Titre : | Rapport d'information sur la définition pénale du viol : fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes |
Auteurs : | Véronique Riotton, rapp. ; Marie-Charlotte Garin, rapp. |
Type de document : | Rapport |
Editeur : | Paris [FRA] : Assemblée Nationale, 2025/01 |
Collection : | Rapport d'information de l'Assemblée Nationale , num. 792 |
Description : | 155p. / ann., fig., graph. |
Langues: | Français |
Mots-clés : | Viol ; Définition ; Consentement ; Droit pénal ; Stéréotype ; Femme ; Homme ; France |
Résumé : |
Pour une vraie culture du consentement, réformer la définition pénale du viol. Pourquoi la question de la redéfinition pénale du viol se pose-t-elle ?
1. Malgré des avancées, la criminalité sexuelle ne recule pas et un climat d’impunité perdure. Toutes les 2 minutes, une personne est victime de violences sexuelles. Pourtant, huit victimes sur dix, hors cadre familial, ne portent pas plainte. Pourquoi autant de victimes renoncent-elles à porter plainte ? Parce qu’elles pensent que ce n’était pas assez grave (24 %), que ça n’aurait servi à rien (24 %), que leur témoignage ne sera pas pris au sérieux par les forces de l’ordre (16 %) ou qu’elles veulent éviter que cela ne se sache (10 %). Sur le peu de victimes qui portent plainte, le ministère de la Justice comptabilisait 73 % de classements sans suite en matière de violences sexuelles en 2018, bien que l’auteur soit souvent identifié. C’est parce que les auteurs ne sont pas massivement condamnés que le climat d’impunité perdure (1 206 condamnations pour viol en 2022). 2. Le silence de la loi sur le consentement. Bien que la question de l’existence ou non du consentement soit omniprésente tout au long de la procédure judiciaire, il reste absent de la définition du viol dans le code pénal. La jurisprudence s’est développée pour s’adapter aux évolutions de la société, mais le traitement judiciaire demeure parfois aléatoire, notamment pour les cas de sidération, de contrôle coercitif ou d’exploitation de situations de vulnérabilité, qui ne sont pas explicitement couverts par la loi. Faute de définition claire, le consentement est souvent instrumentalisé par les agresseurs ("Je ne pouvais pas savoir", "Elle n’a rien dit"), ce qui alimente les stéréotypes sur le viol, complique les dépôts de plainte et engendre de nombreux classements sans suite, au détriment des victimes. 3. La lutte contre la culture du viol nécessite une loi plus claire et plus lisible. Près de 10 ans après la naissance du mouvement #Metoo et comme l’a à nouveau illustré le procès dit « de Mazan », la lutte contre la culture du viol doit être une priorité. Or, le droit en vigueur contribue au maintien de préjugés sociétaux sur ce qu’est une « bonne » victime (qui résiste, se débat, est « exemplaire » dans son comportement), un « vrai » viol (avec violence et contrainte, par un individu monstrueux et/ou étranger) mais nourrit aussi des idées reçues sur une prétendue « présomption de consentement » ou « disponibilité sexuelle » des victimes (« il y a viol et viol » ; « qui ne dit mot consent »). Le droit devrait énoncer plus clairement la différence entre sexualité et violence et réaffirmer que le viol n’est pas une relation sexuelle – c’est un acte de violence et de domination. Ce changement est un levier pour une société plus égalitaire et une culture commune basée sur le respect mutuel. 4. Le respect de nos engagements internationaux. Notre droit doit s’aligner avec nos engagements internationaux et notre diplomatie féministe. La Convention d’Istanbul, ratifiée par la France, fait clairement référence à l’absence de consentement, examinée à la lumière des circonstances environnantes, dans la définition du viol. Dans son rapport dévaluation de 2019, le GREVIO, organe chargé du suivi de la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul, a souligné qu’en France, « la définition juridique des infractions sexuelles n’est pas fondée de manière explicite sur le consentement libre et non équivoque de la victime ». Par ailleurs, un nombre croissant de pays de l’Union européenne ont intégré la notion de consentement dans la définition du viol, avec pour certains