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N°  2542

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 juillet 2000.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1) en conclusion des travaux d'une mission d'évaluation et de contrôle constituée le 22 décembre 1999 (2),

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Pierre FORGUES,

Député.

--

MM. AUGUSTIN BONREPAUX ET JEAN-PIERRE DELALANDE, Présidents

M. DIDIER MIGAUD, Rapporteur général


sur
LE FONCTIONNEMENT DES COTOREP

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

(2) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

Handicapés.

La commission des finances, de l'économie générale et du plan est composée de :

M. Henri Emmanuelli, président ; M. Didier Migaud, rapporteur général ; MM. Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Yves Tavernier, vice-présidents, MM. Pierre Bourguignon, Jean-Jacques Jégou, Michel Suchod, secrétaires ; MM.  Maurice Adevah-Poeuf, Philippe Auberger, François d'Aubert, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, François Baroin, Alain Barrau, Jacques Barrot, Christian Bergelin, Eric Besson, Alain Bocquet, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Mme Nicole Bricq, MM. Christian Cabal, Jérôme Cahuzac, Thierry Carcenac, Gilles Carrez, Henry Chabert, Didier Chouat, Alain Claeys, Yves Cochet, Charles de Courson, Christian Cuvilliez, Arthur Dehaine, Jean-Pierre Delalande, Francis Delattre, Yves Deniaud, Michel Destot, Patrick Devedjian, Laurent Dominati, Tony Dreyfus, Jean-Louis Dumont, Daniel Feurtet, Pierre Forgues, Gérard Fuchs, Gilbert Gantier, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Edmond Hervé, Jacques Heuclin, Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, MM. Michel Inchauspé, Jean-Pierre Kucheida, Marc Laffineur, Jean-Marie Le Guen, Maurice Ligot, François Loos, Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, MM. Pierre Méhaignerie, Louis Mexandeau, Gilbert Mitterrand, Jean Rigal, Alain Rodet, José Rossi, Nicolas Sarkozy, Gérard Saumade, Philippe Séguin, Georges Tron, Jean Vila.

*

* *

La mission d'évalution et de contrôle est composée de : MM. Augustin Bonrepaux, Jean-Pierre Delalande, présidents ; M. Henri Emmanuelli, président de la Commission des Finances ; M. Didier Migaud, rapporteur général ; Mme Nicole Bricq, MM. Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Jérôme Cahuzac, Francis Delattre, Yves Deniaud, Daniel Feurtet, Jean-Jacques Jegou, Marc Laffineur, Jean Rigal, Michel Suchod, membres titulaires ; MM. Jacques Barrot, Gilles Carrez, Yves Cochet, Christian Cuvilliez, Gilbert Gantier, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Gilbert Mitterrand, membres suppléants.

M. Francis Hammel, rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, a également participé à ses travaux.

INTRODUCTION 7

RÉSUMÉ DES PROPOSITIONS 12

I._ LES COTOREP SONT AFFECTÉES PAR DE GRAVES DYSFONCTIONNEMENTS 14

A.- DES COMMISSIONS QUI NAVIGUENT À VUE, SANS PILOTE ET DANS LE BROUILLARD 14

1.- La dyarchie emploi/solidarité entraîne un éclatement des responsabilités 14

a) Les COTOREP travaillent sans budget propre 15

b) Les deux sections travaillent de façon trop cloisonnée 16

2.- Les COTOREP ne disposent que de peu de données fiables 19

a) Les COTOREP rencontrent trop peu souvent les demandeurs 19

b) La collégialité des COTOREP est devenue une fiction 21

c) Les COTOREP ne sont pas informées de la disponibilité des places en établissement 24

d) Les COTOREP sont déconnectées des organismes de sécurité sociale 24

e) Les COTOREP ne sont pas informées de l'évolution de la jurisprudence 25

f) Les COTOREP manquent de données statistiques 25

3.- Les COTOREP ne sont pas en mesure de suivre les placements qu'elles ont elles-mêmes décidés 26

B.- LES MOYENS DES COTOREP SONT INÉGALEMENT RÉPARTIS 27

1._ Les personnels 28

a) Le personnel administratif 28

b) Les médecins 29

c) Les autres personnels techniques 31

2._ Les moyens matériels 31

a) Les locaux 31

b) L'informatique 34

C.- LES DYSFONCTIONNEMENTS DES COTOREP SE TRADUISENT
PAR DES CONSÉQUENCES INADMISSIBLES POUR LES PERSONNES HANDICAPÉES 34

1.- Le système favorise les inégalités de traitement 35

2.- Les délais de décision des COTOREP demeurent trop longs 36

3.- Les conditions d'accueil et d'information doivent encore être améliorées 37

4.- Les décisions des COTOREP suscitent un contentieux important 37

II.- RECONSIDÉRER L'ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DES COTOREP 39

A.- DÉFINIR UNE NOUVELLE ARCHITECTURE 39

1.- Abandonner la division en deux sections 40

2.- Envisager la mise en place d'un établissement public 41

B.- METTRE L'ACCENT SUR L'INFORMATION ET LE TRAVAIL EN RÉSEAU 42

1.- Sensibiliser les services et institutions qui orientent les demandeurs vers les COTOREP 42

2.- Organiser la fonction médicale autour des médecins coordonnateurs 44

3.- Assurer un véritable suivi des orientations 44

4.- Renforcer les relations avec les organismes de sécurité sociale 45

C.- POURSUIVRE LA REMISE À NIVEAU DES MOYENS 45

EXAMEN EN COMMISSION 48

AUDITIONS 45

1.- Mme Fabienne Jegu, directrice du Service « Défense et droit du handicap », et M. Joseph Fricot, administrateur bénévole (Association des paralysés de France, APF) ; M. Philippe Bourges, directeur du Centre de réadaptation professionnelle de Coubert, Seine-et-Marne, et Mme Laurence Dubos, Centre Jean-Moulin de Sainte-Geneviève-des-Bois, Essonne (Fédération des associations gestionnaire set des établissements de réadaptation pour handicapés, FAGERH) ; Mme Marie-Delphine Bénech, conseiller du secrétaire général de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH) ; MM. Philippe Calmette, directeur général, et Frédéric Lefret, responsable des relations institutionnelles (Syndicat national des associations de parents d'enfants handicapés, SNAPEI) ; M. Yann Le Berre, au nom de l'Union nationale des parents et amis de personnes handicapées mentales (UNAPEI) ; Mme Catherine Agius, conseiller technique « Handicap » à l'URIOPSS-Île-de-France », et M. Yves Touzé, directeur du CAT « La Cardon » de Palaiseau, Essonne (Union nationale interfédérale des _uvres et organismes privés sanitaires et sociaux, UNIOPSS) 47

2.- MM. Jean Vanhoorebeke, directeur départemental, et Régis Dubos, inspecteur du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Nord-Lille) ; Mmes Évelyne Sylvain, directrice départementale, et Isabelle Piron, médecin (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Nord) 79

3.- MM. Pascal Bodin, directeur départemental, et Gérard Frey, contrôleur du travail (Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de la Haute-Savoie) ; M. Jean-Rolland Fontana, inspecteur principal, et Mme Josette Quintin, secrétaire-adjointe de la COTOREP (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales de la Haute-Savoie) 97

4.- M. Michel Bernard, directeur général de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et de Mme Penin-Cheval (ANPE) 115

5.- MM. Gilbert Hyvernat, directeur général de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), Guy Jeannerot, directeur de l'Institut national de l'orientation et de l'insertion professionnelles, et Jean-François Danon, directeur financier et des systèmes d'information (AFPA) 131

6.- MM. Pierre Lubek, inspecteur général des finances, Michel Laroque, inspecteur général des affaires sociales, et Sylvain Picard, inspecteur des affaires sociales 151

7.- M. Patrick Segal, Délégué interministériel aux personnes handicapées 167

8.- M. Jean-Marc Boulanger, délégué adjoint à l'emploi et à la formation professionnelle, Mme Claire Descreux, chef de la mission « Emploi des personnes handicapées » et M. Jacques Cochard, chargé de mission, mission « Emploi des personnes handicapées » (Ministère de l'emploi et de la solidarité, Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, DGEFP) ; M. Yves Buey, sous-directeur des finances, de la logistique et de l'informatique, Mme Christine Abrossimov, adjoint au sous-directeur, et Mme Marie-Claude Égéa, adjoint au chef du bureau de la sous-direction des ressources humaines (Ministère de l'emploi et de la solidarité, Direction de l'administration générale et la modernisation des services, DAGEMO) 183

9.- Mme Marie-Dominique Soumet, administrateur civil, chef de projet « Mission d'appui sur le fonctionnement des COTOREP » (Ministère de l'emploi et de la solidarité, Direction de l'action sociale, DAS) ; M. Éric Trottmann, sous-directeur, et Mme Ambroise, chargée du suivi des crédits des agrégats sociaux (Ministère de l'emploi et de la solidarité, Direction de l'administration générale, du personnel et du budget, DAGPB) 197

10.- Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et aux handicapés 215

ANNEXE : Le système allemand de reconnaissance du handicap 227

Laisser cette page blanche sans numérotation.

INTRODUCTION

Instituées par la loi n° 75-534 d'orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975, les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) ont pour mission d'évaluer les aptitudes des personnes handicapées, de les orienter et, le cas échéant, de leur accorder des aides financières et sociales (cf. encadré pages suivantes).

Ces commissions se situent donc, depuis vingt-cinq ans, au c_ur du dispositif d'insertion des personnes handicapées. A cet égard, il suffit d'avoir à l'esprit qu'elles sont amenées à se prononcer sur quatorze types de décisions différentes, parmi lesquelles le reclassement professionnel, l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ou la carte d'invalidité. Pourtant, au fil du temps, rapport après rapport (1), il est apparu qu'elles sont affectées par de graves dysfonctionnements.

Ainsi M. Bruno Rémond relevait-il dès 1990 : « La COTOREP n'est pas un véritable outil d'exploitation des capacités de la personne en vue de bâtir avec elle un parcours de formation et d'insertion qui soit autre chose qu'un classement entre des solutions d'orientation administratives classiques ».

De ce fait, les propositions de réforme n'ont pas manqué. M. Yves Carcenac entendait, en 1993, « promouvoir un service public de qualité », tandis que le comité interministériel pour la réforme de l'État avait placé, en 1996, les COTOREP parmi les « services-tests » de l'amélioration de la qualité du service rendu aux usagers.

Mais ces propositions n'ont pas rencontré, dans la pratique, une volonté de réforme suffisamment résolue. Instructions, notes d'orientation, circulaires et même décrets semblent s'enliser dans les sables administratifs. Il est d'ailleurs emblématique, à cet égard, que le Ministère de l'emploi et de la solidarité n'ait pu fournir à votre Rapporteur spécial aucun élément d'information sur les suites données aux conclusions de

Composition et rôle de la COTOREP

Les vingt-quatre membres de la commission sont nommés par le préfet, pour une durée de trois ans renouvelable. Présidée par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales ou le directeur départemental du travail et de l'emploi, elle comprend des représentants

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d'organismes débiteurs de prestations sociales (dont un médecin conseil des organismes d'assurance maladie), d'associations de personnes handicapées,
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d'établissements accueillant des personnes handicapées et
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de syndicats d'employeurs et de salariés les plus représentatifs, ainsi que
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trois conseillers généraux. Elle peut en outre appeler toute personne à participer occasionnellement à ses travaux, à titre consultatif, notamment les spécialistes susceptibles de l'éclairer.

Ses décisions doivent être motivées et notifiées dans un délai d'un mois aux intéressés et faire l'objet d'une révision périodique (au plus tous les cinq ans).

Les décisions sont préparées par une équipe technique, comprenant

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notamment un médecin,
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une assistante sociale et un représentant du service public de l'emploi. En fonction du motif de la demande, la personne handicapée rencontre un ou plusieurs membres de l'équipe technique, qui apprécient les problèmes posés par le handicap aussi bien en termes médicaux que sociaux ou psychologiques. Un membre de l'équipe technique est le rapporteur devant la commission.

Le secrétariat de la commission accueille et informe les personnes handicapées, enregistre les demandes et recueille toutes les pièces du dossier nécessaires à l'instruction de la demande

La commission peut être saisie par la personne handicapée elle-même, par ses parents ou par ses représentants légaux, par le directeur départemental du travail et de l'emploi et de la formation professionnelle, par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales, par l'ANPE, par l'organisme d'assurance maladie intéressé, par l'organisme ou le service appelé à payer une allocation au titre du handicap et par l'autorité responsable de tout centre, établissement ou service médical ou social intéressé. Aucune demande ne peut être faite sans l'accord de la personne handicapée. Elle s'effectue au moyen d'un formulaire unique retiré auprès de la COTOREP, de l'ANPE, de la CAF (ou de la MSA), du CCAS, de la DDASS ou des services départementaux de l'aide sociale.

Le formulaire est retourné au secrétariat de la COTOREP, accompagné d'un certificat médical. La commission peut convoquer le demandeur.

Selon sa situation, la personne handicapée adulte (les mineurs relevant de la Commission départementale de l'éducation spéciale) est orientée vers l'une des deux sections de la COTOREP.

La première section reconnaît la qualité de travailleur handicapé et oriente vers un emploi ou une formation professionnelle, en y associant éventuellement des aides financières.

Est considérée comme travailleur handicapé toute personne dont les possibilités d'obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite d'une insuffisance ou d'une diminution de ses capacités physiques ou mentales. Un classement est effectué, selon trois catégories suivantes :

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A (handicap léger et temporaire),
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B (handicap modéré et durable) ou
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C (handicap lourd et définitif). Les personnes reconnues handicapées ont accès à l'ensemble des mesures d'aide à l'emploi et peuvent faire partie des bénéficiaires de l'obligation d'emploi imposées à toute entreprise d'au moins vingt salariés d'avoir dans son effectif au moins 6 % de travailleurs handicapés. Si l'employeur n'applique pas cette obligation, il doit verser une contribution financière à l'AGEFIPH, dont les fonds sont utilisés pour des actions en faveur des handicapés.

L'orientation s'effectue en milieu ordinaire ou en milieu protégé.

Dans le premier cas, l'ANPE et l'équipe technique de préparation et de suite au reclassement (EPSR) aident la personne handicapée dans la recherche d'un emploi, aide qui peut être renforcée par les organismes d'insertion et de placement (OIP), constitués le plus souvent en associations. Le placement peut être précédé par un stage de préorientation d'une durée maximale de douze semaines, par un contrat d'apprentissage, par un stage dans un centre de rééducation professionnelle ou par un contrat-formation.

Dans le second cas, le placement peut se faire en atelier protégé, en centre de distribution de travail à domicile ou en centre d'aide par le travail (CAT).

L'orientation professionnelle peut être facilitée par des aides financières :

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primes de reclassement,
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subventions d'installation et
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garantie de ressources sous forme de compléments de salaire, versée, selon les cas, par l'AGEFIPH ou par l'État.

La décision de la COTOREP doit être motivée et notifiée à l'intéressé, dans un délai d'un mois, avec l'indication des recours possibles. Elle s'impose aux établissements qu'elle désigne, aux organismes de sécurité sociale et d'aide sociale ainsi qu'aux organismes chargés du versement des prestations.

La personne handicapée peut contester la décision de la COTOREP. Le recours contre une décision doit être exercé dans le mois suivant la notification de la décision avec deux possibilités, soit sous la forme d'un recours gracieux devant le Président de la COTOREP, soit sous la forme d'un recours contentieux devant la commission départementale des travailleurs handicapés.

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La seconde section apprécie le taux d'incapacité en vue de l'attribution éventuelle d'allocations diverses (AAH, ACTP, allocation pour frais professionnels supplémentaires, allocation de logement), étudie l'orientation vers un établissement social ou médico-social (MAS, FDT, foyer de vie occupationnel) et répond aux demandes de carte d'invalidité ou de macaron GIC. L'AAH et la carte d'invalidité sont attribuées aux personnes handicapées qui, en application d'un guide-barème (décret n° 93-1216 du 4 novembre 1993) consistant en une échelle des valeurs de l'incapacité, se voient reconnaître un taux d'incapacité supérieur à 80 %. Pour les personnes dont le taux d'incapacité est compris entre 50 % et 80 %, la commission peut toutefois accorder l'AAH, si elle considère que, compte tenu de son handicap, la personne est dans l'impossibilité de se procurer un emploi (article 35-2 de la loi du 30 juin 1975 précitée, codifié à l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale). La décision de la COTOREP peut faire l'objet d'un recours devant les tribunaux du contentieux de l'invalidité.

MM. Carcenac ou à celles des inspections générales des finances et des affaires sociales.

Votre Rapporteur spécial en est donc réduit à l'alternative suivante : soit les suggestions faites n'ont pas été considérées comme bonnes, soit elles n'ont pu être appliquées en raison de dysfonctionnements structurels.

Lorsque la secrétaire d'État à la santé et aux personnes handicapées évoque un « système sans pilotage, sans orientation et sans coordination », une « juxtaposition de responsabilités administratives avec une collégialité de façade », et une égalité de traitement, « à l'évidence », non assurée, la Mission d'évaluation et de contrôle est légitimement fondée à considérer que le fruit est mûr, sinon davantage.

Ses travaux, qui ont permis de mettre à nouveau en lumière ces dysfonctionnements, montrent qu'il serait vain de continuer à injecter des moyens supplémentaires dans un système dont le fonctionnement même est en cause. L'échec des solutions traditionnelles implique donc des propositions plus audacieuses qui doivent être soutenues par une volonté politique.

Cette volonté est celle de la Mission d'évaluation et de contrôle. Votre Rapporteur spécial ne doute pas qu'elle soit également celle du Gouvernement et que les conclusions de la Mission seront rapidement mises en _uvre.

RÉSUMÉ DES PROPOSITIONS

1.- Définir une nouvelle architecture

a) Abandonner la division en deux sections

- fusionner les première et seconde sections afin d'adopter une approche de la personne handicapée privilégiant l'insertion dans le monde du travail

- doter les commissions d'un budget autonome

- préciser, à l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale, la condition d'impossibilité de se procurer un emploi compte tenu du handicap

b) Envisager la mise en place d'un établissement public afin de remettre la personne handicapée au centre du dispositif et d'obtenir une unité de direction, de moyens et d'évaluation médicale

2.- Mettre l'accent sur l'information et le travail en réseau

a) Sensibiliser les services et institutions qui orientent les demandeurs vers les COTOREP

- engager un effort d'information à destination des organismes d'assurance maladie, des services sociaux des collectivités locales et des professionnels de santé

- mettre en place des antennes locales chargées, dans les plus grands départements, d'une mission d'information et d'accueil.

- améliorer la qualité du formulaire « certificat médical »

b) Organiser la fonction médicale autour des médecins coordonnateurs

- poursuivre le recrutement de médecins coordonnateurs

- conférer un véritable statut aux médecins

- privilégier l'échelon régional pour la recherche de solutions d'insertion ou d'hébergement

- développer l'externalisation de l'expertise médicale, par conventionnement avec les hôpitaux et les professionnels de santé

c) Assurer un véritable suivi des orientations

- doter les commissions de « tableaux de bord » statistiques

- améliorer la qualité de la collecte d'information par les secrétariats

d) Renforcer les relations avec les organismes de sécurité sociale

- ne délivrer la notification d'attribution de l'AAH qu'après vérification par la caisse d'allocations familiales du respect de la condition de ressources

- assurer la participation du médecin-conseil de la caisse d'assurance maladie aux travaux de la commission

3.- Poursuivre la remise à niveau des moyens

a) Renforcer les moyens

- mettre l'accent sur l'encadrement

- former le personnel administratif et médical

- améliorer le système informatique

- achever le relogement des commissions

b) Mettre en place des contrats d'objectifs et de moyens avec les services déconcentrés de l'emploi et de la solidarité

LAISSER CETTE PAGE BLANCHE SANS NUMEROTATION

I._ LES COTOREP SONT AFFECTÉES
PAR DE GRAVES DYSFONCTIONNEMENTS

Absence de vision globale, moyens inégalement répartis, manque de considération pour les personnes handicapées. Telles sont les conclusions, déjà formulées par le passé par les missions, inspections et autres rapports qui se sont intéressés au fonctionnement des COTOREP.

Les auditions effectuées par la Mission d'évaluation et de contrôle ont cependant eu - et auront, du fait de leur publication dans le présent rapport - le mérite de contribuer à porter ces dysfonctionnements sur la place publique.

Avant de présenter ses propositions de réforme, votre Rapporteur spécial considère qu'une récapitulation systématique de ces profonds dysfonctionnements s'impose.

A.- DES COMMISSIONS QUI NAVIGUENT À VUE, SANS PILOTE ET DANS LE BROUILLARD

« Il est évident que nous ne disposons pas du système d'information qui permette de piloter vraiment le dispositif ». Les propos tenus devant la Mission par Mme Évelyne Sylvain, directrice départementale des affaires sanitaires et sociales du Nord, résument parfaitement le désarroi dans lequel se trouvent aujourd'hui les COTOREP.

M. Gilbert Hyvernat, directeur général de l'AFPA, confirmait à son tour ce diagnostic : « Notre vision de ces systèmes est qu'ils sont lourds, onéreux en temps, chargés en réunions, et que nous ne sommes peut-être pas dans des dispositifs correspondant à la densité des flux qui, aujourd'hui, déferlent sur ces organismes-là ».

Marquées par l'impossibilité de faire travailler ensemble deux administrations pourtant actuellement regroupées en un seul ministère, les COTOREP manquent d'informations susceptibles tant, en amont, de les éclairer sur leurs décisions, qu'en aval, de mesurer les incidences de ces décisions.

1.- LA DYARCHIE EMPLOI/SOLIDARITÉ ENTRAÎNE UN ÉCLATEMENT DES RESPONSABILITÉS

Deux administrations, celle du travail et de l'emploi, d'une part, celle des affaires sociales et de la santé, d'autre part - certes réunies en un seul ministère depuis 1997 -, assument la responsabilité du fonctionnement des COTOREP. Cette dyarchie se reproduit tant à l'échelon central - où le phénomène est compliqué par l'intervention de huit directions d'administration centrale (2) (quatre côté emploi : DGEFP, DAGEMO, DRT, DARES ; quatre côté solidarité : DAS, DAGPB, DSS, DREES) -
qu'à l'échelon déconcentré (direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, DDTEFP, et direction départementale des affaires sanitaires et sociales, DDASS), même si, dans la pratique, c'est généralement le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle qui dirige effectivement la COTOREP.

Devant la Mission, M. Michel Laroque, inspecteur général des affaires sociales, résumait ainsi le sentiment qu'inspire une telle organisation : « Il nous a semblé que ce partage entre deux administrations ne pouvait que nuire à la bonne gestion administrative de telles institutions qui étaient un peu justement à la marge de deux administrations, ce qui fait qu'aucune d'entre elles ne s'y impliquait autant qu'elles le devraient, d'autant plus que s'agissant de tâches de gestion individuelle, ces administrations sont mal armées. Elles sont plus habituées à des tâches de gestion collective et à des tâches de contrôle ».

Deux phénomènes sont particulièrement emblématiques des incidences de cette dyarchie : l'impossibilité de déterminer un budget des COTOREP et le cloisonnement qui affecte l'activité de ces commissions.

a) Les COTOREP travaillent sans budget propre

Les crédits délégués à l'échelon déconcentré dans les DDTEFP et dans les DDASS proviennent de deux sections ministérielles parfaitement étanches : d'un côté, le budget de l'emploi, qui supporte les dépenses de fonctionnement des COTOREP (chapitre 37-61) ainsi que la prise en charge de dépenses de vacations (chapitre 31-96), de l'autre, le budget de la solidarité, qui contribue par des personnels mis à disposition (chapitre 37-13) et par la prise en charge de dépenses de vacations (chapitre 31-96). Ces moyens sont délégués à l'échelon régional, qui en assure la répartition entre les départements.

De ce fait, ainsi que le notait M. Jean Vanhoorebeke, directeur départemental du travail du Nord, lors de son audition par la Mission : « Nous n'avons pas un budget COTOREP, parce que la COTOREP n'est pas identifiée comme une entité juridique au sein de la direction départementale. Elle fonctionne donc sur le budget général de la direction départementale ».

Non sans mal, les responsables ministériels auditionnés par la Mission ont pu évaluer le coût global des COTOREP à 272 millions de francs, répartis en 229 millions de coûts de personnel (84 %) et 43 millions de coûts de fonctionnement (16 %). Les auditions n'ont toutefois pas permis de faire apparaître la part respective des deux sections du budget de l'emploi et de la solidarité dans la prise en charge de l'ensemble de ces coûts. A fortiori, la Mission a pu vérifier le constat établi notamment par les inspections générales en 1998 : « L'absence de budget propre se révèle porteuse de plus d'inconvénients que d'avantages : difficulté d'évaluer le coût réel de fonctionnement d'une COTOREP, d'adapter de manière rationnelle les moyens à des objectifs précis, de programmer la modernisation des outils de gestion, d'affecter et d'animer de façon cohérente les personnels ».

Incidemment, votre Rapporteur spécial relève que ces coûts de fonctionnement ne peuvent être tenus pour excessifs : 220 francs par demande traitée ou 440 francs par demandeur, puisqu'une personne présente en moyenne près de deux demandes.

Ceci étant, l'essentiel demeure : à l'échelon central, dans la perspective lointaine d'une comptabilité analytique, on en est à peine à évaluer le coût global des COTOREP, tandis qu'à l'échelon déconcentré, les responsables de la COTOREP ne disposent pas de cette base minimale d'information et de gestion consistant à pouvoir connaître avec précision les moyens financiers qui leur sont alloués.

b) Les deux sections travaillent de façon trop cloisonnée

L'article L. 323-11 du code du travail dispose que la COTOREP « peut comporter des sections spécialisées selon la nature des décisions à prendre ». De fait, l'article D. 323-3-8 du même code retient une organisation en deux sections.

L'article D. 323-3-4 prévoit la désignation d'un secrétaire et d'un secrétaire-adjoint chargés de diriger le secrétariat de la commission. Généralement, le secrétaire est le responsable de la première section, dépendant de la DDTEFP, tandis que le secrétaire-adjoint est le secrétaire de la seconde section, relevant de la DDASS.

La Cour des comptes estime que « des progrès significatifs ont été accomplis dans ce domaine, puisque treize COTOREP sur les quinze examinées disposent aujourd'hui d'un secrétariat commun ».

Toutefois, comme le relève le rapport conjoint des inspections générales, « cette hiérarchie théorique, imposée au nom de l'unicité de commandement, n'a d'influence que lorsque l'agent placé à la tête du secrétariat unique manifeste la compétence et le savoir-faire nécessaires. Sinon, chacune des deux sections continue à être animée en relative autonomie par « son » secrétaire, quel que soit son titre, le terme d'adjoint n'étant même jamais utilisé dans certains cas ».

La situation de la COTOREP du Nord-Lille, telle que décrit devant la Mission par M. Régis Dubos, inspecteur du travail à la DDTEFP du Nord-Lille, s'inscrit tout à fait dans ces constatations : « Le secrétariat est commun. Il est dirigé par deux secrétaires, une qui est contrôleur du travail et l'autre qui est un agent DDASS, deux cadres B. Elles ont aussi une fonction mixte, sachant qu'il y a une petite spécialité du contrôleur sur l'emploi, et de la DDASS sur le social. Ceci dit, cela fonctionne de plus en plus en mixte ».

En outre, l'unicité des équipes techniques est encore bien moins avancée. Le rapport conjoint des inspections générales constate des disparités considérables dans l'organisation adoptée sur ce point d'un département à l'autre. Bien plus, l'équipe technique de seconde section, lorsqu'elle existe - ce qui ne semble pas être le cas dans tous les départements -  « peut se réduire parfois à un tandem formé par le médecin coordonnateur et le secrétaire de la section, ou un agent administratif ».

Nul ne conteste l'opportunité de désigner un médecin coordonnateur unique par département, compte tenu de la nécessité de rationaliser l'activité des deux sections. Pourtant, interrogé par votre Rapporteur spécial, le Ministère de l'emploi et de la solidarité indique, dans ses réponses écrites, que seuls 31 médecins coordonnateurs avaient été recensés en 1998 et que l'objectif, traduit par des créations de postes dans la loi de finances pour 2000, était de disposer d'au moins un médecin coordonnateur par région.

Dès lors, ainsi que le note le rapport conjoint des inspections générales, dans « trois des dix COTOREP visitées, l'étanchéité entre la première et la deuxième section est de règle » dans le traitement des dossiers. La Cour des comptes relève, de son côté, que « les liaisons [informatiques] sont quasi inexistantes » alors qu'une « coordination s'impose afin de permettre une meilleure collaboration des représentants des deux sections ».

Enfin, l'article D. 322-3-13 du code du travail dispose que la commission doit se réunir en formation plénière au moins deux fois par an, avec la participation des équipes techniques.

Dans ses réponses au questionnaire adressé par votre Rapporteur spécial, le ministère ne dissimule pas qu'il « n'existe pas d'information récente sur le nombre de réunions plénières tenues pour chaque département ».

Les travaux de la Cour des comptes (3) permettent cependant de se faire une idée plus précise de la question : sur les quinze COTOREP examinées, seule l'une d'entre elles tient les deux réunions prévues, tandis que neuf autres tiennent une réunion annuelle. Un département n'en organise jamais. Surtout, « il s'agit le plus souvent d'une réunion formelle qui ne permet guère l'élaboration d'orientations stratégiques d'une véritable politique locale en faveur des personnes handicapées ».

Pourtant, compte tenu de sa composition partenariale, la COTOREP paraissait fournir une instance appropriée de consultation sur l'ensemble de cette politique locale. Cette carence peut d'ailleurs être rapprochée du fait que trop peu de départements ont adopté leur plan d'insertion des travailleurs handicapés (PDITH).

2.- LES COTOREP NE DISPOSENT QUE DE PEU DE DONNÉES FIABLES

Le constat, pour être connu, n'en est pas moins accablant : les COTOREP travaillent, le plus souvent, loin des demandeurs et ont abandonné, de fait, leur caractère collégial. En outre, elles ne disposent que de peu d'informations sur les débouchés concrètement offerts aux personnes qu'elles orientent, entretiennent des relations trop lointaines avec les organismes de sécurité sociale, prennent leurs décisions dans l'ignorance de la jurisprudence les concernant et manquent de statistiques sur les populations dont elles ont la charge.

a) Les COTOREP rencontrent trop peu souvent les demandeurs

L'article L. 323-11 du code du travail dispose que « l'adulte handicapé ou son représentant est convoqué par la commission ». Quant à l'article D. 323-3-5, il précise que « dans tous les cas, un ou plusieurs membres de l'équipe [technique] prend contact avec le handicapé et, s'il y a lieu, avec les parents de celui-ci ou avec les personnes qui en ont la charge effective ou qui sont ses représentants légaux ». Enfin, l'article D. 323-3-12 prévoit que « le handicapé et, s'il y a lieu, son représentant légal ou la personne qui en a la charge effective sont convoqués [...] à la séance au cours de laquelle la commission examine la demande ».

Ces prescriptions de bon sens, dans la perspective d'une évaluation globale des aptitudes de la personne handicapée, sont pourtant loin d'être respectées dans la pratique.

Le rapport conjoint des inspections générales relève ainsi que « 30,8 % des primo-demandeurs ont fait l'objet en 1997 d'un examen clinique effectué par un médecin de la COTOREP ou un médecin désigné par elle [...], l'examen par département confirme la variété des pratiques : 90 % dans le Rhône, 27 % dans le Loiret ». Toutefois, en première section, « tous les handicapés sont vus par un médecin de main d'_uvre ou du travail ». Quant à la Cour des comptes, elle a pu constater que dans un département de la région parisienne, « l'instruction des demandes est effectuée uniquement sur pièces ».

Comme le rappelait M. Joseph Fricot, au nom de l'Association des paralysés de France (APF), devant la Mission, « les personnes convoquées étaient plus nombreuses durant les premières années. Nous estimons [...] qu'il est nécessaire de convoquer la personne en première section quand il s'agit d'orientation pour le milieu protégé ou de décisions concernant une formation. L'intéressé doit être tenu au courant ». Dès lors, la convocation n'est désormais systématique que lorsque l'intéressé la sollicite lui-même ou en cas de recours gracieux.

Cette pratique n'est pas sans incidences sur les difficultés que rencontrent les COTOREP, particulièrement en seconde section, à traiter, contrairement à leur vocation initiale, le « handicap social ». Votre Rapporteur spécial ne vise pas ici l'exclusion sociale que le handicap physique ou psychique peut provoquer, mais les dossiers indûment soumis aux commissions parce qu'en amont, une personne ou un organisme a suggéré, faute d'autre solution d'insertion ou en cédant à la facilité, le dépôt d'une demande d'AAH. Or, compte tenu de leur composition et de leur rôle, les COTOREP sont désarmées face à cette évolution, corroborée par le fait que 42 % des demandes d'AAH sont fondées sur un motif tenant aux « déficiences intellectuelles ou troubles du psychisme ou du comportement ».

En outre, comme l'a fort bien souligné M. Pierre Lubek, inspecteur général des finances, devant la Mission, « l'impossibilité de se procurer un emploi » permettant d'attribuer l'AAH pour un taux d'incapacité compris entre 50 et 80 % n'est pas partout interprétée de la même manière. En effet, avec l'évolution du marché du travail consécutive à la crise économique, il devient extrêmement difficile d'opérer la distinction entre le fait de ne pas pouvoir se procurer un emploi du fait du handicap, ce que voudrait la loi, et de ne pas pouvoir se procurer un emploi tout court.

Dès lors, « on peut très bien affirmer qu'une personne se trouve, du fait de son handicap dans l'incapacité non pas théorique mais pratique de trouver un emploi », ce qui signifie que « les COTOREP, vraisemblablement, n'adoptent pas toutes la même vision et que peut-être certaines précisions des textes deviendraient nécessaires pour harmoniser les pratiques ».

En tout état de cause, les COTOREP ne sont pas du tout préparées à aborder correctement le « handicap social », comme l'indiquait M. Patrick Segal, délégué interministériel aux personnes handicapées, devant la Mission : « Cette appellation qui, à mon sens, est fallacieuse, qui a trompé son monde et qui a contraint les COTOREP à faire un métier qui n'était pas le leur, c'est-à-dire à amalgamer, dans les COTOREP, des handicapés physiques, mentaux, sensoriels et polyhandicapés à ceux que l'on appelle des handicapés sociaux. A mon sens, c'est là une erreur sémantique, une erreur fonctionnelle. C'est ce qui a engorgé les COTOREP et c'est ce qui les a tuées. En outre, c'est ce qui fait que nous avons aujourd'hui un mélange des dossiers. [...] Aujourd'hui, il y a presque une forme de provocation à dire aux personnes handicapées physiques, mentales, sensorielles et polyhandicapées qu'elles sont amalgamées à des personnes qui sont dans le stress du chômage. Ce sont deux choses totalement séparées. Or, dans la mesure où un amalgame des deux a été fait, on a tué les COTOREP ».

b) La collégialité des COTOREP est devenue une fiction

Il s'agit là de la conséquence ultime du phénomène précédemment décrit : sans avoir rencontré les personnes handicapées et, en réalité, sans avoir véritablement délibéré sur leur cas, les COTOREP prennent un nombre important de décisions en approuvant des listes préparées par le secrétariat suivant les indications de l'équipe technique.

Bien que « validée », en quelque sorte, par une note d'orientation des ministres des affaires sociales et du travail sur l'activité et le fonctionnement des COTOREP en date du 1er août 1994, cette pratique n'en reste pas moins contraire à la lettre de la loi.

La description qu'en fait le rapport conjoint des inspections générales correspond à ce que votre Rapporteur spécial a pu lui-même constater dans un département de la région parisienne : « Cette pratique consiste, avec des variantes selon les départements, à présenter à la section des listes de décisions, relatives à des cas examinés par un médecin ou par l'équipe technique, et pour lesquels une discussion en séance est jugée inutile. Un bordereau récapitulatif comprenant les principaux éléments d'information et les propositions du médecin ou de l'équipe technique est soumis à la section, qui l'approuve sans débat en début ou en fin de séance ».

Plus grave, toujours selon les inspections générales, « ces listes, qui aux termes de la note d'orientation du 1er août 1994, devraient être limitées à certains cas types [...] recouvrent en fait aujourd'hui, au gré des départements et des périodes, tous les cas de figure ».

Au nom de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH), Mme Marie-Delphine Bénech déclarait en outre devant la Mission : les personnes handicapées et leurs représentants « ont un sentiment de frustration d'avoir à déblayer les listes et non pas à entrer dans les dossiers de ces personnes ».

En définitive, l'approbation sur listes illustre parfaitement le caractère purement formel des délibérations de la seconde section en matière d'AAH. Au demeurant, ainsi que le relève le rapport conjoint des inspections générales, « les taux d'incapacité fixés par les médecins des COTOREP sont entérinés par les commissions dans la quasi-totalité des cas ».

Votre Rapporteur spécial estime que ce constat n'est pas condamnable en soi, d'autant qu'il mérite d'être rapproché de l'appréciation favorable portée sur l'application du guide-barème (« la qualité d'ensemble d'application du barème apparaît correcte »). Mais, ainsi qu'il a pu l'observer lui-même en assistant à une réunion de seconde section, le caractère collégial de la décision de la commission est, dans la plupart des cas, une fiction. Ici aussi, il ne s'agit pas nécessairement de condamner cet état de fait, mais il faut souligner avec force que le droit ne correspond plus, depuis longtemps, aux faits.

En outre, la Cour des comptes a établi que dans certaines COTOREP, pour certains types de dossiers, « c'est le président de la commission qui statue, seul, par délégation de la commission, ou même le secrétaire de la COTOREP par subdélégation du président », mentionnant un département dans lequel « une liste type des dossiers pouvant être approuvés directement sans saisine des commissions a été établie » pour chacune des deux sections.

