Résumé :
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Au cours des années quatre-vingt-dix, est apparu en France un nouveau critère d'obtention de titre de séjour pour les étrangers, reposant sur l'existence d'une affection grave dont le traitement ne peut pas être convenablement assuré dans le pays d'origine. Institué au nom "raison humanitaire", ce critère a fait du corps malade ou souffrant une ressource inédite de légitimation pour les immigrés, notamment lorsqu'ils sont en situation irrégulière. La rapide augmentation des sollicitations pour ce titre de séjour a contraint le législateur et les institutions à formaliser un dispositif, qualifié ici de protocole compassionnel, dans lequel sont mises en oeuvre les expertises de cliniciens sollicités et de médecins inspecteurs afin de déterminer si l'état de santé du requérant justifie la régularisation. L'analyse du fonctionnement de ce dispositif révèle les principes de justice qui sous-tendent les avis experts et les épreuves de vérité auxquelles sont soumis les étrangers demandeurs. Elle montre les ressorts d'une économie morale qui inverse les fondements de la légitimité du corps de l'immigré.
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