Résumé :
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La déclaration obligatoire R-Nano fait état chaque année de 300 000 à 400 000 tonnes de nanomatériaux manufacturés (NM) déployées sur le territoire national et susceptibles d'exposer un nombre important de travailleurs, à ce jour non déterminé, sur les sites de production et/ou d'utilisation de NM. En effet, depuis plus d'une vingtaine d'années, ces substances sont utilisées dans divers secteurs et ce en raison des propriétés physico-chimiques particulières voire innovantes qui leur sont conférées par l'échelle nanométrique. Cependant, ces mêmes caractéristiques conditionnent également leur comportement dans l'organisme et soulèvent des inquiétudes concernant les risques que ces substances pourraient potentiellement présenter pour la santé humaine, notamment celle des travailleurs qui peuvent être exposés à des quantités importantes. En raison de suspicions soulevées par la littérature scientifique, dans le cadre de ses missions de veille et d'alerte telles que définies dans le Code de la santé publique, Santé publique France a été saisie en 2007 par la Direction générale de la Santé (DGS) et la Direction générale du Travail (DGT) pour concevoir et mettre en place un système national de surveillance épidémiologique, dédié aux travailleurs potentiellement exposés aux NM. À la suite d'une étude de faisabilité réalisée en 2010, il a été proposé de mettre en place une étude de cohorte prospective ciblant les travailleurs exposés sur les sites de production et/ou d'utilisation de quatre familles de nanomatériaux (dioxyde de titane, dioxyde de silice, noir de carbone et nanotubes de carbone). Cette étude vise à assurer le suivi d'éventuels effets sur la santé liés à une exposition professionnelle à ces nanomatériaux, en accordant une priorité particulière à la surveillance des effets respiratoires et cardiovasculaires, tout en adoptant une approche généraliste. En effet, compte tenu des incertitudes, la méthode proposée se voulait être pragmatique et évolutive. Ce protocole a rencontré l'aval de la DGS et de la DGT. Il est entré en phase concrète de réalisation sous le nom " Dispositif EpiNano " en janvier 2014. Néanmoins, dès le début de sa mise en place en 2014, le dispositif EpiNano a été confronté à des difficultés de déploiement, et ce malgré des évolutions apportées à l'issue de la Phase 1 (2014-2016), d'abord par la révision de la stratégie de communication et d'allègement des questionnaires en 2017 (Phase 2), puis par la déclinaison d'une démarche systématique de sollicitation des établissements cibles, mise en œuvre lors d'une enquête pilote réalisée en 2021-2022 auprès d'une cinquantaine d'établissements et faisant intervenir un institut prestataire de services de sondage. Au total, après dix ans, seuls 26 établissements privés recensant 630 travailleurs ont été inclus. Les quelques données collectées ont été exploitées à des fins descriptives. Toutefois, il est à noter que, compte tenu des limites (biais de sélection/participation, classement des postes, faibles effectifs, effet centre, proportions non négligeables de données manquantes…), ces résultats ne peuvent en aucun cas être extrapolés à la population entière des établissements et travailleurs concernés par les expositions aux NM. Les résultats tendent à traduire des intensités d'exposition non négligeables ainsi qu'une partielle méconnaissance des travailleurs sur leur potentielle exposition aux NM, notamment quant à son intensité. In fine, l'expérience de terrain a montré, quelle que soit la phase de recrutement (Phase 1 ou 2 ou enquête pilote), des difficultés au niveau du processus de recrutement des établissements et de recueil de données, du fait notamment de l'absence d'outils réglementaires incitatifs ou contraignants nécessaires pour un dispositif national de surveillance épidémiologique, mais également de la lourdeur de la logistique d'une telle étude et de la complexité du recueil de données. En conséquence, ces éléments conduisent Santé publique France à mettre un terme au dispositif EpiNano en l'état car la méthodologie ne permet pas d'atteindre les objectifs de surveillance épidémiologique, principalement en raison d'une faisabilité compromise pour les raisons mentionnées ci-dessus.
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