Résumé :
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Au sommaire de ce dossier : 1 - Avant-propos : Maltraitance envers les aînés : contextualisation des terminologies, définitions et modes d’action : Au début des années 1970, un nouveau problème social fait l’objet d’un article scientifique (Stannard, 1973). Pour décrire ce qui aujourd’hui serait nommé comme étant de la maltraitance dans les établissements de soins de longue durée, l’auteur décrit un « sale travail auprès des vieillards »... 2 - Dénommer et produire des définitions - 2 - 1 : Libre propos - « Vous avez vu ? Ils me prennent tous pour une folle ». Des effets de l’organisation des soins à domicile sur Marguerite Amman : Cet article reprend l’histoire de Marguerite Amman, 86 ans, cliente d’un service de soins et d’aide à domicile. Il montre comment l’organisation de soins va se jouer contre elle, parce que, d’une part, les tâches et les responsabilités sont fractionnées et que, d’autre part, il y a une disjonction entre les problèmes évoqués par Marguerite et ceux repérés par le système d’analyse informatisé. 2 - 2 : Libre propos - Maltraitance et vulnérabilité : Existe-t-il une articulation entre les notions de maltraitance et de vulnérabilité, et si oui, sous quelle forme ? En quoi une approche sociojuridique de la vulnérabilité permet-elle d’éclairer, de mieux appréhender les phénomènes de maltraitance ? En France, ces questions ont été mises en débat au sein de la démarche de consensus pour l’élaboration d’un vocabulaire partagé de la maltraitance, pilotée de 2019 à 2021 par la Commission nationale de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance. Ce vocabulaire, composé d’une définition de la maltraitance, d’un lexique associé et d’une caractérisation des situations de maltraitance possibles, est transversal aux publics mineurs et majeurs. Il met en exergue les facteurs à la fois individuels (l’âge ou le handicap par exemple) et contextuels (une relation déséquilibrée, un environnement violent, etc.) de la vulnérabilité. Cette réflexion conduit à un changement de paradigme important en parlant non plus de catégories de publics dits vulnérables mais de personnes en situation de vulnérabilité. Ainsi, le vocabulaire partagé souligne une forme de réciprocité entre la maltraitance et la vulnérabilité. Si la vulnérabilité apparaît comme un facteur de risque et d’exposition aux maltraitances, ces dernières peuvent être considérées quant à elles comme des phénomènes qui vulnérabilisent. Penser toute la complexité d’une telle articulation conduit aussi et enfin à penser la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance comme transversale et systémique : elle est tout à la fois protectrice, réparatrice, préventive, inclusive et participative. 2 -3 - Habitations collectives : maltraitance, intimidation ou intolérance entre aînés ? Les interactions négatives entre résidents sont un enjeu émergent au sein des habitations collectives pour aînés. Au Québec (Canada), de nombreux acteurs se mobilisent pour lutter contre le problème et l’élaboration d’une terminologie consensuelle s’avère essentielle pour faciliter leur concertation. Cet article propose une réflexion critique sur la terminologie à privilégier dans la francophonie en s’appuyant sur l’état des connaissances et sur les résultats de deux recherches menées au sein de quatre habitations collectives pour aînés autonomes et semi-autonomes au Québec. Alors que les termes « maltraitance » et « intimidation » sont largement employés, leur définition ne permet pas de bien saisir l’essence du problème survenant entre les résidents. Selon les participants et les experts rencontrés, l’« intolérance » serait un terme plus approprié pour représenter l’ensemble des interactions négatives entre résidents de type psychologique, physique, matériel et sexuel documentées. Davantage de recherches doivent être menées afin d’approfondir et de valider la terminologie proposée. Cet article s’avère novateur dans un contexte où la majorité des écrits qui documentent ce problème émergent sont publiés en anglais et qu’une variété de terminologies sont répertoriées dans la littérature. 2 - 4 - En contexte de proche aidance, la personne maltraitée n’est pas toujours celle que l’on pense ! : La lutte contre la maltraitance envers les aînés fait l’objet d’une reconnaissance politique au Québec depuis 2010. Le rôle de proche aidant, quant à lui, a été reconnu par l’adoption d’une loi en 2020. Mais qu’en est-il du phénomène à l’intersection de la maltraitance et de la proche aidance, soit la maltraitance envers les personnes aînées proches aidantes et les personnes proches aidantes d’aînés ? Ce phénomène reste à ce jour très peu abordé dans les écrits et dans les politiques. Cet article vise à mettre en lumière les différentes formes de maltraitance envers les personnes proches aidantes identifiées dans notre recherche-action. Après avoir brièvement présenté la recherche sur laquelle s’appuient les résultats, il s’agira, dans un deuxième temps, de faire état de la situation de cette maltraitance spécifique dans les écrits. Ensuite seront exemplifiées les sept formes de maltraitance envers les proches aidants identifiées par les participants de notre recherche. La discussion permettra de situer nos résultats dans le contexte des législations au Québec dans le domaine de la proche aidance et de la maltraitance. 