Résumé :
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Le lien entre l’exposition externe aux rayonnements γ et la mortalité par leucémie, par cancers solides et possiblement par maladies de l’appareil circulatoire (CSD) a fait l’objet de nombreuses études. En revanche, les risques sanitaires après contamination interne sont mal connus, et plus particulièrement en ce qui concerne l’inhalation de composés uranifères pouvant présenter des propriétés physico-chimiques (PCP) diverses (solubilité, isotopie etc…).L’objectif principal de mon travail de thèse a été d’étudier le risque de mortalité par maladies cancéreuses et non-cancéreuses chez des travailleurs du cycle du combustible français. La thèse était composée de trois axes : (1) revue critique de la littérature concernant l’impact l’uranium sur la mortalité ; (2) analyse de la mortalité dans la cohorte des travailleurs impliqués dans l’étape d’enrichissement ; (3) analyse de la relation entre la mortalité par CSD et la dose interne due à l’uranium chez les travailleurs d’AREVA NC Pierrelatte.Nous avons mis en place une cohorte de 4688 travailleurs impliqués dans l’étape d’enrichissement de l’uranium, suivi entre 1968 et 2008 pour étudier les risques associés à l’exposition à l’uranium très soluble. L’exposition annuelle de chaque travailleur a été reconstruite à partir de matrices emplois-expositions (JEM) et des données de surveillance radiologique pour les produits suivants : uranium, irradiation externe γ, nuisances non-radiologiques (trichloréthylène, chaleur, bruit). Au cours du suivi, 131161 personnes-années ont été cumulées et 21% de travailleurs sont décédés. L’analyse des ratios standardisés de mortalité (SMR) a montré un fort effet du travailleur sain (SMR toutes causes 0,69, intervalle de confiance (CI) à 95% de 0,65 à 0,74 ; n=1010). L’exposition interne à l’uranium et à la dose externe γ n’apparaissaient pas associées significativement à aucune des causes de mortalité considérées. Une tendance à la diminution du risque a été observée avec l’exposition à l’uranium pour la mortalité par cancer du poumon et par cancers lymphohématopoïétiques.Une analyse antérieure de la cohorte des travailleurs d’AREVA NC Pierrelatte avait suggéré une association entre l’exposition interne due à l’uranium et la mortalité par CSD. Une étude cas-témoins nichée a été mise en place pour analyser la relation dose-réponse et ajuster sur les facteurs de risque (tabagisme, pression artérielle, indice de masse corporelle, cholestérol, glycémie) recueillis à partir des dossiers médicaux. Cette étude a inclus 102 cas de CSD et 416 témoins appariés sur l’âge atteint, le sexe, la période de naissance et le statut socio-professionnel. Les doses absorbées ont été estimées en tenant compte des profils de solubilité des composés uranifères extraits de la JEM. La mortalité a été analysée par régression logistique conditionnelle. Une association positive mais associée à une large incertitude a été observée (Excess Odds Ratio 0,2 par 1 mGy, CI à 95% de 0,004 à 0,5). L’ajustement sur les facteurs confondants n’a pas modifié cette relation.Par rapport aux études précédentes, notre travail a plusieurs atouts méthodologiques : considération des PSC de l’uranium, calcul de la dose aux organes et ajustement sur les facteurs de confusion potentiels (exposition non-radiologique, facteurs de risque des CSD). L’absence d’association avec l’exposition à des composés uranifères très solubles peut s’interpréter par une élimination efficace de l’uranium par l’organisme. L’analyse de l’étude cas-témoins nichée prenant en compte les principaux facteurs de risque de CSD retrouve l’association avec le risque de CSD observée antérieurement. Les travaux futurs devraient se concentrer sur l’impact des incertitudes associées à l’estimation de la dose interne, la nature de l’association entre CSD et radiation et l’analyse de la relation temporelle entre l’exposition aux radiations et les facteurs de risque de CSD. (R. A.)
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