Résumé :
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Dans un article introductif, Frédéric Pierru revient sur l'idée de " marchandisation " de la santé, montrant que celle-ci est loin de se cantonner à la " privatisation ", c'est-à-dire au recul, pour l'instant modeste même s'il est bien réel, de l'assurance maladie " publique " au profit des organismes complémentaires. L'étude des réformes étrangères invite à complexifier le tableau : la recomposition néolibérale des États (de moins en moins ?) " sociaux " va plutôt de pair avec une dynamique de libéralisation, c'est-à-dire de promotion, par l'État et les caisses de sécurité sociale, du principe de concurrence dans un monde longtemps dominé et structuré par les valeurs du professionnalisme : monopole, autorégulation, autonomie. Il s'agit, par ce biais, d'acclimater des critères et des objectifs (exogènes) de " rationalisation " gestionnaire : maîtrise des coûts bien sûr, mais aussi coordination et évaluation (formalisée) de la qualité des soins, standardisation des prises en charge, etc. Le dossier explore, en trois temps, l'ensemble de ces facettes de la " réforme " Dans une première partie, les articles de Bernard Friot et Laurence Poinsart, de Daniel Benamouzig et de Élizabeth Labaye reviennent sur l'enjeu central de la réforme de l'assurance maladie : la redéfinition, dans un sens toujours plus restrictif, de son " périmètre ". Dans un deuxième temps, le dossier explore la face moins connue du néolibéralisme en santé. Les articles des deux économistes hétérodoxes Philippe Batifoulier et Jean-Paul Domin s'intéressent de près à la façon dont l'État s'échine à construire de toutes pièces un " marché de la santé ". Ils tirent ici toutes les implications des travaux de sociologie économique (le marché walrasien, où la concurrence serait pure et parfaite, est une fiction) et de la spécificité de la rationalité politique néolibérale (qui voit dans le marché une institution sociale et politique comme une autre). Enfin, troisième et dernier temps, les articles de François Buton et de Claude Thiaudière décentrent utilement le regard en s'intéressant moins au cur de la réforme qu'à ses marges. François Buton souligne ainsi que le " renouveau " de la santé publique française, qui a démarré à la fin des années 1980, ne saurait être en aucune façon considéré comme le contrepoids à la privatisation larvée de l'assurance maladie. (Extraits R.A.)
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