Résumé :
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La démocratie a posé l'universalité du principe d'égalité : la communauté des citoyens est régie par le principe de l'égalité formelle des individus, quelles que soient par ailleurs les inégalités sociales, culturelles et autres. La démocratisation, au contraire, est animée par l'ambition d'assurer l'égalité réelle, et non plus seulement formelle, des citoyens. La dynamique démocratique s'est donc traduite par le développement de l'Etat-providence, qui intervient toujours plus pour satisfaire les besoins économiques et sociaux des individus. Il reconnaît et assure les droits du salarié, les droits à la survie matérielle et au logement, mais également aux soins médicaux, à l'éducation ou à la culture. Or son action est désormais paradoxale : fruit du louable souci d'assurer l'universalité des droits, elle vise, par les " discriminations positives " et autres politiques de promotion spécifique, à défendre les droits particuliers de certaines catégories. Elle nourrit l'aspiration à ce que soient publiquement reconnus les droits identitaires de collectivités historiques réunies dans la même société nationale. L'équité se substitue à l'égalité, le multiculturalisme à l'universalité. Telle est l'épreuve particulière que traversent les démocraties occidentales, confrontées au caractère toujours plus " providentiel " de leurs sociétés. Comment construire une Europe politique sur l'idée et les institutions de la citoyenneté, alors que les nations européennes deviennent des démocraties providentielles ? Si l'égalité contemporaine tend à épuiser les formes de transcendance collective, qu'elles soient d'inspiration religieuse ou politique, comment peut-on continuer à " faire société " ?.
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