Résumé :
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L'objectif de cette thèse est de proposer une approche sociologique d'un objet d'étude traditionnellement "psychologique" : les pratiques d'automutilation, définies comme des blessures auto-infligées intentionnelles, répétées, stigmatisées socialement et effectuées en vue de se soulager d'un mal-être - sans intentions consciemment suicidaires, sexuelles ou esthétiques. Le matériel d'enquête se compose essentiellement d'entretiens approfondis et répétés avec des adolescents et jeunes adultes, rencontrés à partir de forums Internet et d'établissements de santé mentale. Suite à l'exploration des questions méthodologiques inhérentes à ces terrains, l'analyse s'organise autour de deux axes. D'une part, il s'agit de fournir une description concrète de la manière dont se produit l'automutilation, à l'échelle des trajectoires de vie des individus concernés, de la trame quotidienne des auto-blessures ainsi que des modalités pratiques de l'acte. D'autre part, c'est la recherche des "conditions sociales" de l'automutilation qui fonde l'essentiel de l'analyse. Partant du constat que trois dimensions de la pratique contribuent particulièrement à son "efficacité" et à son "choix" relatif (la discrétion, la déviance et l'auto-agressivité), ces fils sont déroulés au cours d'études de cas individuels. Cette optique mène à une interprétation sociologique de l'automutilation au prisme des enjeux de positionnement social dans la famille des enquêtés, enjeux pesant aussi bien sur leur vie scolaire et leur sentiment d'appartenance sociale, que sur leur expérience corporelle et leur identité de genre. Cette thèse consiste donc en une réflexion sur les circonstances sociales qui rendent possibles le recours à l'automutilation. Elle aboutit à une interrogation quant aux enjeux sociaux d'une telle pratique analysée en tant que technique d'autocontrôle. (RA)
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