Résumé :
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Le corps de la médecine et le corps tel qu'il est vécu par le sujet lui-même répondent à deux modes d'appréhension différents, voire deux logiques parfois incompatibles. Le premier relève d'un processus constant d'objectivation, lié à la croissance exceptionnelle des connaissances et des techniques médicales ; le second témoigne d'une subjectivation toujours à l'uvre dans l'expérience vécue du malade, mettant au premier plan les notions de corps propre et d'intersubjectivité. Malgré l'amélioration indéniable du pronostic de certaines maladies graves, cette objectivation n'est pas sans effet sur la subjectivité des malades, ainsi que sur celle des médecins, et donc sur l'intersubjectivité inhérente à la relation thérapeutique. Cette mécanisation du vivant est contemporaine de l'avènement de la science, marquée par la philosophie de Descartes et par les premières dissections anatomiques de Vésale, consacrant ainsi une véritable rupture épidémiologique en séparant l'homme de son corps. Cette coupure entre le corps anatomique de la médecine et le corps vécu du malade entraîne, selon nous, un remaniement profond de la relation médecin-malade, dont la désubjectivation de part et d'autre n'est pas le moindre des risques. Redonner toute sa place à cette subjectivité, voire à une certaine subjectivation au sein même de la maladie, paraît dès lors un enjeu décisif d'une psychologie clinique de la santé qui, sans méconnaître l'apport de la science médicale, n'oublie pas pour autant sa préoccupation constante pour le sujet malade.
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