Assistant aux délibérations de la première section d'une COTOREP de la région parisienne, votre Rapporteur spécial a cependant pu constater que le caractère collégial y était plus affirmé qu'en seconde section, même si les propositions de l'équipe technique étaient, le plus souvent, suivies, et que l'audition de quelques-uns des demandeurs avait permis une approche plus constructive et donné lieu à de véritables échanges entre les membres de la commission.

c) Les COTOREP ne sont pas informées de la disponibilité des places en établissement

Prenant part à la réunion de la seconde section d'une COTOREP, votre Rapporteur spécial a pu mesurer la précarité des conditions dans lesquelles celle-ci était amenée à prendre ses décisions. La situation actuelle, dans laquelle la personne handicapée est orientée dans un établissement d'hébergement indépendamment de toute considération sur l'offre existant dans le département ou dans la région est non seulement absurde, mais incompréhensible pour la personne considérée. Et ce d'autant plus que les listes d'attente prennent, dans certaines régions, des proportions préoccupantes, que le plan pluriannuel (1998-2002) de créations de places commence tout juste à améliorer.

d) Les COTOREP sont déconnectées des organismes de sécurité sociale

L'AAH est versée à ses bénéficiaires par les caisses d'allocations familiales (CAF). Compte tenu du fait que les COTOREP ne disposent pas d'éléments sur les revenus des demandeurs, elles sont parfois amenées à reconnaître qu'une personne remplit les conditions pour bénéficier de l'AAH, alors même que les CAF vont devoir opposer un refus à cette personne, si celle-ci ne remplit pas la condition de ressources.

Si l'on peut admettre, avec Mme la Secrétaire d'État à la santé et aux personnes handicapées, que la situation d'une personne peut évoluer entre le moment du dépôt de la demande et celui de la décision de la commission, et que l'approche de la personne handicapée, doit aller au-delà de la seule question des ressources, il n'en paraît pas moins choquant à votre Rapporteur spécial que certaines personnes se voient successivement notifier une décision d'attribution d'AAH par la COTOREP, puis de refus par la CAF.

S'agissant par ailleurs des relations avec l'assurance maladie, il est regrettable que les médecins-conseils des caisses primaires (CPAM) ne participent plus, dans la pratique, aux travaux de la seconde section.

e) Les COTOREP ne sont pas informées de l'évolution de la jurisprudence

Alors qu'un volume important de leurs décisions, particulièrement en seconde section, fait l'objet de procédures contentieuses (cf. infra page 37), les COTOREP sont totalement dépourvues d'informations sur l'issue de ces procédures. En effet, la juridiction d'appel n'étant pas en mesure d'établir de recueil de jurisprudence, les COTOREP, aussi bien que les tribunaux de première instance, prennent leur décision dans l'ignorance totale des décisions de la juridiction d'appel, où, selon le rapport conjoint des inspections générales, « la majorité des cas [...] donnerait lieu à des décisions d'espèce et non de principe ».

Un tel constat se passe de tout autre commentaire.

f) Les COTOREP manquent de données statistiques

En raison des insuffisances de l'application informatique sur laquelle est fondé le fonctionnement de l'ensemble des COTOREP, celles-ci ne disposent pas du minimum de données leur permettant de mieux connaître les populations dont elles ont la charge. Selon la Cour des comptes, les COTOREP sont actuellement en mesure de présenter des statistiques en ce qui concerne le volume des demandes, les délais de traitement, l'ancienneté du stock et les effectifs de personnels administratifs. Encore qu'elle ait identifié une COTOREP ne disposant d'aucune donnée antérieure à 1998...

À titre d'exemple, Mme Isabelle Piron, médecin à la DDASS du Nord, interrogée par la Mission, insistait en ces termes : « Nous n'avons pas, dans le département du Nord, le chiffre total de bénéficiaires décisions COTOREP, première et seconde sections. On a des statistiques annuelles de nombre de demandes traitées en COTOREP, tant en première section qu'en deuxième section ».

En outre, la connaissance précise de la population dont la COTOREP a la charge se heurte à l'obsolescence du système de codification des déficiences, comme le rappelait devait la Mission M. Gérard Frey, contrôleur du travail à la DDTEFP de la Haute-Savoie : « Les seules capacités que nous avons de pouvoir évaluer ce genre de choses dépendent de deux codes qui sont en machine, qui sont cryptés, qui s'appellent « type » et « origine du handicap ». Mais ces codes sont relativement obsolètes et ne correspondent pas à l'évolution de la COTOREP ; c'est un problème pour les médecins. Nous attendons une nouvelle application informatique. Je ne sais pas quels seront les nouveaux codes que nous aurons dans cette application, mais il est vrai que les médecins sont souvent en difficulté pour faire une codification ».

Dès lors, près des deux tiers des dossiers examinés par cette COTOREP en 1998 apparaissaient dans la rubrique « autres maladies »...

Indépendamment du fait qu'il ne puisse, en conséquence, collecter que peu de données provenant des services déconcentrés, l'échelon central n'est pas mieux loti, puisqu'aucune indication ne peut être donnée, par exemple, sur le nombre de personnels travaillant à temps partiel, sur le coût de fonctionnement des COTOREP par poste de dépenses, sur les recours formés contre les décisions des COTOREP et sur les suites données à ces contentieux.

Cet état de fait est d'autant plus regrettable que, comme le notait Mme Marie-Dominique Soumet, administrateur civil à la Direction de l'action sociale, au cours de son audition par la Mission, « la COTOREP est une mine importante de renseignements, puisque quasiment toutes les personnes adultes handicapées transitent par la commission. Il faut donc un système d'information plus pertinent et plus performant ».

3.- LES COTOREP NE SONT PAS EN MESURE DE SUIVRE LES PLACEMENTS QU'ELLES ONT ELLES-MÊMES DÉCIDÉS

Les incidences des décisions des COTOREP sur les finances publiques sont considérables. Il suffit en effet de considérer que la première section oriente vers des formations soutenues par les collectivités publiques, tandis que la seconde section conditionne le versement de l'AAH (26 milliards de francs en 2000) et le placement dans des établissements relevant de la solidarité nationale ou de l'assurance maladie.

Dans ces conditions, votre Rapporteur spécial s'étonne des lacunes du suivi des décisions des COTOREP.

Ce constat n'est pourtant pas nouveau. Le rapport présenté par Mme Poupon au Conseil économique et social (1992) estimait ainsi que « trois fois sur quatre, l'orientation ordinaire en milieu de travail équivaut à la recherche d'un emploi et au renvoi vers l'ANPE. En outre, lorsque la personne handicapée est adressée à un établissement de formation ou de travail protégé, il est fréquent que la décision ne se concrétise pas et soit prise en quelque sorte pour la forme ». Le rapport de M. Carcenac s'en inquiétait à son tour et proposait des orientations dans ce domaine.

Lors de son audition par la Mission, M. Jean Vanhoorebeke, directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Nord, faisait part du même sentiment : « Nous sommes bien souvent dans le brouillard, tout au moins au niveau qualitatif, vis-à-vis des orientations vers le milieu ordinaire de travail où les gens sont « renvoyés » vers les EPSR, les OIP ou l'ANPE pour la recherche d'emploi, et la COTOREP ne sait pas si la personne a trouvé un emploi. Nous savons indirectement quand la personne revient nous voir ».

Malgré le caractère profondément insatisfaisant de la situation, aucun progrès ne semble avoir été accompli. En première section, votre Rapporteur a certes pu constater que la commission tentait parfois d'apprécier les effets d'une formation ou d'un stage aidé en assortissant sa décision d'une exigence de présentation d'un rapport final, voire, pour des opérations plus lourdes, d'un rapport d'étape.

Mais ceci reste très insuffisant, comme le soulignait M. Michel Bernard, directeur général de l'ANPE, devant la Mission : « Il arrive fréquemment que les CAT ou ateliers protégés soient des fins en soi plutôt que des sas. En d'autres termes, une fois la personne entrée dans l'atelier protégé ou dans le CAT, plus personne ne s'occupe de l'en faire sortir, hors cas très spécifiques qui tiennent souvent à des rencontres entre un patron de CAT et un conseiller de l'ANPE qui ont décidé de s'investir. Cette alchimie un peu particulière doit se faire jour pour que cela se passe. Or, c'est chose trop rare ».

En seconde section, il apparaît clairement que le traitement des flux passe avant le souci d'un accompagnement social des personnes handicapées. C'est pourquoi M. Philippe Calmette, entendu par la Mission au nom du SNAPEI, est fondé à remarquer que « l'environnement des COTOREP inclut également l'absence de suivi, en matière de handicap mental, des personnes handicapées. Elles fonctionnement un peu en aveugle, avec une méconnaissance des parcours [...] Les COTOREP prennent une décision d'orientation. Est-elle bonne ou mauvaise ? Nous n'en savons rien. Il n'existe pas d'évaluation de la qualité de la décision d'orientation prise par la COTOREP ».

B.- LES MOYENS DES COTOREP SONT INÉGALEMENT RÉPARTIS

C'est à dessein que votre Rapporteur spécial ne se place pas sur le terrain de l'insuffisance des moyens, et ce, pour deux raisons au moins. Non seulement il serait inopportun de se placer d'emblée du point de vue de l'insuffisance de moyens lorsque c'est une remise à plat préalable du système qui s'impose, mais les premières enquêtes effectuées par la mission d'appui conduite depuis 1999 par M. Claude Fonrojet à la demande de la ministre de l'emploi et de la solidarité, montrent qu'il est impossible d'établir une corrélation entre les moyens, particulièrement le nombre de médecins, et l'activité des COTOREP, notamment en termes de délais.

En revanche, la répartition des moyens alloués aux COTOREP frappe par son inégalité. Il suffit par exemple de savoir que le ratio entre les effectifs administratifs et le nombre de dossiers varie, d'un département à l'autre, de un à six, l'écart se situant même entre un et seize pour les personnels médicaux.

1._ LES PERSONNELS

Il convient de distinguer entre la situation du personnel administratif des secrétariats, celle des médecins des COTOREP et celle des autres personnels techniques (psychologues, assistants sociaux).

a) Le personnel administratif

Au fil de ses travaux successifs précités (1982, 1993, 2000), la Cour des comptes a pu retracer l'évolution du nombre des agents affectés aux secrétariats des COTOREP : 1 083, en équivalent temps plein, à la fin de 1991 (soit autant qu'en 1982), 958 fin 1995, 820 fin 1996, 967 en 1997 et 1 024 fin 1998. Il est d'ailleurs intéressant de noter que selon le Ministère de l'emploi et de la solidarité, les chiffres sont respectivement de 990 en 1998 et 1 019 en 1999.

Autrement dit, les secrétariats, certes soutenus par l'introduction de l'informatique, ont dû faire face, avec des moyens en stagnation, voire en régression, à la très forte augmentation du nombre des dossiers (+ 37 % entre 1992 et 1997).

En outre, les auditions effectuées par la Mission ont permis de confirmer qu'en général, les agents des secrétariats appartiennent aux catégories C et D et que l'encadrement est de niveau B, exceptionnellement de niveau A. À ce problème objectif de qualification s'ajoute un phénomène sans doute plus diffus, mais illustré par les propos tenus par M. Michel Laroque, inspecteur général des affaires sociales, au cours de son audition par la Mission : « On ne met pas toujours les meilleurs agents dans ces commissions ».

Il est vrai, comme le déplorait M. Joseph Fricot, entendu, au nom de l'APF, par la Mission que « des cadres B de la fonction publique font de leur mieux pour assumer la direction et le secrétariat des COTOREP. Ces personnes ne sont pas récompensées de leurs efforts. Elles sont souvent bloquées dans leur promotion. Les salariés qui font de la saisie de données et préparent les réunions de l'équipe technique et de l'équipe COTOREP ne sont pas invités à évoluer dans leur fonction ».

Même si les études de la mission d'appui font apparaître que le ratio entre les délais de traitement des demandes et l'effectif des secrétariats n'est pas significatif, votre Rapporteur spécial n'en est pas moins convaincu que certaines COTOREP souffrent de sous-effectifs, ainsi que le soulignent les récents travaux de la Cour des comptes. Il convient donc de saluer l'effort consenti, dans le cadre de la loi de finances pour 2000 et d'un plan triannuel (2000-2002) de renforcement des moyens de fonctionnement, au travers de la création de dix emplois supplémentaires de catégorie B.

b) Les médecins

Hormis la question plus spécifique de la coordination médicale, précédemment évoquée (cf. page 18), votre Rapporteur spécial n'hésite pas à qualifier de scandaleuse la situation des praticiens au sein des COTOREP, compte tenu du rôle central qu'ils y tiennent.

Cinq graves anomalies lui semblent en effet devoir être relevées.

Première anomalie : on dénombrait, en 1998, 554 médecins de COTOREP, soit un effectif de 187 en équivalent temps plein. Rapporté à la centaine de commissions existantes, ce simple chiffre est d'autant plus éloquent que le nombre total de médecins a diminué, passant de 990 en 1991 à 454 en 1998.

Deuxième anomalie : la plupart des médecins de COTOREP sont rémunérés à la vacation, soit, depuis un arrêté en date du 28 décembre 1999, 126,60 francs l'heure pour les spécialistes et 103,52 francs pour les autres praticiens. On peut cependant douter que cette réévaluation, la première à intervenir depuis... 1979, mette fin à l'illégalité, reconnue par nombre de personnes auditionnées par la Mission, tenant à ce que, dans certaines commissions et pour reprendre les termes choisis par la mission conjointe des inspections générales, « les horaires effectués seraient inférieurs aux horaires théoriques sur la base desquels sont forfaitairement décomptées les vacations ».

En tout état de cause, il n'est pas normal qu'un tel écart subsiste avec la rémunération des psychologues de l'AFPA intervenant en première section. De fait, ainsi que l'observait Mme Marie-Dominique Soumet, administrateur civil à la Direction de l'action sociale, lors de son audition par la Mission, « le coût de l'évaluation médicale au sein des COTOREP a été mesuré à 39 millions de francs à partir de l'enquête que nous avons réalisée. C'est moins que le coût des psychologues du travail qui est évalué avec la convention AFPA à 50 millions de francs ».

La situation décrite par M. Jean-Rolland Fontana, inspecteur principal des affaires sanitaires et sociales à la DDASS de la Haute-Savoie, devant la Mission est, à cet égard, très parlante : « Je constate, lorsque nous prévoyons un poste de praticien hospitalier dans un établissement, dans un hôpital local, que nous prévoyons 600 000 francs pour le rémunérer. [...] Comment fait-on [pour la COTOREP] ? Nous faisons uniquement appel au système des vacations. Nous avons 350 000 francs grosso modo au titre des vacations à la DDASS de Haute-Savoie. On voit bien qu'un problème statutaire est posé pour le recrutement des médecins en COTOREP ».

M. Michel Bernard, directeur général de l'ANPE, confirmait ce diagnostic devant la Mission : les conditions de rémunération des médecins « ne me paraissent plus être à la hauteur du service qu'ils rendent, des qualifications qui leur sont demandées et de la société dans laquelle nous vivons. Sur ce point, des améliorations importantes sont certainement à faire ».

Troisième anomalie : les médecins de COTOREP ne bénéficient d'aucun statut. On trouve, dans les commissions, aussi bien des médecins contractuels à temps plein ou à temps partiel, que des vacataires rémunérés à l'heure ou à l'acte. Au cours de son audition par la Mission d'évaluation et de contrôle, Mme Marie-Dominique Soumet, administrateur civil à la Direction de l'action sociale, apportait un éclairage saisissant sur cette question : « Les conditions de recrutement sont, pour l'instant, un peu aléatoires, puisque c'est chacun des directeurs départementaux qui recrute à la demande du secrétaire des COTOREP par voie d'annonce dans le « Quotidien du médecin » [...]. Il aurait été mieux qu'une fiche de poste soit faite au départ ».

Quatrième anomalie : la qualification des médecins est globalement insuffisante. Ceci tient à la fois à la difficulté de traiter des situations de plus en plus complexes, qui exigeraient des qualifications plus poussées dans certaines disciplines (cardiologie, ophtalmologie, ORL, rhumatologie), et à la disparition de certaines catégories de médecins (médecins du travail, médecins de l'aide sociale, médecins de la sécurité sociale), dont la présence en COTOREP serait pourtant fortement souhaitable. En conséquence, les commissions sont amenées, de plus en plus souvent, à recourir à des experts ou techniciens extérieurs. Encore que M. Philippe Bourges, entendu par la Mission, ait observé, au nom de la Fédération des associations gestionnaires et des établissements de réadaptation pour handicapés (FAGERH), « les contraintes budgétaires limitent les possibilités d'utilisation [des] médecins experts ».

Cinquième anomalie : la formation des médecins de COTOREP, indispensable en raison des compétences spécifiques que requiert une appréhension satisfaisante du handicap, laisse à désirer. Non seulement elle n'a été prise en compte que tardivement, depuis deux ans, par une formation au guide-barème, mais son efficacité laisse à désirer. Comme l'indiquait en effet Mme Marie-Dominique Soumet, administrateur civil à la Direction de l'action sociale, au cours de son audition par la Mission, « ces formations ne touchent pas tous les médecins de COTOREP, [...] la difficulté étant que ces médecins ont parfois des rotations plus ou moins rapides au sein des COTOREP [...]. Certains ne restent pas très longtemps ». De ce fait, l'importance du turn-over relativise l'intérêt des formations dispensées.

c) Les autres personnels techniques

L'ensemble des auditions effectuées par la Mission et des rapports publiés depuis plus de dix ans permet de constater que les COTOREP ne disposent pas de suffisamment de psychologues du travail, de conseillers d'orientation et d'assistants sociaux. Le Gouvernement a simplement annoncé, pour 2001, la création de dix postes d'assistants sociaux.

L'insuffisance des effectifs hypothèque la vocation pluridisciplinaire des équipes techniques et, au-delà, des COTOREP. Dès lors, elles ne sont plus à même de prendre en compte efficacement l'ensemble des problèmes de la personne handicapée.

2._ LES MOYENS MATÉRIELS

Les quelques améliorations constatées en matière de locaux ne doivent pas faire oublier les insuffisances persistantes de l'informatisation.

a) Les locaux

Les COTOREP sont généralement logées par les directions départementales du travail et de l'emploi. Partant de la situation désastreuse décrite par la Cour des comptes en 1993, particulièrement en termes d'accessibilité pour les personnes handicapées, les choses ne pouvaient que s'améliorer.

Dans les réponses données par le Ministère de l'emploi et de la solidarité au questionnaire écrit de votre Rapporteur spécial, il est ainsi fait état de cinq COTOREP relogées en 1999. Le relogement ou la réhabilitation est prévu pour quatre COTOREP en 2000, quatre en 2001 et, pour les années ultérieures, douze opérations sont à l'étude. La Cour des comptes, de son côté, estime que la moitié des COTOREP aura été relogée entre 1991 et la fin de la présente année.

Il n'en demeure pas moins un problème préoccupant. Votre Rapporteur a ainsi pu mesurer dans les Hauts-de-Seine les difficultés soulevées par l'archivage et le stockage des dossiers. Outre l'explosion de la surface occupée par les dossiers, il faut en effet parfois compter avec les conséquences de ce volume sur la charge au sol, au détriment de la sécurité au travail.

Cet échange entre notre collègue Jean-Jacques Jegou et MM. Jean Vanhoorebeke et Régis Dubos, respectivement directeur départemental et inspecteur du travail à la DDTEFP du Nord, au cours de leur audition par la Mission, est particulièrement éclairant quant à la précarité dans laquelle travaillent les commissions :

« M. Vanhoorebeke : Comme les reconnaissances sont faites, en général, pour une durée de cinq ou dix ans - cela dépend des handicaps -, nous purgeons bien souvent nos dossiers. Quand telle personne n'est pas venue depuis onze ou douze ans, cela veut dire qu'elle doit être décédée. C'est comme cela qu'on arrive à purger nos dossiers. Sinon, on ne peut pas connaître le nombre des personnes qui restent redevables de la COTOREP.

M. Jegou : Vous pensez qu'elles peuvent être décédées, pas plus que cela ?

M. Dubos : Oui, sinon elles auraient fait une demande de renouvellement.

M. Jegou : Et que faites-vous du dossier ?

M.  Dubos : Il part au pilon.

M. Jegou : Sans savoir si ces personnes sont décédées ?

M. Dubos : Si une personne revient, on lui refait un dossier. Mais cela n'arrive jamais. »

Bien entendu, cette situation résulte directement des insuffisances de l'informatisation des COTOREP.

b) L'informatique

Dans ses réponses au questionnaire écrit de votre Rapporteur spécial, le Ministère de l'emploi et de la solidarité indique que la crainte du « bogue de l'an 2000 » a fourni l'occasion de rénover complètement l'infrastructure informatique des services déconcentrés, et notamment de l'application ITAC (information du traitement administratif des COTOREP). En même temps, les terminaux passifs auraient été remplacés, entre 1997 et 1999, par des micro-ordinateurs. La Cour des comptes observe toutefois que dans certaines directions départementales, chaque agent ne dispose pas encore d'un terminal.

Ceci étant, le Ministère n'en reconnaît pas moins que « l'informatique des COTOREP (système ITAC) a vieilli et n'est plus adaptée aux besoins qui ont évolué ». La Cour des comptes fait également état des lacunes de cette application en termes de convivialité et de performances. Les premières études en vue d'une refonte de cette application, décidée en décembre dernier à l'initiative de la mission d'appui, bénéficient, au titre de l'exercice 2000, de 800 000 francs inscrits sur le budget de l'emploi.

Par ailleurs, six expériences d'archivage informatique sont en cours. Cette gestion électronique des données (GED) par numérisation des dossiers est renforcée à hauteur de 2,5 millions de francs en 2000 (budget de l'emploi). 4 millions de francs ont également été demandés au titre de 2001. L'objectif est de faciliter les recherches et, partant, d'améliorer le service rendu aux demandeurs.

Votre Rapporteur spécial estime qu'il était grand temps que cette préoccupation figure parmi les priorités des administrations de l'emploi et de la solidarité. En effet, les handicapés ont trop souvent le sentiment de ne pas être considérés en tant que personnes par les COTOREP.

C.- LES DYSFONCTIONNEMENTS DES COTOREP SE TRADUISENT PAR DES CONSÉQUENCES INADMISSIBLES POUR LES PERSONNES HANDICAPÉES

Si elles sont légitimement attachées à leur représentation au sein des COTOREP par l'intermédiaire de leurs associations, qui constitue pour elles une indispensable garantie, les personnes handicapées n'en souffrent pas moins directement des dysfonctionnements des COTOREP.

La Mission a ainsi été amenée à déplorer que le traitement des personnes puisse varier sensiblement d'un département à l'autre, que l'accueil et l'information demeurent insuffisants, que les délais de traitement des dossiers soient restés excessifs et que le volume important des recours démontre une forte insatisfaction des intéressés.

1.- LE SYSTÈME FAVORISE LES INÉGALITÉS DE TRAITEMENT

Nul ne conteste que le système actuel, par son absence de pilotage, favorise le développement de telles inégalités. Votre Rapporteur spécial estime qu'elles doivent être combattues indépendamment même du souci de défendre l'uniformité de l'application de la loi sur l'ensemble du territoire de la République. En effet, elles donnent trop souvent lieu à des accusations de dérives, voire d'abus, qui sont pourtant injustifiées. Le rapport conjoint des inspections générales est on ne peut plus clair en ce qui concerne l'attribution de l'AAH, puisqu'il estime qu'on « ne peut parler de laxisme ».

Les inégalités apparaissent à différentes étapes des procédures dont les COTOREP sont en charge, comme l'indiquait M. Pierre Lubek, inspecteur général des finances, lors de son audition par la Mission : « Toute la mission [des inspections générales] dans le cadre de cette enquête [a été surprise] par l'extrême variété des COTOREP dans leur manière de travailler ».

C'est déjà le cas lorsqu'il s'agit de convoquer les personnes. Ainsi que le notait M. Philippe Bourges, au nom de la FAGERH, devant la Mission, « les pratiques sont très hétérogènes d'une COTOREP à l'autre. Dans certaines COTOREP, l'accueil se fait facilement et rapidement [...]. Dans d'autres départements, les caractéristiques du traitement sont complètement différentes ».

C'est également le cas dans la filière d'examen des demandes. Comme le rappelle la Cour des comptes, « les modalités d'instruction varient d'une COTOREP à l'autre, l'avis médical étant toujours déterminant dans la phase d'instruction. Cet avis intervient soit directement avant saisine de l'équipe technique, soit au sein même de l'équipe technique. Au vu de cet avis, l'examen se fait soit sur pièces, soit après une convocation du demandeur à une visite médicale au sein de la COTOREP, soit après une demande de complément d'information auprès du médecin traitant, soit enfin après une demande d'expertise médicale auprès de médecins spécialistes ».

C'est encore le cas lorsque la COTOREP est amenée à s'interroger sur les conditions d'application de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale (AAH attribuée pour un handicap compris entre 50 et 80 %, si la personne est reconnue dans l'impossibilité de se procurer un emploi). Faute de connaître la jurisprudence élaborée par les tribunaux de première instance et d'appel (cf. supra page 18), « les COTOREP sont amenées à se positionner de manière autonome et fluctuante face à cette problématique », ainsi que l'observe le rapport conjoint des inspections générales.

C'est enfin le cas lorsque la personne handicapée, selon les départements, obtient une réponse à sa demande en trois mois ou en un an.

2.- LES DÉLAIS DE DÉCISION DES COTOREP DEMEURENT TROP LONGS

Force est de constater que sur la question des délais de traitement des dossiers et de notification des décisions, véritable serpent de mer du fonctionnement des COTOREP, les objectifs fixés en 1994 par le Ministère, à savoir trois mois (pour une reconnaissance de qualité de travailleur handicapé, une demande d'AAH ou de carte d'invalidité) ou six mois (pour une demande d'ACTP ou une orientation reclassement professionnel) n'ont pas été atteints dans tous les départements.

La Cour des comptes juge donc que « la durée de traitement et de liquidation des dossiers est encore manifestement excessive ». En effet, bien plus qu'un hypothétique « délai moyen », qui serait de l'ordre de trois mois, il est plus intéressant de mesurer quelle proportion de dossiers a une ancienneté supérieure, par exemple, à six mois. Or, selon la Cour, dans un département de la région parisienne, 27 % des demandes en instance avaient été déposées entre six et douze mois auparavant.

Ces délais sont particulièrement préjudiciables aux personnes handicapées, particulièrement en première section, comme le faisait apparaître M. Michel Bernard, directeur général de l'ANPE, lors de son audition par la Mission : « Après [l'accueil des demandeurs d'emploi], le processus s'enclenche. Puis, comme je l'indiquais à l'instant, celui-ci nous échappe un peu, car il est de nature administrative. Il s'ensuit que la relation personnalisée, celle qui donne le plus de chances à un demandeur d'emploi de retrouver du travail, se distend pendant la période d'instruction du dossier. On se retrouve alors dans une espèce de période d'attente extrêmement préjudiciable ».

3.- LES CONDITIONS D'ACCUEIL ET D'INFORMATION DOIVENT ENCORE ÊTRE AMÉLIORÉES

Votre Rapporteur spécial estime cependant que c'est dans ce domaine que les propositions de la Cour des comptes et de M. Carcenac ont eu l'impact le plus grand. Il est vrai que l'on partait, une fois de plus, d'un niveau catastrophique, tant les COTOREP souffraient d'une image négative auprès des personnes handicapées, en raison des déficiences dans l'accueil téléphonique, dans l'accessibilité des locaux, dans l'accueil sur place et dans l'information des demandeurs.

Alors que les associations de personnes handicapées entendues par la Mission ont insisté sur la nécessité d'une réponse personnalisée à leurs demandes, la Cour des comptes n'en constate pas moins que des améliorations doivent encore être apportées s'agissant de l'amplitude des périodes d'accueil du public (par téléphone ou sur place).

Si l'on y ajoute les trop rares convocations des personnes, précédemment évoquées, les propos tenus devant la Mission par Mme Marie-Delphine Bénech au nom de la FNATH résument bien l'état des lieux : les COTOREP « gèrent des dossiers, et non pas des personnes. C'est un sentiment généralisé de nos représentants et il n'y a pas d'exception à cette règle ».

Votre Rapporteur spécial relève d'ailleurs que le ministère a pris conscience de cette situation, ainsi que le montrent les propos tenus par M. Jean-Marc Boulanger, délégué adjoint à l'emploi et à la formation professionnelle, devant la Mission : « La véritable question est bien celle-là, c'est le fait de n'être qu'un dossier qu'on évacue avec des flux à traiter et j'ai participé assez souvent à des commissions comme directeur départemental pour savoir ce qu'est ce côté « flux » qu'il faut traiter. Et quand on est face à un flux, le premier objectif est d'évacuer le flux, ce n'est pas de traiter les personnes, d'où les dérives ».

4.- LES DÉCISIONS DES COTOREP SUSCITENT UN CONTENTIEUX IMPORTANT

Selon Mme Marie-Delphine Bénech, auditionnée, au nom de la FNATH, par la Mission, la motivation des décisions des COTOREP, à la différence de celles de l'AGEFIPH, laisserait à désirer et exercerait un effet inflationniste sur le contentieux, citant par exemple : « Rejet d'une carte d'invalidité avec mention « station debout pénible », compte tenu des éléments figurant à votre dossier ». M. Pierre Lubek, inspecteur général des finances, entendu par la Mission, confirmait cette appréciation : « Dans l'exposé des motifs des recours, on indique simplement si la personne remplit ou non la condition sans donner, par ailleurs, aucun élément d'appréciation permettant de tracer des cas types pouvant dire si un certain type de contentieux se dessine à la fois dans les tribunaux du contentieux d'invalidité et dans la Cour nationale ».

La Cour des comptes estime toutefois que « d'une manière générale, les décisions sont motivées et varient suivant le type de la demande ».

Quoi qu'il en soit, dans ses réponses au questionnaire écrit de votre Rapporteur spécial, le Ministère de l'emploi et de la solidarité reconnaît qu'il « ne dispose pas de données exhaustives pour ce qui concerne le nombre de recours » contre les décisions des COTOREP (4). Le rapport conjoint des missions d'inspection établit cependant que ces recours ont fortement progressé (+ 25 % entre 1993 et 1997).

Le nombre de décisions de refus des COTOREP faisant l'objet d'une révision favorable au requérant varie, d'une région à l'autre, entre 20 et 31 %, ce qui tend à montrer que la qualité des décisions n'est pas satisfaisante. A l'échelon de la CNITAAT, le contentieux de l'AAH représente la quasi-totalité des appels qu'elle est amenée à examiner.

Si votre Rapporteur spécial considère qu'il est normal que le recours n'entraîne ni frais, ni risques pour le requérant, il s'interroge cependant sur l'asymétrie du dispositif actuel, qui tend à ce que seules les décisions défavorables soient contestées par les requérants, alors qu'il serait normal que l'administration puisse, le cas échéant, contester des décisions qu'elle jugerait infondées.

II.- RECONSIDÉRER L'ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DES COTOREP

Votre Rapporteur spécial exposera successivement trois niveaux de propositions, chacun de ces niveaux pouvant être mis en _uvre séparément, en commençant par les plus ambitieuses : définir une nouvelle architecture ; mettre l'accent sur l'information et le travail en réseau ; poursuivre la remise à niveau des moyens.

A.- DÉFINIR UNE NOUVELLE ARCHITECTURE

Le fonctionnement des COTOREP en deux sections distinctes est, certes, prévu par les textes. Votre Rapporteur spécial rappelle toutefois que la loi ouvre simplement une faculté en ce sens, dans la mesure où l'article L. 323-11 du code du travail dispose que la COTOREP « peut comporter des sections spécialisées selon la nature des décisions à prendre ».

Selon votre Rapporteur spécial, les travaux de la Mission démontrent que cette organisation a fait son temps. Au demeurant, elle reflète parfaitement la conception de la loi du 30 juin 1975, loi sociale, loi de prise en charge des personnes handicapées, mais aussi loi spécifique, qui répondait insuffisamment à leur besoin d'intégration.

De ce fait, les COTOREP traduisent une vision, certes protectrice des intéressés, sans doute mieux adaptée au handicap mental, mais pèchent par défaut d'analyse véritable des capacités de la personne handicapée à s'insérer dans le monde du travail. La conséquence en est un enfermement de la personne dans le handicap. Il suffit pourtant de rappeler que 90 % des personnes atteintes par un handicap lourd ou moyen sont suffisamment autonomes pour ne pas être prises en charge par un établissement. Votre Rapporteur spécial juge donc qu'il convient d'abord de déterminer si la personne peut s'insérer dans le monde du travail, le cas échéant, bien entendu, selon des modalités adaptées.

Si la personne est, en raison de son seul handicap, dans l'incapacité, provisoire ou non, de travailler, elle doit pouvoir bénéficier d'une allocation de remplacement. Sinon, c'est la volonté d'insertion et le parallélisme avec le droit commun qui doivent l'emporter. Autrement dit, comme pour toute personne à la recherche d'un emploi, un itinéraire personnalisé doit être défini, faisant appel, au besoin, à des formations ou à des stages, la seule différence tenant à ce qu'en vertu d'un droit à compensation fonctionnelle, la solidarité nationale doit prendre en charge les surcoûts éventuels permettant à la personne handicapée de se rendre à son travail ou d'occuper son poste.

Votre Rapporteur spécial est convaincu que ce choix en faveur d'une aide au départ du processus constitue également un choix rationnel pour la collectivité, puisqu'il évite une prise en charge lourde à long terme.

Au cours de son audition par la Mission, M. Patrick Segal, délégué interministériel aux personnes handicapées, a éloquemment mis en lumière l'importance de ce concept de « droit à compensation » que la révision de la loi de 1975 doit enfin permettre d'inscrire dans les textes : « Le droit à compensation met le doigt sur ce qui est le complément permettant aux personnes handicapées d'arriver à ce seuil de citoyenneté auquel nous aspirons tous ».

Dès lors, la division des COTOREP en deux sections doit être abandonnée et, réforme plus profonde, la création d'un établissement public pourrait être envisagée.

1.- ABANDONNER LA DIVISION EN DEUX SECTIONS

Ce point est fondamental, car les précédentes tentatives de faire travailler ensemble les deux sections et, au-delà, les services, déconcentrés ou centraux, de l'emploi et de la solidarité, n'ont pas été couronnées de succès. Votre Rapporteur spécial estime que les conclusions incontestables - en termes d'unicité des budgets, des secrétariats, des équipes techniques et des médecins coordonnateurs - des rapports de M. Carcenac et de la Cour des comptes ne pourront être réellement et intégralement mises en _uvre qu'au travers d'une unification des COTOREP.

À l'échelon central, un simple renforcement de la mission d'appui, jusqu'à la transformer en « administration de mission » chargée de coordonner l'activité des directions compétentes dans ce secteur, ne réglerait pas les difficultés posées à l'échelon local et risquerait, au demeurant, de se traduire par l'ajout d'une structure administrative supplémentaire.

Dans le même ordre d'idées, la création d'une administration en charge de l'ensemble des problèmes du handicap, qui peut paraître séduisante du point de vue de l'organisation, se heurterait au souci de ne pas isoler des autres politiques les actions définies en faveur des personnes handicapées.

En revanche, il est grand temps de faire tomber le « Mur de Berlin » des COTOREP et de faire bénéficier la personne handicapée d'une appréciation globale de sa situation. Il va de soi, selon votre Rapporteur spécial, que cette nouvelle approche doit s'accompagner d'une convocation systématique des demandeurs, par la commission ou par le médecin. Elle doit également entraîner l'autonomisation du budget de chaque commission, afin de confier à son responsable un outil minimal de pilotage.

En tout état de cause, cette réforme pourrait être appliquée dans des délais relativement brefs, compte tenu du fait que les dispositions en cause sont de nature réglementaire. Au-delà, il conviendrait sans doute de préciser la rédaction de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale, afin - pour reprendre la distinction opérée par le rapport conjoint des inspections générales - de juger in abstracto, et non pas compte tenu du contexte, de la capacité d'un demandeur à se procurer un emploi. Une telle modification législative entraînerait nécessairement une réflexion d'ensemble sur les compensations à apporter aux personnes qui ne seraient plus, de ce fait, éligibles à l'AAH, à l'image des demandeurs d'emploi de droit commun.

2.- ENVISAGER LA MISE EN PLACE D'UN ÉTABLISSEMENT PUBLIC

Votre Rapporteur spécial est conscient que l'abandon de la division en deux sections entraîne inévitablement une réflexion sur l'organisation administrative, centrale et déconcentrée, autour de la question suivante : à qui reviendrait-il, dans ce cas, d'assumer le leadership des COTOREP ? Implicitement, la réponse tend à privilégier l'administration de l'emploi par rapport à celle de la solidarité, bien que cette dernière apporte, en termes de personnel, une contribution équivalente et n'ait pas plus démérité que celle de l'emploi.

C'est pourquoi l'individualisation des missions assurées par les COTOREP sous la forme d'un établissement public serait l'aboutissement logique des propositions convergentes, depuis plusieurs années, visant à la fois à remettre la personne handicapée au centre du dispositif, grâce à un dispositif plus visible et mieux adapté au terrain, et à obtenir une unité de direction, de moyens et d'évaluation médicale.

Une telle réforme présenterait bien évidemment une tout autre ampleur. Non seulement elle requerrait de profondes modifications des textes législatifs, mais elle impliquerait le transfert à la nouvelle agence des personnels des services déconcentrés.

