Résumé :
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Le paria est un mot voyageur extraordinairement révélateur. On le croit originaire de l'Inde, il y est inventé au XVIe siècle par des militaires, des missionnaires et des savants. Deux siècles plus tard, il en revient et se répand dans les espaces politiques et littéraires européens. Pour les philosophes des Lumières, les hiérarchies lointaines sont prétexte à fustiger les tyrannies d'ici. Le discours sur l'autre est un discours sur soi. Mais dans cet Occident qui se libère, l'émancipation ne vaut pas pour tous. Le paria ressurgit alors comme le laissé-pour-compte des droits humains récemment proclamés. Dans les discours et combats politiques, il représente tour à tour les esclaves, les " hommes de couleur libres ", les juifs, les femmes, le peuple, les prolétaires... Théâtre et littérature en propagent la représentation, il prend aussi les traits du poète ou de l'artiste maudit dont la marginalité est idéalisée. La culture romantique exalte sa sensibilité, le paria est ainsi grandi d'être proscrit, sans être libéré pour autant. Avec érudition et brio, passant de la littérature aux discours politiques et aux constructions théoriques (chez Max Weber, Georg Simmel ou Hannah Arendt notamment), Eleni Varikas retrace ces métamorphoses et suit ces figures qui, d'hier à aujourd'hui, disent les meurtrissures de tous les " rebuts du monde ". Chemin faisant, elle rappelle l'exigence toujours actuelle de ces parias rebelles qui, obstinément, réclament l'admission au rang de l'humanité de chaque individu particulier.
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