Résumé :
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En pensant auvieillissement ordinaire comme celui despersonnes seules, on néglige souvent l’importance numérique de celles qui vieillissent à deux dans leur logement. L’allongement de la durée de vie en couple àla retraite interroge les pratiques quotidiennes du binôme aidant-aidé, sacapacité d’adaptation l’un à l’autre, d’accompagnement mutuel et d’anticipation à deux.L’enquête CARE nous renseigne sur l’aide du conjoint désigné comme aidant par le répondant senior de 60 ans ou plus. On sait par ailleurs si le senior apporte une aide à une personne de son entourage et si l’aidant reçoit lui-même une aide de son entourage. Cependant, le bénéficiaire de l’aide apportée par le senior comme le pourvoyeur de l’aide reçue par l’aidant du senior ne sont pas connus et rienne permet d’avoir une vision complète du binôme aidant-aidé, sauf en allant à sa rencontre. Dans des entretiens semi-directifs menés en 2017, 25couples témoignent de leur expérience partagée entre conjointset du nouvel équilibre à (re)trouver lorsque qu’il faut aider son conjoint ou se faire aider.Les questions générales sur l’aide et les aidants montrent que les individus consacrent la norme de solidarité à l’égard du conjoint et le recours légitime aux professionnels pour épargner les enfants. Pourtant, au sein des couples, le mode d’organisation quotidienne interne et externe détermine différentesconfigurations d’aides et d’entraide qui croisent la capacité de chaque conjoint, ou d’un seul, à aider l’autre avec l’appui (ou non) de professionnels. Le recours aux professionnels quel que soit leur champ d’intervention peut répondre à la dynamique des couples soucieux de préserver l’autonomie de chacun à l’intérieur, comme le non-recours peut traduire la volonté de préserver l’intimité du couple vis-à-vis de l’extérieur. Le genre joue un rôle majeur dans l’organisation et la négociation des aides qui ne se mettent pas en place de la même façon entre les hommes et les femmes.Aux premiers temps de la retraite, la vie à deux tend à renforcer la capacité à faire face aux besoins du couple (mutualiser les aides, entraide et réciprocité), avec le partage de certaines tâches assumées antérieurement plutôt par les femmes. Lorsque les problèmes de santé affectent l’homme, le rôle du soin, demeurant plus largement dévolu aux femmes, conduit à restreindre la disposition du couple à se faire aider par l’extérieur (conception traditionnelle de la vie en couple). Au contraire, lorsque la femme décline, les hommes intègrent mieux les aides extérieures pour les accompagner (professionnels, soutiens au conjoint aidant). Enfin, si les deux conjoints sont en situation de handicap ou si une entrée en établissement s’impose, le rôle des professionnelsest renforcé et celui du couple amoindri dans sa capacité de négociation et de décision (effacement du couple, place résiduelle pour le conjoint).Les effets duvieillissement différentiel transforment le lien conjugal, renforcent le rôle et la capacité du conjoint aidant à négocier seul l’acceptation ou non d’une aide extérieure. La prééminence des rapports de genre est avérée dans l’expression et la réponse au besoin d’aide parmi les facteurs qui déterminent les configurations d’aides et d’entraide conjugales. Lacontinuité des activités domestiques et de soinendosséespar lesfemmes aidant leur conjoint contribue d’une certaine façon à invisibiliser leur besoin d’être aidées pour continuer d’aider. En s’affranchissant d’une conception trop individualisée des offres de services (aide légale ou extra-légale) qui s’inscrivent dans une logique de compensation, la promotion d’une approche globale du ménage pourrait mieux répondre aux objectifs de prévention pour tous
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