Bien entendu, des représentants des associations de personnes handicapées feraient parfois des organes dirigeants de cette agence, aux côtés des directions d'administration centrale concernées.

B.- METTRE L'ACCENT SUR L'INFORMATION ET LE TRAVAIL EN RÉSEAU

Il est devenu urgent de rompre l'isolement dans lequel travaillent les COTOREP. À cette fin, elles devront développer des relations avec les organismes de sécurité sociale ainsi qu'avec les services qui leur adressent les demandeurs et placer les médecins coordonnateurs au centre du dispositif médical.

Votre Rapporteur spécial insiste sur le développement de ce travail en réseau, qui est indissociable d'une modernisation du système informatique, qui est tout juste engagée.

1.- SENSIBILISER LES SERVICES ET INSTITUTIONS QUI ORIENTENT LES DEMANDEURS VERS LES COTOREP

Votre Rapporteur spécial souhaite qu'un effort d'information soit engagé à destination de l'ensemble des services et institutions qui sont amenés à proposer aux personnes dont ils ont la charge de formuler une demande auprès de la COTOREP. Les organismes d'assurance maladie, les services sociaux des collectivités locales ainsi que les services et professionnels de santé ont sans doute tendance à recommander hâtivement la présentation d'un dossier COTOREP.

Plusieurs représentants d'associations de personnes handicapées ont apporté à la Mission des témoignages illustrant ces difficultés. Mme Marie-Delphine Bénech soulignait ainsi, au nom de la FNATH : « Nous avons l'impression que les assistantes sociales, aussi compétentes soient-elles, ont du mal à comprendre l'utilité de la COTOREP [...]. Il existe un grand flou, y compris dans les services sociaux municipaux ».

En outre, ainsi que l'a indiqué M. Philippe Bourges, au nom de la FAGERH, « des médecins nous disent : je conseille aux personnes de tout cocher [l'ensemble des cases du formulaire prévu à cet effet] », afin d'avoir le plus de chances de bénéficier, à un titre ou à un autre, d'une ou de plusieurs réponses positives de la commission...

Enfin, Mme Catherine Agius, au nom de l'UNIOPSS, révélait que « dans le Val-de-Marne, après une enquête annuelle, il apparaît que sur les 70 000 dossiers reçus dans l'année, 40 % ne correspondaient pas aux missions de la COTOREP ou étaient mal remplis ».

Les gestionnaires de COTOREP entendus par la Mission effectuent la même analyse. Ainsi M. Pascal Bodin, directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de la Haute-Savoie : « De nombreuses assistantes sociales ainsi que l'ANPE ont voulu évacuer le problème sur la COTOREP, pensant que dossier réglé = COTOREP, et je me bats contre cette reconnaissance sociale depuis que je suis directeur du travail, étant donné que d'autres mesures et d'autres programmes existent pour les gens en grande difficulté. Il existe un programme départemental d'insertion pour les bénéficiaires du RMI, il existe aussi un programme de lutte contre l'exclusion et un programme de lutte contre le chômage de longue durée, donc pour les gens en difficulté, dans le cadre des mesures de globalisation des aides à l'emploi. Ces gens-là doivent rentrer dans ces mesures d'aide à l'emploi et on ne doit pas prendre en considération la COTOREP, ou alors la COTOREP sera surchargée de dossiers qui ne sont pas de sa compétence ».

De même, M. Sylvain Picard, inspecteur des affaires sociales, précisait devant la Mission : « Ces dossiers [de personnes d'un certain âge qui n'ont pas de revenus, qui ne travaillent pas ou qui n'ont jamais travaillé] correspondent à des personnes qui n'ont pas travaillé, qui se trouvent en situation de besoin et à qui les services sociaux, parce qu'ils n'ont pas de solution à leur proposer, disent de tenter un dossier en COTOREP. Cela embouteille les COTOREP, d'autant que ce sont des dossiers qui n'aboutissent pratiquement jamais ». Et d'ajouter : « Certains services sociaux des hôpitaux donnent systématiquement, à certaines catégories de malades, un dossier COTOREP ».

Il conviendrait donc que des instructions soient données de telle sorte qu'il soit mis fin à de tels usages, qui contribuent à l'encombrement des COTOREP. Plus généralement, l'accueil dans les commissions doit être assuré de telle sorte que le formulaire soit correctement rempli et que la personne puisse mesurer les conséquences, notamment en termes de délais, des demandes qu'elle présente.

Les auditions effectuées par la Mission ont également démontré que la régulation de la demande pourrait s'opérer plus facilement si des antennes locales, chargées d'une simple mission d'information et d'accueil, pouvaient être mises en place dans certains départements.

Enfin, votre Rapporteur spécial reprend bien volontiers à son compte la proposition du rapport conjoint des inspections générales consistant à s'inspirer, pour le formulaire « certificat médical » rempli par le médecin traitant du demandeur, du modèle élaboré par la COTOREP du Nord-Valenciennes, afin d'améliorer la qualité de l'information sur le degré d'autonomie du demandeur.

2.- ORGANISER LA FONCTION MÉDICALE AUTOUR DES MÉDECINS COORDONNATEURS

Le rôle du médecin coordonnateur, dans l'organisation actuelle des commissions, est fondamental. Il le demeurera si l'une ou l'autre des réformes de structures précédemment exposées devait être mise en _uvre. C'est pourquoi votre Rapporteur spécial estime que le recrutement ou la désignation de ces médecins doit être effectué en priorité.

Cette coordination doit tout particulièrement s'exercer dans le cadre régional, qui fournit une vision plus complète des populations concernées et des solutions d'insertion ou d'hébergement à même de leur être proposées. Les échanges d'expériences entre médecins doivent être encouragés, afin qu'ils puissent parvenir à élaborer une doctrine commune, qui fait aujourd'hui cruellement défaut, faute de véritables médecins coordonnateurs. Les réunions déjà organisées dans cet esprit en Île-de-France et en Rhône-Alpes témoignent de ce besoin. À l'échelon national, la désignation d'un médecin référent serait le couronnement logique de cette nouvelle conception.

Corrélativement, autant le médecin coordonnateur doit être appelé à jouer un rôle central dans la commission, autant il faudra développer une externalisation de l'expertise médicale ponctuelle, payée à l'acte, par conventionnement avec les hôpitaux et les professionnels de santé.

3.- ASSURER UN VÉRITABLE SUIVI DES ORIENTATIONS

La question du suivi s'inscrit clairement dans celle de l'information dont disposent, ou ne disposent pas, les COTOREP.

Elle impose d'abord que les secrétariats des commissions se dotent enfin, conformément aux recommandations du rapport de M. Carcenac, de « tableaux de bord » leur permettant d'appréhender rapidement l'évolution des caractéristiques principales de leur activité. C'est à ce moment-là seulement qu'elles seront à même de tenir la place qui leur revient dans la définition de la politique départementale en faveur des personnes handicapées.

Mais il s'agit surtout d'améliorer la qualité de ces informations. Les orientations proposées en 1993 par M. Carcenac restent d'actualité : lancer une enquête nationale permanente sur le suivi des décisions d'orientation professionnelle et le devenir des bénéficiaires et convaincre les commissions de recourir au module « suivi » qui existe déjà dans l'application informatique utilisée.

4.- RENFORCER LES RELATIONS AVEC LES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

En matière d'AAH, afin d'éviter que les demandeurs ne reçoivent, coup sur coup, une décision favorable de la COTOREP, puis un refus de la CAF, si leurs ressources sont supérieures au plafond, il conviendrait que ne soit délivrée qu'une seule notification de décision, en fin d'instruction de dossier par les CAF.

Au-delà, il paraît aller de soi que les relations entre les COTOREP, qui décident d'attribuer l'allocation, et les CAF, qui la versent, devraient être renforcées. De même, il conviendra que le médecin-conseil participe effectivement aux travaux de la commission, participation qui serait facilitée par la fusion des deux sections précédemment évoquée.

C.- POURSUIVRE LA REMISE À NIVEAU DES MOYENS

Le rapport de M. Carcenac proposait de renforcer les moyens des COTOREP à hauteur de 47,3 millions de francs en 1994 et de 26,6 millions de francs en 1995. En réalité, si l'on excepte un abondement de 2,2 millions de francs des vacations médicales en 1997, c'est seulement en 2000 que des mesures nouvelles d'un montant de 29 millions de francs (15 millions sur le secteur solidarité et 14 millions sur le secteur emploi) ont été consenties en loi de finances.

Votre Rapporteur spécial estime que cet effort doit être poursuivi dans les directions précédemment évoquées (renforcer l'encadrement, former le personnel administratif, améliorer le système informatique, achever le relogement des commissions), mais il insiste à nouveau sur le fait que la remise à niveau des moyens ne peut avoir de sens que si des réformes de structures sont parallèlement engagées. Ceci étant, cette remise à niveau peut s'accompagner d'ores et déjà d'un outil destiné à en assurer le bon emploi, les contrats d'objectifs et de moyens.

Les nouveaux moyens accordés aux COTOREP pourraient donc s'accompagner de la signature de contrats d'objectifs. Conclu entre les responsables des deux administrations déconcentrées, aux échelons départemental et régional, ces contrats définiraient avec précision les moyens mis en jeu pour le fonctionnement de la commission et les objectifs que celle-ci se fixerait en matière d'accueil des personnes, de délais et d'amélioration du service rendu.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission des finances a examiné, au cours de sa séance du 12 juillet 2000, en application de l'article 145 du Règlement, les conclusions de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur le fonctionnement des COTOREP.

Rappelant qu'il avait établi son rapport en se fondant sur les auditions approfondies conduites par la Mission, sur la visite de plusieurs COTOREP en région parisienne et sur les nombreux rapports déjà parus sur la question, votre Rapporteur spécial, a souligné que ces travaux font tous apparaître de graves dysfonctionnements. En effet, malgré les quelques améliorations qui ont marqué la période récente, l'obstacle administratif n'a pu être surmonté, de telle sorte qu'il convient désormais de réfléchir à une réforme de l'organisation même de ces commissions.

Jugeant que les COTOREP naviguent à vue, sans pilote et dans le brouillard, le Rapporteur spécial a critiqué la dyarchie des services de l'emploi et de la solidarité, qui se traduit par un éclatement des responsabilités. Les COTOREP ne disposent pas de budget propre et les deux sections constituées en leur sein travaillent de façon trop cloisonnée. En outre, elles ne disposent pas de données fiables, notamment parce qu'elles ne rencontrent que rarement les demandeurs. De façon générale, leur fonctionnement n'est pas toujours conforme à la légalité, comme le montre le défaut, souvent constaté, de convocation des deux réunions plénières annuelles pourtant prévues par la loi. Le caractère collégial des COTOREP, qui n'entretiennent pas des relations assez étroites avec les organismes de sécurité sociale, est devenu fictif, particulièrement en seconde section. Enfin, les secrétariats des commissions se caractérisent par un encadrement insuffisant et par l'absence de statut des médecins.

Compte tenu des inégalités de traitement qui résultent pour les personnes handicapées de ces graves dysfonctionnements, des réformes profondes s'imposent, et non plus simplement une augmentation de moyens. Il convient, à cet égard, de renoncer à la logique de la loi du 30 juin 1975, loi sociale de prise en charge, pour s'orienter vers une appréciation de la personne handicapée dans sa globalité, c'est-à-dire juger si elle peut occuper un emploi, indépendamment de la situation du marché du travail. Autrement dit, il s'agit de mettre l'accent sur l'insertion, les allocations de solidarité ne devant être versées que si la personne est considérée comme inapte au travail.

Dès lors, la Mission a proposé de supprimer la division actuelle des commissions en deux sections, afin d'établir une unité de direction et de permettre une approche globale de la personne handicapée, qui suppose en même temps la définition d'un véritable statut pour les médecins de COTOREP. La Mission a également souhaité que soit envisagée la création d'un établissement public qui traduirait de manière plus efficace le changement d'architecture globale en faveur duquel elle s'est prononcée.

Le Président Henri Emmanuelli s'est interrogé sur la dénomination et la nature de cet établissement.

M. Didier Migaud, Rapporteur général, a indiqué que la Mission d'évaluation et de contrôle avait fait quelques remarques à ce sujet, intégrées au rapport présenté.

La Commission a autorisé la publication du présent rapport.

AUDITIONS

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1.- Audition de :

Mme Fabienne Jegu, directrice du Service « Défense et droit du handicap », et M. Joseph Fricot, administrateur bénévole (Association des paralysés de France, APF) ;

M. Philippe Bourges, directeur du Centre de réadaptation professionnelle de Coubert, Seine-et-Marne, et Mme Laurence Dubos, Centre Jean-Moulin de Sainte-Geneviève-des-Bois, Essonne (Fédération des associations gestionnaire set des établissements de réadaptation pour handicapés, FAGERH) ;

Mme Marie-Delphine Bénech, conseiller du secrétaire général de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH) ;

MM. Philippe Calmette, directeur général, et Frédéric Lefret, responsable des relations institutionnelles (Syndicat national des associations de parents d'enfants handicapés, SNAPEI) ;

M. Yann Le Berre, au nom de l'Union nationale des parents et amis de personnes handicapées mentales (UNAPEI) ;

Mme Catherine Agius, conseiller technique « Handicap » à l'URIOPSS-Île-de-France », et M. Yves Touzé, directeur du CAT « La Cardon » de Palaiseau, Essonne (Union nationale interfédérale des _uvres et organismes privés sanitaires et sociaux, UNIOPSS).

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 16 mars 2000)

Présidence de M. Jean-Pierre Delalande, Président

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Mes chers collègues, conformément à nos bonnes habitudes, nous commencerons notre réunion à l'heure, d'autant que nous avons un programme chargé.

Nous examinons ce matin, dans le cadre de notre mission d'évaluation et de contrôle créée au sein de la Commission des Finances, le fonctionnement des COTOREP.

Pour ce faire, nous avons le plaisir d'accueillir plusieurs associations.

Notre méthode de travail est la suivante : nous n'aurons pas d'exposés introductifs. Nous entrerons dans le vif du sujet par des questions de notre Rapporteur spécial à la Commission des Finances, du Rapporteur pour avis de la Commission des Affaires culturelles, familiales et sociales et, le cas échéant, de notre Rapporteur général, des deux co-présidents
- Augustin Bonrepaux et moi-même - et de l'ensemble de nos collègues ici présents.

Afin que notre débat soit ordonné, nous le ferons sur la base de l'excellent rapport de la Cour des comptes, et je vous propose de sérier les deux heures que nous passerons ensemble (nous arrêtons à midi), en commençant par cinq tranches de vingt minutes et peut-être partir du parcours que doit effectuer une personne qui s'adresse à une COTOREP.

Je vous propose de passer les vingt premières minutes sur l'accueil, un temps égal sur le traitement des dossiers, d'examiner comment se passent les convocations, comment vous jugez le traitement médical, la façon dont vous estimez que sont prises les décisions et si tout ceci vous paraît satisfaisant ou non.

Un certain nombre de problèmes ont déjà été identifiés sur lesquels nous reviendrons, qui traitent notamment de l'ambiguïté dans les relations entre le social et le handicap qui, d'après moi, est au c_ur de notre sujet.

Sur le premier point, nous écouterons Monsieur le Rapporteur spécial.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : En tant qu'associations, avez-vous l'impression que les handicapés qui s'adressent aux COTOREP sont bien accueillis ? Les conditions d'accueil sont-elles réunies pour que les handicapés puissent effectivement aller dans les COTOREP ?

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Accueils physique et téléphonique, qualité des personnes qui accueillent.

Je vous demande des interventions courtes afin que chacun puisse s'exprimer.

M. Joseph Fricot : Si la COTOREP est connue de ceux qui l'ont fréquentée, elle ne l'est pas de ceux qui, accidentés ou pour cause de maladie, auront à s'adresser à cet organisme, d'où méconnaissance du grand public.

Concernant l'accueil, il est bien certain qu'il faut séparer l'accueil physique de l'accueil téléphonique.

Mis à part le jeune handicapé qui aura été dans un établissement et sera déjà passé pour son « cursus » à la Commission départementale de l'éducation spéciale (CDES), la personne d'âge moyen (30-35 ans) qui devra s'adresser à la COTOREP ne sait pas tout d'abord où elle doit déposer son dossier et où elle le retirera. Elle ira vers sa mairie, ou aura par hasard connaissance de l'adresse de la COTOREP de son département ; sa première démarche sera de demander ce qu'elle doit faire et le dossier à remplir lui sera envoyé. C'est l'envoi du dossier COTOREP qui matérialisera la demande officielle de la personne.

L'accueil téléphonique aura lieu pour les mêmes raisons mais, surtout, une fois le dossier en traitement, pour avoir connaissance de son suivi et de la date où la demande sera examinée par la commission. « Je n'ai pas reçu la notification, j'ai oublié de faire le renouvellement de ma demande dans les délais, que faut-il faire ? ». Dans la quasi-généralité des COTOREP, il existe une déficience patente et si vous n'en avez pas vous-même fait l'expérience... Je l'ai fait de temps à autres : je téléphone et j'attends : je suis mis en attente. Ensuite, j'ai affaire à un répondeur. On va me demander un numéro et me dire qu'il s'agit de telle personne et ma demande est enregistrée sur répondeur. C'est une insuffisance réelle d'accueil.

Autre forme qui serait nécessaire pour mieux maîtriser l'accueil et coordonner l'avancée du dossier : une certaine décentralisation dans les départements. En dehors d'un point d'accueil, qui est celui de l'adresse de la COTOREP, il conviendrait de mettre en place des accueils décentralisés, certaines personnes ne pouvant se déplacer ou ayant des difficultés pour écrire et devant se faire aider par une assistante sociale ou une association. Un accueil décentralisé devrait être envisagé dans certains départements. Par exemple, le Val-d'Oise représente 100 kilomètres entre Roissy et Magny-en-Vexin et toutes les personnes ne peuvent pas se déplacer facilement. Il faudrait des points d'accueil.

Mme Catherine Agius : L'accueil téléphonique : je confirme qu'il est quasiment impossible de joindre une personne au niveau de la COTOREP. Dans le Val-de-Marne, après une enquête annuelle, il apparaît que sur les 70 000 dossiers reçus dans l'année, 40 % ne correspondaient pas aux missions de la COTOREP ou étaient mal remplis.

Dans le cadre des schémas départementaux adultes handicapés dans quelques départements, à l'initiative des conseils généraux, des plates-formes d'information seront mises en place dont le rôle sera d'assurer un pré-tri et une aide au montage du dossier pour les COTOREP.

M. Philippe Bourges : En amont de l'accueil, nous trouvons ce fameux formulaire de demande unique et il est extrêmement important que la personne remplisse correctement le document. S'il est possible de se procurer ce formulaire facilement et partout sur le territoire, il est en revanche plus difficile d'obtenir les moyens de se faire accompagner pour cocher les cases adéquates et formuler les bonnes demandes.

Des médecins nous disent : « Je conseille aux personnes de tout cocher car ainsi elles obtiendront quelque chose ». D'autres disent : « Nous ignorons ce qui relève de la première ou de la seconde section de COTOREP ». Ce n'est pas neutre : une petite case cochée pourra générer des délais de traitement extrêmement longs car, selon la nature des demandes, vous passerez une première fois en première section de COTOREP, une deuxième fois en seconde section et cumulerez les délais et les retards. Quand la personne est reçue en commission, elle vous dit : « Ce n'est pas ce que je voulais et je ne sais pas si c'est moi qui ai signé ». En fait, la demande réelle ne relève pas d'un traitement par la COTOREP.

Les plates-formes d'accueil, l'accompagnement, la formation des professionnels et la cohérence dans le remplissage de ce formulaire sont des points d'axes de progrès qu'il faudra travailler.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Les dossiers sont souvent préparés par des assistantes sociales ou les services sociaux de mairies. Avez-vous une idée du pourcentage des personnes qui remplissent directement leur dossier et de celles qui se font aider par une association, un service social d'une mairie, ou une assistante sociale ?

M. Philippe Bourges : Nous aurons l'occasion d'en reparler. Il existe des perceptions et des pratiques extrêmement hétérogènes au niveau même des professionnels des COTOREP, au niveau des commissaires dont je fais partie et, pour avoir quinze ans d'expérience de fonctionnement, les règles du jeu d'une commission à une autre, selon sa composition ne sont pas forcément les mêmes. Un grand travail pédagogique d'explication et d'accompagnement des professionnels est nécessaire pour améliorer la qualité des services qui seront rendus à l'usager, mais il faut peut-être commencer par nous-mêmes.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : En dehors des problèmes que nous avons vérifiés tels que cocher les cases - ce qui n'est pas si simple et génère toute une série de mauvais fonctionnements -avez-vous l'impression que les dossiers sont bien traités et qu'il existe une conception humaine dans leur traitement ?

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Cela se fait-il de manière industrielle et administrative, ou les cas sont-ils examinés comme ils le devraient, individuellement et personnellement ? En vous écoutant, on se demande si l'on ne devrait pas faire remonter dans le traitement du dossier un peu d'humanisme, à savoir que quelqu'un rencontre la personne y compris pour remplir le dossier.

M. Jean-Jacques Jegou : Je ne suis pas sûr, Monsieur le Président que nous ayons répondu à la question « Qui remplit les dossiers ? » Peut-on avoir un pourcentage ? S'agit-il de la personne elle-même ou d'associations ?

Dans les dossiers d'aide sociale, bien souvent, ce sont les assistantes sociales d'hôpitaux qui les remplissent, en dehors de l'avis du malade qui, parfois, est en mesure de payer, mais comme l'hôpital craint de ne pas l'être, un dossier d'aide sociale est monté. Je voudrais avoir une réponse, car cela nous éclairera sur l'encombrement de certains dossiers.

Il conviendrait également d'avoir la réponse à nos préoccupations, à savoir de prendre un exemple sur le cheminement à partir du moment où l'on a besoin de remplir un dossier. On devient handicapé par un accident - on traverse la rue et l'on devient client de la COTOREP - ou pour une maladie. Comment cela se passe-t-il du début à la fin ? Pourrait-on nous retracer le « cursus », le cheminement et parfois la « galère » comme disent les jeunes ? Comment arriver jusqu'à la prise en charge par la COTOREP ?

Mme Marie-Delphine Bénech : Pour répondre à la précédente question, en la posant vous avez en partie répondu aux problèmes qui se posent. Il existe une pratique généralisée d'approbation par liste, d'où une énorme frustration des personnes handicapées et de nos représentants associatifs dans les COTOREP qui ont un sentiment de frustration d'avoir à déblayer des listes et non pas à entrer dans les dossiers de ces personnes. Ils gèrent des dossiers et non pas des personnes. C'est un sentiment généralisé de nos représentants et il n'y a pas d'exception à cette règle.

Concernant le parcours de la personne, nous avons un regard en temps qu'association, mais il est parcellaire. Il est possible de différencier deux grands types de cas : des personnes qui ont tenté de se débrouiller par elles-mêmes et qui, n'y parvenant pas ou ne comprenant pas le libellé des questions viennent nous voir pour les aider à les remplir, et nous avons de fréquents cas de personnes qui, après un rejet, se retournent vers le système associatif pour les aider, tant pour le suivi du dossier que pour obtenir des explications sur la façon dont la situation se déroulera.

Nous avons l'impression que les assistantes sociales, aussi compétentes soient-elles, ont du mal à comprendre l'utilité de la COTOREP : qui devraient-elles envoyer à la COTOREP ? Il existe un grand flou, y compris dans les services sociaux municipaux.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Un grand effort d'information et de formation doit être réalisé sur le terrain.

M. Joseph Fricot : Il faut faire une différence entre la première demande et les demandes de renouvellement. Nous avons évoqué l'encombrement des COTOREP. Dans la plupart des décisions, pour une reconnaissance de travailleur handicapé première section ou l'attribution de l'allocation adulte handicapé ou compensatrice, les délais courants concernent une notification pour cinq ans. Tous les cinq ans, 20 % de la population se renouvelle.

Il est difficile de remplir le dossier la première fois. Il faut être éclairé et entouré. Par la suite, une partie des « bénéficiaires » des décisions de la COTOREP peut le remplir, d'autant que les COTOREP devraient, sur les recommandations du rapport Carcenac prévenir la personne six mois avant le terme de sa notification qu'elle devra remplir ce dossier, pratique qui n'est pas respectée. La plupart du temps, la personne a besoin de se faire accompagner par un spécialiste du CCAS, une assistante sociale ou le milieu associatif. Pour ce faire, il n'est pas nécessaire d'être assistante sociale et l'entourage familial peut fort bien l'aider.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Au bout de combien de temps voit-on quelqu'un ? Je suis une personne handicapée, je m'adresse à la COTOREP et je remplis mon dossier. Quand verrai-je quelqu'un à la COTOREP ?

M. Joseph Fricot : Les traitements sont différents selon que l'on est en deuxième ou première section.

Première section : une procédure accélérée peut avoir lieu, car la personne est soumise à des pressions au sein de son entreprise pour se maintenir dans un emploi et éventuellement obtenir des aides pour l'adaptation du poste de travail. Toutefois, des personnes ne vont jamais à la COTOREP. Le certificat médical représente la pièce maîtresse, particulièrement quand il est rédigé par un spécialiste, et le médecin de la COTOREP fait confiance à l'écriture de ce certificat médical. Il existe des personnes dont le traitement fera que le seul contact sera, en retour de leur demande, la notification qui arrive, soit par le bureau d'aide sociale si c'est en deuxième section, soit directement de la COTOREP si c'est en première section. C'est la pratique générale. Certaines personnes ne rencontrent jamais le personnel de la COTOREP. En revanche, les personnes convoquées étaient plus nombreuses durant les premières années. Nous estimons en tant qu'association qu'il est nécessaire de convoquer la personne en première section, quand il s'agit d'orientation pour le milieu protégé ou de décisions concernant une formation. L'intéressé doit être tenu au courant. Ce n'est plus effectué car l'on traite sur dossier.

En deuxième section, les personnes sont souvent appelées pour des compléments d'information. J'ai vécu les COTOREP pendant dix-huit ans et je n'y suis plus depuis trois ans en fonction de représentation, mais je sais qu'actuellement le traitement se fait sur dossier et que seules quelques personnes sont convoquées.

M. Philippe Bourges : Sur le fond, je suis d'accord avec vous. Il faut remarquer que les pratiques sont très hétérogènes d'une COTOREP à l'autre. Dans certaines COTOREP, l'accueil se fait facilement et rapidement, car une organisation a été mise en place et le réseau départemental fonctionne déjà bien. Dans d'autres départements, les caractéristiques du traitement seront complètement différentes.

En Seine-et-Marne, nous pratiquons l'accueil systématique des personnes en commission chaque fois qu'une décision d'orientation est à prendre, car cela engage l'avenir de ces personnes. Nous ne traitons pas sur dossier. En revanche, certaines décisions se prennent sur dossier, telle une simple reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Pour les suites de parcours de personnes déjà connues, des procédures permettent d'accélérer le traitement de la situation et il n'est pas nécessaire de convoquer les personnes. Le paysage est très hétérogène.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Au vu du traitement, il n'est peut-être pas nécessaire d'accueillir les personnes mais ces dernières n'ont-elles pas envie d'être accueillies et comprises ? Si je vais dans une COTOREP en fauteuil roulant, puis-je entrer, me mouvoir dans les bureaux, l'accessibilité est-elle à peu près organisée tout au moins dans le lieu symbole de l'accueil des personnes handicapées ?

M. Joseph Fricot : Généralement oui, mais quelques-unes ne doivent pas être encore suffisamment accessibles. C'est le parcours du combattant : il faut passer par le parking, prendre l'ascenseur, passer par un palier pour finir par arriver dans le bureau de la COTOREP. Ce ne sont pas des accessibilités directes, même si l'on y arrive.

M. Philippe Bourges : Tout dépend du département. En Seine-et-Marne, quand vous habitez la Ferté-sous-Jouarre, se rendre à la COTOREP de Melun pose plus de difficulté que d'aller à Paris. Concernant l'accessibilité, l'environnement doit donc être pris en compte, notamment les moyens de transport et de liaison avec la COTOREP.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Assez peu de personnes sont convoquées. Une personne demandant expressément à être convoquée le sera-t-elle ?

M. Philippe Bourges : Oui.

M. Joseph Fricot : Oui. Elle l'est de toutes les façons en cas de recours gracieux sur une contestation de décision.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Deuxième aspect : traitement médical, les conditions de ce traitement et les problèmes que vous semble poser l'articulation du social et du médical.

Mme Fabienne Jegu : Actuellement l'accent est mis - ce qui est nécessaire - sur le besoin médical et l'appréciation médicale au niveau du traitement des demandes. Il ne faudrait pas perdre de vue que le handicap n'est pas simplement et uniquement un problème médical.

Or, si l'on prend le processus d'examen de la demande du dossier d'une personne handicapée en partant du certificat médical dont vous a parlé M. Joseph Fricot, qui est rempli par le médecin traitant, en passant par l'équipe technique, qui n'est composée, dans un certain nombre de COTOREP, que d'un seul médecin, qui ensuite sera examinée au niveau de la commission par des personnes qui n'auront pas la possibilité d'avoir une appréciation beaucoup plus globale des conséquences sur la situation sociale de la personne, cela peut poser des problèmes, notamment en ce qui concerne l'appréciation du taux d'incapacité, par référence au guide-barème institué en 1994, qui vise à fixer un taux d'incapacité compte tenu des conséquences sociales et/ou médico-sociales du handicap.

L'aspect social est déterminant dans la fixation de ce taux d'incapacité. Il l'est ensuite pour l'attribution de certaines prestations. Actuellement, l'appréciation médicale est nécessaire mais ne doit pas se limiter à cette seule application. Il faudrait travailler avec des experts.

Mme Marie-Delphine Bénech : Je vous cite deux cas que nous avons tentés de recenser : le problème d'une personne qui bénéficiait d'une AAH depuis 1989 pour un taux d'incapacité supérieure à 80 % et une décision de la COTOREP en 1994 lui reconnaissant un taux entre 50 % et 79 %. Elle a exercé un recours avec l'aide de la FNATH, qui lui a reconnu un taux d'incapacité de 85 % suite à une expertise. Au moment où cette dame a renouvelé sa demande d'AAH, il lui a été stipulé que par référence au guide-barème des incapacités et compte tenu des éléments médicaux figurant dans son dossier, son taux d'invalidité était inférieur à 80 %, sans autre précision et motivation. Elle a formé un recours et a eu gain de cause.

Souvent le problème de l'expertise médicale conduit à des contentieux qui, si l'expertise était bien réalisée, ne devraient pas avoir lieu.

Autre cas d'une personne atteinte d'une trisomie 21 avec grande débilité, qui se voit supprimer une allocation compensatrice pour tierce personne compte tenu des sujétions imposées à la famille et des éléments médicaux du dossier. La personne peut effectuer une partie des actes essentiels de l'existence mais nécessite une surveillance permanente et un accompagnement.

Même avec des critères médicaux évidents, certains éléments entraînent des décisions aberrantes. Il est clair que ce n'est pas généralisé, mais il existe de fortes disparités, ainsi que l'a souligné Mme Jegu, selon les COTOREP.

M. Philippe Bourges : Sur cet aspect de l'appréciation de la problématique médicale des personnes, il est certain que si les COTOREP sont dotées de moyens d'évaluation, ceux-ci n'autorisent pas des appréciations très fines et génèrent un certain nombre d'imprécisions et d'erreurs souvent très mal perçues et vécues par les personnes.

Il existe un outil - l'expertise médicale - mais, les contraintes budgétaires limitent les possibilités d'utilisation de ces médecins experts. Dans le cas d'une personne cérébro-lésée, victime d'un traumatisme crânien ou d'une personne atteinte d'un handicap de nature psychique ou psychologique, ce n'est pas dans un entretien d'une heure avec un médecin généraliste que vous arrivez à une perception très fine de la problématique.

Ce sont des difficultés auxquelles nous nous trouvons confrontés régulièrement en commission surtout quand, ensuite, nous recevons des personnes qui viennent avec des informations médicales nettement plus précises que celles que le médecin de COTOREP, malgré toute sa bonne volonté, a pu récupérer au travers d'un entretien.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Les médecins commencent-ils à avoir les dossiers médicaux ?

M. Francis Hammel, Rapporteur pour avis : Une constatation : les décisions importantes sont prises, notamment pour déterminer le taux d'incapacité, uniquement sur le certificat médical, ce qui est gênant. La qualité du certificat médical déterminera la décision de la COTOREP sans que le demandeur soit examiné par un médecin-expert de la COTOREP. De ce fait, des problèmes se posent souvent et des personnes contestent les décisions prises par la COTOREP.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Le médecin fait confiance au certificat médical. C'est un problème qu'il faut examiner.

M. Daniel Feurtet : Depuis le début de cette audition, dans les propos que vous tenez un élément me préoccupe : les différences qui semblent assez fortes d'une COTOREP à une autre. Nous sommes dans un système inégal dans une République qui se veut égale. Quelles sont vos suggestions dans ce domaine pour tenter de mettre l'égalité dans des systèmes et des situations qui me posent un problème en tant que parlementaire ? Je sais bien que c'est fait par des hommes et des femmes, et j'ignore si nous sommes tous capables d'avoir une attitude impartiale.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Pour sérier la question et vous aider à répondre dans le prolongement de celle de M. Feurtet, nous devons distinguer entre ce qui relève clairement du handicap, qui doit être assez aisément identifiable et traitable, et ce qui relève à l'évidence du social, pour lequel c'est à nous de faire l'effort de trouver des solutions de traitement qui n'aient pas pour conséquence l'engorgement des COTOREP.

La zone médiane n'est pas évidente avec, à la fois un handicap physique mais aussi des aspects psychosomatiques ou non clairement déterminés qui peuvent être durables, mais temporaires et qui, sans doute, ne doivent pas être traités de la même façon. Il me semble que c'est plutôt sur les personnes de cette catégorie que doit s'exercer l'examen.

Dans le traitement des dossiers et dans les textes, pouvons-nous mieux cadrer les deux premières, et notamment le social, de manière à pouvoir davantage concentrer sur les moyens qui, en principe, doivent être affectés aux personnes concernées par le handicap ?

M. Philippe Calmette : Je tiens à rappeler que le SNAPEI représente le monde du handicap mental et la dimension des établissements gestionnaires.

Nous constatons tous dans nos établissements les différences d'appréciation des taux d'incapacité suivant les COTOREP, les lieux, les pratiques et les habitudes des unes et des autres donc, différence de traitement. Nous sommes au-delà de la nuance et véritablement dans la différence de traitement.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Nous ne sommes pas loin de l'arbitraire.

M. Philippe Calmette : Pour autant, devons-nous faire un bilan négatif ? Je ne suis pas sûr. Constater des hétérogénéités de traitement ne veut pas dire que le système est systématiquement injuste et doit être réformé en profondeur. Entre le constat et la conclusion à en tirer, il convient de faire preuve de prudence. L'hétérogénéité de traitement n'est pas forcément imputable à la COTOREP mais également à l'état de l'offre différente suivant les départements.

En matière d'orientation, les COTOREP agissent en fonction de l'offre de services dont elles disposent, ce qui pèse forcément dans leurs décisions. L'offre serait parfaitement adaptée, excédentaire, fluide et permettant de répondre aux besoins sociaux, à ceux du handicap mental et du handicap physique avec des solutions adaptées au problème des personnes, les dysfonctionnements que nous soulignons aujourd'hui seraient certainement réduits. Tout n'est pas imputable aux COTOREP qui fonctionnent dans un contexte qui est l'offre - les orientations, les établissements et les structures vers lesquelles il est possible d'orienter les personnes handicapées - très différente suivant les départements, et les COTOREP adaptent leur décision à l'état de l'offre.

L'environnement des COTOREP inclut également l'absence de suivi, en matière de handicap mental, des personnes handicapées. Elles fonctionnent un peu en aveugle, avec une méconnaissance des parcours. Sur l'appréciation des taux d'incapacité, un vrai problème de qualification des médecins se pose. Les uns et les autres, dans nos établissements, mettons en place des référentiels qualité sur les conditions de prises en charge et d'accompagnement des personnes.

Il faut également que les critères d'appréciation des taux d'incapacité soient mieux normés, que des référentiels plus précis soient mis en place de manière à éviter l'approximation constatée ici ou là ainsi que le manque de qualification des médecins qui, parfois, sont amenés à se prononcer. Un travail de qualité, référentiel, un travail de normes, doit également être mis en place en amont des COTOREP.

Ne faisons pas supporter à cette instance, qui n'est qu'un maillon de l'ensemble tous les maux, parce que les réponses sont ailleurs. Nous constatons dans nos établissements, en particulier ces dernières années, une situation qui est la conséquence d'une offre insuffisante en matière de prise en charge de personnes pour qui le handicap social est dominant. Nos établissements, notamment les établissements de travail protégé, voient de plus en plus arriver ce qu'il faut appeler des erreurs d'orientation de personnes qui ont été orientée vers des CAT sur des critères de handicap social.

Le mélange de handicaps différents - handicap mental et handicap social - a des conséquences extrêmement négatives pour les uns et les autres. Il contribue à déstabiliser des personnes qui, pour l'essentiel, ont un handicap social et il déstabilise celles qui ont un handicap mental. La cohabitation se fait au détriment de tous. Cette situation doit être rectifiée, mais l'origine se situe dans un état général de la société : la montée du chômage et l'exclusion créent ce type de situation. Elle se situe également dans une pénurie de l'offre en matière de structures sociales pour accueillir le handicap social qui, faute de mieux, est orienté vers des structures jusqu'à présent réservées au handicap mental.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Vous nous avez dit, Madame, que dans le Val-de-Marne, 70 000 dossiers étaient reçus dans l'année et que 40 % ne correspondaient pas à la mission COTOREP. C'est un pourcentage très important qui explique l'encombrement des COTOREP. Comment expliquez-vous ce pourcentage et quelles propositions pourraient-elles être effectuées afin de faire en sorte qu'il n'existe pas ? Pourriez-vous nous indiquer le pourcentage d'appels sur les décisions de première instance, quand elles ne sont pas favorables ? Une fois l'appel constitué, la personne est-elle systématiquement convoquée ?

