Résumé :
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La question woke est piégée. Sitôt qu'on l'évoque, autour d'un apéritif entre amis ou lors d'un repas de famille, des controverses s'enclenchent. Si les avis qui s'expriment sont tranchés, il n'est pourtant pas sûr que qu'on sache de quoi on parle. Comme souvent, bien des malentendus naissent d'une absence de définition des termes du débat. Le terme woke vient des Etats-Unis, il appartient à l'argot (le terme classique serait awoken) et signifie "éveillé". Etre woke, c'est d'abord prendre conscience, lorsqu'on subit une injustice, qu'on la subit en tant que Noir, qu'Afro-Américain, à cause d'un système de discrimination raciale, et donc que ce n'est pas soi-même ou un comportement individuel qui est en jeu, mais un fonctionnement social plus large. En France, le mot a surgi dans le débat public vers 2020. Ici, personne ne s'autoproclame woke, mais certaines féministes, certains tenant des études postcoloniales sont qualifiés de woke par leurs adversaires. Nous ne connaissons donc ici que l'usage péjoratif de ce mot. Par un étrange retournement, cette idée d'"éveil" serait-elle en train de se muer en une nouvelle forme de l'autocensure ?
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