Résumé :
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Soigner la surdité ne s'oppose pas, en principe, au fait de prendre soin du sujet sourd. Pourtant, l'histoire de la médecine montre que ces deux aspects se sont constitués dans des perspectives séparées, sinon opposées: une médecine de la surdité centrée sur la remédiation du déficit physiologique comme condition d'accès des sourds à la langue de la majorité entendante, et une médecine des sourds tentant de communiquer avec le patient, pour le soigner,à partir de ses propres compétences langagières. L'auteur interroge sur le milieu traducteur que ces perspectives mobilisent. Ceux qui considèrent que la surdité empêche le sourd de devenir un être de parole chercheront les moyens les plus précoces de la soigner. La relation thérapeutique requiert ici la présence d'une figure tierce qui opère comme médiatrice entre le monde médical et le sourd, ce dernier étant par définition en dehors du langage. Ceux qui placent le sourd au centre de la pratique médicale considèreront non seulement la "maladie" du sujet mais encore le sujet lui-même et le patient sourd comme un être parlant égal à tout autre: la surdité n'empêche pas le développement des compétences langagières propres à l'être humain. La tâche du développement de ces compétences linguistiques ne revient pas au médecin. Cette seconde perspective est celle des unités d'accueil et de soins des sourds. Depuis 1996, quinze unités de ce genre ont été créées en France. Leur philosophie, que cet article analyse, repose sur trois exigences: une exigence linguistique qui place la langue du patient au coeur des rapports soignants/patients; une exigence culturelle qui fait émerger de nouvelles formes de médiation pour mieux prendre soin du sourd, et une exigence collective de partage des savoirs et des savoir-faire qui commande la constitution des équipes soignantes. (RA)
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