Mme Catherine Agius : Je pensais avoir donné des éléments de réflexion et de réponse sur ce pourcentage, concernant ce qui se met en place dans les départements dans le cadre des plans départementaux pour les handicapés : les plates-formes d'information qui informent sur les missions exactes de la première et de la deuxième section de la COTOREP et effectuent un accompagnement au montage du dossier (pour les personnes qui ne sont pas accompagnées par une association ou une assistante sociale) qui est impossible à remplir en l'état.

Il existe une externalisation de ce travail d'information et de pré-tri au niveau des CAT qui, dans certains départements, fonctionne bien ; dans d'autres départements des structures inter-associatives sont à mettre en place quand il n'existe pas de grandes associations, bien référencées et identifiées au niveau des personnes handicapées, qui peuvent remplir ce rôle.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Quand une personne est effectivement dans une situation de demandeur (il lui est arrivé un drame, une tragédie, ou elle se trouve dans une situation particulière), penser à écrire à la Direction du travail et à la COTOREP n'est pas évident. Des personnes les conseillent. Je suis étonné de ce pourcentage de 40 %. Compte tenu de toutes les associations qui peuvent exister, des assistantes sociales et des structures mises en place dans les communes, comment peut-on arriver à un tel pourcentage d'erreurs d'aiguillage ? Vous proposez d'améliorer certes, mais je suis surpris de ce pourcentage.

M. Philippe Bourges : Il est certain que le fonctionnement de la COTOREP n'est pas étranger aux évolutions structurelles que connaît notre société. Dans une période de fort chômage, nous avons vu des orientations arriver dans une logique différente.

Autrefois, une personne qui était en difficulté dans son entreprise pour des problèmes de santé, s'adressait à la COTOREP dans cette logique. Aujourd'hui, une frange non négligeable de la population s'adresse à la COTOREP suite à un licenciement économique qui réactivera sa problématique médicale alors qu'elle était intégrée dans l'entreprise où elle se trouvait. Vous changez l'environnement et la problématique médicale réapparaît ; elle resurgira sous la forme d'une demande à la COTOREP, alors que nous connaissions moins cette situation auparavant.

Autre remarque : autrefois, nos moyens étaient focalisés sur ce travail de préparation, d'intégration dans la logique COTOREP ; je pensais aux équipes techniques dont le rôle est de vérifier un certain nombre d'éléments en amont de la décision COTOREP, mais il y avait surtout les EPSR (équipes de préparation et de suite du reclassement professionnel) dont le rôle a considérablement évolué depuis une dizaine d'années. Les missions des EPSR (qui étaient publiques et sont quasiment aujourd'hui totalement privées) ont été recentrées sur l'accompagnement des personnes handicapées vers l'emploi dans des missions plus proches des logiques du PDITH que de celles de la COTOREP elle-même. Ce travail d'accompagnement en amont ne se fait donc plus ou seulement dans des orientations de recherche d'emplois.

La logique est complètement inversée. Aujourd'hui, si je travaille dans une EPSR et compte tenu de l'obligation de résultat qui m'est imposée, je prendrai, parmi les personnes handicapées qui me sont adressées, celles qui se trouvent les plus proches de l'emploi. En revanche, j'aurai tendance à réadresser à la COTOREP les personnes en très grande difficulté d'insertion en raison de la lourdeur de leur problématique médico-sociale. Il y a là un effet pervers sur lequel nous devons réfléchir.

Mme Marie-Delphine Bénech : Je vous rappelle qu'il existe en France un grand problème de connaissances statistiques quantitatives et qualitatives concernant les bénéficiaires de l'AAH. Nous ne connaissons que ceux qui sont nos adhérents. Ce problème est parallèle à la question des COTOREP, mais doit être posé.

Concernant l'harmonisation des décisions, une ébauche de propositions a été faite dans le rapport IGAS-IGF sur l'AAH par rapport au traitement des dossiers en deuxième section, qui consistait à indiquer qu'un certain nombre d'allocations (notamment l'AAH) pourraient être gérées par des organismes de sécurité sociale. À la FNATH, nous considérons que cette suggestion doit être suivie d'effet, car les organismes de sécurité sociale ont une vraie compétence sur le plan social.

Sur la clarification, entre ce qui relève du médical et du social, il existe de véritables compétences au niveau des organismes de sécurité sociale, ce qui aboutirait à la suppression de la deuxième section ; pour nous, ce ne serait pas véritablement une difficulté mais plutôt une avancée positive dans le fonctionnement des COTOREP.

M. Joseph Fricot : L'environnement économique et social de ces dernières années a réellement une importance sur la demande affluant vers les COTOREP. Quand le RMI a été mis en place il y a dix ans, dans les COTOREP, nous avions pensé qu'un certain nombre de dossiers nous arrivant, trouvant une solution au titre du travail, auraient fait en sorte que pour des personnes à la recherche d'une allocation - l'allocation adulte handicapé - venant vers les COTOREP, le RMI aurait fait barrage. Or, ce n'est pas ce qui s'est passé, car elle nous a fait découvrir que beaucoup de personnes, socialement et sur le plan du handicap, étaient réellement en difficulté. Elles ignoraient ce qu'était la COTOREP. La nature du RMI leur a été expliquée et une partie d'entre elles a basculé vers la COTOREP.

Deuxième aspect : l'appréciation que l'entreprise fait de son salarié vieillissant. Je pourrais donner des exemples avec des chiffres, mais je ne le ferai pas par discrétion. Actuellement, la pression est très forte pour les entreprises de faire en sorte d'avoir une confusion totale entre le handicap technologique apprécié par l'employeur et le handicap au sens de la reconnaissance de la COTOREP. Actuellement, une forte proportion de salariés de 45 ans et plus sont invités par pression (on ferait même le dossier à leur place) à aller vers la COTOREP pour une reconnaissance de travailleur handicapé. Cette exigence de productivité fait que des personnes basculent d'une situation de plein emploi à l'assistance en faisant appel aux COTOREP pour l'allocation handicapé.

Il existe deux niveaux de décision dans une COTOREP : le travail effectué par l'équipe technique qui, dans sa composition, est réduite (le médecin, l'assistante sociale, le secrétaire) et une analyse réalisée et proposée à la commission plénière. Or, depuis de nombreuses années, l'Association des paralysés de France milite pour que l'équipe technique soit rendue pluridisciplinaire. Comment voulez-vous demander à un médecin de proposer une décision de reconnaissance de travailleur handicapé à l'équipe plénière pour une orientation de formation et de réemploi, alors que l'évaluation des compétences et de l'efficience n'est pas faite ? C'est une question de moyens. Pendant longtemps, certaines COTOREP fonctionnaient sans assistantes sociales et sans psychotechniciens, et c'est encore le cas.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Si la personne est convoquée, quel est le pourcentage d'appel par rapport aux premières décisions ?

M. Joseph Fricot : Il faut séparer la première et la deuxième section.

En première section, ils sont très peu nombreux (M. Philippe Calmette parlait d'orientation par défaut) ; j'ai toujours été surpris que les contestations ne soient pas plus nombreuses. Actuellement, celles sur les décisions de première section ne sont pas traitées par la COTOREP ; elles devraient l'être par la Commission départementale du travailleur handicapé, mais cette dernière ne fonctionne pas. Les textes prévoient qu'elle se réunit tous les mois et, parfois, il faut attendre un an pour avoir un avis sur un accord d'entreprise au titre de la loi de 1987 sur l'emploi des personnes handicapées ou une réorientation de la personne.

Les contestations concernant les catégories de travailleurs handicapés ou les orientations se passent devant la Commission départementale qui ne fonctionne pas et, parce qu'elle est présidée par un magistrat, la décision est prise par rapport au droit. Le dossier devrait revenir en examen en COTOREP après la proposition de la Commission départementale des travailleurs handicapés, mais cela ne se fait pas.

M. Jean-Jacques Jegou : Monsieur le Président, je reviendrai sur la réponse de M. Calmette à votre question sur la séparation entre handicap social et handicap médical. Les intervenants ont encore élargi cette réflexion puisque M. Fricot vient d'y ajouter le handicap technologique, ce qui démontre l'évolution des cas qui se présentent aux COTOREP.

Également un fait m'interpelle dans la réponse de Mme Bénech : « Il n'existe pas, en France, de statistiques fiables sur la nature des handicaps concernant les personnes qui touchent l'AAH ».

Nous sommes en Mission d'évaluation et de contrôle et si le sujet vient à l'ordre du jour, c'est sur la pertinence actuelle des COTOREP par rapport à ce que nous vivons dans la société. Avec insistance, M. Philippe Calmette nous a répété que les COTOREP réagissent en fonction des offres. J'aimerais que l'on tente de revenir sur ce point en disant qu'en fonction des décisions qui peuvent être prises par les COTOREP, c'est sur les solutions qui peuvent exister autour, dans le périmètre départemental ou interdépartemental des COTOREP.

Nous avons vu que des entreprises pouvaient, sur le plan social, se substituer au demandeur pour dire : « Je vais te mettre à la COTOREP, car c'est mieux que le chômage », ou il peut s'agir de petits débrouillards plutôt que de chercher du travail : tout existe.

Pensez-vous que le système de fonctionnement des COTOREP soit adapté à ce que nous connaissons : les handicaps vrais, les accidentés du travail ou des personnes atteintes de paralysie, des états médicaux évidents, ou la trisomie 21 avec des comportements différents même s'il n'y a pas de possibilité de travailler et d'avoir des comportements compatibles avec l'entreprise ? Ne faudrait-il pas que nous puissions redéfinir exactement ces différents niveaux au sein même des COTOREP ou d'une organisation différente ?

Il conviendrait que nous puissions entendre de votre part si véritablement l'organisation dans laquelle nous vivons - celle des COTOREP - est bien adaptée (dans la première partie, le Président a évoqué les accueils et les dossiers). Ne sommes-nous pas en dehors d'une situation réelle où l'on ne fait pas de différence entre le social et le technologique (qu'il est possible de regrouper avec le handicap médical) ? Pouvons-nous continuer avec une organisation telle qu'elle se comporte au sein des COTOREP première ou deuxième section ?

M. Philippe Bourges : Il existe des adaptations naturelles au changement. Au sein des commissions, j'ai l'impression que les acteurs cherchent des solutions aux problèmes qu'ils rencontrent et qui ont été évoqués ; nous voyons apparaître des phases d'accueil en amont de la COTOREP dans des points répartis dans le département pour mieux répondre aux besoins d'information.

Nous voyons également apparaître une remise en cause du fonctionnement première section d'un côté et deuxième section de l'autre. Des COTOREP expérimentent des logiques avec des commissions communes et des équipes techniques communes première et deuxième sections. Afin d'avoir une cohérence entre les décisions de l'une et de l'autre et ne pas cumuler les étapes. D'autres COTOREP acceptent de fonctionner avec des équipes techniques très élargies dans lesquelles sont intégrés d'autres professionnels.

Ce sont des mouvements qui attestent que les personnels sont conscients des limites actuelles du dispositif par rapport aux enjeux. Des réponses relativement intéressantes sont déjà expérimentées. Des outils existent qui sont peut-être sous-utilisés. Je ferai allusion ici aux outils de pré-orientation. En Seine-et-Marne, deux centres effectuent des actions de pré-orientation : ils sont complètement saturés par le volume des demandes de la COTOREP, qui utilise complètement ces possibilités de bilan global médico-psycho-social sur des temps de une à douze semaines. Les décisions COTOREP sont alors assises sur des faits relativement solides et, surtout, partagées avec la personne intéressée.

Or, à la FAGERH, à l'échelon national, nous constatons qu'il existe un certain nombre de centre de pré-orientation à vocation régionale, paradoxalement sous-utilisés. Des COTOREP n'utilisent pas cet outil. Là aussi, des axes de progrès sont à mettre en place.

M. Joseph Fricot : Il ne faut pas confondre la mission de la COTOREP, qui oriente mais n'est pas responsable de ce qui se passera par la suite. On met sur le dos de la COTOREP des difficultés rencontrées qui conduiront à l'assistance et à une mauvaise appréciation de la situation parce que, comme le disait M. Calmette, on oriente par défaut. S'il n'existe pas d'atelier protégé dans le département, on oriente en CAT, alors que la personne n'est pas faite pour y aller, mais pour un atelier protégé. Elle ne se porte jamais candidate pour entrer dans un CAT. D'autres sont à la limite entre l'atelier protégé et le milieu ordinaire, vers lequel elles sont orientées. Comme il n'y a pas d'atelier protégé, elles sont en échec d'insertion par manque de soutien et en raison d'une crise de l'emploi.

M. Philippe Calmette : Je pense, pour répondre à votre question, M. Jegou, qu'il faut agir en amont et en aval.

Agir en amont revient à se donner les moyens d'une bonne évaluation de la nature et du taux de handicap. C'est le respect le plus élémentaire de la personne handicapée. Il faut arriver à bien maîtriser et à bien connaître, sur des critères objectifs (et non pas, parfois, au petit bonheur la chance ou après un examen auprès de médecins pas forcément qualifiés), pour parvenir à appréhender correctement la nature et le taux du handicap. Cette mission d'évaluation ne peut être confiée qu'à une instance indépendante des établissements, des associations et des financeurs. Pourquoi pas les COTOREP ? Mais à condition de renforcer considérablement leurs moyens.

Deuxième réponse : en aval, sur la connaissance de l'offre. L'offre en matière de handicap mental est insuffisante et l'offre en termes de réponse au handicap social également. Cette situation relève d'autres décisions, d'autres politiques et d'autres moyens, mais il convient que les COTOREP puissent maîtriser et appréhender réellement l'état de l'offre. D'après mes informations, les COTOREP ne savent pas et ne peuvent pas appréhender l'état de l'offre. En situation de réorientation, qui décide des réorientations de personnes handicapées mentales ? Les établissements se mettent d'accord entre eux avec des recours une fois sur cent.

Les établissements pèsent lourdement sur la réorientation des personnes et, là aussi, l'appréciation indépendante et objective que l'on serait en droit d'attendre des COTOREP n'existe pas, faute de cette connaissance. S'il fallait développer deux compétences pour que les COTOREP travaillent mieux, ce serait une compétence d'évaluation de la nature et du taux de handicap de la personne handicapée : il faut mettre en place des moyens, des procédures, des référentiels et objectiver tous ces éléments.

Deuxième compétence : celle de la connaissance de l'offre. Le champ du département est parfois trop réduit. Certains établissements ont des vocations régionales ou nationales et d'accueil de personnes handicapées. La visibilité déjà mauvaise et limitée au niveau départemental est totalement insuffisante.

Il faut développer les moyens dans ces deux orientations : évaluation du handicap et connaissance de l'offre, avec un observatoire de l'offre qualitatif et non pas quantitatif, pour savoir réellement ce qui se passe dans les établissements et comment les personnes sont prises en charge de façon à adapter le mieux possible les besoins à la réponse qui est apportée et à l'orientation effectuée par les COTOREP.

M. Pierre Hériaud : L'importance de l'environnement économique et social a été soulignée. Je formulerai une remarque générale : c'est dans le cas d'une activité économique difficile que s'exerce la tentation de substituer aux revenus d'activité des revenus de transferts. C'est une tendance assez générale.

Monsieur le Président, vous êtes parti avec la méthode des cinq tranches et du suivi d'un dossier. Il chemine dans les arcanes d'un mille-feuilles représenté par tous les intervenants ici présents, mais nous avons quelques difficultés à saisir le fonctionnement général de ces COTOREP. Un sentiment d'hétérogénéité et de fonctionnement insatisfaisant a été soulevé. C'est tellement hétérogène qu'il existe peut-être certaines régions, ou des départements, où les COTOREP fonctionnent bien et il faudrait voir, dans ce cas, la façon dont elles sont organisées, les flux d'entrées et le traitement des dossiers.

Ces points me paraissent très importants pour nous-mêmes et nos rapporteurs.

Actuellement, nous avons trois familles de représentants : les associations représentant les handicapés, les gestionnaires de centres et les familles, à savoir les parents. Chacun est face au fonctionnement de la COTOREP qui nous préoccupe puisque c'est le meilleur fonctionnement que nous recherchons. À partir des sommes engagées, c'est une amélioration explosive de la qualité et de la quantité des services ou, pour certains autres qu'on ne peut rendre autrement, une réduction sensible pour ne pas dire drastique si, d'aventure, il n'est pas possible d'agir autrement. La vérité se trouve dans un juste équilibre à ce niveau.

J'aimerais savoir ce que chacune des familles ici présentes pourraient nous dire en tant que suggestions et propositions en matière d'amélioration, d'adaptation de la loi de 1975, et d'organisation territoriale, sur le terrain et des services. Nous avons évoqué le fait de rapprocher les bénéficiaires et de ne pas avoir 100 kilomètres à faire pour aller rencontrer quelqu'un pour la première fois (si d'aventure on le rencontre) et comment améliorer l'efficacité de ces moyens, en réseaux territoriaux peut-être et, surtout, la qualité des services au bénéfice des handicapés, car toute l'orientation et la finalité concerne la personne handicapée qui doit bénéficier de ces moyens.

M. Joseph Fricot : Nous n'avons pas traité le problème des délais. Nous avons vu l'accueil, le traitement, le fonctionnement des équipes techniques et les décisions de l'équipe plénière. Ce n'est pas parfait et les orientations ne sont pas celles que nous attendions, car des allocations peuvent être données à tort ou ne pas l'être. En fait, le délai de traitement est très long.

Il est exact que - pour avoir à soutenir des personnes handicapées dans leurs doléances et leurs réclamations - la question des délais est inacceptable. Il avait été demandé à la suite du rapport Carcenac de prendre des méthodes de traitement (vingt mesures) dont certaines ne nous convenaient pas, telles que le traitement des dossiers sur pièce. La personne ne peut pas être satisfaite, ni les vingt-quatre personnes qui doivent siéger en plénière. Dans le Rhône, quatre réunions de COTOREP ont lieu chaque semaine. À Paris, les délais sont excessivement longs.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Pouvons-nous avoir des statistiques sur le nombre de réunions ainsi que le rythme et le nombre de dossiers traités par commission ?

M. Joseph Fricot : Pour l'instant, nous connaissons de nombreux éléments. Dans un département tel que la Lozère (encore qu'il y existe de nombreux établissements de personnes handicapées), c'est-à-dire dans des départements à faible population, la COTOREP ne se réunira peut-être qu'une fois tous les deux mois en raison du petit nombre de demandes. Dans ce cas, le délai ne sera pas dû à un mauvais traitement. En revanche, par exemple dans le Rhône, nous nous réunissons beaucoup plus fréquemment en raison d'un afflux de demandes. Il n'a pas été répondu à ce qui avait été demandé dès le départ : le dédoublement des COTOREP dans les principales métropoles françaises. Il faut tenir compte de la densité de population, et la situation en Île-de-France n'est pas la même que celle du centre de la France.

Toutes les COTOREP fonctionnent de leur mieux sans suivi au plus haut niveau pour recommander des procédures de fonctionnement. Vous nous demandez des chiffres, nous les attendons, car le traitement informatique des dossiers devrait le permettre. Ce traitement informatique n'est pas effectué convenablement alors que la CNIL avait donné l'autorisation, sous certaines conditions, du traitement pour le classement par nature de handicap, par tranches d'âge et autres. Ce n'est pas fait. Là encore, sur des questions de détails, le logiciel de traitement mis à disposition des COTOREP a besoin d'être modernisé. Il a été mis en place il y a dix ans. Les structures de traitement informatique ont évolué considérablement.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Je réservais pour la fin les problèmes de moyens : personnels, locaux et informatique.

Mme Marie-Delphine Bénech : Une demande très concrète de la FNATH : qu'au minimum les décisions soient réellement motivées. Quand nous lisons : « Rejet d'une carte d'invalidité avec mention station de bout pénible, compte tenu des éléments figurant à votre dossier », cela nous incite à faire un recours, d'où un allongement du traitement des dossiers ; ce n'est pas un cas isolé.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Nous pouvons attester comme parlementaires que ce ne sont pas des cas isolés. Quand nous recevons de tels types de courriers, ils repartent immédiatement, avec un agacement que vous comprendrez. De telles situations génèrent du courrier et du téléphone supplémentaires ; nous sommes coutumiers du fait.

Mme Marie-Delphine Bénech : Dans le secteur du handicap, nous avons un exemple très concret d'une amélioration des motivations de dossiers dans ceux de l'AGEFIPH qui fonctionne bien désormais. S'il était possible d'obtenir la même situation au niveau des COTOREP, ce serait un plus important.

M. Jean-Pierre Brard : Monsieur le Président, tout ce que vous dites est intéressant. Nous recevons à nos permanences des personnes qui veulent bénéficier et qui, surtout, protestent contre les décisions qui ont été prises. Nous découvrons comment ce système fonctionne et ce n'est pas rassurant.

Les propos de M. Philippe Calmette concernant l'inégalité de traitement - assez choquante - et ses explications, n'impliquent pas uniquement les COTOREP, mais également les juridictions, l'adoption et autres. Nos compatriotes ne sont pas égaux devant les droits dont ils devraient pouvoir bénéficier.

Considérez-vous que la pluridisciplinarité vient nécessairement des professionnels ? Vous avez parlé de médecins et d'assistantes sociales. D'après moi, les experts ne sont pas seulement les professionnels. L'expérience de la vie ne passe pas uniquement par les connaissances professionnelles.

Pour la deuxième section, par quelle instance les recours sont-ils traités ? S'agit-il de celle qui a rendu la première décision ? Réfléchissez-vous à des instances de recours de médiation qui permettraient d'une certaine manière de trouver des solutions ? Quel sort est-il réservé au recours amiable formulé par des personnes tierces comme les élus qui ne siègent pas ?

Mme Marie-Delphine Bénech : Concernant la compétence pour les décisions de la deuxième section, cela dépend de ce à quoi vous avez postulé. Cela s'appelle le tribunal administratif pour un problème de prime de reclassement, une période d'essai en CAT et pour un refus d'attribution du macaron GIC (future carte de stationnement européenne), les juridictions du contentieux technique de sécurité sociale pour les problèmes d'appréciation du taux d'incapacité et les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale pour les conditions d'affiliation à l'assurance vieillesse obligatoire.

Il existe plusieurs organismes et aucune unicité. Pour rebondir sur votre intervention, nous avons publié un état des lieux du contentieux social qui explique quelles sont les disparités, en fonction des décisions rendues par les tribunaux administratifs de sécurité sociale. Il existe une disparité sur la totalité du territoire et le citoyen n'est pas égal devant la loi et - j'ai envie de le dire - devant la santé. Quelqu'un qui a un mésothéliome lié à l'amiante à Nantes sera beaucoup mieux traité qu'une personne atteinte de la même difficulté au niveau de Montpellier. C'est général.

Nous entendons parler, avec le projet de loi sur le droit des malades, de remettre l'usager au « centre du dispositif ». Si c'est pour ne pas aboutir à des décisions concrètes, laissons les belles périphrases. Nous demandons du concret.

Pour répondre sur une appréciation générale du fonctionnement des COTOREP, nous avons beaucoup parlé du mauvais fonctionnement, mais elles ne fonctionnent pas si mal. Les personnes handicapées sont satisfaites de l'existence de ce dispositif. Toutes les associations ont contribué à l'écriture de la loi de 1975 qui a apporté beaucoup d'avancées. Ne mettez pas les COTOREP à la poubelle.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Nous n'en sommes pas là mais nous essayons de répondre à vos propres interrogations.

M. Gilbert Mitterrand : Nous sommes saisis de tout ce qui ne fonctionne pas et nous sommes là pour en parler. Quel crédit accordez-vous au certificat médical du médecin de famille ? Quand tout se passe bien, cela fonctionne mais, en cas de désaccord, comment la situation est-elle gérée entre les autres médecins qui ont donné un avis et le médecin de famille ? Existe-t-il une gestion de ce désaccord aussi bien auprès du médecin de famille que de son patient ? Le patient s'interroge ; soit il considère que son médecin de famille n'est pas « dans le coup », soit que l'État, quoi qu'il arrive, n'est pas correct.

Ce point rejoint la question de l'information que vous souhaitez, en dehors d'une feuille pré-imprimée dans laquelle sont notés le numéro de l'article, le code et les délais pour faire appel. Sur cette question du médecin et de son patient et vis-à-vis de ceux qui sont amenés à intervenir malgré eux quand ils effectuent un recours gracieux, nous souhaiterions être mieux informés.

Le taux d'appel : je n'ai pas entendu de réponse chiffrée. Quel est le taux de réussite de l'appel et pourquoi réussit-il ? Quel est le motif qui revient le plus souvent pour qu'il réussisse ? S'agit-il uniquement d'erreurs de forme et de procédure ou de motifs de fond ? Je ne vous demande pas d'en faire l'inventaire, mais de m'indiquer ce qui statistiquement semble être la cause la plus fréquente des raisons d'un appel justifié.

M. Philippe Bourges : Je ne peux pas vous répondre sur le taux d'appel, car nous n'avons pas d'éléments de lecture statistique sur ce type d'informations.

En revanche, je peux vous répondre sur la prise en compte des avis des médecins de famille. Dans les COTOREP où se pratique l'accueil de la personne - nous rejoignons le problème de l'information - tout handicapé peut être accompagné d'une personne de son choix, y compris de son médecin de famille. Ce sont des éléments qui sont peut-être insuffisamment connus. Bien souvent, en commission, les personnes sont accompagnées par une tierce personne qui vient défendre le point de vue de l'intéressé. Sans être en appel, dans la procédure normale, toute personne peut venir face à la COTOREP, en demandant à être présente quand la décision se prendra la concernant et en étant accompagné de la personne de son choix.

Tout dépendra des commissions, des pratiques et de l'information que la personne aura au moment où elle établie son dossier, ainsi que de la nature de l'accompagnement effectué. Nous insistons donc sur la qualité de l'accompagnement en amont, qui raccourcira considérablement les délais de traitement et réduira le nombre des recours.

Mme Marie-Delphine Bénech : Sur la question de l'appel, un élément de réponse figure dans le rapport sur l'allocation aux adultes handicapés : « Les recours contre les décisions des COTOREP sont en croissance régulière de l'ordre de 25 % entre 1993 et 1997. » Concernant les recours en matière d'AAH : « Elle touche une partie importante des décisions des rejets des COTOREP, jusqu'à 63 % en Haute-Normandie ». Quant au fait qu'elles aient obtenu une révision favorable ou non, apparemment ce n'est pas négligeable : « 31 % en Midi-Pyrénées, 20 % dans le Nord-Pas-de-Calais, 21 % en Haute-Normandie et 23 % en Rhône-Alpes ». Il s'agit du nombre de décisions de refus des COTOREP qui se sont vues inversées par les tribunaux.

M. Gilbert Mitterrand : S'il y avait 100 % d'appels reçus, ce serait inquiétant. Ces chiffres ne sont pas rassurants. Dans ces 21 % et ces 31 %, quelles sont les raisons dominantes qui font que l'appel est reçu ?

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Nous demanderons aux gestionnaires de la COTOREP et au ministère.

Mme Fabienne Jegu : Je rebondis sur le taux de réussite. Nous constatons bien souvent, concernant le recours, qu'il faut aller au-delà de la première instance (prenons l'exemple du contentieux technique de la sécurité sociale, il faut aller jusqu'au niveau des commissions nationales d'incapacité), pour avoir des décisions objectives.

L'une des raisons qui m'amènent à tenir ce type de propos est la suivante : au niveau des premières instances, même après une réforme législative qui avait pour objectif de faire de ces juridictions une véritable juridiction avec des magistrats, les textes d'application ne sont pas parus. Au niveau de ces juridictions, certaines personnes sont juges et parties, voire déjà à l'origine de la décision contestée au niveau de la COTOREP et, notamment, les médecins que nous retrouvons bien souvent dans les tribunaux d'incapacité. Nous sommes alors obligés d'aller très loin dans les recours et nous demandons les textes d'application de ces dispositions législatives.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Monsieur le Président, je souhaiterais que Mme Jegu et M. Calmette précisent davantage leur pensée de manière à nous éclairer.

Mme Jegu, dans la détermination du taux d'invalidité, d'après vous, l'aspect social était déterminant.

M. Calmette nous parle de « handicap social ». Je souhaiterais qu'il puisse nous préciser ce qu'il entend par « handicap social » relevant d'une logique COTOREP.

Mme Fabienne Jegu : Si je parlais des répercussions sociales et/ou socioprofessionnelles, c'est par référence aux critères d'appréciation du taux d'incapacité fixé par le guide-barème lui-même, qui considère que pour fixer et appréhender l'incapacité de la personne, il faut être en mesure d'apprécier les répercussions des incapacités d'un point de vue social et/ou professionnel. L'approche n'est donc pas uniquement médicale. C'est la traduction de la déficience en termes d'incapacité sociale et/ou professionnelle, ce qui est déterminant pour la fixation du taux d'incapacité qui lui-même est déterminant pour l'attribution des prestations.

Je pense à l'exemple de la tierce personne. Est-ce du médical ? Le besoin d'accompagnement d'une personne handicapée est-il strictement médical ? Nous pouvons nous poser la question. Ce besoin et cette approche ne sont pas suffisamment pris en considération actuellement.

M. Philippe Calmette : Ce qui est rassemblé sous le vocable de « handicap social » est également appelé dans le secteur du handicap mental « handicap de situation » par opposition au handicap mental qui est permanent. Le handicap social ou de situation concerne le plus souvent des jeunes en situation d'exclusion, avec des troubles du comportement. C'est le type de population que l'on retrouve dans les COTOREP avec des orientations qui ne correspondent pas à l'évidence à la satisfaction de leurs besoins ou de leurs attentes, ce qui perturbe le fonctionnement du système. Ce sont des populations qui relèvent plutôt de la loi sur l'exclusion que de la loi de 1975. Cette frange de population, faute de dispositifs d'accueil ailleurs, a dérapé vers les dispositifs loi 1975 que l'on retrouve dans les COTOREP.

M. Yves Touzé : Il faut également parler de ceux qui ont plus de 45 ou 50 ans. De nombreux candidats à l'admission dans des CAT ont travaillé quinze ou vingt ans en entreprise et, du fait de l'évolution du type d'emploi dans les entreprises, se trouvent sans emploi. Il existe des exemples d'assistantes sociales et d'entreprises qui aident à la constitution d'un dossier COTOREP, mais des personnes qui se sont retrouvées en chômage longue durée, voire en situation de SDF, arrivent à raccrocher, via la COTOREP, pour une admission en CAT.

M. Augustin Bonrepaux : Nous sommes ici pour tenter de déceler les dysfonctionnements et d'apporter des améliorations. À plusieurs reprises, vous avez souligné les uns et les autres l'existence d'une inégalité de traitement dans le pays à travers diverses COTOREP.

Nous avons souligné l'excès de dossiers dans un cas. Pourriez-vous préciser les raisons essentielles de ces disparités ? Est-ce le fait, dans certains départements où il existe moins de dossiers, qu'il est possible de mieux traiter les questions alors qu'ailleurs les COTOREP sont submergées ? Est-ce dû parfois à l'implication et au rôle plus social que l'on peut avoir dans certains cas plutôt que dans d'autres ? Est-ce dû à un excès de juridisme générant davantage de recours et impliquant que l'on traite moins les différents éléments ? Pourriez-vous préciser les raisons de ces disparités et, surtout quelles propositions pourraient être faites pour que le dispositif soit harmonisé sur tout le territoire ?

À partir des décisions prises par les COTOREP, existe-t-il des moyens d'évaluation pour connaître leurs résultats dans la mise en _uvre du retour à l'emploi, ou sa facilité, pour une personne qui a été déclarée handicapée ?

M. Philippe Bourges : Comment est utilisé le guide-barème pour l'évaluation des déficiences et des incapacités ? Cet outil normatif créé pour que les professionnels parviennent à produire une évaluation aussi objective que possible génère pourtant des décisions souvent contradictoires.

Vous pouvez avoir, en seconde section de COTOREP, à statuer sur une personne semblant lourdement handicapée et en fauteuil roulant. L'application du guide-barème conduira à proposer un taux d'incapacité supérieur à 80 % et l'attribution de l'AAH.

Au vu de ce résultat, en première section de COTOREP, certains commissaires connecteront l'évaluation du désavantage social (handicap) à l'évaluation de l'incapacité : « Cette personne est de catégorie C ». D'autres commissaires apprécieront le seul désavantage social et diront « Même en fauteuil roulant, il est toujours PDG de son entreprise. Il n'y a pas lieu de reconnaître la qualité de travailleur handicapé ».

Ce sont des situations où, pour la même personne et à partir du même barème, les décisions prises sembleront complètement contradictoires... En multipliant par le nombre de personnes, de COTOREP et de commissaires, vous avez l'explication des difficultés dont vous êtes les témoins assez souvent puisque vous êtes les premiers à appuyer les recours des personnes.

M. Joseph Fricot : Je confirme que d'être en fauteuil roulant n'implique pas une reconnaissance de travailleur handicapé. M. Philippe Bourges vient de dire : « Si c'est un chef d'entreprise, il ne sera pas reconnu comme travailleur handicapé ». C'est un dysfonctionnement consécutif à une interprétation erronée des COTOREP ; la reconnaissance du travailleur handicapé devrait être effectuée par rapport au poste de travail. Ce n'est plus le cas. C'est une déviation.

Le jeune de 20 ans qui, après le passage en IM, en IMPro, a bénéficié d'un soutien pour une insertion à l'autonomie sociale et professionnelle n'a pas encore occupé d'emploi. Il n'a pas toujours effectué des stages en entreprise et ignore quel emploi il occupera. Le chômeur de longue durée atteint par le handicap ou la maladie, ne sait pas vers quel métier il ira. Nous prenons des décisions de COTOREP avant même de savoir quelle suite nous pourrons donner au reclassement. Certaines personnes entrent dans des décisions qui font que certains s'en contentent car cela les arrange mais que d'autres se retrouvent totalement exclus de la société.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : C'est un dérapage considérable concernant les principes de la loi de 1975.

M. Joseph Fricot : Par rapport à la loi de 1975 nous étions - en tant qu'APF comme les autres associations présentes - parmi celles qui ont travaillé pendant des années pour aboutir à la loi-cadre du 30 juin 1975. À l'époque, nous n'étions pas dans la même situation concernant l'emploi. La rédaction de cette loi a fait que dans la tête de ceux qui l'ont votée et que vous avez votée ou que vos prédécesseurs ont votée, une personne réputée avoir 80 % d'incapacité COTOREP ne devait pas travailler.

Or, cette notion génère une véritable opposition du contrôle médical et l'exclusion de la personne. Heureusement de nombreuses personnes ayant une incapacité COTOREP à 80 % sont dans le monde du travail ordinaire ou adapté. C'est une notion fondamentale.

Il est vrai que pour ces affaires d'orientation, certaines COTOREP fonctionnent de cette façon. Avant d'attribuer l'allocation adulte handicapé, nous tenons une réunion plénière première et deuxième section pour mesurer les possibilités d'emploi, d'orientation et de formation.

Le fameux article 35-2 de la loi de 1975 stipule qu'à partir du moment où une personne reconnue travailleur handicapé est réputée ne pas pouvoir se procurer un emploi - ce qui était vrai en 1975 ne l'est plus aujourd'hui - elle peut être bénéficiaire de l'allocation adulte handicapé.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Cela nous donne l'ampleur du travail que nous avons à faire.

M. Philippe Calmette : Monsieur le Président, pour répondre à votre question, j'aurai trois niveaux de réponse.

Nous avons besoin d'outils objectifs d'appréciation du handicap. C'est indispensable et ces outils doivent être à la disposition et utilisés par les COTOREP. Si nous voulons objectiver et réduire les écarts ou les injustices qui peuvent exister entre les différentes appréciations sur la nature et les taux de handicap, c'est avec ces outils que ce sera réalisable et, à l'évidence, un élément déterminant. Les institutions que nous représentons ici ont toutes eu des initiatives pour élaborer des normes et des référentiels, avoir l'équivalent des conférences de consensus. M. Bourges, vous citiez le guide-barème. Un travail est effectué par les professionnels et mené par les associations, résultat d'initiatives prises par les uns et les autres. Il faut qu'elles se concrétisent dans des outils acceptés et reconnus par l'ensemble de la profession. Il faut travailler sur les systèmes d'information. Les COTOREP ne peuvent plus fonctionner en aveugle. Elles doivent avoir une bonne connaissance de l'offre à leur disposition. C'est indispensable. Elles doivent également avoir des outils de suivi des décisions qu'elles prennent. Les COTOREP prennent une décision d'orientation. Est-elle bonne ou mauvaise ? Nous n'en savons rien. Il n'existe pas d'évaluation de la qualité de la décision d'orientation prise par les COTOREP. Ces éléments peuvent se régler. Il faut avoir un système d'information, et un suivi des personnes handicapées, ce qui passe par une professionnalisation de nos outils. Nous fonctionnons avec beaucoup de bonnes volontés, mais avec des outils statistiques et de suivi très pauvres dans le secteur social ou médico-social et le système d'information est totalement perfectible. En dotant les COTOREP de ces outils, elles pourront fonctionner dans de meilleures conditions et nous réduirons immanquablement les écarts sources d'inégalités constatés dans le fonctionnement des uns et des autres.

