Résumé :
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Dans son usage le plus courant, la notion de discrimination recouvre celle d'inégalité, voire se confond acec elle. De cette similarité naît une certaine concurrence dans la qualification des phénomènes, et la tradition intellectuelle et politique française a longtemps analysé en termes d'inégalités, le plus souvent sociales, ce qui pouvait s'interpréter en termes de discriminations ethniques ou raciales aux Etats-Unis ou au Canada. Si discriminations et égalité (ou inégalité) ont de toute évidence partie liée, il ne s'agit pas de notions équivalentes et substituables. Etymologiquement, la discrimination est une distinction. Mais toute forme de différenciation entre un individu et un autre, ou entre un groupe et un autre, ne constitue pas une discrimination. Les différenciations deviennent des discriminations lorsque la sélection opérée est illégitime, soit au regard de normes légales, soit au regard de normes relatives à des usages sociaux. L'hypothèse proposée ici et qui sera parcourue par les différentes contributions qui suivent, est que l'approche juridique a plus fortement contribué à formaliser la question des discriminations et a exporté sa définition aux autres sphères d'énonciation, d'analyse et de traitement. Par cette prééminence, le droit a encapsulé en quelque sorte le problème public des discriminations : il fournit l'environnement conceptuel qui permet de penser la question des discriminations et transforme les enjeux de connaissance en poursuites judiciaires. Ce faisant, le poids symbolique du juridique ne facilite pas l'investigation sociologique, toujours suspecte de dresser des procès à charge contre les malfaisants discriminateurs.
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