Résumé :
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Un des événements mondiaux majeurs du début du XXIe siècle fut la survenue d'une épidémie due à un agent pathogène alors inconnu, celui de syndrome respiratoire aigu sévère. L'analyse de l'émergence et de la diffusion de celui qui demeura le dernier virus délétère identifié avant les craintes de la grippe aviaire, souligne à la fois la spécificité de la grave pneumopathie et les caractères communs aux épidémies ayant régulièrement jalonné l'histoire de l'humanité. Durant les derniers mois de l'année 2002, un virus agressif, hébergé secrètement par son "réservoir naturel", probablement la civette, le quitta pour se montrer sur la scène de l'infectiologie mondiale. Il trouva un nouveau terreau : l'homme chez qui il put exprimer les effets calamiteux que nous connaissons ! La chronique de cette épidémie, comme les comptes rendus de celles qui accompagnèrent les péripéties de l'histoire de l'humanité, soulignent un élément essentiel : la responsabilité de l'homme dans la diffusion des agents infectieux. En d'autres termes, l'épidémie, c'est l'homme. La diffusion de la pneumopathie apparue en Chine a reproduit, avec ses caractères propres, les aspects communs, microbiens et humains des épidémies déjà connues. En effet, qu'il s'agisse de la pandémie de peste noire du XIVe siècle, de l'épouvantable hécatombe amérindienne ayant suivi l'invasion espagnole ; qu'il s'agisse des accès varioleux maintenant arrêtés, où de la malaria et du choléra qui continuent de sévir ; que nous regardions, plus proches de nous, les apparitions d'Ebola, de Lassa, du sida, ou plus simplement de la maladie des légionnaires, de celle de Lyme ou de la nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, l'homme est en cause dans ce qui est à proprement parler l'épidémie, c'est-à-dire la diffusion "sur le peuple" d'un agent pathogène. Certes les manifestations des épidémies dépendent du microbe en cause, des époques où elles frappent, des groupes humains affectés ; néanmoins, elles mettent régulièrement à nu les travers de la nature humaine et partant les vicissitudes des sociétés des hommes. Avec les épidémies ressurgissent non seulement les effets démographiques mais aussi les dénis, peurs, dysfonctionnements sociaux de diverses natures, les remises en cause des références morales et religieuses coutumières. Par conséquent les épidémies peuvent ébranler l'organisation sociale, modifier le cours de l'Histoire. A ces phénomènes, il convient d'associer les relations biologiques s'établissant entre les microbes et leurs victimes. Les uns et les autres utilisent les outils façonnés à partir de leurs gènes pour réduire les défenses de l'adversaire. L'homme possède la particularité de pouvoir s'immuniser naturellement et/ou en ayant recours aux biotechnologies ; l'ensemble composant à terme l'immunité des populations humaines. Il convient en effet de comprendre que les microbes sont des éléments consubstantiels de l'écologie humaine. Entre eux et nous le dialogue est permanent. L'évolution des micro-organismes qui composent notre environnement est de nos jours gouvernée conjointement par la nécessité pour eux de s'adapter à nos défenses naturelles mais aussi aux parades, de nature biotechnologiques, qui sont les produits de notre culture. Ainsi les recensions des diverses épidémies sont celles de mésaventures profondément humaines et présentant bien des analogies ; elles ne doivent toutefois pas nous porter au désespoir. L'homme qui néglige régulièrement la notion du "principe de responsabilité" dû à Hans Jonas est également capable de réagir, inventant les moyens de prévention (surveillance), de protection (vaccins) et de défense (antibiotiques, etc.) permettant de circonvenir, ceux-là mêmes dont il a contribué à la diffusion.
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