2021/06/18 - Les causes de décès aux grands âges en France, évolution récente
Les causes de décès aux grands âges en France, évolution récente
Source UC Louvain, Revue Quetelet, publié en 2020, Vol. 8, n°1
Résumé
Pendant longtemps il a été jugé vain de s’intéresser aux causes de décès aux grands âges, tant il semblait difficile de poser un diagnostic fiable sur les événements ayant concouru à la mort d’un individu dont l’âge lui‐même rendait la fin inévitable. Un âge que d’ailleurs fort peu de privilégiés pouvaient atteindre. Le flou des causes déclarées se dissipait alors dans le puits sans fond d’un vaste groupe d’âges terminal de85 ans et plus, voire 80 ans et plus ! À une époque où l’espérance de vie dépasse 80ans, et même 85 ans pour les femmes, cette posture n’est plus tenable. Si l’on veut connaitre et comprendre les ressorts du progrès à venir de la longévité humaine, il faut briser le tabou de la qualité des données et s’efforcer d’apprendre de quoi l’on meurt aux plus grands âges. Grâce aux données aujourd’hui très détaillées fournies par l’INSERM, il a été possible d’étudier le poids des différentes causes de décès dans l’évolution de l’espérance de vie à 90 ans de 1979 à 2017. Cette étude révèle, entre autres,trois aspects importants de la mortalité des personnes très âgées. Le premier, en apparence anecdotique, les effets de la canicule de 2003, livre un enseignement plus général que ce que l’on peut dire des conséquences directes de cette vague de chaleur. Celle‐ci a en effet révélé qu’une plus grande attention au quotidien des personnes très âgées pouvait améliorer sensiblement leur survie en réduisant certaines causes de décès qui ne sont pas forcément celles qu’elle avait le plus amplifiées («démences et maladies neurodégénératives», «maladies du cœur»),puisqu’en 2004 on a observé un recul important des «maladies infectieuses et respiratoires», des «autres maladies de l’appareil circulatoire», des «autres maladies» des«morts violentes» et de la «sénilité», beaucoup moins affectées en négatif par la canicule.
Le second, plus général, fait la lumière sur les groupes de causes de décès dont le recul a fait progresser l’espérance de vie à 90 ans au cours des 35 dernières années.Le rôle principal a été joué par le succès spectaculaire de la lutte contre les maladies cérébrovasculaires. Mais le recul des «maladies du cœur» ainsi que celui des «ma‐ladies infectieuses et respiratoires» y ont aussi beaucoup contribué. Quant au retournement de la mortalité par «tumeurs» chez les hommes, il explique celui de la surmortalité masculine elle‐même.À l’inverse, la montée du groupe des démences et autres maladies neurodégénératives est réelle même si elle doit être interprétée avec prudence en raison des confusions entre ce groupe et la «sénilité» qui, encore forte dans les années 1980 a beaucoup diminué, biaisant un peules tendances observées. Le troisième n’est pas le moindre : la qualité des données a beaucoup progressé. Pour preuve, la «sénilité», longtemps utilisée comme fourre‐tout de causes mal diagnostiquées, a régressé au point qu’elle pourrait fort bien aujourd’hui devenir une vraie «cause initiale» reflétant une situation où l’usure générale de l’organisme crée une fragilité indépendante de telle ou telle cause particulière.