3 - Des dimensions éthiques, juridiques et territoriales pour fonder l’action. 3 - 1 - Clinique de la maltraitance, paradigme du don et politique publique : La pratique d’une équipe de soins ambulatoires de psychiatrie de la personne âgée a donné l’occasion à l’un des co-auteurs du présent article d’identifier la complexité de la confrontation avec des situations familiales de tension, voire de maltraitance. Dans ce cadre, le recours à l’approche contextuelle s’est avéré fécond pour expérimenter des modalités de résolution de l’ordre de la guidance familiale, en lien avec toutes les parties prenantes de la situation. C’est une approche comparable qui a servi de fil directeur à la démarche de consensus qu’a conduite le second auteur de cet article en vue de servir une avancée non pas intrafamiliale mais sociétale, grâce à l’élaboration collective d’une définition de référence de la maltraitance. L’article a été rédigé à deux voix : celle d’un soignant qui a, dans sa pratique, tenté de frayer un chemin pour des solutions acceptées dans des situations complexes, celle d’une personne engagée dans la politique publique, retraçant une tentative de suivre les enseignements de la clinique à une autre échelle, et montrant les bénéfices de cette approche, en particulier grâce à la mise en dialogue des savoirs expérientiels avec les connaissances scientifiques et les savoirs professionnels. 3 - 2 - Dans le dédale d’une pandémie : la parole comme choix encore possible : La liberté individuelle était-elle soluble à l’heure du Covid ? Tel est le postulat de départ que pose Respect Seniors dans cet article. Au travers d’un récit retraçant les premiers moments de sidération de l’Agence wallonne de lutte contre la maltraitance des aînés, face aux témoignages de privation de liberté durant la pandémie jusqu’à la mise en œuvre de pratiques innovantes visant à restituer la parole aux aînés et à la faire entendre haut et fort, Respect Seniors souhaite démontrer comment une démarche réflexive et profondément éthique a enrichi sa pratique en élevant la parole comme choix ultime encore possible, en portant un regard critique sur la frontière ténue entre maltraitance et bientraitance, et en interrogeant les valeurs d’une société qui se veut inclusive envers les aînés, et qui les a pourtant oubliés. 3 - 3 - Droits et libertés des personnes âgées dépendantes en période de crise sanitaire : Les restrictions majeures de droits et libertés imposées par la gestion de la crise épidémique de Covid-19 ont engendré des souffrances psychiques et parfois physiques importantes pour les personnes âgées vivant en établissement d’hébergement pour personnes dépendantes. Sans remettre en cause les décisions des établissements qui, pour une large majorité, ont été motivées par la volonté et la nécessité de protéger leurs résidents, l’objectif de cette contribution vise à interroger les processus qui ont conduit – et conduisent encore – à des décisions restrictives de liberté dont la proportionnalité peut être discutée. En effet, les directions d’établissement ont dû prendre des décisions dans un contexte juridique et social ambigu, marqué par le foisonnement d’orientations et de recommandations non décisoires (actes de droit souple), ce qui a engendré des difficultés pratiques dans la mise en œuvre des normes sanitaires au sein des établissements et a eu un impact considérable sur l’exercice des libertés individuelles des résidents dont certaines restrictions pourraient être qualifiées de forme de maltraitance. 3 - 4 - Lutte contre la maltraitance des aînés en Suisse : bilan et analyse critique : La lutte contre la maltraitance envers les personnes âgées a commencé à se développer en Suisse il y a une vingtaine d’années. Bien que les mesures spécifiques restent rares et soient portées essentiellement par le domaine associatif, de nombreux programmes et plans d’actions contribuent indirectement à la prévention. Cet article présente un aperçu général du dispositif actuel de lutte contre la maltraitance envers les aînés en Suisse et propose une perspective critique sur ses forces et ses lacunes. Il se base sur l’analyse de différents documents (rapports gouvernementaux, rapports de recherche, articles scientifiques, articles professionnels, textes de lois, etc.). L’analyse met en évidence la richesse et la diversité du dispositif suisse, mais également les défis liés au fédéralisme et au plurilinguisme. Elle souligne en particulier les disparités importantes entre les cantons et les régions linguistiques, le manque de collaboration entre réseaux professionnels en lien avec les domaines du vieillissement et des violences domestiques, l’inadéquation des ressources d’aide et de soutien aux besoins des victimes et des auteurs de violences âgés, ainsi que le manque de visibilité et de cohérence des mesures actuelles de prévention et de lutte contre la maltraitance envers les personnes âgées. Elle relève finalement la reconnaissance récente accordée à la problématique par la Confédération suisse.
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