Résumé :
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[BDSP. Notice produite par ORSIF R0xi2nC1. Diffusion soumise à autorisation]. La question de l'insertion professionnelle en milieu ordinaire est généralement abordée en amont du marché du travail. Les efforts envisagés dans ce cadre, portent sur la formation des personnes handicapées afin qu'elles disposent des compétences requises, à un moment donné, par les entreprises. Il peut s'agir de formation initiale (adapter le système d'enseignement aux besoins des enfants et des jeunes sourds et aveugles, par exemple) ou de formation de reconversion, pour les travailleurs devenant "tardivement" déficients. Une autre série de mesures concerne le marché du travail proprement dit. Elles se centrent, soit sur l'embauche (faire mieux connaître aux employeurs le handicap, travailler le projet professionnel des salariés déficients, etc.), soit sur l'adaptation des postes dans les entreprises et les organisations, en particulier, à la suite d'une dégradation des capacités physiques d'un employé. Ces adaptations peuvent être réalisées grâce aux conseils d'associations spécialisées dans l'ergonomie des postes de travail. En effet, les efforts d'adaptation du poste et de formation considèrent qu'il s'agit d'une affaire individuelle : l'adaptation va compenser la déficience du travailleur concerné. Or, cette manière de concevoir l'insertion fait l'impasse sur la nécessité d'adapter, simultanément, l'environnement organisationnel aux spécificités des travailleurs concernés (relations avec les collègues, les autres services, les partenaires ; prise en compte de cette catégorie de salariés dans les décisions successives prises par les directions). C'est, notamment, ce que l'on peut déduire de la lecture des rares travaux publiés portant sur l'insertion des travailleurs sourds et non-voyants en milieu ordinaire (Gendron, 2000 ; Chauvet, 1996 ; Griffon, 1997) 2. Pourtant, s'ils sont effectivement embauchés et employés, il faut reconnaître que la réalité des situations de handicap en milieu de travail est bien mal connue : quelles connaissances possèdent leurs collègues et leur hiérarchie à leur endroit ? Comment interagissent-ils et communiquent-ils, au quotidien ? On peut également s'interroger sur leur devenir, au fur et à mesure des mutations internes, des restructurations, des changements de dispositifs techniques, des mobilités fonctionnelles et géographiques. Sont-ils pris en compte dans ces procédures et, si oui, comment ? Le présent article fournit plusieurs réponses à ces différentes interrogations, en se basant sur une étude qualitative concernant une grande entreprise de services. Après avoir décrit les choix méthodologiques et théoriques de cette étude, est présentée la dynamique des situations vécues par des télé-opérateurs non-voyants et des chercheurs sourds (ingénieurs et techniciens) : caractéristiques communes, notions de représentations, compétences collectives et de dépendance.
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