Résumé :
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L'opposition entre sein nourricier et sein érotique traverse notre culture et semble aller de soi, tant est prégnant l'interdit de l'inceste, qui traduit le danger d'une confusion entre mère et femme et la lutte contre la permanence inconsciente des vux oedipiens. Mais est ainsi écartée la question de l'enjeu érotique de l'allaitement pour la mère ainsi que celle des méandres de son désir d'enfant. La violence pulsionnelle prégénitale ravivée par la maternité nécessite l'ancrage postoedipien pour être traversée sans encombre et pour que soit dépassée l'opposition traditionnelle entre " tétons juteux " et " tétons charnus ". L'investigation psychosomatique d'une femme porteuse d'un cancer du sein a permis de dégager les lignes de son fonctionnement mental habituel. Les défaillances de la mentalisation et les irrégularités du fonctionnement mental constituent le terrain sur lequel se développe, à un moment donné de l'existence, un processus de somatisation sous l'impact en général d'événements traumatiques actuels. La fréquence élevée chez les femmes des dépressions et des cancers du sein mise en évidence par l'épidémiologie a conduit l'auteur à se demander s'il existe un lien entre ces deux formes de pathologie. L'auteur avance l'hypothèse d'une prédisposition dépressive liée au destin anatomique et à la fonction sexuelle de la femme. La perspective kleinienne d'une relation d'objet présente d'emblée, dès la naissance, entre le sein de la mère et la bouche de l'enfant permet la prise en compte à travers la relation transférentielle des processus psychiques et particulièrement des défaillances narcissiques au cours de cette relation primaire. La relation sein nourricier/sein érotique est étudiée à travers un exemple clinique. Pour la femme touchée dans son intégrité corporelle par l'ablation du sein, la blessure narcissique est immense. La clinique met en lumière que la destruction du sein va souvent de pair avec un psychisme tissé de destructivité. Le remaniement psychique qui accompagne la reconstruction chirurgicale permet parfois à la pulsion de vie de l'emporter sur le processus mortifère, une créativité nouvelle prenant la place de la destructivité passée. Face aux femmes confrontées à un cancer du sein, les bien portants n'ont pas de neutralité émotionnelle. Ce cancer induit chez eux des comportements variés : peur, fuite, pitié, tendresse, amour. Chacune et chacun d'entre nous possède un rapport avec le sein féminin et avec le cancer. Ce rapport régit nos réactions et comportements devant une femme affectée par cette maladie.
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