Résumé :
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Dans l’ancienne donne, dont nos jeunes lecteurs n’ont peut-être pas idée, l’ordinaire était qu’un homme offrait à une femme « un p’tit coin de parapluie contre un coin d’paradis » (Brassens, 1952). Un abri qui n’était pas seulement matériel mais aussi symbolique : passant du nom de son père à celui de son époux, une femme trouvait place dans l’ordre phallique, par délégation, tout en assurant le lien à l’Autre, religieux le plus souvent, mais plus largement spirituel, voire esthétique. Si certaines femmes semblaient y trouver leur compte dans un échange bien tempéré – lui, assurant une présence virile dans le public, elle, ayant la main sur la gestion du foyer –, pour d’autres, cette forme d’échange a pu être dénoncée comme un assujettissement inacceptable, dès le XIXe siècle, individuellement par les hystériques qui protestaient par leurs symptômes contre cette « norme mâle » ou collectivement par les féministes revendiquant le droit de vote, puis aux études, au métier, puis à la contraception et à l’avortement… La satisfaction, au moins partielle, de ces revendications explique sans doute l’accalmie des années 1980-1990. Or, voici que la « guerre » féministe a repris au début de ce siècle avec la dénonciation des pères, puis, celle plus générale des hommes de pouvoir avec la campagne « #Me Too ». Dans le même temps, la mise en question des stéréotypes de genre trouve une extension dans la lutte contre la normativité hétérosexuelle, sous la bannière lgbt. Combinée aux évolutions sociales qui ont permis qu’une femme puisse subsister par elle-même, seule ou avec des enfants, la disjonction du sexuel d’avec la reproduction qui n’en subordonne plus l’exercice à l’amour et-ou à une relation durable a entraîné le recul du mariage, de l’âge de la procréation, l’estompage de la primauté de la différence des sexes et les questionnements sur l’identité sexuelle… Ce sont ces bouleversements, articulés à l’évolution de l’économie libérale mettant les progrès de la science au service de la marchandisation des corps comme des conduites, que ce dossier se propose d’examiner, sous le prisme de la psychanalyse. Avancées et errances comprises…
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