvres, les plus fragiles et les plus isolées sont nombreuses. Elles sont confrontées à des taux d’effort considérables : seule une petite partie (24 %) peut couvrir ses frais de séjour via ses revenus courants. Le séjour en établissement est coûteux pour tous, mais il est parfaitement insoutenable pour les plus modestes. Le système actuel est par ailleurs peu justifié : globalement, les plus modestes ne sont pas aidés à la hauteur de leurs besoins ; les ménages modestes sont moins aidés que les plus aisés. La courbe des soutiens présente ainsi une forme en « U » ou plutôt en « J », ce qui démontre la (contre) redistribution à l’œuvre actuellement. L’argent public est donc mobilisé à mauvais escient et en opposition avec les principes affichés et partagés par tous. Dans la continuité des débats intervenus au Parlement, le changement n’est donc pas une option. Il est incontournable. Le débat ne devrait porter que sur ses modalités et son rythme. Ce changement est nécessaire et multidimensionnel. L’action sur le reste à charge doit être accompagnée d’une meilleure compréhension, en particulier économique, d’un pilotage accru et d’une régulation plus forte du secteur. Ce diagnostic ne doit pas être un prétexte à l’inaction, mais permettre au contraire la mobilisation de tous. Les obstacles au changement ne sont pas que d’ordre financier, mais aussi liés aux positions d’acteurs et aux fonctionnements institutionnels historiques. Il est nécessaire de les questionner pour garantir l’avenir des établissements de manière durable. Au cœur des difficultés actuelles, se trouve la délicate conciliation entre responsabilité individuelle, solidarité familiale, solidarité territoriale et solidarité nationale. Par souci de responsabilité et de clarté, il convient de revoir cette articulation et de définir un nouvel équilibre. Cela exige efforts, sacrifices et concessions. Une approche transpartisane, conciliant les sensibilités et convictions de chacun est possible. Ce rapport entend y contribuer. Il propose une analyse du contexte et de la situation actuelle. La priorité financière accordée à la politique de l’autonomie et en particulier du grand âge est une constante des dernières années. Mais les défis et besoins demeurent très importants. Ils sont régulièrement rappelés par les acteurs du secteur dont le dévouement doit être salué. Les tensions nombreuses portent notamment sur les capacités de prise en charge, le taux d’encadrement, le recrutement, les prix et tarifs, etc. La prise en charge en établissement (EHPAD à titre principal, et USLD et autres structures à titre plus accessoire) est à considérer dans une optique large, celle du vieillissement de la population et celle d’une inadaptation avérée entre l’offre et les besoins des territoires. Si le cadre est national, la variété est la règle : les différentes structures publiques (hospitalières ou territoriales) et les entités privées (lucratives ou non lucratives) ne sont pas régies par les mêmes règles, principes et objectifs. Au-delà, les départements disposent de marges de manœuvre importantes pour changer la norme ou le cadre de gestion, donc la nature des soutiens. La différence de prise en charge est manifeste. Le défi est considérable. L’offre varie dans un rapport de 1 à 5 entre les départements. Les tarifs varient dans des proportions plus importantes encore. La prise en charge en établissement est souvent perçue comme moins prioritaire par rapport au nécessaire virage domiciliaire. Pour autant, ce mode d’hébergement est indispensable, ces structures sont incontournables. Elles prennent en charge ceux qui ne peuvent être maintenus à domicile. Elles évoluent par ailleurs de plus en plus vers une prise en charge sanitaire. Cependant, la prise en charge en établissement est multiple, complexe et incomplète. L’accès des plus modestes à leurs droits et aux dispositifs de soutien les plus adaptés est des plus incertains. Le taux d’effort des personnes hébergées les plus modestes est près de trois fois supérieur à celui des plus aisées. A cette différence de taux d’effort s’ajoutent des soutiens publics insuffisamment redistributifs. L’APA en établissement varie peu selon les revenus, donnant à penser que les départements ne retiennent - dans leur très grande majorité - au mieux que le degré de dépendance pour fixer les tarifs. Tous soutiens confondus, les résidents les plus aisés sont notoirement mieux aidés que ceux qui disposent de moins de ressources, du fait de la réduction d’impôt. Cette iniquité manifeste est accentuée par le cadre actuel d’aides aux plus modestes. L’aide sociale à l’hébergement (ASH) leur apporte certes un soutien. Mais beaucoup n’y recourent pas, car elle est assortie de conditions de récupération auprès des proches et sur la succession. L’ASH conduit par ailleurs à traiter de la même manière les personnes ayant de faibles ressources (petite retraite issue d’une activité fragmentée par exemple) et celles n’en ayant aucune. Les deux auront le même reste à vivre. La personne ayant des ressources fera l’objet de récupérations liées à l’ASH, là où l’apport de la personne sans ressources sera faible. Si le soutien via l’ASH est nécessaire, il est insuffisant dans son ampleur et sa portée : deux cinquièmes des dépenses d’ASH sont financées par les bénéficiaires eux-mêmes, ce qui témoigne d’un degré d’organisation de la solidarité entre les plus modestes sans commune mesure. Le bénéfice de l’ASH entraîne un contrôle social