Résumé :
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De manière à aborder l’hétérogénéité territoriale des vieillissements en Afrique (Sajoux et Macia, 2017), plusieurs contributions de ce numéro traitent des spécificités du vieillissement dans différents contextes sociaux et territoriaux du continent. Annie-Christiane Nsiamalembe et Laurent Nowik fournissent ainsi une analyse des vieillesses urbaines et rurales au Gabon en se basant sur trois terrains d’étude, un rural, deux urbains. Bien que la cohabitation intergénérationnelle et les solidarités privées prévalent encore dans ces trois territoires, les difficultés économiques, la modernisation de la société et les incertitudes politiques qui prévalent constituent des facteurs de fragilisation de la cellule familiale, de distanciation du lien social, de précarité et d’insécurité sanitaire pour les personnes les plus âgées. Ces dernières se heurtent ainsi à un difficile, et trop souvent impossible, accès aux soins de santé alors même que leurs besoins en la matière ont tendance à croître au fur et à mesure de l’avancée en âge. C’est sur cet aspect que se penchent Yves Bertrand Djouda Feudjio et Ulrich Leumaleu-Noumbissie à travers une étude portant sur plusieurs zones rurales d’un autre pays d’Afrique centrale, le Cameroun. Ces auteurs mettent ainsi en évidence la précarité des conditions de vie et la vulnérabilité sanitaire des personnes âgées qui y vivent. Cette dernière provient à la fois de l’éloignement géographique des hôpitaux de district et des contraintes d’accessibilité économique, mais aussi socio-culturelle. La médicalisation de la vieillesse est un phénomène récent en Afrique et de multiples éléments entravent l’accès des personnes âgées aux biens et services de santé (Mbaye et Kâ, 2015). De plus, dans certains contextes, comme en milieu rural camerounais (Djouda Feudjio et Leumaleu-Noumbissie, dans ce numéro), l’avènement d’une situation de maladie chez une personne âgée peut être considéré comme naturellement lié à la vieillesse et ainsi ne pas déclencher automatiquement le recours à un traitement médical. De tels comportements soulignent toute l’importance qu’il y a à bien saisir le contexte socio-anthropologique au sein duquel évoluent les individus. Plus généralement, une telle démarche apparaît indispensable pour étudier la place occupée par les personnes âgées en fonction de la déclinaison des processus de vieillissement individuel, des modalités de construction culturelle de la vieillesse et des représentations sociales élaborées dans divers contextes. C’est ce thème qu’abordent Enguerran Macia, Abdou Ka et Priscilla Duboz à travers leur étude sur les représentations des plus âgés [nayédio] chez les Peuls ruraux du Sénégal. Se basant sur une enquête quantitative réalisée dans la commune rurale de Téssékéré, située dans le Nord-Est du Sénégal dans la zone sylvo-pastorale du Ferlo, ces auteurs mettent en évidence que plus des trois quarts des habitants de cette commune perçoivent des représentations positives des plus âgés et analysent les notions émiques sur lesquelles reposent ces représentations. L’utilité sociale des plus âgés perçue par les Peuls du Ferlo en est un fondement essentiel dans un contexte où la diffusion des savoirs, encore largement oraux à Téssékéré, permet aux nayédio de bénéficier du statut de sachant tout en assurant un rôle essentiel dans les conditions sociales de prise en charge des enfants. Traitant pour sa part de la place des plus âgés en milieu rural burkinabè, contexte bien trop souvent absent des travaux sur la vieillesse au Burkina Faso, Tom Briaud convoque dans son analyse à la fois la dimension verticale de la séniorité (âge) et celle horizontale de l’aînesse (génération). À partir d’exemples ethnographiques, son approche met l’accent sur les individus dans leurs relations intragénérationnelles (collatéraux) et intergénérationnelles (descendants/ascendants) à différents moments du parcours de vie. Il montre alors comment se construisent les vieillesses et comment se négocient les relations à la fois intra- et intergénérationnelles pour s’assurer une "place" à l’heure de la vieillesse, cette dernière étant vécue de manière fort variable suivant les configurations des réseaux sociaux et familiaux prévalant.
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