des résultats probants sur le nombre de condamnations, la protection des victimes et la lutte contre les stéréotypes. Une étape dans la lutte contre les violences sexuelles. La modification de la loi ne suffira pas, à elle seule, à répondre à l’ensemble des difficultés rencontrées par les victimes de violences sexuelles, qui sont multi-factorielles. Mais elle peut être une pierre à l’édifice, un jalon dans le changement de paradigme attendu par les associations féministes, les professionnels, et une grande partie de l’opinion publique. Cette réforme doit, pour porter ses fruits, s’accompagner de moyens renforcés pour l’ensemble de la chaîne judiciaire et d’une lutte résolue contre la culture du viol – l’accès effectif sur l’ensemble du territoire à l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) y joue un rôle essentiel. Elle doit permettre au droit pénal de mieux remplir ses fonctions répressive, protectrice et expressive. • Mieux prévenir : La loi a un rôle central. Elle exprime les valeurs de notre société et envoie un message clair sur ce qui est réprimable ou non. Clarifier la loi permet de mieux prévenir les violences sexistes et sexuelles, en levant toute ambiguïté : aucune personne initiant un contact sexuel ne doit être dispensée de s’assurer du consentement libre et éclairé de l’autre. • Mieux reconnaître : Une meilleure prise en compte du consentement permettrait de mieux apprécier les vulnérabilités des victimes et les stratégies mises en place par les auteurs pour vicier leur consentement. Cela permettrait également d’éviter de faire du comportement actuel ou passé de la victime le cœur de l’enquête et de mieux prendre en compte les cas de sidération, coercition et d’emprise. Ce changement doit être soutenu par une formation approfondie des enquêteurs, magistrats et professionnels de santé sur les spécificités des violences sexistes et sexuelles pour les auteurs comme pour les victimes, avec l’instauration de protocoles adaptés tout au long de la procédure. • Mieux réprimer : L’enquête doit systématiquement porter sur les indices permettant d’évaluer si et par quelles mesures raisonnables le mis en cause a cherché à recueillir le consentement. En inscrivant clairement cette exigence dans la loi, on donne aux juges un outil supplémentaire pour poursuivre davantage de mis en cause. Ainsi, les stratégies mises en place par les agresseurs seraient mieux prises en compte pour les sanctionner. Les grandes orientations de la réforme. 1/ Introduire la notion de non-consentement dans la définition pénale du viol. La mission propose d’intégrer la notion de non-consentement dans la définition pénale du viol et des agressions sexuelles. L’absence de consentement doit permettre de distinguer la sexualité de la violence. La nouvelle définition doit préciser que le consentement est spécifique, doit être donné librement et peut être retiré à tout moment. 2/ Conserver les quatre critères de la définition actuelle. C’est-à-dire la référence au recours à la violence, à la menace, à la contrainte et à la surprise, afin de conserver l’acquis jurisprudentiel. Il ne s’agit pas de les affaiblir, mais de les consolider. 3/ Apprécier l’absence de consentement au regard des circonstances environnantes. Par cette référence, il s’agit d’éviter que l’investigation ne soit centrée uniquement sur la plaignante ou que la notion de consentement ne se retourne contre elle (victimes vulnérables, stratégies de certains agresseurs). Cela conduit les enquêteurs, les juges, à interroger davantage les agissements de la personne mise en cause et à apprécier la validité du consentement à l’aune des vulnérabilités éventuelles de la victime. 4/ Préciser les cas où le consentement ne saurait être déduit. Il est proposé de préciser que le consentement ne peut être déduit dans des situations où la victime est dans l’incapacité d’exprimer son refus. Les situations dans lesquelles la vulnérabilité de la victime est exploitée doivent également être mieux prises en compte. |
En ligne : | https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/ega/l17b0792_rapport-information |
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