très fort de la part des acteurs publics : les revenus et actifs du bénéficiaire sont mobilisables ; les proches sont sollicités (via l’obligation alimentaire) ; la liquidation de la succession est très encadrée. En parallèle, les personnes qui ne bénéficient pas de l’ASH ne peuvent pas, dans leur écrasante majorité, faire face à leurs dépenses de séjour avec leurs seuls revenus. Dans ces situations, des arrangements informels entre le résident et ses proches s’exercent, sans que les acteurs publics aient souhaité jusqu’à ce jour les réglementer. Le système actuel - contrôle social intégral pour les plus modestes (ASH) et absence de règles organisant la solidarité familiale pour les autres résidents - a des effets puissants sur les relations au sein des familles et ultérieurement lors des successions. Il convient de le mesurer pour en tirer les conséquences. La montée en puissance progressive et récente de l’offre a rendu difficile toute régulation ou pilotage par les capacités ou par les tarifs. Au-delà du financement des structures, les soutiens publics accordés aux résidents sont datés, peu coordonnés et largement perfectibles. Le système doit donc être repensé dans son ensemble. Une première action est incontournable. Les soutiens octroyés aux établissements dans le cadre de la crise sanitaire ont pris fin. Les tensions demeurent très fortes sur les prix, les recrutements et les capacités. Le risque est celui de la disparition de structures ou de la très forte augmentation des coûts, et donc du reste à charge. Prévenir ces difficultés nécessite un accompagnement de la part des acteurs publics. Il est donc proposé de créer une instance chargée d’analyser les difficultés des structures et d’y apporter une solution. Elle associerait, dans chaque territoire, les services du département, ceux de l’ARS, les autres acteurs intéressés, ainsi que les services de recouvrement des créances publiques, pour proposer une prise en charge unique, coordonnée et concertée. La connaissance et le pilotage du secteur doivent par ailleurs être largement approfondis. Un observatoire économique serait créé pour analyser les modèles économiques, mesurer leurs logiques et effets. Tant au niveau départemental que national, une vision commune serait partagée via une méthode unique d’analyse de l’existant (capacités de prise en charge en établissement, à domicile ou dans le cadre intermédiaire) et de projections et visions prospectives standards. Le partage de ces éléments stratégiques de base entre tous les acteurs doit enfin devenir une réalité. Il est impératif d’accompagner, donc de répondre à un besoin de simplification souhaité de longue date : la fusion des sections soins et dépendance. Cette opération a un effet sur la gouvernance, mais également sur les solutions et ajustements apportés au système d’aides des résidents et au financement des structures. La mission n’a cependant pas approfondi ce projet très documenté. Elle propose de le déployer sans reste à charge (la modulation selon les revenus étant assurée dans le système de soutien présenté ci-après), en retravaillant le contenu de chaque section et ses interdépendances, en prenant également en compte les imputations des fonctions support et des agents « faisant fonction ». Cette fusion des sections conduit à revoir la gouvernance de la prise en charge. Conforté par les résultats du sondage réalisé par la mission, le rapport propose un nouvel équilibre, en confiant le champ du domicile et du service public territorial de l’autonomie (SPTA) aux départements, l’Etat disposant d’un seul pouvoir d’opposition, et en transférant par ailleurs la responsabilité de la gestion des établissements aux ARS, le département conservant une compétence d’investissement et un droit d’opposition. Il est proposé en outre de réguler enfin le secteur de la prise en charge intermédiaire, dans le cadre d’un partenariat à définir. Le dispositif serait arrêté et expérimenté dans quatre ou cinq départements (dont un urbain, un rural, un ultramarin). Il serait par la suite généralisé au terme de ce premier déploiement, sans remise en cause du partage fixé initialement. Ce pilotage et cette compréhension seraient sans effet s’ils n’étaient pas mis au service d’une régulation plus forte du secteur. Dans ce domaine, le rapport avance des propositions de degré variable. Dans son système cible, des coopérations au sein de la sphère publique et entre les secteurs public et privé seraient la règle. Les prestations rendues aux résidents seraient de mieux en mieux précisées et encadrées, les prestations socles standards étant prises en charge par la sphère publique. La prestation d’hébergement serait encore mieux encadrée ; pour distinguer la part socle de haut niveau, des autres interventions supplémentaires ou complémentaires. A cette clarification du champ, doit impérativement répondre celle des coûts et tarifs. Il est proposé, à l’instar de ce qui existe dans le champ privé, de déterminer des taux maximaux d’évolution des tarifs. De plus, un dispositif de convergence tarifaire serait mis en place. Il conduirait à édicter des tarifs socles nationaux, susceptibles d’évoluer dans les territoires selon les différences de coûts effectifs de production du service. Le pilotage et la régulation renforcés permettraient de garantir le bon usage de chaque euro d’argent public dépensé. Ils permettraient ainsi d’agir de manière ciblée, équitable et efficace sur le reste à charge. Trois modalités