Résumé :
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La création au sein de l'Etat, d'autorités spécialisées indépendantes (AAI) du gouvernement n'est pas simplement la marque de l'évolution des structures de l'administration. C'est pour répondre à diverses formes de contestations des pouvoirs politiques et administratifs que le législateur a cru bon de multiplier ces autorités. Cette réponse législative est-elle pour autant satisfaisante ? A première vue, elle apparaît surtout inquiétante : le statut comme les modalités d'action des AAI semblent difficilement conciliables avec plusieurs des principes fondateurs de la démocratie moderne. Toutefois, à l'examen, leur fonctionnement quotidien conduit à dissiper cette crainte. A plusieurs égards, ces autorités parviennent même à promouvoir des pratiques tout à fait vivifiantes pour la démocratie. Le phénomène AAI est né de l'intention du législateur de créer un nouveau mode d'exercice du pouvoir exécutif. Elles se caractérisent par leur indépendance à l'égard du pouvoir politique comme du pouvoir économique ou de protection des personnes. Toutefois, faute d'un cadre législatif général, elles présentent d'importantes différences qui conduisent à une grande hétérogénéité de leur composition, de leur statut et de leurs pouvoirs. Longtemps assimilées à des électrons libres dans notre système administratif, les AAI y sont progressivement réintégrées, sous l'emprise de la réforme de l'Etat et de la mise en uvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation nous donne à apprécier les points saillants de cette rationalisation, qui témoignent de la fragilité de leur indépendance. Aux termes de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, "la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration". Lorsque le législateur a créé la notion nouvelle d'autorité administrative indépendante en créant en 1978, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, il a voulu garantir qu'une telle instance ne puisse recevoir d'instruction d'aucune autorité. Il admet néanmoins aujourd'hui que la suppression à l'égard des autorités, pourtant rattachées à la personne de l'Etat, du contrôle administratif classique sous forme d'autorité hiérarchique ou de tutelle, même si elle n'est pas accompagnée de la suppression du contrôle juridictionnel sur leurs décisions ou leurs comptes, implique de faire mieux jouer d'autres mécanismes de contrôle afin de permettre à la société de conserver un contrôle démocratique sur leur action.
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