Résumé :
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Bien que les personnes âgées ne constituent pas une catégorie juridique en tant que telle, certains textes réglementaires ou législatifs s’y réfèrent expressément, sans nécessairement préciser un âge ou une tranche d’âge donnée, afin de rappeler en particulier qu’elles doivent bénéficier « sans discrimination, des mêmes droits que tout être humain » [Bourdaire-Mignot 2020, Mercat Bruns 2021].Apparue depuis une cinquantaine d’années, la notion d’âgisme est définie comme « un processus de stéréotypage systématique et de discrimination contre les personnes, en raison de leur âge » [Butler 1975]. Il concerne en général les plus jeunes et les personnes âgées. Le rapport collectif à la vieillesse, imprégné d'un présupposé d'inutilité, peut avoir des répercussions sur le bien-être physique et psychique des personnes âgées et être source de discriminations.À l’heure actuelle, les propos et attitudes âgistes - souvent banalisés - et les situations discriminatoires sont peu rapportés par les personnes concernées. De ce fait, bien que prohibées par le droit communautaire et national, les discriminations à l’égard des personnes âgées restent un enjeu peu investi par les débats et politiques publiques alors même qu’avec la crise sanitaire, certains discours sur les personnes âgées ont pu contribuer à renforcer une certaine forme de stigmatisation à leur égard. Face à ce constat, le Défenseur des droits a souhaité réaliser une étude, afin de documenter les difficultés d’accès aux droits, les inégalités de traitement et les discriminations dans l’accès aux biens et aux services des personnes âgées vivant à domicile. Celle-ci repose sur une enquête quantitative auprès de 2 506 personnes âgées de 65 ans ou plus vivant à domicile et une enquête qualitative auprès de 15 aidants de personnes âgées en situation de perte d’autonomie, menées entre septembre et fin novembre 2020. L’enquête révèle que près d’un quart des personnes âgées de 65 ans et plus sont confrontées à des difficultés dans les démarches administratives, ce qui soulève des enjeux d’accès aux droits. Toutes choses égales par ailleurs, le niveau de dépendance des personnes âgées, la précarité et les facilités d’utilisation d’Internet sont des facteurs fortement associés aux difficultés dans les rapports avec les administrations et services publics. Face aux difficultés administratives, plus d’une personne sur sept abandonne ses démarches.Par ailleurs, l’enquête met en évidence une faible sensibilisation des personnes âgées aux discriminations et en particulier à celles liées à l’âge avancé. La perception des aidants se révèle plus aigüe que celle des personnes âgées elles-mêmes en la matière. Toutefois, 30 % des personnes âgées déclarent avoir été témoins d’une discrimination liée à l’âge avancé d’une personne au cours de leur vie et près d’une sur cinq en aurait été victime au cours des cinq dernières années. Les discriminations les plus fréquemment rapportées se manifestent dans les transports en commun, les relations avec les services publics ou dans l’accès aux biens et aux services privés. L’enquête met en évidence une forte corrélation des discriminations liées à l’âge avec les critères d’origine, de sexe, d’état de santé et de particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, ce qui illustre les liens qu’entretiennent inégalités de santé, inégalités sociales et discriminations au sein d’une population très hétérogène.Ces résultats invitent à replacer l’enjeu des discriminations liées à l’âge avancé au cœur des débats et politiques publiques portant sur l’effectivité des droits fondamentaux des personnes âgées.
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