C'est une question de moyens humains. Nous avons rencontré hier le Président de la mission d'appui des COTOREP qui nous disait avoir constaté, à besoins équivalents - à nombre de dossiers traités comparables -, des écarts au niveau des personnels administratifs qui vont de 1 à 6 et des écarts au niveau des personnels médicaux allant de 1 à 16 suivant les COTOREP, en y ajoutant le fait que les COTOREP dans l'organigramme des administrations ne sont pas des outils privilégiés. Les secrétariats - le fonctionnement des COTOREP - sont souvent des cadres B. Ce n'est pas forcément les choix que font les meilleurs fonctionnaires : s'orienter dans les secteurs ou avoir en charge les COTOREP.

C'est également le positionnement, le rôle et l'importance que l'administration accorde à ce type de structure dont, à l'évidence aujourd'hui, le rôle et la prise en compte ne sont pas suffisants. Nous traitons de la matière humaine, de l'orientation des personnes et si l'administration plaçait en priorité le traitement de l'usager, elle positionnerait différemment les COTOREP, à la différence de ce qu'elle fait aujourd'hui. C'est un outil malheureusement un peu négligé. C'est ce que nous entendons quand nous écoutons nos associations. Ce n'est pas un élément décisif dans le fonctionnement de l'administration, ce n'est pas par là que les meilleurs fonctionnaires s'orientent. C'est un outil délaissé. C'est une question de moyens et d'estime ou de considération de ces problèmes par l'administration.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Vous avez fait une habile transition avec le dernier point que nous venons d'aborder : les moyens. Vous avez dit un mot en personnels, en locaux et en informatique.

Auparavant, je voudrais que vous réfléchissiez à la question qui vous tient le plus à c_ur : y aurait-il une question qui vous paraîtrait importante et que nous n'aurions pas eu l'occasion de vous poser ? Que nous ne partions pas sans que vous ayez dit ce qui vous paraît essentiel.

J'aurai une question sur le rapport entre le taux d'invalidité et l'application de la loi du 10 juillet 1987 sur l'emploi.

Sur les moyens, M. Philippe Calmette nous a donné son avis concernant les personnels. Vous paraissent-ils en nombre suffisant au regard des nombreux dossiers à traiter ? La formation : est-ce un sentiment partagé par d'autres associations ? Les locaux vous paraissent-ils appropriés et l'informatique performante ?

M. Joseph Fricot : Nous n'avons pas parlé de la dualité existant entre la DDASS et la Direction du travail. Par alternance, la présidence de la COTOREP revient au directeur du travail ou au directeur de la DDASS du département et chacun d'eux est amené à détacher du personnel pour faire fonctionner la COTOREP. Or, nous ne pouvons pas avoir les chiffres mais nous connaissons les conflits entre ces deux administrations pour dégager les crédits nécessaires et l'insuffisance de personnel provient de cette situation. Il n'existe pas, au niveau central de l'administration, un lieu de centralisation et d'expression des besoins de gestion de ces COTOREP. Cela devrait remonter et si une mission d'appui est créée pour aller dans les COTOREP pour voir comment cela se passe et nous rencontrer en tant qu'associations, il faudra que cela se traduise par des décisions.

Nous évoquions le niveau des secrétariats. Des cadres B de la fonction publique font de leur mieux pour assumer la direction et le secrétariat des COTOREP. Ces personnes ne sont pas récompensées de leurs efforts. Elles sont souvent bloquées dans leur promotion. Les salariés qui font de la saisie de données et préparent les réunions de l'équipe technique et de l'équipe COTOREP ne sont pas invitées à évoluer dans leur fonction. C'est un vase clos dont on ne sortira pas, hormis quelques exceptions. Un effort de formation des propres salariés de ces COTOREP est à effectuer en général pour provoquer des raisons de mieux exécuter son travail.

Compte tenu que des moyens importants sont nécessaires (vous l'avez forcément vu avant de nous convoquer), le rapport Carcenac demandait 47 millions de francs en 1994 pour un meilleur fonctionnement. Actuellement, le budget prévu en amélioration fait état, selon les endroits où l'on se trouve, d'un chiffre compris entre 24 millions de francs et 29 millions de francs.

Cela signifie qu'il faut des moyens considérables, mais sachez que vous avez obtenu ces crédits (tout le monde ne le sait pas), en raison des engagements et une demande très forte pour que l'AGEFIPH prenne en charge la totalité du fonctionnement des EPSR, bien que les associations aient toujours demandé que l'État en reste tout au moins co-financeur, même partiel, s'il veut assurer sa mission de faire en sorte que la loi soit respectée. L'État doit être présent et financer là où les orientations et les décisions importantes se prennent pour la personne. Actuellement et à compter du 1er juillet 1999, l'AGEFIPH a compensé les 55 millions de francs que le budget de l'État allouait au fonctionnement des EPSR. Sachez que les associations de l'AGEFIPH avaient subordonné leur accord à la décision de financement des EPSR par l'AGEFIPH, au fait même que ces sommes soient utilisées pour le fonctionnement des COTOREP. Nous abandonnons 55 millions de francs à l'AGEFIPH et vous ne remettez que 25 millions de francs ou 26 millions de francs. Tous les ans, l'État se désengagera de 50 millions de francs affectés au fonctionnement des EPSR.

Une lettre d'engagement indiquait que les faits seraient pris en compte. Nous avions pris la réserve en AGEFIPH en disant que nous ignorions quelles sommes étaient nécessaires à l'amélioration du fonctionnement. C'est à vous Messieurs d'en décider lors des lois de finances.

En outre, nos réflexions se traduisent par une nécessité d'améliorer les moyens de fonctionnement à tous les niveaux ; peut-être pas dans les petites COTOREP où il ne se pose pas de problème mais, surtout, dans les lieux de forte concentration humaine que sont les grandes villes, les grands départements à porte population. Entre un département de 250 000 habitants et un autre de 2 millions d'habitants la situation est différente et le travail des COTOREP ne se fait pas selon les règles prévues. Nous traitons des dossiers. Vous pouvez rendre les associations responsables, car nous sommes membres de la commission qui statuera sur la proposition mais il nous est dit : « Voilà un paquet. Pour ceux-là, c'est l'AAH, pour d'autres, c'est la reconnaissance de travailleurs handicapés » et deux ou trois nous sont soumis pendant deux ou trois heures de réunion. Nous faisons un sondage pour voir si nous avons pris une bonne décision.

Une réforme importante est nécessaire mais elle suppose des moyens.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Votre exemple de la réaffectation des crédits de l'AGEFIPH accentue les dérives. Je connais le texte fondateur de l'AGEFIPH ; elle a été mise en place pour assurer le retour à l'emploi. Qu'elle redonne de l'argent pour le fonctionnement des COTOREP via le ministère qui au passage assure son taux prélèvement de gestion ne fait que renforcer la confusion dans la gestion des COTOREP entre le retour à l'emploi, le social et le handicap.

C'est la preuve qu'à force de laisser dériver les situations et de ne pas les traiter dès qu'elles sont perçues, la complexification se fait et personne ne s'y retrouve plus. Ce sont des méthodes que nous constatons dans d'autres domaines et pour redonner de la lisibilité et de clarté à tous ces éléments, nous avons mis ce sujet à l'ordre du jour de nos débats.

Je terminerai par deux questions : au travers de vos propos, nous percevons un problème de suivi du ministère tant dans l'évaluation des travaux et des pratiques des COTOREP que dans l'ordonnancement des procédures ou des moyens financiers. Ce sentiment vous paraît-il fondé car, nous concernant, il est important de le creuser ? Avez-vous le sentiment que le fait d'avoir un taux d'invalidité déterminé par la COTOREP est un facteur qui aide les personnes dans le cadre de la loi de 1987 à retrouver un emploi ? Est-ce neutre ou est-ce un handicap supplémentaire ?

M. Joseph Fricot : Ce ne peut pas être neutre, en fonction des catégories dans lesquelles le travailleur handicapé sera « classé ». Il existe trois grandes catégories dans la définition du travailleur handicapé : A, B et C. Derrière, il existe des raisons d'être A, B ou C et ces unités et ces classifications sont objet de comptabilisation par unité comptable du travailleur embauché. Automatiquement, il y a un effet et une répercussion.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : C'était dans le sentiment des entreprises. En tiennent-elles compte positivement selon votre expérience ?

M. Joseph Fricot : L'inverse joue, à savoir que jusqu'à 1992 les unités comptables dans les classifications A, B et C étaient réduites et raisonnables. Or, le législateur en 1992 a sorti un nouveau décret qui fait qu'un travailleur handicapé de plus de 25 ans et de moins de 50 ans vaut une unité supplémentaire etc. Avec un seul salarié une entreprise remplit son quota. Le but des législateurs était de permettre l'insertion et le maintien des personnes les plus handicapées. Or, ce n'est pas ce qui se joue.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Oui. Néanmoins, les décrets ne sont pas de notre fait.

Mme Laurence Dubos : Si nous avons parlé de l'hétérogénéité des COTOREP, au niveau des entreprises, c'est encore plus flagrant. Envoyer un curriculum vitæ. à une entreprise en revendiquant le statut de travailleur handicapé, c'est au petit bonheur la chance, selon la personne qui le recevra ; soit il est jeté, soit on commence à sortir la calculette. Il existe deux dimensions : une dimension économique et une dimension humanitaire ; la prise en compte du handicap dans l'entreprise, ce qui est complètement aléatoire en fonction des personnes et des entreprises.

Mme Catherine Agius : Par rapport à l'articulation COTOREP et emploi, l'axe insertion, cela n'a pas énormément de conséquences. Au niveau national, le maintien du taux de 4 % concernant les entreprises en termes d'emploi des personnes handicapées est davantage lié à la reconnaissance en interne de personnes qui avaient une déficience, ou d'action de maintien de personnes handicapées. Le dispositif COTOREP fonctionne assez bien sur des actions de maintien de salariés de bon niveau qui ont un handicap, avec une procédure diligentée de reconnaissance de travailleur handicapé en quinze jours et des actions d'adaptation de postes.

Concernant la loi de 1987, une simplification est nécessaire en raison des différentes qualités de bénéficiaires : qualité via la COTOREP, via l'invalidité sécurité sociale, via la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, une qualité par rapport aux pensions de guerre avec des systèmes d'équivalence qui ne sont pas comptabilisés de la même façon en fonction du taux d'invalidité qui est calculé par des barèmes complètement différents. Une simplification du système s'impose pour obtenir une équité des citoyens concernant ces équivalences bénéficiaires qui constituent un argument économique par rapport aux personnes.

M. Philippe Calmette : Monsieur le Président, vous disiez que vous nous solliciteriez sur les observations.

L'une d'entre elles est celle de voir apparaître dans les COTOREP, notamment sur les décisions d'orientation, des acteurs se positionnant exclusivement sur des questions financières. C'est un besoin dont nos associations font état depuis quelques mois : dans certaines COTOREP, la présence des conseils généraux en particulier, venant siéger avec une préoccupation non pas d'adaptation de l'orientation au besoin de la personne handicapée, mais sur des critères et des considérations exclusivement financières. Très certainement, si des points sont à réformer c'est de mettre des garde-fous pour éviter ce genre de comportements.

Nous savons que la maîtrise des enveloppes sociales dans les conseils généraux devient une priorité et il ne faudrait pas que les COTOREP soient un outil de maîtrise de l'évolution des dépenses en matière sociale des conseils généraux, voire un outil de transfert de charges entre les différents financeurs et que nous n'ayons pas dans les COTOREP des jeux entre les différents financeurs pour se transmettre les cas lourds ou les financements. Faisons attention à ce point.

Il n'est pas possible d'en tirer aujourd'hui un principe général mais ce sont des comportements et des attitudes qui n'existaient pas il y a quelque temps et qui commencent à apparaître. Prenons garde que les COTOREP soient véritablement un lieu de rencontre d'acteurs qui défendent et représentent les personnes handicapées et tentons de mettre en place des dispositifs qui empêchent les critères de financement de devenir des critères décisifs d'orientation.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Vous mettez le doigt sur un point tout à fait important.

M. Joseph Fricot : Concernant le fonctionnement des COTOREP, vous savez que les associations et tous ceux qui sont éligibles à une représentation dans l'équipe plénière de la COTOREP ont des difficultés pour trouver des personnes motivées, répondant aux quatre convocations qui auront lieu à Lyon cette semaine et répondant en région parisienne, aux deux convocations hebdomadaires, et pouvant se libérer de leur entreprise ou de leur organisme.

Les concernant, il faudrait mettre en place un système de formation. Elles sont désignées sur proposition des associations pour trois ans. On se fatigue vite en COTOREP et il faut être motivé par la mission que l'on a à remplir, d'où un besoin de formation et, pour certaines d'entre elles, qui ont du mal à négocier avec leur entreprise les indemnités et les frais de vacation, il conviendrait que tout au moins les frais de déplacements leur soient remboursés et que les budgets des Directions du travail ne soient pas toujours asséchés ; on en arrive à un dévouement et ce n'est plus une fonction voulue par la loi.

2.- Audition de :

MM. Jean Vanhoorebeke, directeur départemental, et Régis Dubos, inspecteur du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Nord-Lille) ;

Mmes Évelyne Sylvain, directrice départementale, et Isabelle Piron, médecin (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Nord).

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 23 mars 2000)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

M. Augustin Bonrepaux, Président : Je remercie M. Vanhoorebeke, directeur départemental du travail, de l'emploi, et de la formation professionnelle, M. Régis Dubos, inspecteur du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, Mme Évelyne Sylvain, directrice départementale des affaires sanitaires et sociales et Mme Isabelle Piron, médecin, d'avoir répondu à notre invitation. Je les accueille avec plaisir dans cette mission d'évaluation et de contrôle, et j'espère que les réponses qu'ils vont apporter, soit au rapporteur spécial, soit à ceux qui voudront bien intervenir, nous permettront de mieux comprendre le fonctionnement des COTOREP et comment est assuré leur financement.

Je vais donner la parole tout de suite au rapporteur spécial pour qu'il commence à poser quelques questions. Je souhaite que ces questions soient courtes, précises, et que les réponses soient aussi courtes et précises pour essayer de sonder l'ensemble de ce domaine.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Je souhaiterais que le directeur du travail et de l'emploi nous dise quels sont les crédits qui sont délégués à la direction départementale du travail et de l'emploi et à la DDASS concernant la COTOREP de Lille-Nord. Deuxièmement, je souhaiterais connaître quel est le nombre d'agents affectés à la COTOREP, par catégorie et par fonction, c'est-à-dire le nombre de médecins, notamment la répartition des spécialités. Je souhaiterais aussi connaître quel est le montant des rémunérations qui sont versées pour chacune de ces fonctions, notamment celles qui font l'objet de vacations.

M. Jean Vanhoorebeke : Tout d'abord, je dois dire que je n'ai pas pris ma petite valisette concernant les crédits. Je suis incapable de vous dire aujourd'hui les crédits qui nous sont délégués. Par contre, je pourrais vous le fournir. Je n'ai pas pensé à ce type de questions que vous pourriez me poser, alors qu'on est bien à la commission des finances. Excusez-moi.

M Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Pouvez-vous confirmer que des crédits sont délégués par la Direction départementale du travail et de la formation professionnelle et, par ailleurs, par la Direction départementale de l'action sanitaire et sociale ?

M. Jean Vanhoorebeke : Le fonctionnement de la COTOREP en lui-même est intégralement pris en charge par les crédits délégués par la partie travail, puisque la COTOREP est un organisme pour lequel la moitié des effectifs dépendent, en gros, de la Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et l'autre moitié de la DDASS. Il y a donc des agents de la DDASS qui travaillent dans les locaux de la Direction départementale au niveau de la COTOREP. Ces agents sont rémunérés sur les crédits solidarité, et les agents de chez moi, qui travaillent à la direction départementale, sont rémunérés sur les crédits de la partie travail.

Le fonctionnement est intégralement pris en charge en ce qui concerne l'entretien, les locaux, etc., sur le budget travail.

Concernant les crédits spécifiques, nous avons une enveloppe qui concerne la garantie de ressources. Un complément est apporté par l'État aux handicapés qui occupent un emploi pour lequel la loi prévoit qu'ils puissent être « sous-rémunérés », qui est versé aux organismes qui y ont droit. C'est une partie des crédits qui nous est déléguée directement.

Pour la partie DDASS, ma collègue, Mme Sylvain, va vous répondre.

Mme Évelyne Sylvain : Pour la DDASS du Nord, il est dit, ainsi que l'a indiqué M. Vanhoorebeke, que la DDASS participe au fonctionnement du secrétariat par la présence de douze agents qui représentent 8,6 équivalents temps plein, donc douze agents administratifs. Leurs catégories sont les suivantes : un cadre B et dix cadres C. Il y a parmi les douze un objecteur de conscience. S'ajoute à ce personnel administratif et qui complète les douze agents DDTE, puisque cela fait vingt-quatre au total, une assistante sociale qui a été affectée à la COTOREP de Lille depuis peu, et, financé sur les crédits du budget DDASS, un médecin coordonnateur vacataire pour un équivalent temps plein de 0,88, qui est en fait à disposition des deux COTOREP, puisque le Nord a la particularité de disposer de deux COTOREP. Cela représente trois jours par semaine pour la COTOREP de Lille. Voilà pour le personnel permanent.

Le budget DDASS participe au financement des membres de l'équipe technique, en particulier des médecins. Quinze médecins intervenaient à ce titre en 1999. C'est un ordre de grandeur qui varie selon les besoins. Les vacations qui ont été financées à ce titre, pour la partie équipe technique en 1999, ont représenté 285 304 francs. Sur le budget de la DDASS sont financées - cela dépend de l'organisation des COTOREP - un certain nombre de visites médicales, que nous qualifions d'expertises, qui permettent d'apprécier l'invalidité, le handicap, des personnes, ce qui a représenté pour 1999 un volume de crédits de 175 750 francs pour la COTOREP de Lille.

M. Jean Vanhoorebeke : Je peux vous donner des ordres de grandeur : nous avons également à peu près 120 000 francs de crédits médicaux, parce que nous rémunérons également certains médecins vacataires, et ce sont également 180 millions de francs, en gros, en garantie de ressources qui passe par notre intermédiaire. La direction départementale a comme effectif dix agents de catégorie C, un agent de catégorie B et un agent de catégorie A en permanence, hors médecins vacataires.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : D'après ce que vous dites, on voit bien que la moitié des personnels dépend de la DDASS et l'autre moitié qui dépend de la Direction du travail. Nous souhaiterions savoir comment vous répartissez la participation des uns et des autres. Vous réunissez-vous en début d'année ? Je vois que la direction de Mme Sylvain participe à la rémunération des médecins pour les expertises médicales, mais vous aussi. Alors comment arrivez-vous à faire une répartition des tâches dévolues aux uns et aux autres ?

M. Jean-Pierre Delalande : En complément de la question du rapporteur spécial, une fois que vous avez fait cette répartition, puisque vous connaissez en principe les crédits affectés par chacune des deux directions, avez-vous pris l'habitude en fin d'année de consolider ces chiffres pour pouvoir en voir l'évolution sur plusieurs années et de constituer - ce qui ne vous est pas imposé en l'état actuel des choses - une sorte de budget de fonctionnement de la COTOREP et non pas des prestations servies ?

Mme Évelyne Sylvain : S'agissant de la répartition, il est vrai que le principe était au départ une parité au niveau du secrétariat et des personnels administratifs entre les deux services. C'était le principe qui était posé au départ. Je constate dans le Nord que cette parité en nombre reste le principe commun à nos deux services. Il est vrai qu'il y a des variations. Compte tenu des temps partiels pour les agents DDASS, il y a un déficit de l'ordre d'un équivalent temps plein, voire un peu plus.

C'est lié aux moyens de chaque service. Nous essayons bien sûr, en fonction de nos affectations, de revenir à l'équilibre. Nous faisons de toute façon des points réguliers puisque le fonctionnement se déroule toute l'année, mais au moins un point annuel à l'occasion du rapport d'activité. Nous rapportons à la fois l'évolution de l'activité dans l'année et les moyens qui ont permis d'assurer cette activité pour se réajuster si nécessaire.

S'agissant de la composition technique, puisque c'est une des difficultés que rencontrent toutes les COTOREP, il est vrai que la composition pluridisciplinaire des équipes est plus difficile à atteindre. Toutes les COTOREP n'ont pas de travailleurs sociaux, et cela dépend vraiment des affectations, en particulier dans les DDASS. Nous avons pu dégager un poste, mais c'est très récent. Même chose s'agissant des moyens en médecins, la situation peut être très variable selon les moments.

M. Jean Vanhoorebeke : Il faut signaler également que nous avons une première section qui dépend en théorie de la Direction départementale, et une deuxième section qui dépend de la DDASS. Les objectifs depuis quatre à cinq ans font que les agents travaillent indistinctement pour l'une ou pour l'autre des sections. Néanmoins, les crédits qui nous sont délégués visent exclusivement les crédits de vacations des médecins de la première section. Il y a donc une séparation. Il n'y a pas de mélange entre les crédits de la DDASS et les crédits de la DDTEFP.

M. Jean-Pierre Delalande : Pardon d'insister, car je n'ai pas entendu de réponse à ma question : faites-vous une consolidation des crédits de chacune des deux directions pour arriver à un budget de la COTOREP ?

M. Jean Vanhoorebeke : Cette consolidation n'est pas nécessaire puisque nous devons travailler avec les crédits qui nous sont alloués et ceux-ci nous permettent tout juste d'exécuter les tâches qui nous sont confiées, parce que nous n'avons pas les moyens de faire passer systématiquement devant les médecins l'ensemble des personnes qui demandent soit à être reconnues par la COTOREP au niveau du handicap, soit éventuellement à bénéficier d'une prestation. Nous pourrions très facilement faire passer les personnes devant ces médecins si notre crédit de vacation médecins était doublé. Dans ces cas-là, les médecins de COTOREP examinent sur dossier médical une grande partie des personnes sans faire passer obligatoirement une visite de contrôle.

M. Jean-Jacques Jegou : On va essayer de vous faire répondre à nos questions mais ce n'est pas facile. Vous venez de dire pour les vacations, de même que Monsieur le Directeur, 250 000 francs, quelque chose comme ça...?

M. Jean Vanhoorebeke : 120 000 francs.

M. Jean-Jacques Jegou : 120 000 et 250 000 francs du côté DDASS. Il y a très peu de visites et vous dites que vous pourriez absorber le doublement de crédits. Je rappelle que la mission de contrôle a simplement à vous auditionner et non pas à vous donner des crédits. On est là au contraire pour voir ce que vous en faites.

Vous dites que vous n'avez pas de budget. Pourquoi ? Est-ce vous qui limitez cette somme de vacations de médecins ? Ou bien, à partir du moment où c'est pris sur vos crédits DDASS et DDTEFP, les avez-vous identifiés vous-mêmes ?

Je voudrais également vous poser la question qui est sous-jacente, toujours dans le budget puisque vous n'avez apparemment pas de budget COTOREP du Nord : dans le fonctionnement, connaissez-vous le montant des dépenses engendrées pour l'État par les dossiers examinés sans voir les gens, ou éventuellement par des décisions qui sont prises à l'AAH, ou par tout autre forme de handicap déclaré ?

M. Jean Vanhoorebeke : Voulez-vous répéter la dernière partie de votre question ?

M. Jean-Jacques Jegou : La dernière partie porte sur les décisions de fonctionnement. On vous a posé jusqu'à présent des questions sur le fonctionnement administratif des COTOREP. Vous avez indiqué les postes qui émanent de vos services, et on reviendra peut-être sur les locaux et le fonctionnement des locaux, etc. Mais ma question porte sur les conséquences financières de vos décisions. Les connaissez-vous ?

Mme Évelyne Sylvain : Oui, on connaît le montant des dépenses d'AAH induites par les décisions. Ainsi, le montant des dépenses d'AAH versées par les CAF et la MSA du Nord en 1999 s'est-il élevé à 1 255,7 millions de francs pour les CAF et 18,5 millions de francs pour la MSA ; par ailleurs, les dépenses en ACTP et ACFS versées par le conseil général se sont montées à 216 millions de francs en 1999. Mais, pour répondre clairement, il n'y a pas de document consolidé identifiant à la fois les frais de fonctionnement directs et les dépend induites par les décisions.

Ces dépenses sont quand même relativement émiettées en fonction des domaines d'intervention. Mais c'est lié à la dispersion du système d'information, puisque l'AAH est payée par la CAF ou la MSA, et toutes ces informations sont réparties dans différents organismes qui ont leur propre système d'information. On peut tenter de recomposer l'essentiel, mais ce n'est pas nécessairement évident.

M. Jean-Jacques Jegou : Vous travaillez à compte ouvert, c'est-à-dire que rien ne vous limite dans vos décisions ?

Mme Évelyne Sylvain : Nous faisons un budget prévisionnel pour le fonctionnement de la partie DDASS en novembre de l'année n-1, y compris par rapport aux dépenses directes qui sont à la charge de la DDASS. Nous réajustons si possible, en début d'année, en fonction de la notification budgétaire, des délégations, notamment sur les crédits de vacations. Nous avons donc fait une évaluation théorique compte tenu des besoins et nous ajustons ensuite en fonction de ce qui nous est délégué.

M. Jérôme Cahuzac : Un constat et une question. Le constat, c'est que vous ne pouvez pas nous dire dans votre territoire d'affectation le coût généré pour la collectivité par les décisions prises au sein des COTOREP. Ne le prenez pas comme un reproche. Si je comprends bien, vous êtes éventuellement sous-dotés en personnel et, en toute hypothèse, vous n'avez pas des tableaux de bord qui vous permettent de consolider les dépenses.

Pour autant, les décisions prises sur dossiers et non pas à l'occasion de visites sont prises sur la base de critères. Ces critères sont-ils nationaux, régionaux ou départementaux ? Y a-t-il une capacité d'appréciation en opportunité ? Si oui, savez-vous dans quelles proportions ?

Enfin, concernant les décisions que vous avez à prendre relatives à l'allocation compensatrice, c'est-à-dire qui reste en partie affectée à certains handicapés, pouvez-vous nous indiquer s'il y a des inégalités territoriales selon, soit les budgets, soit les politiques départementales conduites ?

M. Jacques Barrot : Avez-vous le sentiment que vous pourriez mieux maîtriser les choses si vous pouviez parfois recourir à autre chose qu'à des expertises sur dossiers ? Avez-vous le sentiment à certains moments que ce contrôle sur dossiers présente malgré tout des lacunes ? Je crois, en effet, qu'il y a ensuite le problème des outils d'évaluation mais je me permets, pour avoir été à vos côtés, si je peux me permettre cette expression, de dire que vous n'êtes pas l'administration la mieux dotée dans ce domaine en matière d'outils d'évaluation. Je tiens à le dire ici parce que j'en ai été le témoin.

M. Jean Vanhoorebeke : Concernant le budget, nous n'avons pas un budget COTOREP, parce que la COTOREP n'est pas identifiée comme une entité juridique au sein de la direction départementale. Elle fonctionne donc sur le budget général de la direction départementale. En revanche, on est capable de dire combien cela coûte puisque, si on a douze personnes, on sait que le ministère nous donne x francs par personne au niveau de notre budget général. On est donc capable de le reconstituer. Les vacations de nos médecins constituent une ligne spécifique qui nous est allouée en début d'année par rapport à notre demande. Au niveau national, le ministère fait éventuellement des arbitrages concernant les sommes qui sont allouées à chaque département.

Pour donner une précision par rapport aux décisions qui sont vues sur dossiers, il faut rappeler que chacune des personnes qui passent à la COTOREP a au moins été vue une fois par un médecin, à l'entrée. Une visite médicale est faite, dans le cadre de la première section, par le médecin chez nous. Cette visite médicale et le dossier médical permettent bien souvent de prendre une décision au niveau de la deuxième section. Dans le cas où des précisions sont à demander, elles sont demandées, et une visite médicale est ensuite éventuellement réalisée par la deuxième section. Nous arrivons quand même, grosso modo, à fonctionner avec les moyens qui nous sont alloués.

Mme Évelyne Sylvain : S'agissant de la question de l'appréciation sur dossiers et de l'appréciation médicale (Mme Piron qui m'accompagne pourra compléter mon propos puisqu'elle est médecin et qu'elle travaille sur les dossiers), une partie de ces dossiers peut être jugée compte tenu de l'outil qui a constitué l'introduction du guide-barème, outil qui a été actualisé. C'est un outil national qui a donné lieu à une formation des médecins quand il a été mis en place. Il devait permettre d'homogénéiser l'appréciation, à la fois des déficiences et du handicap.

Pour autant, cet effort de formation devra être permanent puisque les médecins qui ont à effectuer cette appréciation changent en permanence. Des choses sont certainement à améliorer compte tenu du nombre de médecins qui ont à intervenir dans ces évaluations. Mais il y a quand même des outils qui doivent homogénéiser cette appréciation et donc diminuer le pourcentage de décisions en opportunité.

Concernant la nature des types de décisions, la COTOREP a à apprécier, notamment en deuxième section, aussi bien des demandes d'AAH que de cartes d'invalidité, etc., et il est vrai que la marge d'appréciation est quasiment inexistante pour l'AAH quand une personne a 50 % d'invalidité. Par contre, l'appréciation de l'incapacité à se procurer un emploi pour les personnes ayant un taux de moins de 80 % prête à interprétation. Il y a, selon les endroits (l'étude de la DREES qui vient d'être diffusée l'illustre bien), différents paramètres, que ce soit milieu rural, milieu urbain, l'appréciation économique. Le cumul problèmes sociaux/problèmes de santé est assez important. Pour autant, les guides existent. C'est le travail d'homogénéisation de chaque COTOREP qui doit éviter les dérives.

Sur la question que vous vous posiez concernant les inégalités territoriales, nous essayons dans notre département d'homogénéiser les pratiques entre médecins et intervenants. La donnée la plus récente est l'étude de la DREES qui donne un certain nombre de facteurs d'explication qui peuvent parfois être liés à l'offre d'équipements, mais qui sont multi-critères, et notre système d'information actuel ne permet pas nécessairement d'avoir une appréciation là-dessus.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Monsieur le Président, pourrions-nous avoir des précisions ou des éléments d'information sur les délais d'instruction des dossiers ? On avait cru comprendre que les visites n'étaient pas systématiques pour les décisions, et que les décisions se prenaient souvent sur dossier. Or nous avons le sentiment que les délais sont longs. Pourquoi sont-ils aussi longs si les décisions sont prises essentiellement sur dossier ?

Pourriez-vous nous apporter aussi des précisions sur le pourcentage de ceux qui peuvent bénéficier d'une visite avant une décision de première instance ?

Question complémentaire : avez-vous des éléments statistiques sur les appels qui sont faits sur les décisions des COTOREP et sur la proportion des décisions qui sont corrigées en appel ? Parce que selon les éléments qui nous avaient été apportés à une précédente réunion, il semble qu'une proportion de décisions de première instance soient revues en appel après justement une visite qui, elle, devient systématique à partir du moment où un appel est formé.

M. Régis Dubos : Concernant la première section, le délai moyen de décision est d'environ trois mois. C'est un délai moyen. Ce délai est variable en fonction de la complexité du dossier, selon qu'il s'agit simplement d'une demande de reconnaissance travailleur handicapé ou d'une demande de reconnaissance travailleur handicapé plus une demande de formation, car cette dernière demande exige une étude beaucoup plus complexe, une étude médicale, une étude sociale, une étude psychotechnique. Ce délai de trois mois peut parfois être majoré par ces études successives. Pourquoi trois mois ? Le délai de trois mois est lié au fait que nous essayons de faire, en première section, une visite médicale systématique pour les premières demandes, et de travailler quelques situations médicales quand elles sont simplement vues sur dossier.

Le nombre de décisions vues en commission de recours, donc en commission départementale des travailleurs handicapés, est de près de 100 dossiers par an. C'est assez peu compte tenu que nous avons pris presque 11 000 décisions en première section l'année dernière.

M. Augustin Bonrepaux, Président : Il s'agit du délai de décision situé entre le dépôt de la demande et la décision prise ?

M. Régis Dubos : Oui, la décision signifiée à l'intéressé.

Il faut également dire qu'il y a beaucoup de renouvellements dans les demandes. Nous avons trois quarts de renouvellements. Un quart des nouvelles demandes font presque systématiquement l'objet de la visite médicale et de l'examen psychotechnique. C'est l'attente entre la visite médicale et l'examen psychotechnique, qui conduit éventuellement les délais à s'allonger. Mais la moyenne est de trois mois. Elle peut être d'un mois pour les plus courts, jusqu'à cinq mois pour les plus longs.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Avez-vous des éléments sur les délais dans la deuxième section ?

Mme Évelyne Sylvain : Le délai moyen pour la deuxième section est de l'ordre de trois à quatre mois. C'est, bien sûr, un délai moyen. Quelques décisions ont des délais de décision plus longs. Les indisponibilités de médecins dans certaines disciplines peuvent parfois occasionner un délai de traitement un peu plus long.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Et sur les appels ?

Mme Évelyne Sylvain : Le nombre de décisions d'appel a été de 3 316 recours en 1999, pour le département du Nord, c'est-à-dire sur 48 249 décisions rendues par les deux COTOREP du département. Près de 80 % des décisions ont été confirmées.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Je suis un peu surpris par les délais, qui me paraissent raisonnables. J'ai le sentiment, pas seulement à travers le département que je représente, mais à travers ce qu'on peut entendre, que les délais sont souvent beaucoup plus importants. Il n'est pas rare qu'on entende parler d'un an, de dix-huit mois, voire de deux ans. Si vous avez ce résultat dans le département du Nord, c'est remarquable, mais je n'ai pas l'impression que cela corresponde aux moyennes nationales.

M. Augustin Bonrepaux, Président : Cette moyenne tient compte des renouvellements ?

Mme Évelyne Sylvain : Oui, c'est global.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Je voudrais savoir si le conseil général du Nord participe au fonctionnement de la COTOREP et sous quelle forme. Et, pour aller plus avant, vous avez dit tout à l'heure que vos agents travaillaient indifféremment dans la première ou dans la deuxième section. Avez-vous un secrétariat commun aux deux sections ? Avez-vous une équipe technique unique ? Et avez-vous un médecin coordonnateur ? Il semble que oui d'après ce que vous nous avez dit.

Avez-vous un service d'accueil spécialisé ? Les handicapés peuvent-ils accéder facilement à la COTOREP du Nord ? Avez-vous des locaux tout à fait adaptés ?

Concernant les moyens de fonctionnement, votre système informatique est-il un système informatique moderne qui répond bien à vos besoins ?

Mme Isabelle Piron : Je vais apporter un premier élément de réponse concernant la participation du conseil général aux commissions de COTOREP. Le conseil général participe à certaines commissions, notamment aux commissions concernant l'attribution de l'ACTP et aux commissions concernant le placement en établissements médico-sociaux. Il est invité aussi à participer aux commissions concernant l'attribution de l'allocation adulte handicapé, mais il est vrai qu'on le voit plus rarement à ces commissions.

Deuxième élément de réponse : nous avons mis en place, en COTOREP du Nord, un fonctionnement en équipes techniques mixtes qui nous permet de statuer à la fois sur des demandes de première et deuxième sections et qui nous apporte aussi des éléments de réponse pour l'attribution de l'allocation adulte handicapé au titre de l'article 35-2, c'est-à-dire que le conseiller de l'ANPE et le représentant des EPSR/OIP nous apporte des éléments techniques pour prendre ces décisions d'attribution d'allocation 35-2.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Participe-t-il financièrement ? Du personnel a-t-il été affecté par le conseil général ou des locaux ?

M. Régis Dubos : Non, le conseil général ne participe pas financièrement, ni pour des locaux, ni pour le personnel.

Je voudrais apporter une réponse sur le secrétariat. Le secrétariat est commun. Il est dirigé par deux secrétaires, une qui est contrôleur du travail et l'autre qui est un agent DDASS, deux cadres B. Elles ont aussi une fonction mixte, sachant qu'il y a une petite spécialité du contrôleur sur l'emploi, et de la DDASS sur le social. Ceci dit, cela fonctionne de plus en plus en mixte.

Pour ce qui est de l'organisation du secrétariat, on a une organisation originale. Nous travaillons, en effet, par bassin d'emploi, c'est-à-dire que nous avons découpé la COTOREP du Nord par bassin d'emploi et nous avons des équipes par bassin d'emploi. On traite bien sûr les dossiers de première et de seconde sections.

Les équipes techniques de première section se passent au sein des bassins d'emploi, elles sont déconcentrées, ce qui nous permet d'être plus proches des personnes. En plus, nous avons mis en place, depuis plusieurs années, des réunions d'information collective dans chaque bassin d'emploi qui sont destinées aux primo demandeurs de COTOREP, plutôt en première section, de façon à essayer de les aider à reformuler les demandes. Un certain nombre de demandes ne nous paraissent pas opportunes par rapport à une situation médicale ou à une situation sociale ou professionnelle. C'est pour faire en sorte que les demandes soient les plus proches de la personne.

Il y a ensuite un accueil physique au sein de la COTOREP. Il faut savoir que les personnes qui veulent déposer un dossier à la COTOREP peuvent s'adresser aux CCAS, peuvent aller dans les mairies pour retirer un dossier. Nous ne recevons pas un public énorme au sein des locaux de la COTOREP pour ces questions de premier accueil.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Pouvez-vous recevoir le public handicapé ? Il n'y a pas de question d'escaliers avant d'arriver à l'accueil ?

Mme Évelyne Sylvain : Il y a un ascenseur.

M. Régis Dubos : Nous sommes au premier étage. La direction du travail n'a pas de rez-de-chaussée ou un simple petit accueil au rez-de-chaussée. Il y a donc un accès sans difficulté au premier étage pour les fauteuils roulants.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Les portes sont assez larges ?

Mme Évelyne Sylvain : Les portes sont assez larges.

