Résumé :
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J'ai un corps bien à moi, semble-t-il, et c'est ce qui fait que je suis moi. Je le compte parmi mes propriétés et prétends exercer sur lui ma pleine souveraineté. Je me crois donc unique et indépendant. Mais c'est une illusion, car il n'est pas de société humaine où l'on pense que le corps vaille par lui-même. Tout corps est engendré, et pas seulement par ses père et mère. Il n'est pas fabriqué par celui qui l'habite, mais par d'autres. Pas plus en Nouvelle-Guinée, en Amazonie ou en Afrique de l'Ouest qu'en Europe occidentale, il n'est pensé comme une chose. Il est au contraire la forme particulière de la relation avec cette altérité qui constitue la personne. Selon le point de vue de l'anthropologie comparative adopté ici, cet autre est, respectivement, l'autre sexe, les espèces animales, les morts ou le divin (sécularisé, à l'âge moderne, dans la téléologie du vivant). Oui, mon corps est ce qui me rappelle que je me trouve dans un monde peuplé d'ancêtres, de divinités, d'ennemis ou d'êtres du sexe opposé. Mon corps bien à moi ? C'est lui qui fait que je ne m'appartiens pas, que je n'existe pas seul et que mon destin est de vivre en société.
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