Résumé :
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En un siècle, et surtout depuis la Libération, la France s'est progressivement dotée d'un système de protection sociale relativement complet qui couvre tous les risques et tous les groupes sociaux. Mais, si depuis 1945 le système s'est amélioré au regard des prestations offertes, il s'est également complexifié et jusqu'à présent, au-delà d'ajustements limités, il n'a pas fait l'objet d'aucune refonte d'ensemble. Aujourd'hui, le système français n'échappe pas à un certain nombre de contradictions. Tout d'abord, depuis une vingtaine d'années, celui-ci connaît un double phénomène de dualisation. Une protection sociale à deux vitesses semble peu à peu se mettre en place : l'une destinée aux plus démunis (solidarité) et l'autre réservé à ceux ayant la capacité de cotiser (assurance). La seconde dualisation se situe au niveau des prestations, avec le développement d'une tendance à la séparation entre des prestations qui continueraient de relever de la responsabilité de l'entreprise et celles universelles qui incomberaient à l'Etat. De leur côté les régimes de retraite, qui sont assis sur un socle de financement par répartition faisant appel à la solidarité intergénérationnelle, voient leurs charges augmenter de façon inéluctable. En effet, leur équilibre financier qui dépend du rapport entre le nombre de cotisants et de retraités est désormais menacé : les dépenses augmentent sous le double effet de la hausse du nombre de retraités (vieillissement de la population) et de la précocité des départs en retraite, tandis que les ressources diminuent du fait d'un niveau de chômage élevé. En outre, le problème d'équité entre les régimes spéciaux (fonctionnaires, entreprises publiques
) et le régime général se pose depuis les dernières réforme des retraites du secteur privé. Enfin, l'assurance maladie est confrontée à une dérive comptable et voit ses dépenses augmenter plus vite que ses recettes. Les quatre acteurs du système de santé : l'Etat, les gestionnaires, les professionnels et les patients n'ont pu trouver jusque-là des solutions efficaces pour éviter que, depuis une dizaine d'années, les dépenses médicales n'augmentent plus vite que la richesse nationale (+7,2% en 2002). Quelles solutions adopter dès lors pour aménager durablement l'avenir et pérenniser un système qui semble être arrivé au bout de ses possibilités ? C'est à cette question que sont, depuis des années, confrontés de manière récurrente l'Etat et les partenaires sociaux. On sait que si les réformes entreprises jusqu'à présent ont échoué ou n'ont consisté qu'en des mesures partielles, ce n'est pas tant que les réformateurs aient manqué d'imagination ou d'ambition, c'est surtout que la réforme d'ensemble du système met en jeu des intérêts considérables et suscite de fortes résistances parmi les différents groupes sociaux. L'Etat s'est de nouveau engagé, face à l'imminence de l'échéance de 2005-2006 pour les régimes de retraite (début du départ massif des générations issues du baby-boom du marché du travail) et à la dérive des dépenses de santé, à mettre en uvre au cours de l'année 2003 une réforme profonde des systèmes de retraite et de santé dans le respect des valeurs qui ont présidé à la création de la Sécurité sociale, c'est-à-dire d'une protection sociale collective, solidaire et obligatoire. Ce numéro de "Problèmes économiques" se propose, à travers un certain nombre d'analyses et à la lumière de quelques comparaisons internationales, de remettre plus particulièrement en perspective les questions fondamentales que ces réformes à venir ne manqueront pas de poser.
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