Résumé :
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En amont d'une "parole d'usager", s'élève parfois la voix des "précaires", celle "des sujets dont la position au monde est chaque jour remise en question dans leur capacité à pouvoir vivre - voire survivre - dans un état de tranquillité minimale qui, seule, peut permettre de se mettre à se projeter dans l'avenir". Parfois les glissements ou les chutes de ces sujets dans des situations de vie en grande souffrance - dans lesquelles les ressources s'estompent, les liens se défont, les addictions s'accélèrent - s'effectuent dans un silence assourdissant. Parfois des voix s'élèvent mais ne sont entendues par personne ; ou mal comprises. Parfois la voix des précaires est "re-traitée" par des institutions sociales qui la traduisent en langage administratif pour en faire une parole d'usager... Comment passe-t-on de la voix à la parole et par quel langage ? Quelles sont les conditions et qu'est-ce qui se joue dans cette transformation ? Patrick Brun, à partir de deux actions menées par le mouvement ATD Quart Monde, introduit ce dossier en esquissant les conditions d"une "co-formation" ou d'un croisement des savoirs entre la parole des pauvres et des chercheurs. Puis, le dossier s'organise ensuite en deux approches. La première témoigne de l'émergence de ces paroles hésitantes qui se fraient un chemin dans le vacarme du monde des inclus, s'accrochant ici ou là à un espace d'écoute et de silence, un sujet porte voix, un lieu-parenthèse. Cette première approche nous mène dans un atelier d'écriture des Compagnons de la nuit, dans les voix entendues dans un hôtel social retranscrites dans un ouvrage collectif "Fenêtres sur ... la Parenthèse", dans les pratiques de soutien à la parole de l'association Advocacy ou au coeur d'un moment de silence partagé. La seconde témoigne de stratégies du social pour capter ces voix inaudibles, offrir des instants de quiétude ou de liberté nécessaires à la possibilité d'une expression. Elle est introduite tout d'abord par une interrogation sur la domestication de la voix des précaires puis nous transporte dans un théâtre forum destiné aux allocataires du RMI, dans un restaurant d'insertion qui offre un support de rencontre, ou bien encore, dans la mise en place de consultations auprès de parents d'enfants placés dans des établissements habilités par l'ASE. Enfin, ce dossier se termine par un point sur le rôle et les enjeux de la formation continue au langage dans la professionnalisation des travailleurs sociaux.
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