M. Jean-Jacques Jegou : Pourriez-vous indiquer à la mission le nombre total de titulaires d'une carte COTOREP au sein de la COTOREP du Nord, que ce soit la section 1 ou la section 2 ? Parce que vous avez, tout à l'heure, parlé des flux. Je voudrais donc connaître le nombre d'habitants assujettis à la COTOREP.

Deuxièmement, faites-vous une distinction dans vos statistiques, ou y a-t-il, à un moment ou à un autre, une distinction entre le handicap médical et le handicap social ?

Mme Isabelle Piron : Nous n'avons pas, dans le département du Nord, le chiffre total de bénéficiaires décisions COTOREP, première et seconde sections. On a des statistiques annuelles de nombre de demandes traitées en COTOREP, tant en première section qu'en deuxième section.

M. Jean Vanhoorebeke : C'est très difficile à savoir parce que, rien qu'au niveau de la première section, nous connaissons le nombre de personnes handicapées utilisées dans les entreprises de plus de vingt salariés, mais uniquement celles de plus de vingt. Nous connaissons également les handicapés inscrits à l'ANPE demandeurs d'emploi.

Par contre, nous ignorons le nombre de handicapés qui travaillent dans les entreprises de moins de vingt salariés. Par ailleurs, comme les reconnaissances sont faites, en général, pour une durée de cinq ou dix ans - cela dépend des handicaps -, nous purgeons bien souvent nos dossiers. Quand telle personne n'est pas venue depuis onze ou douze ans, cela veut dire qu'elle doit être décédée. C'est comme cela qu'on arrive à purger nos dossiers. Sinon, on ne peut pas connaître le nombre des personnes qui restent redevables de la COTOREP.

M. Jean-Jacques Jegou : Vous pensez qu'elles peuvent être décédées, pas plus que cela ?

M. Régis Dubos : Oui, sinon elles auraient fait une demande de renouvellement.

M. Jean-Jacques Jegou : Et que faites-vous du dossier ?

M. Régis Dubos : Il part au pilon.

M. Jean-Jacques Jegou : Sans savoir si ces personnes sont décédées ?

M. Régis Dubos : Si une personne revient, on lui refait un dossier. Mais cela n'arrive jamais.

M. Jean-Jacques Jegou : Et sur la séparation du handicap social et médical ?

M. Régis Dubos : On aborde là la question des AAH 35-2 évoquée par Isabelle Piron. Ces dossiers sont vus en équipe technique mixte. Cette équipe technique est composée du médecin coordonnateur qui, lui, a une compétence à la fois travail, donc reconnaissance travailleur handicapé, et une compétence sur l'appréciation du guide-barème, d'un conseiller de l'ANPE, de la secrétaire adjointe de COTOREP et d'un conseiller de l'EPSR. Cela nous permet d'avoir dans cette équipe le point de vue du médecin sur le handicap et le point de vue des professionnels pour apprécier si on doit donner une allocation adulte handicapé au titre de l'impossibilité à se procurer un emploi. Il est certain que ces publics qui sont étudiés en équipe technique mixte sont les publics les plus en précarité, bien souvent bénéficiaires du RMI.

Mme Évelyne Sylvain : Pour compléter cet aspect, il y a dans les définitions de la législation l'aspect évaluation d'une incapacité sur un certain nombre de critères médicaux, mais pas seulement puisqu'il est demandé aux COTOREP d'évaluer un handicap dans les commissions. Ce sont donc les conséquences à la fois de faits médicaux, mais également d'un environnement donné et des conditions dans lesquelles un individu, avec ses problèmes, aura des handicaps à compenser. Il y a donc bien, dans la définition même, à apprécier l'environnement social de la personne. On sait bien que la personne aura plus ou moins de facilité à compenser ce handicap selon son contexte social.

Il y a déjà des liens évidents dans la définition de base ; il y a, en plus, dans un contexte social assez dégradé - c'est le cas dans le Nord - des effets sur la demande au niveau des COTOREP, et cela pèse sur l'accueil. Même si l'accueil est organisé pour apporter le maximum de réponses au public, compte tenu des difficultés cumulées des personnes - c'est ce que nous disent les agents qui sont à l'accueil et qui tournent pour justement alléger cette fonction -, leur demande est de plus en plus lourde et complexe en termes de réponse. On a donc besoin d'aller au-delà d'un simple aiguillage, au-delà de la simple demande qui a à être traitée au niveau de la COTOREP, compte tenu du cumul difficultés sociales et handicap.

M. Jean-Pierre Delalande : Dans le prolongement de ce que vous venez d'évoquer en ce qui concerne l'accueil, que pouvez-vous nous dire de l'accueil téléphonique ? Si j'ai bien compris, vous avez eu à traiter 33 000 personnes en 1999, pour 9,6 équivalents temps plein en ce qui concerne la DDASS et douze personnes en ce qui concerne la DDTE. Y a-t-il beaucoup d'appels téléphoniques ? Avez-vous le sentiment qu'on y réponde rapidement, qu'il y a des temps d'attente, ou que cela peut parfois sonner dans le vide parce qu'il n'y a pas assez de personnes pour répondre ? Les personnes qui s'expriment disent-elles qu'elles ont déjà appelé deux ou trois fois ? Est-ce que ce sont des choses qui vous arrivent ? Que pouvez-vous nous dire sur l'accueil téléphonique ?

M. Régis Dubos : Le nombre total de décisions prises en 1999, deuxième et première sections, est de 40 000 environ. Il est bien évident, avec les délais qu'on a situés, que nous avons beaucoup d'appels téléphoniques, et de nombreuses personnes se plaignent effectivement de ne pas réussir à nous joindre. Nous avons, selon les horaires de bureau (8 h 30/12 h, 13 h 30/16 h 30), un standard qui fonctionne spécifiquement à la COTOREP. C'est aujourd'hui insuffisant. Puisque nous travaillons par bassins d'emploi, nous notons de plus en plus, sur les décisions, les numéros de téléphone des secteurs de façon à ce que l'accès soit directement la personne chargée du dossier. Mais cette charge reste très lourde.

M. Jean Vanhoorebeke : Pour faire la liaison avec le système informatique et l'accueil téléphonique, nous avons essayé de mettre en place, il y a un an et demi, un système automatique au niveau de la réponse pour connaître l'état d'avancement du dossier, mais nous avons été coincés parce que notre système d'informatique, qui devient un peu obsolète, ne nous a pas permis de répondre à la demande. Nous allons avoir un nouveau système informatique et nous allons à nouveau devoir étudier la question de savoir si on peut le remettre en service. Mais cela crée quand même des difficultés parce qu'un certain nombre de handicapés ont des réticences à utiliser un système de réponse automatique.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : À votre avis, y a-t-il nécessité d'apporter des améliorations dans le fonctionnement de votre COTOREP et, si oui, que pouvez-vous suggérer comme améliorations possibles dans le cadre du statut actuel ou peut-être dans la nécessité de changer de statut ?

Mme Évelyne Sylvain : Des choses sont évidemment à améliorer. Vous en avez pointé un certain nombre. Il est évident que nous ne disposons pas du système d'information qui permette de piloter vraiment le dispositif.

Cette commission a d'abord été conçue comme un outil de gestion de demandes, et c'est une gestion de masse. La COTOREP est bien le lien entre les personnes handicapées et un certain nombre de réponses publiques à organiser et ce serait bien le lieu où les besoins seraient les mieux cernés, que ce soit dans le milieu ordinaire ou en termes de réponses plus spécifiques, notamment pour les personnes les plus lourdement handicapées. Le système tel qu'il a fonctionné était déjà de répondre à une demande en augmentation permanente puisque, pour la COTOREP de Lille, c'est plus 28 % globalement sur cinq ans, et avec plutôt moins d'agents. Cela fait un volume considérable de dossiers par agent. Si on veut lui faire jouer un autre rôle, il est évident qu'il faut l'accompagner en termes de moyens, aussi bien quantitatifs que qualitatifs.

Le deuxième aspect qu'on a évoqué, c'est la consistance, par rapport à des objectifs plus ambitieux, de l'équipe permanente à dédier aux COTOREP, administrative mais surtout technique, et en fonction peut-être de la taille des COTOREP. Ne serait-ce pas plus intéressant, en termes de qualité de services rendus et même en coûts, d'avoir, dans un gros département comme le nôtre, un peu plus de médecins permanents dédiés à la COTOREP, qui se forment, etc., que d'avoir à animer et réguler quinze intervenants et à rechercher dans une pénurie médicale que vous connaissez pour certaines spécialités, etc. Quel objectif et quels moyens en quantité et en qualité ? Il est évident qu'il faut faire mieux.

Si l'on veut véritablement faire de ces commissions un lieu de convergence et d'accueil du public handicapé pour l'ensemble du domaine du handicap, au-delà simplement des aides financières et de l'orientation professionnelle, il faut aussi leur donner d'autres modalités d'intervention sur l'accueil en lien avec les autres intervenants que sont les payeurs, CAF, etc., ainsi que les collectivités locales. C'est en fonction des objectifs qu'on se donne qu'on peut faire évoluer les choses, et plusieurs scénarios sont possibles. Que cela doive être amélioré, c'est évident. C'est la consistance à la fois sociale et médicale des équipes permanentes qui me paraît déterminante pour améliorer l'évaluation et l'appréciation globale des problèmes de la personne.

Enfin, une étude coût/efficacité démontrerait certainement la nécessité de simplifier le traitement de l'attribution de la carte d'invalidité, qui pèse lourdement dans l'activité des COTOREP.

M. Augustin Bonrepaux, Président : Nous allons en terminer par une dernière question.

M. Francis Delattre : Dans le prolongement de ce que vous avez dit, nous avons tous le sentiment que le problème de l'expertise est crucial. Pensez-vous que l'expertise est fiable aujourd'hui dans votre département. Pouvez-vous porter une appréciation là-dessus ?

Deuxième question : quelle est la durée moyenne horaire d'un agent temps plein à la COTOREP ?

M. Augustin Bonrepaux, Président : Je poserai une dernière question. On a beaucoup parlé de l'accueil. Comment assurez-vous et vérifiez-vous le suivi ? Avez-vous des statistiques sur le résultat de vos préconisations par rapport à la reprise du travail par exemple, et la place des handicapés dans l'administration dans le département, ou encore dans l'accueil ? Assurez-vous un suivi et quels sont les résultats statistiques ?

M. Jean Vanhoorebeke : Là, Monsieur le Président, vous touchez un point... Si j'étais intervenu, j'aurais dit, concernant les décisions de la COTOREP, que nous sommes bien souvent dans le brouillard, tout au moins au niveau qualitatif, vis-à-vis des orientations vers le milieu ordinaire de travail où les gens sont « renvoyés » vers les EPSR, les OIP ou l'ANPE pour la recherche d'emploi, et la COTOREP ne sait pas si la personne a trouvé un emploi. Nous savons indirectement quand la personne revient nous voir. C'est un peu différent pour les orientations en formation. La COTOREP y est plus associée.

Il faut dire aussi que nous avons, dans notre département, un programme départemental d'insertion des travailleurs handicapés (PDITH), ce qui fait que l'ensemble des partenaires travaillent théoriquement en concertation sur trois axes : la reconnaissance des handicapés, le reclassement dans le milieu ordinaire et le maintien dans le milieu ordinaire, puisque c'est un axe sur lequel on travaille beaucoup. Il s'agit d'essayer de maintenir dans l'entreprise des personnes pour lesquelles le handicap est arrivé, au lieu de les sortir de l'entreprise, de les faire reconnaître par la COTOREP et d'essayer ensuite de les recaser.

Nous avons là une difficulté qui est d'assurer le suivi de ces personnes. Par contre, la COTOREP assure un suivi de ce qui se passe pour les CAT. Nous connaissons donc les décisions qui sont prises par les CAT suite aux décisions de la COTOREP. Quelquefois, cela ne nous satisfait pas et on essaie aussi de remettre un peu les CAT sur les rails parce qu'ils ont trop tendance à choisir les personnes qu'ils veulent prendre dans leurs centres.

Mme Isabelle Piron : Sur la qualité de l'expertise médicale, je partage tout à fait votre opinion concernant le fait que c'est quelque chose de crucial. Il est sûr qu'on statue beaucoup sur dossiers.

Vous aviez posé tout à l'heure la question de savoir si le fait d'organiser davantage de visites médicales pouvait améliorer cette expertise. À mon sens oui, même si on a essayé d'affiner ce travail sur dossier en demandant très souvent des renseignements complémentaires, c'est-à-dire qu'on demande aux gens de fournir des bilans médicaux spécialisés en fonction des suivis de la personne. On demande de fournir ces bilans. On statue sur pièces, mais en essayant d'avoir le dossier médical le plus complet possible.

Concernant la reprise du travail des bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé, je pense que l'AAH est un dispositif qui n'est pas très incitatif en ce qui concerne la reprise du travail. On est amené à supprimer quelques allocations aux adultes handicapés au titre de l'article 35-2, pour des personnes qui connaissent une amélioration de leur état de santé, par exemple dans la situation de personnes ayant eu un traumatisme multiple, ou une maladie, dont on est amené à penser que leur situation médicale s'est clairement améliorée en un an, deux ans ou au bout de quelques années. Mais c'est un cas de figure très particulier.

M. Augustin Bonrepaux, Président : Mes chers collègues, nous allons arrêter cette première audition puisque nous avons encore une autre heure d'audition. Je remercie nos invités d'abord d'avoir bien voulu répondre à toutes les questions et ensuite d'avoir participé aux travaux de la mission.

Laisser cette page blanche sans numérotation.

3.- Audition de :

MM. Pascal Bodin, directeur départemental, et Gérard Frey, contrôleur du travail (Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de la Haute-Savoie) ;

M. Jean-Rolland Fontana, inspecteur principal, et Mme Josette Quintin, secrétaire-adjointe de la COTOREP (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales de la Haute-Savoie).

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 23 mars 2000)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président,
puis de M. Jean-Pierre Delalande, Président

M. Augustin Bonrepaux, Président : Nous accueillons M. Pascal Bodin, directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de la Haute-Savoie, M. Jean-Rolland Fontana, inspecteur principal à la DDASS, Mme Josette Quintin, secrétaire-adjointe de la COTOREP, et M. Gérard Frey, contrôleur du travail.

Nous allons commencer cette audition par les questions du rapporteur spécial à qui je demande de poser ces questions de façon précise. Je demande aussi que les réponses soient assez courtes et aussi précises que possibles. Je vous remercie.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Combien d'agents y a-t-il dans la COTOREP de la Haute-Savoie ? Quels sont ceux qui sont sous la responsabilité de la DDASS, quels sont ceux qui sont sous la responsabilité de la direction départementale du travail et de l'emploi ? Quelles sont les catégories de ces agents ? Avez-vous un médecin coordonnateur ? Avez-vous une équipe technique unique pour les deux sections ?

M. Gérard Frey : Je suis le secrétaire de la COTOREP de la Haute-Savoie. Nous avons, en équivalents temps plein, 1,5 catégorie B et 5,6 catégories C pour la direction du travail et 4,2 catégories C pour la DDASS, sachant que cela couvre à la fois la COTOREP et toute une série de politiques de l'État en matière de travailleurs handicapés, puisque c'est dans notre service que se gère la garantie de ressources, l'enquête structurelle de l'emploi, c'est-à-dire toute une série de mesures. Tout ce qui a rapport au travail handicapé est géré par notre service.

Concernant les médecins, nous avons un médecin à 0,8 qui est un médecin du travail, cofinancé par la direction du travail et par la DDASS sur des vacations moitié-moitié, nous avons trois médecins généralistes qui ont chacun une journée, soit 0,2 et une psychologue à 0,9, sachant qu'il n'y a pas actuellement de médecin coordonnateur en tant que tel. Nous avons appris assez récemment qu'il existe un projet de nomination d'un poste de médecin coordonnateur en Haute-Savoie, mais nous n'avons pas encore administrativement les détails correspondant à ce poste.

M. Jean-Rolland Fontana : Je voudrais apporter une précision concernant la direction départementale des affaires sanitaires et sociales. Nous n'avons pas de secrétaire administratif mis à disposition de la COTOREP, nous avons uniquement des adjoints administratifs pour les tâches de secrétariat.

Une précision s'agissant des vacations : le montant total des vacations pour l'exercice 1998-1999 s'élevait grosso modo à 330 000 francs pour les personnels vacataires, c'est-à-dire médecins et psychologues, auxquels il faut rajouter tous les ans à peu près 30 000 à 35 000 francs pour les expertises réalisées soit par les psychiatres, soit par d'autres médecins spécialistes.

M. Pascal Bodin : Pour compléter la question que vous avez posée sur l'organisation actuelle de la COTOREP, la fusion s'est faite depuis trois ans et on ne distingue plus aujourd'hui les gens de la DDASS de la DDTEFP. C'est une véritable fusion, c'est-à-dire que les gens du travail travaillent quelquefois sur la deuxième section et les gens de la DDASS sur la première section.

L'ensemble de l'organisation est sous l'autorité du directeur du travail, mais surtout du secrétaire de la COTOREP, qui a un pouvoir complet sur l'organisation de la COTOREP et sur l'organisation des agents. Ma collègue de la DDASS n'intervient pas dans tout ce qui est organisation interne de la COTOREP. Elle intervient simplement sur les notations, parce que ce ne sont pas les mêmes agents.

Il y a vraiment une fusion complète et, contrairement à certaines COTOREP que j'ai connues dans d'autres départements, on est vraiment sur une unification complète des deux COTOREP.

M. Jean-Rolland Fontana : Je voudrais compléter en disant que cette unification est due aussi aux politiques qui ont été mises en place autour du PDITH ou autres, qui ont nécessité ce travail en commun.

M. Jean-Jacques Jegou : Dans cette fusion, qui diffère un peu de ce qu'on a entendu jusque là, quel est le montant de votre budget et quel est le nombre de vos décisions annuelles ?

M. Pascal Bodin : C'est relativement simple : nous avons à peu près aujourd'hui 3 000 dossiers, 30 000 dossiers en stock, et nous prenons 10 000 décisions par an, qui concernent 6 000 personnes. Le fonctionnement proprement dit nous coûte environ 270 000 francs par an et 2 400 000 francs en salaires et charges pour l'ensemble du personnel DDASS et DDTEFP. En ajoutant les vacations, nous sommes à un budget total de 7 470 000 francs, ce qui fait un coût, en le ramenant au traitement du dossier, de 30 francs par dossier.

M. Jean-Jacques Jegou : Sur le plan du budget, avez-vous une idée du coût des décisions que vous prenez ?

M. Pascal Bodin : Le coût d'une décision comprend le coût du traitement du dossier. Le coût de la décision est de 30 francs. C'est 30 francs par personne au niveau du traitement du dossier, de l'organisation.

M. Jean-Jacques Jegou : Quelles sont les conséquences budgétaires ?

M. Pascal Bodin : Sur les conséquences budgétaires concernant ce qu'on paye à l'extérieur, à savoir CAT, etc., oui, on peut vous dire à peu près combien on dépense chaque année.

M. Jean-Pierre Delalande : Dans le prolongement de la question de mon collègue Jean-Jacques Jegou, avez-vous une idée du coût induit des décisions, notamment au regard de la délivrance des cartes d'invalidité ? Les cartes d'invalidité ouvrent des droits. Avez-vous des études sur ce point ?

M. Gérard Frey : Non.

M. Jean-Rolland Fontana : On est incapable de vous donner le coût pour les cartes d'invalidité. Je pourrais vous donner celui d'un centre d'aide par le travail avec l'effet induit pour les personnes, soit à peu près 120 000 francs par an pour un travailleur handicapé en centre d'aide par le travail puisqu'on a, d'une part, le budget de fonctionnement du centre auquel s'ajoute la garantie de ressources versée par le budget de l'emploi, auquel s'ajoute éventuellement, en fonction des ressources de la personne, le différentiel d'allocation aux adultes handicapés qui permet d'arriver à ce montant. S'agissant de la carte d'invalidité, nous n'en voyons pas directement l'effet. Nous ne pouvons donc pas l'évaluer financièrement.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Toujours pour avoir des éléments de comparaison par rapport à vos collègues du département du Nord que nous recevions tout à l'heure, pourriez-vous nous indiquer quels sont les délais d'instruction au niveau de la COTOREP, première section, deuxième section ? Vous nous avez donné à peu près le volume de vos dossiers. Dans le département de la Haute-Savoie, des visites systématiques sont-elles organisées pour une décision, ou est-ce au vu du dossier constitué par le demandeur ?

Pourriez-vous aussi nous apporter un certain nombre de précisions sur les appels qui sont également formulés et sur la proportion de décisions qui peuvent être corrigées en appel, afin que nous ayons des éléments de comparaison avec l'autre département ?

M. Gérard Frey : En ce qui concerne les temps moyens de réponse, nous avons essayé de nous donner des outils qui valent ce qu'ils valent, parce que ce n'est jamais très facile du point de vue statistique, mais on évalue actuellement le temps de réponse moyen en première section, c'est-à-dire tout ce qui est orientation professionnelle, à huit mois. Et le temps moyen de réponse en ce qui concerne la deuxième section (AAH, carte et autres) est à 2,86 mois, donc deux mois trois-quarts, ce qui fait une moyenne de cinq mois pour l'ensemble de la COTOREP, sachant que 60 % des personnes sont vues par le médecin du travail au niveau de la première section, et derrière, si besoin est, dans les visites de psychologue du travail et les validations sociales de la part du service social de la CRAM. Ce qui fait effectivement des temps de réponse relativement longs, sachant aussi que certaines orientations professionnelles demandent du temps, parce que la personne est assez perdue et qu'elle a besoin de temps pour pouvoir monter son projet. Par contre, on est sur un temps beaucoup plus rapide en deuxième section, compte tenu qu'il y a beaucoup moins de visites médicales et que 95 % de dossiers sont jugés sur pièces.

M. Jean-Rolland Fontana : Concernant les recours, nous avons indiqué tout à l'heure que 10 000 décisions à peu près étaient prises par an. 60 % concernent la deuxième section, celle sur laquelle il y a le plus de recours. En 1997, 5 682 décisions, 272 recours, dont 192 confirmés ; en 1998, 6 073 décisions, 259 recours, dont 206 confirmés. 2 % à peu près sont rejetés.

M. Pascal Bodin : Sur le délai d'attente, il faut savoir, malgré le fait que c'est une moyenne, que nous avons mis en place un système de réponse rapide afin de pouvoir trouver des solutions très rapides à une personne qui a besoin d'orientation professionnelle ou à qui il faut trouver une solution. On peut au mieux traiter un dossier dans la semaine pour ce qui est de l'invalidité ou pour tout ce qui est ce genre de prestations. Pour ce qui est de la reconnaissance travailleur handicapé, on peut faire, au mieux, un mois, parce qu'on a une commission par mois à peu près. Le médecin peut voir en urgence la personne et on peut tout mettre en _uvre pour que le dossier d'une personne qui a besoin d'une décision urgente puisse être traité. La personne peut avoir, dans ce cas, sa décision en un mois.

Ce genre de chose pose le problème pour le stock des autres, c'est-à-dire qu'on risque d'en avantager certains et d'en désavantager d'autres. Mais on est capable d'avoir une telle réactivité. Le délai d'attente n'est pas forcément un obstacle quand il y a des urgences à prendre.

M. Gérard Frey : Une procédure d'urgence a été mise en place concernant le maintien dans l'emploi. Quand il y a risque de perte d'emploi, on prend une décision d'urgence, parce que la personne se trouverait licenciée si on attendait plusieurs mois. On prend cette décision pour éviter la perte de l'emploi. On la prend également au pour l'entrée dans l'emploi, c'est-à-dire qu'on intégrerait une procédure d'urgence si nos collègues de l'EPSR ou de l'ANPE nous disaient qu'il y a risque de perte d'emploi si la décision tarde trop. La problématique est la même : quand on fait passer quelqu'un devant, des gens attendent et attendent d'autant plus. On est toujours dans un équilibre en essayant d'être clair sur les urgences.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Le conseil général de la Haute-Savoie participe-t-il au fonctionnement de votre COTOREP au point de vue financier ? Je suppose qu'il participe aux commissions.

M. Jean-Rolland Fontana : Nous avons eu une difficulté dans ce département sur le plan financier. Nous n'étions pas présents ni les uns ni les autres, mais nous la connaissons historiquement ; nous savons que quand la répartition des services s'est faite selon la loi sur la répartition des compétences, la DDASS n'a pas prévu à ce moment-là, dans son budget, le financement du temps du médecin relevant de la deuxième section. Historiquement, la DDASS contribuait à la participation du financement du médecin de la première section, donc le médecin concerné par les orientations professionnelles, mais pas sur la deuxième section, ce qui fait que le conseil général, dès cette époque, a lui-même financé une partie du poste de la deuxième section. Comme la modification des textes et les nouveaux décrets lui ont permis de siéger de façon renforcée, le conseil général a continué à travailler au sein de la COTOREP et il a proposé de maintenir le temps de rémunération médicale qu'il rémunérait déjà. Une partie de temps médical est donc toujours financée par le conseil général.

M. Jean-Pierre Delalande : Je vais poser la même question qu'à vos collègues du Nord : que pouvez-vous nous dire de l'accueil ? Avez-vous d'abord le sentiment que l'accueil téléphonique est satisfaisant ou bien, par manque de personnes compte tenu du volume de dossiers que vous avez à traiter, peut-il y avoir des délais d'attente avec des risques de rappel ? Des gens vous disent-ils qu'ils ont déjà appelé deux ou trois fois ? Comment ressentez-vous la qualité de l'accueil téléphonique ainsi que de l'accueil physique ? Vos locaux sont-ils eux-mêmes accessibles ? Avez-vous le sentiment que les qualités humaines sont toujours présentes dans l'accueil des personnes que vous recevez ?

M. Gérard Frey : L'accueil physique et l'accueil téléphonique sont complètement séparés. Ce n'est jamais parfait, mais on a réglé de manière assez satisfaisante le problème de l'accueil physique des personnes. Une de nos collègues se consacre exclusivement à cet accueil. Elle est chargée à la fois de l'accueil physique des personnes et du courrier. Il se trouve qu'elle est particulièrement dynamique et intéressée par ce poste et elle assure un vrai service d'accueil, de qualité, auprès des personnes qui viennent nous voir, et elle l'assure tous les jours. Nous avons donc un système d'accueil physique. Cette personne ne fait d'ailleurs pas seulement de l'accueil simple des personnes, mais elle conseille également, car elle connaît bien les mesures. Elle fait, à mon avis, un travail de qualité.

Il y a, concernant l'accueil téléphonique, un vrai problème. C'est véritablement une difficulté. On a d'abord un nombre considérable d'appels et surgonflé parce que nous avons du retard. Nous avons donc aussi la surcharge de travail due à notre propre retard et des gens qui viennent nous demander où en sont leur dossier. Il y a parfois une gestion d'agressivité. Ce n'est donc pas très facile au niveau téléphonique. On aurait encore des progrès à faire de ce point de vue, encore que nous venons de réformer notre système d'organisation, il y a quelques jours, et que nous tentons également de mettre une personne au niveau téléphonique en essayant de créer la même dynamique, c'est-à-dire non pas un accueil téléphonique simple mais un accueil dynamique. Cette personne a un écran en connexion avec le système informatique et elle est capable de donner toute une série d'informations de premier niveau. C'est une tentative. Je ne peux pas vous en dire plus car je n'en connais pas les résultats.

Mais il est vrai que les postes d'accueil téléphonique et d'accueil physique sont essentiels en COTOREP, pour deux choses : d'abord pour que les gens soient informés comme il faut de ce qui est en train de se passer chez nous, et c'est compliqué parce que la COTOREP est quelque chose d'assez compliqué ; ensuite, la qualité de l'accueil conduit aussi à ce que la personne, d'abord demande bien ce qu'il faut à la COTOREP et ensuite ne mette pas des croix partout, ce qui fait qu'on est bien obligé de répondre mais on répond à des choses parfaitement inutiles. Il faut également que la personne n'attende pas de la COTOREP ce que la COTOREP ne peut pas lui apporter et ne cherche donc pas la COTOREP miracle. Il est très important que les personnes sachent à quoi s'en tenir.

M. Jean-Jacques Jegou : Vous avez parlé tout à l'heure de 30 000 dossiers en stock. Pouvez-vous nous donner, dans votre département, le nombre de titulaires d'une décision de carte COTOREP, quelle que soit la section ? Pouvez-vous aussi nous donner la répartition entre le handicap médical et le handicap social ? Dans le cadre du handicap social, sur le plan de l'évaluation, pensez-vous que votre commission a d'abord la possibilité d'avoir un suivi et a des mesures d'incitation, soit d'intégration, soit de retour au travail ?

M. Gérard Frey : On a un suivi précis de l'ensemble des décisions qui sont prises chaque année. Je peux vous laisser les chiffres depuis 1997, mesure par mesure. Nous avons quatorze mesures à gérer. Des décisions précises sont donc prises là-dessus. En 1999, 1 746 décisions ont été prises pour l'allocation adulte handicapé. Je parle des mesures essentielles, celles qui sont les plus importantes. 2 623 décisions de cartes d'invalidité ont été prises et 915 décisions sur les macarons GIC (ce sont les décisions globales), 1 679 orientations professionnelles, 377 placements en établissements spécialisés et 2 120 reconnaissances travailleur handicapé. Pour l'ensemble des mesures, le chiffre est de 3 912 décisions de première section et de 5 914 décisions de deuxième section, pour un total de 9 826 décisions.

Concernant l'idée du handicap physique par rapport au handicap social, j'espère que le handicap social pur est égal à 0 % dans l'ensemble des décisions prises par notre COTOREP. Cela ne veut pas dire que des gens n'ont pas de difficultés sociales parmi les décisions qu'on prend, c'est simplement pour dire que la COTOREP s'occupe des travailleurs handicapés, donc des problèmes de gens qui ont des difficultés, ou sociales, ou professionnelles, à cause d'une maladie. La difficulté est d'essayer de rester dans ce domaine puisqu'il y a d'autres lieux de traitement du handicap social qui ne devraient pas être du domaine de la COTOREP.

M. Jean-Jacques Jegou : Merci de parler si franchement. Vous dites que vous espérez. Cela veut dire qu'il n'y a pas de prise en compte par la COTOREP de votre département de quelqu'un qui aurait uniquement un handicap social. Soyons clairs, le problème de quelqu'un qui connaît un problème social d'insertion, etc., et qui serait tombé dans l'alcoolisme, est devenu médical. Il était d'origine sociale au départ, mais il est devenu médical. N'y a-t-il pas, dans votre département, de décision purement sociale au sein de la COTOREP ?

M. Pascal Bodin : En tant que président de la COTOREP, principalement de la première section, parce que c'est celle qui peut poser problème, on a essayé de trouver le remède miracle à cette forte augmentation du chômage, qu'on a tous connue sur les vingt ans passés, et à la forte sollicitation des COTOREP en disant : inscription COTOREP = emploi. De nombreuses assistantes sociales ainsi que l'ANPE ont voulu évacuer le problème sur la COTOREP, pensant que dossier réglé = COTOREP, et je me bats contre cette reconnaissance sociale depuis que je suis directeur du travail, étant donné que d'autres mesures et d'autres programmes existent pour les gens en grande difficulté. Il existe un programme départemental d'insertion pour les bénéficiaires du RMI, il existe aussi un programme de lutte contre l'exclusion et un programme de lutte contre le chômage de longue durée, donc pour les gens en difficulté, dans le cadre des mesures de globalisation des aides à l'emploi. Ces gens-là doivent rentrer dans ces mesures d'aide à l'emploi et on ne doit pas prendre en considération la COTOREP, ou alors la COTOREP sera surchargée de dossiers qui ne sont pas de sa compétence.

J'ai toujours fait en sorte de pouvoir organiser dans les départements ce qu'on appelle des réunions d'information collective en amont, afin de faire le tri entre les gens qui relevaient vraiment de la COTOREP et les gens qui relevaient vraiment de l'insertion sociale ou professionnelle, éventuellement avec une assistante sociale, afin de ne pas surcharger les COTOREP de dossiers qui ne sont pas de sa responsabilité ni de sa compétence. À la marge, vous aurez toujours des gens qui passeront à travers, et on sera amené à prendre, au bout du compte, quelques décisions à l'unité. On mettra une catégorie A sur quelqu'un parce qu'il est venu jusque là et on pourra s'occuper de lui professionnellement grâce à cela. Il a vraiment un handicap, mais c'est à la marge.

Notre souci est, depuis des années, de dégorger les COTOREP parce qu'elles sont complètement envahies par la pression. Les sollicitations de la COTOREP de la Haute-Savoie, par exemple, ont augmenté de 100 % en l'espace d'à peine dix ans. Il y a la pression démographique, l'augmentation du chômage, la difficulté d'accès au marché du travail... Tout cela fait qu'on va vers la COTOREP. Mais nous avons toujours essayé de circonscrire les demandes pour des raisons de vitalité pour nous et en même temps de survie. Les COTOREP exploseraient si jamais on acceptait d'ouvrir les vannes. On est déjà presque en explosion à cause des délais d'attente et on exploserait si jamais on n'était pas rigide sur le fait de la reconnaissance sociale et médicale. J'ai toujours essayé, dans les départements où j'étais, de faire en sorte qu'on ne confonde pas les deux et qu'on renvoie les personnes sur les institutions chargées de prendre en charge ces personnes.

M. Jean-Rolland Fontana : Je voudrais dire, au nom de la DDASS et de la deuxième section, que c'est vraiment le même état d'esprit qui préside à cette commission. Les partenaires jouent leur rôle, c'est-à-dire que sont représentés dans ces commissions des associations et des représentants d'établissements, mais il appartient à l'administration - c'est ce qu'on veut faire - de faire respecter les textes, et je crois qu'on se tient assez à la lettre des textes dans le sens qu'évoquait Monsieur le Directeur du travail.

En réponse à votre question sur les différents handicaps, je voudrais souligner qu'une des grandes difficultés pour les DDASS, notamment dans la mission qu'elles ont pour les schémas départementaux et pour les institutions sociales et médico-sociales, est l'absence d'exploitation des données médicales et sociales « anonymisées » des COTOREP. Le problème est similaire pour les CDES. C'est une grande difficulté, ce qui fait que lorsque nous voulons, par rapport à des démarches de schéma, répondre à la préoccupation que vous aviez de connaître les personnes handicapées par type de déficience et par type de handicap, nous sommes obligés, dans chaque département, de « refaire le monde », de remettre en route des enquêtes, et de réengager une procédure alors que toute la masse d'informations est là, mais on ne sait pas l'exploiter et on n'a pas d'outil pour l'exploiter.

M. Jean-Jacques Jegou : C'est très intéressant.

M. Jean-Pierre Delalande : Il me venait une idée en vous écoutant exprimer vos préoccupations, notamment sur les risques d'engorgement et d'explosion que vous évoquez : avez-vous des connaissances statistiques et des pourcentages sur l'origine des handicaps (accidents de voiture, accidents du travail, accidents ménagers, etc.) et, si vous les avez, vous arrive-t-il d'être consultés par des organismes, par exemple la sécurité routière, qui luttent contre les accidents ? Car, par la connaissance que vous avez de ces publics, vous pouvez aussi peut-être les aider. C'est une façon, si on travaille aussi en amont, de désengorger les COTOREP si j'ose dire. Est-ce que cela vous arrive ou cette question vous paraît-elle complètement saugrenue ? Pouvez-vous nous indiquer quelle est la population de Haute-Savoie pour qu'on puisse faire nos pourcentages ?

M. Pascal Bodin : Votre question est intéressante. Le secrétaire de la COTOREP va essayer de vous trouver des chiffres plus précis, mais je vais vous dire, étant donné les centaines de sessions que j'ai présidées, ce que je ressens globalement sur l'origine des handicaps.

Il faut d'abord dire qu'une grande partie des handicaps est due au travail. Beaucoup de personnes viennent à la COTOREP parce qu'elles ne peuvent plus travailler dans le métier où elles sont. La proportion n'est pas négligeable, et c'est bien le rôle de la COTOREP de trouver une orientation professionnelle. Je n'ai pas en tête les pourcentages, parce que je ne connais pas les statistiques à jour mais, de mon expérience, la proportion des gens qui viennent ici parce qu'ils ont des problèmes à cause du travail qu'ils ont eu ou des gens qui ont des problèmes à cause du métier qu'ils veulent avoir serait de 60 % (je parle de la première section). Ils se sont au départ orientés vers un métier et on s'aperçoit très vite qu'ils ne peuvent plus travailler dans ce métier. Il faut donc une réorientation.

Il reste après, comme vous l'avez dit, le problème de tout ce qui est lié aux accidents de la route mais qui ne représentent pas, à mon avis, le pourcentage le plus important, loin de là, des accidents. On trouve aussi beaucoup de personnes malades depuis le début, des gens dont on sait qu'ils sont malades et dont on sait que c'est de toute façon la COTOREP qui va les prendre en charge au bout d'un certain temps. Ils représentent un pourcentage beaucoup plus important que les accidentés de la route.

Concernant la prévention, nous avons le souci, en tant que ministère de l'emploi et de la solidarité, de travailler sur la prévention des accidents du travail. L'inspection du travail, étant donné ses relations avec des organismes comme la Caisse régionale d'assurance maladie, travaille beaucoup sur la prévention pour éviter les accidents du travail. Le taux d'accidents du travail baisse depuis des années grâce aux progrès techniques mais aussi grâce à la mise en place de normes et d'une surveillance des normes beaucoup plus sophistiquée qu'elle ne l'était auparavant.

