Résumé :
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La vulnérabilité nous apparaît souvent comme un défaut, une carence. Elle désigne, de fait, l’implacable fragilité de notre humanité, son absolue passivité à l’égard de tout événement : le fait même de pouvoir être blessé (vulnus signifie la blessure). La vulnérabilité devient, étymologiquement, ce qui nous rend susceptibles intérieurement (corps et âme) d’être soumis à l’effraction du dehors, qu’il s’agisse de maladie, de handicap, de mort : passivité de la souffrance, à l’opposé de l’apologie de l’agir que nous renvoie sans cesse la société. La spontanéité de notre existence nous pousse à l’écarter, à la nier, ou, à défaut, l’oublier. Ce phénomène suscite tous les dénis, les amnésies, les rejets d’autrui, les ostracismes, les mises à l’écart de ce qui pourrait évoquer cette vulnérabilité, et la souffrance qu’elle implique. Elle constitue pourtant notre originelle condition humaine, tant au niveau ontologique (ce qui caractérise l’être humain), que psychologique (au sens très large du terme psyché), ou enfin éthique (dans notre relation à autrui). Et la souffrance la plus profonde pourrait alors venir non pas de notre vulnérabilité elle-même (bien qu’elle soit la condition de possibilité de cette souffrance), mais de cet inlassable refoulement hors du champ de notre conscience – oubli de l’être, déni de notre fragilité, réclusion d’autrui. La mise au ban de notre vulnérabilité pourrait constituer notre plus grande fragilité, d’autant plus sournoise qu’elle avance masquée, souvent parée de bonnes intentions. (R.A.)
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