sont envisagées par la mission. La première conduit à mettre en œuvre le crédit d’impôt en ajustant le dispositif actuel de réduction d’impôt afin de le rendre plus redistributif. Dans le cas où le recours à l’outil fiscal ne serait pas retenu, la mission souligne la possibilité d’intervenir via les aides au logement. Le rapport indique aussi que la fusion des sections devrait s’accompagner, à système d’aides inchangé, d’une mise à contribution des résidents prenant en compte leurs revenus. Le rapport écarte l’intervention des complémentaires santé pour prendre en charge ces coûts en ce que cela serait source de renchérissement des couvertures et d’exclusion potentielle des plus modestes. Sur un autre plan, le rapport écarte toute réforme qui se limiterait à n’agir que sur les paramètres de l’ASH, au profit d’une réforme d’ensemble. La deuxième prévoit de faire évoluer plus profondément le système de soutien. Les aides doivent, à titre principal, être octroyées en prenant en compte tous les revenus et, à terme, les patrimoines. Il s’agit de prendre en compte les capacités de financement de chacun, pour protéger chaque résident à la hauteur de ses besoins. Une première approche conduirait à fusionner l’APA et l’ASH, et à apporter un financement complémentaire équivalent au moins au coût récurrent de la transformation de la réduction d’impôt en crédit d’impôt. Une troisième modalité, cible, conduirait à réutiliser tous les financements publics actuels (APA, ASH, avantages fiscaux, aides au logement) pour déployer une prestation unique, universelle et prenant en compte les facultés contributives de chacun. La nouvelle allocation universelle et solidaire d’autonomie en établissement (AUSAE [Osaé]) préfigurerait une refonte plus large du système actuel, articulant cette aide aux soutiens dans les champs intermédiaire et domiciliaire, afin d‘assurer la mise à contribution différenciée des personnes âgées dépendantes et de leur famille, qui serait plus prononcée en établissement qu’à domicile ou dans le cadre intermédiaire. Adopter un dispositif universel de soutien répondant aux besoins de protection de chacun justifie d’adapter le financement du système. Les différentes pistes évoquées précédemment (dans le rapport Vachey notamment) pourraient pour partie être activées ; elles représentent un potentiel supérieur à 5 Mds€. Le recours à l’assurance est écarté. La solution est immature et inadaptée. Elle ne répond pas aux enjeux. Elle est contradictoire avec la logique portée par la 5ème branche. Ce constat n'empêche cependant pas de mener des travaux supplémentaires, pour étudier la place complémentaire que ces couvertures pourraient prendre en charge. Le système de financement doit évoluer plus profondément. Il est légitime que les familles concèdent un effort, en ce qu’elles sont les premières à bénéficier d’un soutien renouvelé. Il est ainsi proposé de prévoir, pour ceux présentant des facultés contributrices, un prélèvement forfaitaire et barémisé, donc prévisible, au titre de l’obligation alimentaire et un autre sur les successions. Ces prélèvements permettraient d’apporter des financements solidaires complémentaires. Ils seraient associés à un système de bouclier (temporel et en montant), afin d’éviter de trop mettre à contribution les familles confrontées à des séjours longs, voire très longs. Le secteur privé doit également contribuer. Il est proposé de prélever une partie des montants reflétant des ventes ou des évolutions du capital des structures d’hébergement privées lucratives. Il est également souhaitable de demander à ces structures de conventionner. Elles devraient acquitter, dans des conditions à étudier, une redevance à la place : leur activité les conduit en effet à profiter d’une autorisation publique donnant lieu à financement public. L’universalité du financement de l’autonomie devrait être encore mieux affirmée. Une nouvelle contribution, affectée à la CNSA, serait créée, sur le modèle de la CRDS. Elle se substituerait aux prélèvements actuels (CASA, CSA, fraction de CSG et autres recettes). Satisfaire la promesse de protection justifie en outre deux autres actions. Passer du droit formel au droit réel est impératif. L’automaticité des droits et le « dites-le nous une fois » doivent enfin devenir la règle dans l’accompagnement des personnes âgées fragiles et de leurs familles, à un moment clé de l’existence où leur vulnérabilité est avérée. Par ailleurs, le coût de l’immobilier pèse sur les tarifs et le reste à charge. Une action adaptée doit être menée, facilitée par les marges de manœuvre nouvelles. Le sentier du changement est donc connu et réaliste. Il nécessite une réelle volonté politique. Il ne peut lui être opposé une impasse financière : la réforme peut être mise en place à périmètre constant. Des étapes complémentaires de réforme seraient alors possibles, en mobilisant les solutions de financement identifiées. Il est donc possible, en établissement comme à domicile, de demander à chacun de contribuer selon ses moyens et d’être soutenu selon ses besoins. Mieux prendre en charge nos aînés en établissement est un impératif, aujourd’hui et demain. Sachons conduire ce changement pour garantir pleinement un droit élémentaire incontournable : le droit à la dignité et à la sérénité dans les derniers temps de l’existence. |
En ligne : | https://www.gouvernement.fr/rapport/rapport-sur-le-reste-a-charge-en-ehpad |
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