Résumé :
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L’histoire de l’implant cochléaire depuis les années 1970 est caractérisée par la présence d’une controverse scientifique, éthique, politique et anthropologique. Combinant développements récents de la sociologie du droit et études socio-historiques sur les mobilisations collectives des sourds, nous proposons d’analyser la manière dont les sourds français se sont collectivement saisis de l’outil juridique pour défendre leurs revendications dans le champ de la santé et de la médecine en général, et contre l’implant cochléaire en particulier. Pour cela, nous étudierons les deux associations de sourds qui portèrent les mobilisations autour de l’implant cochléaire en France – les Sourds en Colère (1993-1997) et l’Association de Défense des Personnes Implantées Cochléaires (ADPIC, depuis 2007) – en montrant, d’une part, l’évolution de la nature et la composition de ces associations, et d’autre part, le changement dans le recours qu’elles font du droit; nous verrons que ces transformations vont de pair avec certaines qualifications de la surdité et de l’implant cochléaire. Si, dans les années 1990, l’association des Sourds en Colère mobilise le droit de la santé publique dans sa lutte contre l’implant cochléaire qualifié comme une expérimentation médicale, l’ADPIC qui, dans un nouveau contexte médical, juridique et militant se définit dix ans plus tard comme une association de victimes réclamant réparation, évolue vers le domaine des droits humains et présente l’implantation comme une violation de l’intégrité physique de la personne sourde. Ces différentes qualifications constituent, plus profondément, autant de manières d’interroger la définition de la surdité, le handicap et l’acte médical réadaptatif. (R. A.)
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