2021/03/10 - Avis du COMETS : « Science, risques et principe de précaution »
RÉSUMÉ – La science a considérablement amélioré la condition de l’humanité. Elle a contribué à l’accroissement du bien-être mondial. Elle a aidé à relever les grands défis lancés aux sociétés humaines. Et, il y a tout lieu d’espérer qu’elle continuera à le faire. Pourtant certaines des applications de la recherche induisent des risques graves et irréversibles tant pour les individus que pour la planète et, par conséquent, pour l’environnement dans lequel seront amenées à vivre les générations futures.
Heureusement, les avancées de la recherche contribuent également à identifier et anticiper ces risques et à nous en prémunir. Le principe de précaution vise alors à tirer parti de ces résultats scientifiques pour prendre des mesures conservatoires, sans attendre que l’on soit en mesure de quantifier avec précision l’ampleur des périls qui nous guettent. On se trouve alors dans une tension entre le progrès de la connaissance, les développements technologiques qu’ils induisent et la conscience des risques qu’ils génèrent.
Le principe de précaution est issu de la Charte de l’environnement de 2004, inscrite en 2005 dans la Constitution française. Son application s’est étendue progressivement du domaine de l’environnement à celui de la santé. Ses origines historiques et philosophiques se trouvent dans les concepts de prudence, puis de prévention et enfin de précaution. Toutefois, si la prévention porte sur des risques avérés, le principe de précaution se rapporte, quant à lui, à des risques contrefactuels, non encore prouvés par des faits d’observation mais cependant prévisibles.
L’estimation du risque s’appuie sur les résultats du travail d’experts-chercheurs consultés par les pouvoirs publics avant de prendre une décision. Compte tenu de la marge d’incertitude propre à la recherche scientifique, de la complexité des problèmes traités et de l’importance des enjeux humains, sociaux et économiques, ces experts se doivent d’avoir une approche multidisciplinaire, de procéder en toute transparence, d’éviter les conflits d’intérêts avec les groupes industriels impliqués et, de façon générale, de respecter les règles de l’intégrité scientifique. Par ailleurs, ces chercheuses et ces chercheurs doivent être attentifs aux réactions de leurs concitoyens, qui peuvent parfois éprouver des difficultés à appréhender la réalité des risques potentiels de certaines technologies, et faire un appel excessif au principe de précaution. D’un autre côté certains citoyens peuvent au contraire être les découvreurs avisés de dangers réels non encore identifiés et doivent être entendus.
Nous souhaitons ici appréhender, avec discernement, la responsabilité morale des chercheurs eux-mêmes quant aux risques occasionnés par les applications de leurs travaux. Sans doute est-il parfois difficile d’apprécier les conséquences de certaines recherches novatrices, par exemple dans le domaine de la génétique, du numérique ou de l’intelligence artificielle. En effet, celles-ci comportent souvent des risques encore peu explorés, tant pour nos vies personnelles que pour l’évolution de la société dans son ensemble. Il importe alors de tenir compte tant des aspects scientifiques du principe de précaution que des problèmes éthiques que peut poser son application, qu’ils soient sociétaux, économiques ou politiques.
Enfin, sur le plan juridique, le principe de précaution interroge la responsabilité indirecte des scientifiques lorsque les magistrats requièrent leur expertise. Le statut juridique de la preuve scientifique, en présence d’incertitude ou de débat, devrait alors susciter des réflexions approfondies, auxquelles les scientifiques devraient être plus étroitement associés qu’ils ne le sont aujourd’hui. Le COMETS y voit une occasion de rapprochement entre les chercheuses et les chercheurs d’un côté, les acteurs de la justice de l’autre.
Des recommandations sont présentées, d’une part aux établissements de recherche, d’autre part à leurs personnels