Résumé :
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Décider ce qui constitue une vie préjudiciable est sans doute l’un des dilemmes les plus difficiles de la bioéthique contemporaine. La vie en soi peut-elle être reprochée à un défendeur fautif de sorte qu’une existence non désirée puisse être considérée comme un préjudice admissible à indemnisation ? La plupart des juridictions ont reconnu l’admissibilité des recours pour préjudice de naissance (wrongful birth), intentés par les parents contre un médecin pour la naissance d’un enfant non désiré. Or, les tribunaux ont systématiquement rejeté, sur le plan des principes, des actions pour vie préjudiciable (wrongful life) introduites au nom d’enfants nés handicapés. À ce jour, seules les Cours suprêmes de Californie, de Washington et de New Jersey, ainsi que le législateur de l’État du Maine, ont admis la recevabilité de ces actions pour préjudice de vie, avec toutefois un droit limitatif de recouvrer des dommages spéciaux. Au Canada, la cour d’appel de l’Ontario a choisi d’aborder la question sous l’angle des éléments constitutifs de la responsabilité délictuelle en common law, à savoir l’existence d’une obligation de diligence, le manquement à la norme de diligence, le dommage et le lien de causalité. Nous discuterons des divers obstacles juridiques contre la recevabilité des actions pour préjudice de vie, en attirant l’attention sur les solutions proposées par quelques ressorts américains ainsi que la doctrine civiliste française.
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