Résumé :
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En l'espace de vingt ans, en France, le taux de crémation a été multiplié par vingt. La relative libéralisation du discours de l'Eglise catholique et le développement des infrastructures nécessaires à la crémation ont joué un rôle dans la progression de cette pratique ainsi que l'évolution de notre regard sur la mort. Le fait que l'on meurt aujourd'hui très majoritairement à l'hôpital, l'anonymat des villes ainsi que l'éclatement géographique des familles ont conduit à des obsèques plus privées, loin de la dimension sociale qui existait auparavant. Autres facteurs jouant en faveur de la crémation : la perte du caractère sacré du corps ainsi que les désirs de pureté et de liberté. La crémation apparaît aussi comme une solution face à l'idée de surpeuplement et aux problèmes d'entretien des sépultures. Le moindre coût d'une crémation est également un argument de choix. Cependant, au regard des traditions ancestrales, cette nouvelle pratique peut poser de lourds problèmes aux familles mal préparées et devenir un moment traumatisant. La remise des cendres n'est jamais bien vécue et la disparition "corps et biens" du défunt qui devient alors un véritable fantôme peut empêcher le travail de deuil et perturber psychologiquement les proches. Plus généralement, la progression de cette pratique fait s'interroger sur cette tendance à la privatisation de la mort, c'est-à-dire à une captation de celle-ci dans la sphère intime au détriment de la sphère sociale, et sur ses éventuelles conséquences pour notre société.
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