Nous appliquons une prévention très forte dans l'entreprise pour éviter les accidents du travail. C'est la première des préventions qu'on doit faire pour éviter que des accidentés viennent à la COTOREP. J'insiste beaucoup sur le fait que tout est lié. La prévention consiste aussi à aménager les postes de travail et à les aménager, non pas avant que la personne ait un accident du travail, mais avant qu'elle ait le handicap comme des problèmes de lombalgie, par exemple, qu'on trouve beaucoup dans les postes de travail avec des problèmes d'ergonomie.

Nous travaillons aussi beaucoup avec les médecins du travail, dans le cadre de notre mission à l'inspection du travail et à la direction du travail, pour essayer d'aménager les postes de travail et de modifier ergonomiquement un certain nombre de postes de travail, parce qu'on sait, en visitant une entreprise en tant qu'inspecteur du travail, que si l'on ne change pas la façon de travailler de telle personne, même si le danger d'intégration physique n'existe pas, on l'aura à la COTOREP dans deux ou trois mois ou dans deux ou trois ans parce que les conditions de travail et le poste de travail sont mal adaptés. N'oublions jamais les charges mentales dans la productivité qui a beaucoup augmenté dans certaines régions industrielles et le département de la Haute-Savoie est fortement industrialisé. L'ensemble de ces charges sont des charges que les inspecteurs du travail ont pour mission de regarder en priorité pour faire de la prévention.

Par rapport aux accidents de la route, je n'ai pas souvenir (je suis arrivé dans le département depuis peu de temps) d'avoir eu une action précise en la matière en tant que directeur du travail.

Concernant la population, nous avons aujourd'hui à peu près 630 000 habitants. La population de la Haute-Savoie a augmenté de 27 % de 1982 à 1999. Le département de la Haute-Savoie est celui qui a le plus augmenté démographiquement après l'arrondissement de Toulouse et de Montpellier depuis le dernier recensement. La poussée démographique est donc très forte. Cette très forte poussée démographique explique aussi en partie l'augmentation de 100 % des dossiers de COTOREP. C'est un élément qu'il faut toujours prendre en considération. La Haute-Savoie est un département atypique par rapport au reste de la France, où la forte population active augmente très fortement, avec un chômage qui baisse et une population globale qui augmente aussi énormément. C'est un élément important. C'est un contexte très particulier que le Nord ne connaît malheureusement pas.

M. Jean-Rolland Fontana : Je vais apporter un élément, par rapport à la deuxième section, sur les « clientèles » en quelque sorte et les populations. Beaucoup plus qu'une population de handicapés physiques ou mentaux à opposer à une population de handicapés sociaux, c'est le nombre de personnes handicapées par la maladie mentale qui est une forte caractéristique. C'est un problème extrêmement sérieux auquel nous sommes confrontés puisque je disais tout à l'heure que nous étions dans une démarche de schémas départementaux et que nous devons travailler sur des enquêtes de besoins. Nous nous rendons compte ici, à tous les niveaux, que certaines personnes associent à la fois les déficiences physiques, sensorielles et mentales, à des troubles mentaux, mais nous avons aussi des personnes qui sont reconnues handicapées pour ce qu'on appelle des déficiences d'ordre psychique, et c'est là une caractéristique extrêmement importante de la population dont nous voyons le dossier en deuxième section.

M. Gérard Frey : J'ai quelques éléments chiffrés. C'est un vrai problème et on se pose régulièrement la question en COTOREP. Les seules capacités que nous avons de pouvoir évaluer ce genre de choses dépendent de deux codes qui sont en machine, qui sont cryptés, qui s'appellent « type » et « origine du handicap ». Mais ces codes sont relativement obsolètes et ne correspondent pas à l'évolution de la COTOREP ; c'est un problème pour les médecins. Nous attendons une nouvelle application informatique. Je ne sais pas quels seront les nouveaux codes que nous aurons dans cette application, mais il est vrai que les médecins sont souvent en difficulté pour faire une codification.

Je peux vous donner à titre d'exemple les chiffres sur 1998, puisque les chiffres 1999 ne sont pas encore établis, car les traitements annuels informatiques n'ont pas pu se faire. En 1998, 17 283 dossiers ont pu faire l'objet d'une décision. Nous avons, par exemple, 634 accidents de la voie publique et 1 675 handicaps de naissance. Mais je mets un bémol à ces chiffres parce que j'ai « autres maladies » : 10 929. La difficulté, qui m'a immédiatement frappé quand je me suis trouvé à ce poste, c'est à quel point des multi-maladies se mélangent. Il y a un nombre assez considérable de gens qui viennent nous voir en disant qu'ils ont mal aux dos, alors qu'on s'aperçoit que leur mal de dos constitue 10 %, 15 % ou 20 % de leurs problèmes et que des tas d'autres choses sont non dites, non vues et déniées. C'est l'une de nos grosses difficultés.

Il y a également des gens accidentés, quel que soit le motif de l'accident (voie publique, travail ou autres), qui n'ont pas eu d'accompagnement social au moment de cet accident et qui ont du mal à gérer l'amputation qu'ils ont eue. Ils se trouvent, au bout d'un moment, avec un handicap général parce qu'ils ont éprouvé une difficulté psychologique à assumer la maladie ou l'amputation, et le problème psychologique devient plus important que le handicap physique. On est ici en grande difficulté pour essayer de trouver une codification et voir quelle est la maladie principale.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : La COTOREP de la Haute-Savoie a-t-elle les moyens quantitatifs et qualitatifs de bien fonctionner ? Et, selon vous, si elle a quelques difficultés, fonctionne-t-elle bien ? Enfin, d'un point de vue général, pourrait-on, à votre avis, apporter des améliorations dans le fonctionnement des COTOREP et quel type d'améliorations ? Le statut actuel des COTOREP permet-il véritablement d'apporter des améliorations significatives ?

M. Pascal Bodin : On est au c_ur du sujet. Je vais être très franc et vous dire ce que je pense parce que je connais les COTOREP depuis un certain nombre d'années. Les COTOREP ne fonctionnent pas bien aujourd'hui, mais elles fonctionnent beaucoup mieux qu'elles n'ont fonctionné. Elles ne fonctionnent pas bien, parce qu'il est inadmissible de faire attendre quelqu'un pendant huit mois sur la première section ; elles ne fonctionnent pas bien, parce qu'il est inadmissible de faire croire à une personne qu'on va lui trouver une solution avec une reconnaissance.

Je vais parler de la première section, qui pose le problème de la durée d'attente. Dans votre question il y a deux problèmes : la durée d'attente et la qualité de la décision.

Sur la durée d'attente, nous ne sommes pas bons. Nous pouvons faire beaucoup mieux, et il y a des moyens de faire beaucoup mieux, mais il est certain, en tout état de cause, que nous ne pourrons jamais prendre une décision en l'espace d'un mois quand il faut faire une étude médicale, renvoyer à une expertise, donner une orientation professionnelle, faire une décision complète et globalisée de l'individu par rapport à l'ensemble de ces problèmes. On voit bien aussi comment les affaires se passent pour les juges d'instruction quand ils ont à demander des contre-expertises.

Soyons clairs, nous ne pourrons jamais prendre une décision en deux jours. Je pense toutefois que nous pourrions prendre une décision en trois mois, en moyenne bien sûr, dans la mesure où nous pourrions avoir des vacations médicales supplémentaires.

Le gros problème des COTOREP, c'est :

- soit l'absence de médecin si on n'en trouve pas. C'est le cas dans les petits départements par exemple. Personne ne veut le faire. On va donc chercher des généralistes. S'ils ne sont pas disponibles, cela traîne dans le temps ;

- soit l'absence de vacations médicales pour faire face à toute la demande et donc aux examens médicaux.

Si l'on veut faire les choses sérieusement, il faut au moins une visite médicale dans 60 % des cas. C'est notre estimation. On a un médecin du travail en Haute-Savoie qui travaille à 80 % sur la première section (sur la deuxième section aussi d'ailleurs) et elle veut voir tout le monde. Des médecins n'ont pas cette exigence.

En ne voyant pas les gens et en travaillant sur dossiers, on pourra passer à un délai de deux mois, mais ce ne sera plus de la COTOREP dans ce cas-là, ce sera autre chose, ce sera une autre façon de travailler. Il nous faut des vacations médicales supplémentaires si l'on veut voir les personnes, et on pourra passer à trois mois dans ce cas-là mais, ne rêvons pas, nous ne pourrons jamais passer à un mois ou à quinze jours. Il faut, dans ce cas-là, complètement changer le dispositif et supprimer les commissions.

Mettre en place une commission veut déjà dire qu'on ne pourra pas prendre une décision en moins d'un mois. Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il y a beaucoup trop de commissions dans ce pays, pour tout. Je passe moi-même mon temps, en tant que directeur du travail, à insister auprès du préfet pour supprimer les commissions. Elles sont inscrites dans les textes mais ne servent strictement à rien, dans la mesure où elles n'apportent aucun éclaircissement à l'administration. Concernant la commission de la première section, il est très clair qu'on ne pourra pas prendre une décision en moins de trois mois si on veut continuer à la conserver.

Concernant la qualité ou les moyens de la décision, nous pourrions aller beaucoup plus vite si nous avions la possibilité d'enclencher une orientation professionnelle en amont, avant l'attente de la décision. Nous pouvons actuellement le faire, nous avons la possibilité d'enclencher une orientation professionnelle dès le départ et donc de voir tout le côté professionnel et de s'occuper de la personne dès le départ, avant même que la reconnaissance médicale ait eu lieu puisqu'il faut de toute façon s'occuper d'une personne qui vient nous voir au niveau de l'insertion par l'emploi, et cette personne est au chômage dans 80 % des cas. Elle est aussi bien prioritaire sur les mesures d'aide à l'emploi qu'au titre de la COTOREP. La reconnaissance COTOREP est, à mon avis, tout à fait subsidiaire. Même si la personne n'est pas reconnue COTOREP au bout du compte, c'est quand même quelqu'un qui a des difficultés avec son emploi, c'est donc quelqu'un qui doit être pris en compte dans le cadre de la politique de lutte contre le chômage.

On pourrait très rapidement faire une dissociation entre l'orientation professionnelle, la prise en charge de la personne sur l'orientation professionnelle et le placement, et la décision médicale, ce qui pourrait nous permettre d'avoir une décision de COTOREP de deux ou trois mois et éventuellement lui trouver une orientation, une formation professionnelle ou un métier dans le mois. Le problème est qu'on demande souvent, dans ces conditions, la reconnaissance travailleur handicapé pour pouvoir accéder à la formation et à l'emploi. On entre dans un système qui est faussé par le fait que la reconnaissance ouvre un certain nombre de possibilités qu'on n'a pas si la reconnaissance n'existe pas. Et nos partenaires de l'AGEFIPH qui cofinancent les actions d'accès à l'emploi refuseront de prendre quelqu'un en cofinancement par exemple, ou sur une formation, s'il n'a pas la reconnaissance travailleur handicapé.

On a des problèmes de ce type. On pourrait aller plus vite aujourd'hui. On pourrait rapidement trouver une solution à des personnes si on avait des vacations médicales supplémentaires car c'est là qu'est la difficulté, et si on avait la possibilité de faire une orientation professionnelle anticipée avant une décision.

M. Jean-Rolland Fontana : Je voudrais ajouter des éléments à ce que vient de dire M. Bodin : du côté DDASS, un des problèmes essentiels nous paraît être celui du statut des médecins. Les DDASS sont, par définition, à la fois du côté des préfets et du côté des agences régionales de l'hospitalisation. J'exerce les fonctions des deux côtés et je constate, lorsque nous prévoyons un poste de praticien hospitalier dans un établissement, dans un hôpital local, que nous prévoyons 600 000 francs pour le rémunérer.

Nous avons au sein de la DDASS des médecins inspecteurs de santé publique qui ont un véritable statut. Nous en avons deux et ce ne sont pas les deux médecins inspecteurs de santé publique, qui sont à la fois sur les compétences DDASS-préfet et sur les compétences de l'agence régionale d'hospitalisation, qui vont aller en COTOREP. Comment fait-on ? Nous faisons uniquement appel au système des vacations. Nous avons 350 000 francs grosso modo au titre des vacations à la DDASS de Haute-Savoie. On voit bien qu'un problème statutaire est posé pour le recrutement des médecins en COTOREP.

La deuxième difficulté que nous voyons, nous, du côté DDASS, c'est celle que j'indiquais tout à l'heure : l'absence d'exploitation des données par rapport à des problématiques de planification.

La troisième difficulté que je vois touche directement les usagers, lorsque nous avons pris en deuxième section des décisions autres qu'à caractère financier, c'est-à-dire essentiellement les orientations vers des établissements spécialisés, et lorsqu'il n'y a pas de place dans ces établissements spécialisés puisqu'aucun service n'intervient à ce moment-là pour les personnes qui ont été orientées vers un établissement spécialisé. L'une de ces décisions touche très fortement les décisions de première section, puisque c'est la première section qui prend les orientations vers les centres d'aide par le travail, que la DDASS finance par l'intermédiaire du budget de la solidarité. C'est quelque chose d'assez dramatique. 250 personnes sont en liste d'attente d'accès à un centre d'aide par le travail dans le département, et il n'y a absolument aucun suivi pour ces personnes tant que la mesure n'a pas pu prendre d'effet.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Une dernière question : y a-t-il une question qu'on ne vous aurait pas posée et qui vous tiendrait à c_ur, ou un dernier message à nous délivrer sur la façon d'améliorer la situation ?

M. Jean-Rolland Fontana : C'est encore une réflexion par rapport aux usagers. J'ai évoqué tout à l'heure la question de très nombreuses personnes qui sont reconnues handicapées en raison de la maladie mentale. La loi que vous avez votée en 1975 sur les institutions sociales disait qu'un décret prévoirait la création d'institutions pour les personnes handicapées par la maladie mentale mais qui ne nécessiteraient plus des soins actifs en établissement psychiatrique ; celui-ci n'est jamais sorti. C'est une très grande difficulté dans les négociations que nous pourrions avoir avec les conseils généraux pour mettre en place des équipements tels que le foyer à double tarification. C'est une difficulté que nous avons parce que le texte n'est jamais sorti.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : On va regarder cela.

M. Gérard Frey : Je voudrais vous transmettre l'état d'esprit avec lequel on essaie de travailler ; nous essayons de créer cette dynamique au niveau de la COTOREP, qui est quand même quelque chose d'assez atypique dans l'administration, en mettant un individu au centre d'un cercle et en essayant de mettre autour de lui toute une série de compétences pour voir quelle solution on peut essayer de lui trouver.

La difficulté qui est la nôtre est double : le fait d'arriver à mettre toutes ces compétences autour d'une personne, qui a un problème médical et qui a des difficultés sociales et professionnelles à cause de son problème médical, pour avoir une vision médico-psycho-professionnelle, demande du temps et c'est une sorte d'usine à gaz. Or, c'est justement cette usine à gaz qui fait qu'on arrive à trouver pour un bon nombre de gens, non pas la solution la meilleure, parce qu'on n'a pas forcément le partenaire professionnel et social dont on a besoin autour de nous, mais la solution la moins mauvaise, en tout cas l'aide maximum qu'on puisse trouver.

Cette idée me paraît être une idée force qui permet de faire un certain nombre de choses, et je peux vous assurer qu'on éprouve de grandes satisfactions quand quelqu'un, qui ne partait pas de grand chose, revient nous voir, un an ou deux ans après, pour nous dire qu'il a trouvé une solution professionnelle.

M. Pascal Bodin : Pour finir et pour aller encore plus loin dans l'état de nos réflexions, il faut d'abord dire que l'administration est très malade, mais que son cas n'est pas désespéré. Si la COTOREP de Haute-Savoie fait des gains de productivité avec le même nombre de personnel, a des délais qui n'ont pas été beaucoup moins longs et arrive quand même à faire 100 % de plus, c'est parce qu'elle travaille beaucoup au jour le jour pour améliorer sa productivité et qu'elle étudie comment travailler différemment. Et on trouve de plus en plus des solutions pour aller plus vite et travailler différemment.

Je pense que l'intérêt de la COTOREP, c'est celui du fameux guichet unique dont on parle souvent et qui n'existe jamais. C'est une catastrophe pour le moment pour un demandeur d'emploi, car il va à l'ASSEDIC, ensuite à l'ANPE et à une mission locale, et il va peut-être aller au conseil général... C'est le parcours du combattant. On reproche malheureusement à l'administration du travail, principalement dans le cadre de la décentralisation, de ne pas savoir à quel saint se vouer. La solution du guichet unique reste une bonne solution.

On peut toujours trouver des solutions décentralisées, une partie au conseil général, une autre partie ailleurs, tout est possible dans le cadre des modifications parce qu'on a des idées de modifications, mais il ne faut jamais oublier que la solution du guichet unique reste la meilleure des solutions. L'usager n'y retrouvera pas sa place si jamais la COTOREP éclate.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Une question me vient à l'esprit : de l'expérience qui est la vôtre, avez-vous le sentiment que la loi du 10 juillet 1987 sur l'insertion des travailleurs handicapés dans les entreprises et les administrations a eu des effets bénéfiques ? On ne va pas refaire tout le débat mais, de l'expérience qui est la vôtre, a-t-elle aidé ou le choix de la participation financière, qui avait été ouvert quand il n'y avait pas possibilité de réinsertion, vous paraît-il trop choisi par les entreprises ? Avez-vous le sentiment que cela aide du point de vue même de la personne handicapée, c'est-à-dire y en a-t-il qui vous disent : à partir du moment où j'ai mon taux d'invalidité, cela va m'aider parce que les entreprises ou les administrations doivent avoir dans leur effectif 6 % de personnes handicapées ?

M. Pascal Bodin : J'ai connu les deux, j'ai connu les 10 % et 6 % ; les 10 % qui n'étaient pas appliqués et les 6 % qui ne le sont pas non plus. Plus on diminuera, plus on pourra l'appliquer, parce qu'on est à 4 % en moyenne.

La modification de la loi de 1987 a surtout créé des emplois dans les AGEFIPH. Elle a créé un nouveau partenaire pour travailler sur le reclassement professionnel des travailleurs handicapés. Les AGEFIPH sont régionalisées et elles interviennent maintenant dans les départements. L'énorme produit financier que les AGEFIPH arrivent à récolter grâce aux cotisations que les employeurs sont obligés de verser parce qu'ils n'ont pas le quota conduit aujourd'hui l'État à être mal à l'aise pour intervenir dans l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés.

Dans le prolongement du programme départemental travailleurs handicapés qui se crée partout (mais il faut voir le contenu qu'il y a derrière), l'État a des possibilités pour accompagner le travailleur handicapé avec les mesures d'aide à l'emploi qui sont quand même très importantes et pour lesquelles le travailleur handicapé est prioritaire. Nous avons les moyens d'intervenir, d'accompagner et de placer les personnes. Mais ces moyens doivent être utilisés en même temps que la possibilité qu'a l'État de payer des prestations de service. Si l'État ne paie plus les budgets ou si l'État se désengage d'un tas budgets pour les mettre sur le compte de l'AGEFIPH qui va financer une partie des budgets, la dépendance des EPSR va poser problème, c'est évident. Et d'autres exemples se mettent en route.

L'État, dans sa mission de réinsertion des travailleurs handicapés dans le cadre de l'emploi, avec le ministère du travail, a en encore des moyens importants en matière d'aide à l'emploi qu'il met en priorité sur les travailleurs handicapés en ce moment comme les bénéficiaires du RMI puisque ce sont ces gens qui restent sur le bord du chemin avec l'amélioration de l'emploi. L'État aura de moins en moins la possibilité d'intervenir efficacement dans une politique cohérente au niveau du département. C'est un danger engendré par la loi de 1987.

Concernant les entreprises, elles ne trouvent aucune satisfaction, sinon dans le fait qu'elles peuvent aujourd'hui choisir entre payer ou embaucher. Mais je n'ai pas rencontré d'entreprises qui ont trouvé satisfaction dans cette loi en disant : on est bien content de ne pas pouvoir embaucher. Ce n'est pas comme cela que les entreprises travaillent. Les entreprises essaient de trouver des solutions à l'emploi. L'amélioration importante de l'emploi dans certains départements comme celui de la Haute-Savoie peut permettre aujourd'hui à un bon nombre de travailleurs handicapés de retrouver les chemins de l'emploi. Cette participation des 6 % peut aujourd'hui nous aider dans le cadre de l'amélioration de l'emploi. Je considère qu'on a une marge de man_uvre qu'il faut utiliser et que l'État doit pouvoir utiliser.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Merci beaucoup. Merci à nos hôtes d'être venus et des éclairages qu'ils ont bien voulu nous donner qui seront certainement très utiles pour nous et pour notre rapporteur spécial.

4.- Audition de M. Michel Bernard, directeur général de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et de Mme Penin-Cheval (ANPE)

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 30 mars 2000)

Présidence de M. Jean-Pierre Delalande, Président

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Nous avons le plaisir d'accueillir M. Michel Bernard, Directeur général de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE), et Mme Penin-Cheval, ceci dans le cadre de nos travaux sur l'amélioration du fonctionnement des COTOREP.

Monsieur le Directeur général, l'usage est qu'il n'y ait pas de discours introductif, si j'ose dire. Nous entrons tout de suite dans le vif du sujet sur la base des questions du rapporteur spécial de la Commission des Finances, du Rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales et, le cas échéant, du rapporteur général de la Commission des finances, ainsi que des différents membres de la Mission d'évaluation et de contrôle.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Monsieur le Directeur général, je souhaiterais que vous nous fassiez part de votre sentiment sur l'activité générale des COTOREP. Les ANPE différentes participent-elles à toutes les réunions formelles des COTOREP ou se contentent-elles de participer aux réunions techniques ? Par ailleurs, pouvez-vous nous livrer votre appréciation sur les moyens matériels dont disposent les COTOREP, les personnels, les locaux, les systèmes d'information ? Je me limiterai à ces deux questions pour l'instant.

M. Michel Bernard : Monsieur le Rapporteur spécial, en ce qui concerne l'appréciation que l'on peut porter sur les COTOREP, il importe que de tels organismes fonctionnent et qu'ils puissent rapidement décider si une situation peut ressortir du COTOREP ou pas. L'organisme COTOREP est, en tout état de cause, indispensable. Il me paraît tout aussi clair qu'il faut qu'il existe un organisme qui puisse décider quelle est l'allocation qui peut être allouée. Je ne me prononcerai pas sur l'existence ou la non-existence des COTOREP, tant il me paraît évident que ces organismes doivent exister. Je dirai simplement, peut-être au fur et à mesure des différentes questions, quel est mon sentiment sur leur fonctionnement et ceci en relation avec ce qui nous paraît important, à savoir le retour vers l'emploi des personnes inscrites COTOREP. C'est le seul domaine sur lequel je me permettrai de me prononcer.

Votre deuxième question porte sur le point de savoir si nous participions aux réunions formelles. Nous participons aux réunions techniques. Effectivement, dans chaque département, un représentant appartenant généralement à la direction déléguée couvrant le secteur concerné participe systématiquement aux réunions techniques en vue de préparer les dossiers et d'apporter la composante emploi dans les dossiers concernés.

Sur les moyens dont disposent les COTOREP, je ne me prononcerai pas. J'émettrai simplement un regret, à savoir que l'instruction des dossiers est souvent beaucoup trop longue (entre six mois et parfois un an et demi, voire deux).

Concernant notre mission, qui est de permettre aux personnes de retourner au travail, il est bien évident que le diagnostic que nous pouvons faire à un moment x ne peut être le même que celui que nous ferions, dix ou quinze mois plus tard, à un moment y. C'est pour nous un très lourd handicap. En l'occurrence, si j'avais un v_u à formuler en la matière, ce serait celui de trouver les moyens ou les processus permettant de raccourcir cette période entre le moment où une personne demande son inscription en COTOREP et celui où la décision est rendue. En effet, le décalage de temps existant entre les deux, notamment pour des personnes en situation extrêmement évolutive, est complètement négatif pour ce qui nous préoccupe, nous, à savoir le retour vers l'emploi des personnes considérées.

M. Francis Hammel, Rapporteur pour avis : On peut considérer que votre mission se situe en aval d'un travail fourni par les COTOREP, sachant que votre mission essentielle est bien celle de l'insertion professionnelle des personnes handicapées. Ma question sera la suivante : pourriez-vous nous donner votre avis sur la qualité de l'évaluation fournie par les COTOREP ?

M. Michel Bernard : Notre intervention se situe en amont et en aval puisque nous participons à la constitution de dossier technique pour éclairer la commission à la fois sur le marché du travail dans la zone concernée, mais aussi sur les compétences de la personne considérée, telles que nous avons pu les analyser. Donc, un avis en amont déjà. Ensuite, effectivement, nous intervenons en aval.

Juste un chiffre, car je ne veux pas en donner trop. Sachez qu'il existe aujourd'hui 145 000 demandeurs d'emploi inscrits COTOREP, soit un chiffre important. En 1999, pour la première fois depuis de très nombreuses années, ce chiffre est en diminution de 3 %. Celle-ci reste inférieure à la diminution générale des inscriptions de demandeurs d'emploi, mais, encore une fois, c'est la première fois depuis très longtemps. Je tenais à donner ces chiffres à votre commission.

Il y a donc un travail en aval. Sauf qu'entre le moment où l'on a fait le diagnostic et celui où la personne vient avec son statut COTOREP et les droits qui s'y attachent, notamment la possibilité de lui faire bénéficier d'un certain nombre d'aides spécifiques, la période de temps est beaucoup trop longue. C'est d'autant plus complexe que la situation a complètement évolué et qu'il faut refaire un diagnostic, examiner la nouvelle situation dans laquelle se trouve la personne, soit recommencer ce travail de reconstruction du parcours professionnel et d'intégration.

M. Francis Hammel, Rapporteur pour avis : En termes de qualité, on peut se poser des questions.

M. Michel Bernard : Si les COTOREP pouvaient rendre leur avis beaucoup plus rapidement, les chances de retourner vers le travail offertes aux personnes concernées seraient d'autant plus grandes. Sur les conditions permettant aux COTOREP de donner leur avis plus rapidement, vous me permettrez d'avoir un avis personnel et non pas institutionnel.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : La nuance est importante.

M. Jean-Jacques Jegou : Monsieur le Directeur général, je voudrais revenir aux questions du Rapporteur spécial.

Une première question pour préciser votre réponse : y a-t-il - mais peut-être n'est-ce pas le cas - une articulation d'organisation officielle, structurelle, entre les COTOREP, le Ministère des affaires sociales et de l'emploi, et l'ANPE ? Y a-t-il ou n'y a-t-il pas de textes, de missions qui institutionnalisent le partenariat entre les COTOREP et l'ANPE ?

Deuxième question. Vous avez dit - et c'est très clair - que votre souci était de favoriser le retour à l'emploi des inscrits COTOREP. Avez-vous une identification, à un moment donné ou dans les réunions techniques auxquelles vous participez, sur la nature du handicap, qu'il soit social ou médical ? Même s'il est médical, vous identifiez non pas le fond du dossier médical, mais la possibilité quand même, pour ce handicapé physique ou mental, de retrouver un emploi protégé ou de toute autre forme. Sur la nature du handicap social, est-ce que l'ANPE a un traitement particulier ou peut avoir une action particulière ?

M. Michel Bernard : Je ne connais pas tous les textes par c_ur, mais ce dont je suis certain, c'est qu'aucun texte ne précise notre présence dans les commissions formelles. En revanche, je suis persuadé qu'il existe un texte, un arrêté ou quelque chose de ce type indiquant notre présence dans les réunions techniques, c'est-à-dire celles qui préparent les dossiers présentés aux commissions formelles. Cela, c'est vis-à-vis des COTOREP.

En revanche, nous avons des partenariats très forts avec tous les organismes qui s'occupent des handicapés. Je pense en particulier à tous les EPSR ou OIP, ainsi qu'avec l'AGEFIPH qui finance et couvre l'ensemble de cette activité.

Sur la nature même du handicap, ce n'est pas nous qui nous prononçons dessus. Les demandeurs d'emploi viennent nous voir. Nous faisons un point avec eux de leur situation, de leurs difficultés, qu'elles soient physiques, psychologiques ou sociales. Souvent, c'est nous qui les conseillons en leur signifiant, par exemple, que leur situation relève des COTOREP et que cela leur donnera une chance supplémentaire de retourner au travail. Le processus s'enclenche souvent sous cette forme.

M. Jean-Jacques Jegou : Vous êtes amenés à remplir des dossiers COTOREP pour les demandeurs d'emploi ?

M. Michel Bernard : Oui, cela nous arrive, en particulier lorsque les personnes sont dans une situation qui ne leur permet pas de le faire elles-mêmes.

Après, le processus s'enclenche. Puis, comme je l'indiquais à l'instant, celui-ci nous échappe un peu, car il est de nature administrative. Il s'ensuit que la relation personnalisée, celle qui donne le plus de chances à un demandeur d'emploi de retrouver du travail, se distend pendant la période d'instruction du dossier. On se retrouve alors dans une espèce de période d'attente extrêmement préjudiciable.

Dès lors qu'il y a handicap physique, c'est très clair, il faut trouver les postes correspondants. Cela participe de l'une de nos missions. Celle-ci consiste à voir, avec les entreprises, ou avec les employeurs de manière plus générale, quels sont les postes susceptibles d'être proposés à des handicapés ou aménagés pour eux. Notre rôle consiste parfois à conduire les parcours de formation avec nos partenaires, et notamment l'AFPA, qui vont permettre aux personnes handicapées de pouvoir mieux s'adapter au marché du travail qui leur est ouvert.

Puis, dans le cadre de handicaps de nature beaucoup plus psychologique, plus sociale, nous travaillons alors avec les organismes sociaux concernés, avec les associations intermédiaires, les entreprises d'insertion diverses, voire quelquefois par le canal des CAT ou des ateliers protégés. Cette phase d'intégration ou de réintégration dans le monde du travail, qui s'avère parfois nécessaire et cela par étapes successives, ce n'est pas nous qui la conduisons. Nous la construisons, mais elle est conduite par des organismes spécialisés avec lesquels nous avons à la fois des partenariats et des conventions.

M. Jean-Pierre Brard : Sur le dernier point que vous évoquiez, Monsieur le Directeur général, pouviez-vous citer quelques exemples de façon que nous saisissions mieux de quels organismes spécialisés il peut s'agir ? Tout à l'heure, vous posiez le problème de la rapidité de la réaction des COTOREP. Mais quelle est la qualité des évaluations faites puisqu'il vous arrive, en fin de compte, de diriger des personnes vers la COTOREP pour aider, ensuite, au retour à l'emploi ? Cela suppose que la COTOREP qualifie certainement convenablement. Quel est votre sentiment là-dessus ?

Deuxièmement, vous, au sein de l'ANPE, prenez-vous des mesures spécifiques compte tenu des situations particulières auxquelles vous avez affaire et donc d'une plus grande difficulté ? Faites-vous davantage d'efforts ? Cela nécessite-t-il des démarches particulières ? Est-ce que vous coopérez avec les organisations locales du patronat ou avec les autorités locales ? En disant cela, je fais référence à mon expérience personnelle en termes de difficultés de coopération avec l'ANPE où il n'est, hélas, même pas possible d'obtenir les statistiques du chômage.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : M. Brard, je le rappelle, est maire de Montreuil.

M. Jean-Pierre Brard : Je vous restitue la difficulté à laquelle j'ai été confronté il y a encore quinze jours.

M. Michel Bernard : M. Brard, 30 000 maires en France reçoivent ces listes.

M. Jean-Pierre Brard : Les listes nominatives, dont nous n'avons que faire, car je n'ai nulle envie d'écrire tous les mois aux chômeurs, c'est une chose. L'évolution des statistiques permettant de mesurer la situation économique dans la ville et des outils pour la collectivité locale pour plus d'efficacité en termes de développement de ces politiques économiques en est une autre. En d'autres termes, les statistiques et les analyses sont des éléments tout à fait essentiels, or nous ne les avons pas.

Mais tel n'était pas mon propos. Je disais cela en incidente et je renvoyais à la coopération avec les autorités locales qui, elles aussi, ont leurs réseaux et peuvent aider peut-être à contribuer au retour à l'emploi. Vous parlez de 145 000 personnes. Avez-vous des chiffres pour évaluer l'efficacité de l'ANPE dans son travail de retour de travail à l'emploi ?

M. Daniel Feurtet : J'ai été quelque peu surpris d'apprendre que l'ANPE pouvait préparer les dossiers de la personne pour les adresser à la COTOREP. Dans la mesure où nous sommes en train de rechercher la part d'efficacité de la COTOREP, ses moyens, son rôle et autres, êtes-vous certain que c'est de l'ANPE que relève la nécessité éventuelle de préparer des dossiers en direction de la COTOREP pour des personnes qui auraient besoin de s'adresser à elle ? N'existe-t-il pas d'autres guichets ou est-ce qu'il ne devrait pas s'en ouvrir ? N'est-ce pas, là aussi, l'une des difficultés de fonctionnement de l'ANPE pour d'autres missions ?

M. Jean-Pierre Delalande, Président : J'ai deux questions complémentaires avant de vous redonner la parole, Monsieur le Directeur général : l'une du Rapporteur pour avis et l'autre du Rapporteur spécial.

M. Francis Hammel, Rapporteur pour avis : Monsieur le Directeur général, c'est une question complémentaire à celle posée par M. Jean-Pierre Brard. Vous évoquiez rapidement le rôle de l'AGEFIPH. Pourriez-vous nous décrire, de façon un peu plus précise, le triptyque ANPE-COTOREP-AGEFIPH et son fonctionnement ?

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Monsieur le Directeur général, ma question portant sur le point de savoir si les ANPE participent aux commissions formelles ou si elles se contentent de participer aux réunions techniques découle de notre expérience en la matière. Je crois pouvoir dire, Monsieur le Directeur général, que les ANPE font partie des COTOREP. J'ajouterai qu'il y a, au sein de la COTOREP, au moins un représentant de l'ANPE.

Il nous est apparu, sur le terrain, que l'ANPE se contentait parfois de participer aux réunions techniques alors qu'elle en fait partie selon le décret de juin 1976. Par conséquent, la nécessité de la présence de l'ANPE à la COTOREP est évidente. Elle l'est d'autant plus qu'il nous a paru, quand nous avons participé à ces réunions, que la COTOREP n'était pas bien au fait des offres d'emplois dans le secteur. Il nous semblait nécessaire que le représentant de l'ANPE y participe effectivement. Vous avez répondu en partie à la question en disant que vous interveniez en amont, mais aussi en aval. Le problème étant qu'entre l'inscription à la COTOREP et la décision, tout a changé, d'où une certaine inadéquation. Durant ce délai, les conditions, les offres ont changé.

Ma question est celle-ci. À votre avis, compte tenu des retours que vous pouvez avoir des différentes ANPE, est-ce que les COTOREP sont suffisamment au fait de l'offre d'emploi et des possibilités de reclassement ?

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Voilà, Monsieur le Directeur général, toute une batterie de questions.

M. Michel Bernard : Pour répondre à votre question sur la participation au dossier, nous avons, dans chacune de nos agences locales, une personne spécialisée pour le traitement des travailleurs handicapés. Celle-ci, parmi ses autres fonctions, a cette responsabilité. Quand l'un de nos agents - sachant comment fonctionne une agence locale, c'est-à-dire que tout le monde a accès à tout - détecte une personne susceptible de relever du handicap et d'un classement COTOREP, elle est dirigée vers cette personne spécialisée. Cette dernière va alors apporter toute l'aide possible, y compris l'aide administrative, à la personne handicapée pour l'aider à constituer ses dossiers. C'est en ce sens que je dis qu'il nous arrive de remplir les dossiers, même si institutionnellement ce n'est pas notre responsabilité. Nous sommes une entreprise de services et c'est souvent l'un des premiers services que nous pouvons rendre à un travailleur handicapé.

Quant à notre participation systématique aux commissions formelles, je crois savoir que c'est le préfet qui décide des participations. Nous, pour notre part, nous ne la décidons pas, même si nous nous situons au niveau technique. Vous faisiez un parallèle disant qu'au niveau technique, c'est ce qui permettait d'alimenter un dossier à partir duquel une commission va pouvoir se prononcer ; ensuite, sur des aspects qui tiennent plus à la politique de cette commission, nous pouvons apporter notre avis, mais est-ce bien là notre rôle ? En tout état de cause, si le préfet nous demande d'y participer - sachant que c'est lui qui désigne les membres représentants -, nous le faisons très volontiers.

La question est de savoir si nous devons dissocier systématiquement ou pas les deux aspects ? Vous sembliez dire que ce serait souhaitable. J'ai pour principe de dire que l'on participe dès lors que l'on apporte une valeur ajoutée. Il faut réfléchir pour savoir si la participation aux réunions formelles, je dis bien aux réunions formelles et non aux réunions de travail, apporte une réelle valeur ajoutée au traitement du dossier. Permettez que je suspende ma réponse durant quelques jours sur ce point particulier.

Nous souffrons - et c'est un mal bien français - de « réunionnite ». La réunion n'est un bien que si elle permet d'apporter quelque chose. Or, notre présence va-t-elle apporter quelque chose à celui à qui l'on rend un service, à savoir le handicapé, sachant que c'est bien lui qui est servi dans cette opération ? La question se pose en ces termes.

Vous m'interrogiez sur la connaissance qu'avait ou pas la COTOREP des offres d'emploi. Dans le cadre du dossier technique, nous éclairons la commission technique de la situation de l'emploi dans la région. Effectivement, si quelqu'un se présente avec une qualification pour laquelle il n'y a aucune offre d'emploi, la commission technique sera, à l'évidence, éclairée par cette situation. Pour autant, il n'appartient pas à la COTOREP, et notamment à sa commission plénière, d'assurer cette mise en relation avec les offres elles-mêmes.

