Résumé :
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L’étude mixte menée par Epicentre entre décembre 2020 et mars 2021, une des premières de ce type en Europe a consisté à croiser l’analyse quantitative de l’épidémie et les récits des soignants, résidents et familles à propos de la crise COVID dans les Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD) appuyés par Médecins Sans Frontières (MSF) en Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) et Occitanie. L’analyse quantitative a porté sur les données structurelles de 22 EHPAD des régions PACA et Occitanie et sur les données de listes linéaires COVID reconstituées pour 14 de ces EHPAD. Parmi ceux-ci, 4 EHPAD ont fait l’objet d’une enquête qualitative approfondie. Trois scénarios épidémiques ont été constatés et démontrés par notre étude : certains EHPAD ont pu contrôler leur épidémie rapidement tandis que la majorité a connu des épidémies explosives ou progressives. Les facteurs favorisant la transmission des cas dans les EHPAD semblent être la taille des établissements (les grandes structures ont été plus touchées), un taux d’attaque élevé parmi le personnel soignant et, dans une moindre mesure, un délai tardif d’intervention de MSF, et donc une mise en place tardive des masques FFP2 pour toutes les activités du personnel. Les facteurs aggravant la létalité due à la COVID-19 chez les résidents semblent être le fait d’être un homme, avec des comorbidités (syndrome de glissement et/ou pathologies associées), un taux d’attaque élevé au sein du personnel, l’absence d’un médecin coordonnateur à temps plein et encore une fois, une intervention trop tardive de MSF. L’étude qualitative, agrémentée par les analyses quantitatives, a permis de relever 5 enseignements pouvant s’avérer autant d’axes prioritaires de plaidoyer : 1) L’isolement structurel des EHPAD existant avant la crise et de fait aggravé par celle-ci : l’isolement médical, les conditions de travail souvent précaires des soignants, le sous-effectif chronique ou encore une politique de gestion oubliant trop souvent l’humain; 2) Les paradoxes inhérents à la gestion sanitaire de la crise: le sanitaire avant et au-dessus de tout, les injonctions sans concertation, souvent inadaptées et parfois contournées, l’appui bienvenu d’un acteur non-gouvernemental comme MSF; 3) Les dérives du confinement: l’impact traumatisant de la première vague, l’enfermement pour mieux guérir, la fatalité des résidents devant la réalité de la maladie, le courage des équipes pour contourner des directives parfois dénuées de sens; 4) La mortalité en EHPAD: l’éviter à tout prix, à quel prix? 5) Et maintenant?L’épidémie et la crise se termineront bien un jour (grâce à la vaccination notamment), quelles en seront les conséquences à long terme pour le personnel et les résidents? Ces enseignements valent d’ailleurs autant pour MSF à l’avenir que pour tous les acteurs du secteur du Grand Age et de la prise en charge de la fin de vie, en temps de crise comme en temps ‘normal’.
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