Résumé :
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Les phénomènes de crises alimentaires et la chute des consommations qui les accompagne sont fréquemment décrits, en particulier dans les médias, comme des manifestations "d'irrationalité" (peur, panique, "psychose"), sans rapport avec le risque "réel" évalué selon des critères probabilistes. Des travaux empiriques menés à l'occasion de la deuxième crise de la "vache folle" (2000-2001) montrent que les citoyens-consommateurs ne se bornent pas à évaluer les risques : dégoût, jugement moral, indignation, réprobation les conduisent parfois à la contestation de l'ordre socio-économique contemporain. Les données recueillies à l'occasion de quatre "focus groups" et d'une enquête approfondie par questionnaire téléphonique sur échantillon national représentatif en janvier 2001, soit "à chaud" pendant la deuxième crise dite de la vache folle, montrent que les personnes interrogées justifient souvent leur abstention de consommation par une protestation ou une révolte, présentée éventuellement comme un véritable boycott. De novembre 2000 au printemps 2001, les interviewés manifestent une grande véhémence contre l'utilisation des farines animales ou le fait qu'on ait "transformé des herbivores en carnivores". Mais quelques mois plus tard, les participants à des "focus groups" semblent avoir "oublié" pourquoi ils ont un temps boycotté le boeuf. Ils restituent à leur tour un discours de "psychose collective" rebrassant et agrégeant les images de cette crise et celles d'autres crises (fièvre aphteuse). La mémoire individuelle a fait place à la mémoire collective.
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