Un mot du triptyque ANPE-COTOREP-AGEFIPH. Si je connais mal les relations entre l'AGEFIPH et la COTOREP, je connais bien celles qui existent entre l'ANPE et l'AGEFIPH. Nous avons signé avec elle et avec le ministère, une convention que je pourrais remettre à votre commission, si tel est votre souhait, convention qui régit nos relations avec cet organisme. L'AGEFIPH est essentiellement un organisme collecteur et distributeur de crédits. Nous la sollicitons pour qu'elle puisse financer nos partenaires opérationnels (les EPSR et OIP) afin que ces organismes puissent suivre, de manière personnalisée, un certain nombre de travailleurs handicapés, en particulier dans le cadre d'une opération qui est le service personnalisé pour un nouveau départ vers l'emploi dit « nouveau départ » dans notre jargon. En effet, nous avons un accord avec les EPSR ou OIP pour qu'elles assurent 50 % du traitement des demandeurs d'emploi. Nous en avons traité environ 54 000 l'an dernier. Ils ont dû en traiter entre 25 000 et 30 000, cela sur un financement ou des moyens complémentaires donnés par l'AGEFIPH avec qui nous avons contracté. De la même manière, on peut solliciter l'AGEFIPH pour financer des aménagements de postes de travail, etc.

Nos relations portent sur ces deux aspects. Sur le reste et sur la politique que conduit l'AGEFIPH vis-à-vis des handicapés et sa participation aux COTOREP, je laisserai le soin au conseil d'administration de l'AGEFIPH de répondre. Nous, nous allons y chercher des moyens. Mais au-delà des moyens financiers, ceux-ci ayant une certaine tutelle sur le réseau des EPSR et OIP, nous allons y chercher une animation et un souffle de façon que sur le terrain les choses se passent bien entre nos deux réseaux.

M. Brard, sur les relations avec votre municipalité, même si c'est en dehors de la commission, je prendrai une initiative de telle manière que nos services puissent apporter à un élu local, donc à la municipalité, tout ce qui doit l'être, à savoir des informations sur la situation et l'évolution de l'emploi au sein de ladite commune. Si cela n'est pas fait, je vais m'assurer que cela le soit.

Sur les questions que vous avez posées, s'agissant des démarches particulières que l'on peut conduire concernant les mesures spécifiques mises en _uvre, avoir un label COTOREP - et c'est bien là l'un des problèmes - déclenche un certain nombre de dispositions spécifiques qui lui sont attachées. Par exemple, on peut donner un CIE à un travailleur handicapé sans qu'il y ait obligation d'ancienneté, comme c'est le cas pour ceux qui ne le sont pas. Toutes ces mesures sont mises en _uvre (elles sont nombreuses et on pourrait les lister), mais seulement une fois le label accordé. D'où mon obsession de faire en sorte que le label COTOREP soit donné le plus rapidement possible.

Une autre question portait sur les avis donnés par la COTOREP. Permettez-moi de dire que ceux-ci découlent d'avis de psychologues et de médecins et que je ne me permettrai pas de les remettre en cause.

Je crois avoir répondu à toutes les questions. Si j'en ai oublié une, je vous prie de m'en excuser.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Vous avez dit, Monsieur le Directeur général, qu'il y avait une personne spécialisée au sein des ANPE pour le classement des handicapés. Pourriez-vous nous préciser son rôle, notamment au regard des dispositions, voire des lois qui existent et qui prévoient qu'une proportion d'emplois (6 %) sont réservés à des personnes handicapées ? Des contrôles sont-ils effectués par l'ANPE de ce point de vue ? Des démarches sont-elles faites systématiquement auprès des administrations ou auprès des entreprises publiques, voire auprès du privé, pour que ces proportions soient respectées ?

M. Michel Bernard : Je répondrai d'abord à votre deuxième question. Ce n'est pas de notre responsabilité de faire respecter la loi dans ce domaine. En revanche, nous avons pour responsabilité d'aider les demandeurs d'emploi à trouver du travail, donc d'aller voir les entreprises pour faire en sorte qu'elles puissent proposer des emplois ou aménager des postes de travail. En ce qui concerne le respect de la loi au sens strict, ce n'est pas de notre responsabilité, mais de celle des services extérieurs du travail. En l'occurrence, ce n'est en aucune manière une mission qui a été confiée à ces personnes spécialisées dans le domaine du traitement des travailleurs handicapés. Sur ce point, je ne vous répondrai pas positivement.

Sur votre première question, quand je dis qu'il s'agit de personnes spécialisées, cela ne veut pas dire qu'elles sont dédiées uniquement à cela. C'est pourquoi dans chaque agence locale, les conseillers de l'agence ne pouvant pas être des Pic de la Mirandole sur tous les domaines extrêmement complexes de l'emploi, du marché du travail et des aides, nous avons donc spécialisé une personne ayant une connaissance parfaite de la loi, des dispositifs et de tous les interlocuteurs, mais ayant aussi des relations privilégiées avec les organismes de telle manière que, sur ce problème très spécifique du travailleur handicapé, elle puisse apporter une aide et un service le plus éclairé possible. Son rôle premier consiste à traiter, en priorité, ces personnes en situation de handicap et, deuxièmement, à connaître tous les réseaux - ceux-ci étant généralement complexes -, à bien connaître ses correspondants et, bien entendu, de connaître l'évolution de la loi et de la réglementation.

M. Jean-Pierre Brard : Monsieur le Directeur général, j'ai bien entendu ce que vous disiez pour Montreuil. Mon problème, ce n'est pas Montreuil. Étant député de la nation tout entière, comme chacun de mes collègues ici, il me paraît donc tout à fait évident que nous sommes tous intéressés par les avantages que vous voulez bien imaginer pour Montreuil, sachant que sans les instruments de mesure convenables, il est très difficile de développer les politiques locales.

Je voudrais revenir sur les questions auxquelles vous n'avez pas répondu.

Qu'un agent de l'ANPE accueille les personnes relevant de la COTOREP, c'est une chose. Mais des efforts spécifiques sont-ils faits pour trouver des possibilités de retour à l'emploi des personnes concernées ? Avez-vous des instruments de mesure sur les 145 000 personnes actuellement concernées permettant de mesurer l'efficacité du travail de l'ANPE en la matière ? Est-ce que ces personnes-là restent, beaucoup plus longtemps que les autres, privées d'emploi ? Il est très important que nous le sachions, Monsieur le Directeur général.

Quant à la question posée par notre collègue Pierre Forgues tout à l'heure sur les membres de la COTOREP, je suis en mesure d'y répondre dès lors que cela est précisé dans le décret du 2 juin 1976 qui dit, entre autres : « Quatre personnes proposées conjointement en raison de leur compétence par le Directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, et le chef du service régional de l'inspection du travail de l'emploi et de la politique sociale agricole, dont au moins un représentant de l'Agence nationale pour l'emploi. ». Ce n'est donc pas facultatif. Il est très important que l'ANPE participe à ces commissions. Je ne l'invente pas, c'est écrit.

M. Augustin Bonrepaux : Monsieur le Directeur général, avez-vous des statistiques ou des données permettant de penser que les personnes reconnues handicapées par la COTOREP retrouvent plus facilement du travail que si elles ne l'étaient pas ? Avez-vous, par ailleurs, tous les résultats des COTOREP pour assurer un suivi et savoir ce que deviennent toutes les personnes reconnues handicapées ?

M. Michel Bernard : Pour répondre à M. Jean-Pierre Brard, je dirai que c'est l'une des missions des agents spécialisés COTOREP que de pouvoir trouver des emplois à proposer aux COTOREP, c'est-à-dire d'aller les chercher dans les entreprises. En règle générale, ils ont des réseaux au sein des entreprises, car celles qui acceptent assez naturellement de prendre des travailleurs handicapés sont connues. Ils essaient, en fonction des demandeurs d'emploi handicapés qu'ils ont en charge, de dégager les postes correspondants. Telle est la procédure. Il existe donc bien un service dédié à la recherche de postes correspondant aux personnes qui se trouvent dans cette situation. Cela s'accompagne, bien sûr, de toutes les difficultés que l'on peut rencontrer et qui tiennent à ce que la société éprouve des difficultés à accepter le handicap, notamment le handicap dans le travail. Ce n'est pas une tâche facile.

Sur le problème des statistiques, je ne peux pas répondre de manière précise. La raison en est que l'on m'avait que seules des questions portant uniquement sur mes rapports aux COTOREP me seraient posées. Le seul chiffre que je peux vous donner, c'est celui du nombre de sorties COTOREP en 1999 qui a conduit à une baisse du nombre de travailleurs handicapés. Je ne manquerai pas d'en informer la commission, de même que sur les taux de sorties que nous avons pu constater au cours de ces dernières années et leur évolution en fonction des actions que nous avons pu conduire.

M. Francis Hammel, Rapporteur pour avis : Monsieur le Directeur général, il s'agit ici d'une question qui sort quelque peu du champ des propos déjà tenus. Naturellement, beaucoup de personnes qui passent par la COTOREP sont orientées en établissements médico-sociaux, que ce soit CAT ou ateliers protégés. Notre souci majeur consiste à faire passer, autant que possible, certaines de ces personnes qui entrent dans les ateliers protégés ou dans les CAT, en milieu ordinaire. Avez-vous une action particulière du passage du milieu protégé au milieu ordinaire, donc une relation avec les établissements médico-sociaux pour assurer une insertion professionnelle en entreprises du milieu ordinaire ?

M. Michel Bernard : Je vous répondrai de manière générale et je demanderai peut-être à Mme Penin-Cheval de citer quelques exemples car c'est par eux que l'on arrive à mieux comprendre.

Premièrement, je dirai que c'est éminemment souhaitable. Deuxièmement, cela ne se passe pas suffisamment souvent et il arrive fréquemment que les CAT ou ateliers protégés soient des fins en soi plutôt que des sas. En d'autres termes, une fois la personne entrée dans l'atelier protégé ou dans le CAT, plus personne ne s'occupe de l'en faire sortir, hors cas très spécifiques qui tiennent souvent à des rencontres entre un patron de CAT et un conseiller de l'ANPE qui ont décidé de s'investir. Cette alchimie un peu particulière doit se faire jour pour que cela se passe. Or, c'est chose trop rare.

Madame Penin-Cheval va vous citer un ou deux exemples en la matière. Pour ma part, si j'avais eu un message à faire passer à cette Commission - et vous m'en donnez l'occasion, Monsieur le Rapporteur pour avis -, il aurait été le suivant : essayons de faire en sorte que ces structures ne soient pas des fins en soi, mais qu'elles soient utilisées comme sas et que l'on ait toujours cette obsession de ramener les personnes qui s'y trouvent vers le marché normal du travail. Si vous le permettez, Monsieur le Président, Mme Penin-Cheval pourrait citer ici quelques exemples d'opérations réussies.

Mme Penin-Cheval : Je citerai, entre autres, en Bretagne, un chargé de mission de l'ANPE qui s'est extrêmement investi sur le dossier des travailleurs handicapés. Celui-ci récolte aujourd'hui les fruits d'un travail fort long sur la sortie des personnes orientées initialement sur du milieu protégé. Cette idée de sortir les demandeurs travailleurs handicapés du milieu protégé tient essentiellement à l'embellie de l'emploi, il faut le savoir. Cela participait d'une solution de facilité, voire de sécurité pour les personnes orientées vers le milieu protégé.

En Bretagne, nous avons vu un atelier protégé s'installer à l'intérieur d'une entreprise tout à fait normale. On y a appris, aux handicapés mentaux, à faire de l'escalopage de flancs de dinde. Les handicapés mentaux sont armés avec de grands couteaux, extrêmement tranchants. Ils ont appris, avec la main, à calculer l'épaisseur de l'escalope pour qu'elle soit vendable en supermarchés. Dès qu'ils sont formés, ils intègrent le CAT interne à l'entreprise. Un contrat a été passé entre le CAT et l'entreprise selon lequel, tous les ans, trois personnes doivent quitter le CAT et sont embauchées dans l'entreprise. Celles-ci restent donc sur le même milieu de travail, mais sous un statut différent. Pendant l'année passée au sein du CAT ou de l'atelier protégé, elles ont appris les cadences.

Autre exemple provenant de Bretagne, mais mis en application en région parisienne. Il existe, au centre de la Bretagne, une ferme dénommée « Ferme du monde ». Il s'agit d'un endroit assez féerique qui regroupe tous les animaux du monde des cinq continents, hormis les animaux sauvages. Ces animaux sont soignés uniquement par des handicapés. L'objectif est de sortir ces personnes de ce cadre et de les envoyer travailler dans les fermes pour y soigner tous les animaux (vaches, chevaux, etc.). Un contrat a été passé avec Eurodisney. Le premier travailleur handicapé, lequel était orienté manifestement pour longtemps dans ce milieu, vient d'intégrer cette structure. Voilà environ un an et demi que nous travaillons sur la sortie.

M. Michel Bernard : J'aimerais voir se multiplier ces exemples et pouvoir ainsi vous en citer des milliers et non pas seulement quelques-uns. Mais il faut savoir que ce n'est jamais chose facile, surtout en ce qui concerne le handicap mental. Pour des handicaps physiques, on doit pouvoir aussi apporter des exemples de cette nature. Pour ce faire, il faut que se rencontrent des personnes qui s'investissent totalement et des personnes, en face, dans les entreprises, mais aussi dans les organismes concernés qui décident de s'investir. C'est bien cette alchimie qui nous permet de réussir. Malheureusement, cela ne se décrète pas.

M. Pierre Forgues : Monsieur le Directeur général, dans chaque département, l'ANPE a un listing des offres d'emplois. Existe-t-il des ANPE qui ont une liste des offres d'emplois spécialisées pour les handicapés ? Dernière question : avez-vous des propositions à faire pour améliorer le fonctionnement des COTOREP et l'insertion professionnelle des handicapés et si oui, quelles sont-elles ?

M. Michel Bernard : Monsieur le Rapporteur spécial, sur votre première question, aujourd'hui la réponse est non. C'était vrai hier, cela ne l'est plus aujourd'hui. La raison est très simple. Le plus mauvais service que l'on peut rendre aux handicapés, c'est de les mettre dans des ghettos. À ce jour, j'ai encore une agence spécialisée pour handicapés. Je ne suis pas convaincu que ce soit la meilleure solution que l'on puisse leur apporter en termes de traitement des handicapés. À mon sens, on traitera bien le problème des handicapés le jour où on les aura remis dans la vie active et non une fois qu'on les aura parqués dans des dispositifs trop spéciaux, par des offres spéciales, sur des postes spéciaux et dans des circuits spéciaux. La réponse est non.

Cela étant, derrière chaque offre, par le travail dont je vous ai parlé tout à l'heure, on regarde ce qui peut être proposé aux handicapés et on prend contact avec l'entreprise. L'objectif est de s'entendre avec elle et de voir si, sur tel type d'offre, il est possible de lui proposer des travailleurs handicapés, ou de lui demander d'en prendre, étant entendu que cette demande ne peut et ne doit jamais être une obligation puisqu'il n'y a pas d'obligation dans ce domaine. Voilà comment cela se passe.

Deuxième point : quelles propositions puis-je faire en termes d'amélioration du fonctionnement des COTOREP et de l'insertion professionnelle des handicapés ? J'ai quelques suggestions, en effet.

La première consiste en un traitement beaucoup plus rapide du dossier. Cela étant dit, je n'ai pas apporté la solution. Est-ce une question d'organisation, de moyens, de procédure, d'incitation ? Je ne peux pas me prononcer. Je sais simplement qu'il faut six mois, un an et demi, voire deux pour que la commission rende son avis et que, outre la perte de temps, la personne est démotivée et ne correspond plus vraiment à celle qu'elle était à l'origine. C'est vraiment ma première proposition.

La deuxième proposition rejoint, Monsieur le Rapporteur pour avis, celle que vous m'avez suggérée, à savoir : faisons en sorte que les organismes spécialisés soient des lieux de passage au sein desquels on reconstruit un parcours et non pas des fins en soi. Là encore, cela ne se décrète pas. Il nous faut donc, dans tous nos réseaux, faire passer cette idée.

Autre point, mais c'est plutôt un souhait qui n'intéresse pas seulement le problème des COTOREP, mais les travailleurs handicapés de manière plus générale. Je veux parler des conditions dans lesquelles les médecins de main d'_uvre qui interviennent dans ce domaine sont rémunérés. Celles-ci ne me paraissent plus être à la hauteur du service qu'ils rendent, des qualifications qui leur sont demandées et de la société dans laquelle nous vivons. Sur ce point, des améliorations importantes sont certainement à faire.

Pour information, mais vous le savez certainement, je veux dire à votre commission que sur ces améliorations du fonctionnement des COTOREP, et de manière générale de la procédure - car c'est bien la procédure qui est longue -, une analyse a été faite en 1999 par l'ANACT, qui a rendu un rapport. Actuellement, au sein de l'administration, notamment de la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, un groupe de travail fonctionne pour en tirer des enseignements et faire des propositions dans le domaine qui est le sien, c'est-à-dire tout ce qui concerne l'État. Un travail complet se fait là-dessus. Si vous n'avez pas cette information, je vous la livre, mais je vois que vous l'aviez. Il est bien certain que nous participons à ce groupe de travail en essayant d'apporter les contributions qu'il convient.

Gilbert Hyvernat, Directeur général de l'AFPA, me disait ce matin que nous pourrions voir si nous avions réellement et systématiquement besoin de l'avis d'un psychologue de l'AFPA dès lors que les analyses réalisées, notamment par les personnes de l'ANPE, montrent qu'il n'y a, a priori, ni problème de formation ni problème psychologique, mais qu'il s'agit seulement de traiter le problème du handicap avec un employeur. Nous pourrions peut-être gagner là un peu de temps et, me semble-t-il, un peu d'argent. Mais je préférerais que vous en discutiez avec lui, car je crois que la loi ou les règles imposent l'avis du psychologue du travail. Si je me suis permis d'en parler, c'est parce que nous en avons discuté avant cette réunion, mais il lui appartient d'apporter une réponse.

Je dis cela parce que l'obsession est toujours la même : plus vite nous pourrons nous engager dans un processus de recherche active du travail, plus nous aurons de chances de résoudre nos problèmes. Si cela dure six mois ou un an, physiquement et psychologiquement, la personne concernée n'est plus du tout la même et c'est beaucoup plus difficile.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Merci, Monsieur le Directeur général. Je crois qu'il n'y a plus de questions. Il me reste donc à vous remercier de votre participation.

Laisser cette page blanche sans numérotation.

5.- Audition de MM. Gilbert Hyvernat, directeur général de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), Guy Jeannerot, directeur de l'Institut national de l'orientation et de l'insertion professionnelles, et Jean-François Danon, directeur financier et des systèmes d'information (AFPA).

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 30 mars 2000)

Présidence de M. Jean-Pierre Delalande, Président

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Nous avons le plaisir d'accueillir M. Gilbert Hyvernat, Directeur général de l'AFPA, M. Guy Jeannerot, Directeur de l'Institut national de l'orientation et de l'insertion professionnelle, ainsi que M. Jean-François Danon, Directeur financier des systèmes d'information de l'AFPA.

Messieurs, l'usage de notre mission est qu'il n'y a pas d'exposé introductif, mais que vous êtes immédiatement soumis non pas à « la question », mais aux questions !

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Monsieur le Directeur général, le rôle de l'AFPA dans les équipes techniques est primordial, notamment celui du psychologue. Quel est votre sentiment sur l'efficacité de l'équipe technique, et notamment des psychologues et de l'AFPA de façon générale à l'intérieur de cette équipe technique ? Deuxièmement, quel est votre sentiment sur le fonctionnement général des COTOREP et sur ses moyens techniques (personnel, informatique, etc.) ?

M. Gilbert Hyvernat : Sur l'efficacité de notre dispositif, historiquement l'AFPA a été impliquée dans la conduite d'opérations de qualification ou de pré-qualification dans le domaine des handicapés. La vocation de l'AFPA est bien d'apporter des qualifications visant à l'insertion professionnelle. C'est un secteur assez particulier et précis de son activité. Dans le domaine des handicapés, nous conservons cette vocation qui est notre mission de former professionnellement les handicapés, visant à leur insertion par le biais d'une qualification professionnelle.

Aujourd'hui, pour répondre avec précision à votre question, l'efficacité des psychologues présente deux éléments de situation : un premier élément positif et un deuxième élément, sinon négatif, mais de question.

Sur l'élément positif, il est vrai que nous accueillons cinq à six fois plus de handicapés dans notre dispositif qualifiant qu'il y a dix ans. La progression a été considérable : de mille à plus de cinq mille personnes handicapées qui sont dans notre dispositif qualifiant. Le travail des psychologues, de ce point de vue, est considérable, entre autres, le repérage des besoins, la conduite des projets et la proposition de solutions de formation.

S'ajoute à cela que nos psychologues proposent, aujourd'hui, des solutions de formation dans l'appareil AFPA, mais aussi au sens du contrat de progrès, en dehors de l'appareil AFPA. Autrement dit, cette ancienne vocation des psychologues de l'AFPA, visant à se tourner uniquement vers le dispositif AFPA, a explosé aussi pour les handicapés. Nous orientons maintenant beaucoup par rapport aux dispositifs externes dans des proportions évidemment importantes, car nous ne pourrions pas, justement, remplir cette fonction de qualification pour tous ceux qui viennent nous voir, ne disposant pas de toutes les compétences dans toutes les matières.

Tel est le point de vue assez positif qu'il nous semble devoir retenir : les psychologues jouent un rôle fondamental dans l'accueil, l'orientation, le conseil et le projet. Si cela venait à ne pas être bien fait, le risque serait que de grandes déperditions puissent se faire jour au sein même du programme de formation qualifiante. C'est l'une de nos préoccupations car, faute d'avoir bien construit le projet, nous pourrions avoir beaucoup d'abandons et d'échecs lors de la formation professionnelle. Cela serait douteux pour les personnes en cause (un échec n'est jamais recommandable), mais douteux aussi pour les finances publiques dans la mesure où ce sont des places, des engagements, etc., que nous faisons, ce qui est très onéreux.

Un mot de l'aspect le plus difficile que rencontrent aujourd'hui nos psychologues. D'une part, la modalité de sollicitation des 55 à 60 psychologues de l'AFPA dédiés à ces questions des travailleurs handicapés dans les COTOREP est devenue non pas routinière, mais un peu habituelle par le simple biais du système de mise à disposition. Quand on est mis à disposition depuis longtemps dans une activité, on se conduit comme on a l'habitude de le faire et en fonction des endroits où l'on se trouve.

Nous y avons paré. Avec notre tutelle, nous avons dit qu'il fallait changer ce processus de mise à disposition en l'an 2000, d'une part en augmentant les crédits qui nous sont dédiés de plus de 5 millions de francs, pour passer à 30 millions de francs dans ce domaine, et, d'autre part, en ayant des vocations avec nos psychologues non plus de mise à disposition généraliste, mais de travail à l'acte et à la prestation. Autrement dit, cela consiste à réidentifier les prestations qui sont faites, leur durée, le nombre que nous pouvons en faire et le nombre qu'il faut réaliser en fonction des besoins. C'est une réinterrogation d'un système un peu automatique que nous mettons maintenant en place en termes de remplacement des mises à disposition banales et habituelles par une analyse plus sérieuse du besoin et des prestations correspondantes. C'est là un peu un parallèle avec ce qui se fait dans le système de santé. Cela ressemble, peu ou prou, à cette activité-là.

Le deuxième problème que l'on rencontre avec nos psychologues est que leur vocation et leur talent consistent bien à travailler à l'orientation et au projet professionnels. Or, compte tenu de l'augmentation de flux largement soulignée par la presse - le nombre de personnes revendiquant le statut de handicapés ayant tellement augmenté -, les psychologues voient arriver chez eux, orientés par tel ou tel, des hommes et des femmes dont le problème ne se pose pas en termes de formation. Ils ont donc à effectuer un travail d'accueil, de contact, de dialogue qui ne correspond pas du tout à leur vocation. Concrètement, les psychologues sont probablement soumis à un certain nombre de charges qui ne sont ni de leur ressort ni de leur niveau. D'une certaine manière, ils ne sont peut-être pas très bien employés et peut-être ne se sentent-ils pas très bien en phase avec le travail qui leur est demandé.

Voilà le point fort et peut-être les deux points de questionnement que nous avons aujourd'hui par rapport à nos psychologues du travail. Je rappelle que ce sont environ 55 à 60 mises à disposition en volume par rapport à un ensemble de psychologues dans la maison AFPA de l'ordre de 500 à 600. C'est là un chiffre significatif de mises à disposition.

M. Francis Hammel : Monsieur le Directeur général, deux questions. Pourriez-vous nous faire une description du lien COTOREP-AFPA et nous donner votre appréciation quant à sa qualité ? Deuxièmement, pouvez-vous faire la description du lien entre l'AFPA et l'ANPE et, là encore, nous donner votre perception sur la qualité de ce lien entre les deux organismes ?

M. Gilbert Hyvernat : Ce lien, que j'ai qualifié d'historique, peut d'abord être examiné comme extrêmement hétérogène à travers le territoire et les COTOREP. Il n'y a donc pas une réponse monovalente à la question. Cela dépendra beaucoup des situations dans lesquelles nous nous trouvons. Il est des régions, voire des départements qui ont donné beaucoup d'importance à la COTOREP et à la relation à l'AFPA. D'autres régions ont donné moins, certaines pas du tout. On note une très grande hétérogénéité sur le territoire qui, à mon avis, est peut-être génératrice - chacune à sa mesure - d'un certain nombre d'inégalités quant au traitement. On n'a pas la même prestation selon que l'on est dans une région ou dans une autre.

S'agissant de ce lien avec la COTOREP, l'AFPA participe à la COTOREP dans sa dimension technique avec le médecin du travail, le médecin de la sécurité sociale, mais aussi avec l'ANPE. Elle est donc impliquée dans l'approche plus technique qui vise à l'instruction des dossiers et n'a pas d'autre implication que celle-ci.

Troisièmement - et c'est le point que j'ai soulevé tout à l'heure -, il existe effectivement des cheminements entre la COTOREP et l'AFPA, qui sont de dimensions tout à fait variables, et, aujourd'hui plus précisément, qui sont de dimensions un peu problématiques, en ce sens que la COTOREP arrive à envoyer, chez les psychologues de l'AFPA, des personnes qui ne sont pas de son ressort.

On peut probablement noter qu'une implication des psychologues de l'AFPA s'est faite avec le temps. Or, les relations, qui sont peut-être un peu maintenant d'habitude, ne correspondent plus à notre temps. Dans certains cas, les COTOREP ressentent un peu d'insatisfaction. Dans d'autres, les satisfactions sont tellement grandes que les COTOREP appelleraient plus de service de la part des psychologues de l'AFPA qu'ils ne peuvent en donner dans leur mission aujourd'hui. C'est le premier point.

S'agissant de nos relations avec l'ANPE, il faut resituer cette question du traitement des travailleurs handicapés dans le champ global de l'évolution de notre contrat de progrès début 1999 et de nos relations avec l'État. Dès 1998, la mise en place du plan national d'action pour l'emploi a précisé que l'AFPA était impliquée, au même titre que l'ANPE, dans la réalisation de ce dernier. Mais, dès le début 1999, nos ministres de tutelle ont signé le contrat de progrès entre l'État et l'AFPA. Celui-ci signifie clairement que notre mission change radicalement. À partir de 1999, nous avons une mission de traitement des problèmes des demandeurs d'emploi envoyés par l'ANPE.

C'est désormais net puisque, au final, 80 % des personnes stagiaires de l'AFPA doivent provenir d'une orientation claire faite par l'ANPE dans le champ, en particulier, du plan national d'action pour l'emploi pour les publics les plus défavorisés. On note donc un recalage de l'AFPA dans cette direction-là. Dans le même temps, notre relation avec l'ANPE est maintenant quotidienne, courante et habituelle puisque nous sommes sur le même flux.

L'hypothèse de départ est de simplifier la démarche du demandeur, qu'il soit handicapé ou pas. Il importe qu'il n'ait pas à faire le parcours du combattant à faire entre les différents éléments du service public et qu'il y ait un traitement continu à l'intérieur du service public. Dans ce sens-là, le traitement des travailleurs handicapés nous semble présenter une lacune, dans la mesure où l'ANPE nous enverrait des personnes soit qui ne sont pas dans le champ des handicapés, soit identifiées comme telles. En effet, il peut nous arriver que des personnes ne disent pas leur statut de handicapé, qu'elles le cachent en quelque sorte et, dans la mesure où nous sommes sur du déclaratif, nous acceptons ce qui nous est dit. C'est l'une des premières difficultés. La deuxième est que face à ces problèmes extrêmement difficiles que rencontrent certains handicapés, l'ANPE les renvoie à l'AFPA afin de voir si, là, ils peuvent trouver quelque chose. Nous ne sommes donc plus dans la logique même du traitement de départ.

Voilà un peu où nous en sommes. Comme l'indiquait Michel Bernard, nous avons tous les mois un travail de comité stratégique commun ; nous travaillons au niveau central ensemble. Nous avons beaucoup d'échanges, sur cette question-là comme sur d'autres, concernant l'amélioration de notre performance dans le domaine. C'est une relation continue. Désormais, les deux maisons ne traitent plus leurs résultats de manière dissociée, elles travaillent ensemble sur nos résultats dans ce domaine. Au quotidien, ce n'est pas chose facile. Je ne dis pas que cela fonctionne partout, mais nous sommes en route.

M. Jean-Jacques Jegou : Monsieur le Directeur général, votre dernière réflexion m'amène à penser que les références que vous faites, à l'un et à l'autre, sachant que le Directeur général de l'ANPE a fait pareil avec vous, incitaient peut-être à vous auditionner ensemble. Sans doute aurions-nous eu des réponses intéressantes.

Je voudrais revenir sur un point qui n'est pas forcément lié aux COTOREP, bien que vous ayez fait référence aux nouvelles missions de l'AFPA en 1999, qualifiées par vous-même de radicalement différentes, et du changement de la situation économique du pays. Je reviendrai aussi sur le fait que nous constatons un maintien, un enkystement aux personnes en dehors de l'emploi qui peuvent apparaître comme des handicapés sous plusieurs facettes.

Nous avons abordé ce point avec les COTOREP, ainsi qu'avec M. Michel Bernard de l'ANPE. Je souhaiterais le faire avec vous, notamment concernant la mission sur ces différentes sortes de handicap. Il y a le handicap médical, sur lequel nous ne reviendrons pas. Puis, il y a ce que nous appelons le handicap social. Il existe un troisième handicap, que l'on peut qualifier de handicap social également, qui s'apparente plutôt à un handicapé de la vie, c'est-à-dire quelqu'un qui a perdu son emploi depuis longtemps et qui se trouve sorti du système social.

Je reviens sur un point auquel vous avez fait allusion plusieurs fois. L'ANPE nous adresse les demandeurs d'emploi qui entrent en formation à l'AFPA avec un objectif de 80 %. Depuis plusieurs réunions, dont le thème est les COTOREP, je m'interroge. Aujourd'hui, avec la reprise de la croissance et de l'emploi, nous constatons de plus en plus - et je fais allusion plus aux élus locaux que nous sommes -, sur les listes de l'ANPE que nous recevons, un enkystement des listes des gens qui sont sortis depuis des années du système, qui ne sont pas COTOREP, qui généralement ne sont pas vus donc qui n'ont pas fait de demande à la COTOREP, ou s'ils en ont fait, ils ont été refoulés ou en tout cas ils ne sont pas porteurs d'une carte COTOREP. Ils ne vont pas à l'ANPE et ils ne viendront pas chez vous, surtout du fait de vos nouvelles missions puisque vous voyez des gens de l'ANPE. Nous allons avoir affaire à un nombre important de handicapés du travail, non pas forcément psychologiques ou physiques, mais qui se trouvent dans un paysage qui n'intéresse personne, semble-t-il. C'est clair dans les chiffres. En 1999, avec la reprise de l'emploi, on note la présence de personnes qui ne sont pas « employables » comme l'on dit.

Comment peut être traité ce public entre l'identification de la COTOREP, de l'ANPE et de l'AFPA ? Ma question est un peu vaste, certes, mais elle me paraît le fond du problème. En effet, nous avons affaire à un public nombreux aujourd'hui. Au vu des dernières listes qui sont communiquées aux élus, notamment sur une liste d'une ville comme la mienne de 17 000 habitants, on arrive à 720 demandeurs d'emploi, soit une grande baisse par rapport au trimestre dernier, et à pratiquement 60 % de gens non indemnisés qui figurent sur les listes depuis plusieurs années.

M. Gilbert Hyvernat : C'est une question très large, en effet, et j'essayerai d'y répondre en me référant à deux ou trois points de repère.

Tout d'abord, comprenons-nous bien, notre mission d'accueillir des publics par le biais de l'ANPE en plus grande quantité (80 %) a pour but de nous porter sur des publics les plus défavorisés. Vous connaissez très bien l'histoire de la maison. Elle a eu tendance à se déporter historiquement vers les niveaux III, voire vers les niveaux II. Cette évolution, quittant le V bis et le V, qui sont nos missions majeures, a été complètement arrêtée en ce sens qu'il nous a été demandé de nous porter vers des populations situées dans ce que certains appellent un « trou de système ». Quelque part, il n'y a plus d'éléments de traitement. Premier élément de recalage de nos missions : c'est certainement en direction de l'ANPE, mais aussi en direction des publics les plus défavorisés qui sont souvent abandonnés (chômeurs de longue durée et récurrents, etc.). Notre mission ne consiste pas à s'échapper vers les hauts niveaux, mais, au contraire, de revenir sur nos bases.

Second élément de notre mission : nous devons transformer progressivement la partie du début du circuit, c'est-à-dire la partie capable d'accueillir, de préparer, de pré-orienter, de pré-qualifier un certain nombre de personnes qui, justement, étant parmi les plus défavorisées, ne peuvent pas accéder directement à un parcours qualifiant. Notre problème, aujourd'hui, est que pour qualifier des personnels, c'est-à-dire les rendre aptes à prendre un métier dans un système d'emploi classique, nous sommes obligés d'intégrer le fait que nous partons de loin. Auquel cas, soit nous avons un échec immédiat et il n'y aura pas d'insertion par la qualification dans l'emploi, soit nous créons des modalités d'accès qui permettent de faire le raccordement. Anciennement, on parlait de mise à niveau. On retrouve un peu cette question-là qui s'apparente à un décalage entre les systèmes qualifiants, les besoins des entreprises et le niveau des populations qui ne correspond pas du tout. Pour les sortir d'un « trou de système », nous avons le devoir de déporter notre dispositif sur une fonction d'accueil et de préformation tout à fait importante. Faute de quoi, ils ne peuvent pas rentrer dans un système qui a les exigences d'un système qualifiant, d'où la création d'un système pré-qualifiant.

Troisièmement - et c'est là une question extrêmement difficile que vous connaissez bien aussi -, nous pourrions admettre par hypothèse, pour les handicapés de toutes sortes, notamment sociaux, mais aussi tous ceux qui peuvent être regroupés sous le terme de « handicap », que la conception de parcours qualifiants de longue durée finalement (600, 800, voire 1 000 heures) qui conduisent à des qualifications reconnues par les branches professionnelles (qualification portant à des titres du ministère), c'est notre étoile. Mais ces qualifications, longues et onéreuses, ne sont pas toujours adéquates pour des populations handicapées aujourd'hui parce qu'elles présentent un caractère de longueur, d'exigence, voire de pénibilité qui fait que ces populations ne restent pas ou ne s'y intègrent pas. Du même coup, on perd sur tous les tableaux parce qu'elles repartent ou voire n'y entrent même pas, et retombent ainsi dans le flux des personnes dites « handicapées de la vie », comme on les nomme aujourd'hui. Donc, troisièmement, nous avons le devoir d'examiner comment nous pouvons raccourcir des parcours ou les distribuer sur des modalités de validation intermédiaire reconnues qui permettraient à des personnes handicapées de la vie de plus rapidement se confronter à la vie elle-même, avec des ensembles de compétences suffisants, mais pas totaux, pour l'ensemble du corps de métier qui pourrait les intéresser.

C'est là un grand défi pour notre maison, celui de se demander si l'on peut quitter sa structure historique et la rendre beaucoup plus flexible dans le sens d'une entrée et d'une sortie plus permanente avec des éléments permettant d'alterner avec l'entreprise et de revenir dans le système de formation. C'est là, à mon sens, un enjeu global pour la maison AFPA, mais extrêmement précis par rapport aux populations les plus handicapées et les plus troublées.

Dernier élément. Nous avons, avec nos amis de l'AGEFIPH, un véritable dialogue. En effet, nous sommes en voie de préparer une convention qui nous lie visant à permettre à ces populations les plus en difficulté de rentrer dans un dispositif d'accueil à l'AFPA, et ceci afin de les rattraper le mieux possible. Dans le même temps, on éviterait ainsi l'aspect que vous pointez, et qui pourrait être technocratiquement pénalisant, celui de passer par une structure d'État classique pour avoir plutôt une partie ouverte dans le dialogue avec l'AGEFIPH qui participe complètement de ce domaine-là, celui de pouvoir former - et ce n'est pas rien - près de 50 % de stagiaires en plus que ceux que nous formons déjà aujourd'hui. Notre ambition, avec l'AGEFIPH, consiste donc à apporter plus 50 % de capacité de formation dans la maison AFPA aujourd'hui.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Monsieur le Directeur général, vous avez dit que les psychologues de l'AFPA orientent vers la formation interne, dispensée dans le cadre de l'AFPA, et vers les formations externes, c'est-à-dire vers des organismes autres que l'AFPA. Pouvez-vous nous préciser quel est le pourcentage de ceux que vous orientez vers l'AFPA et de ceux que vous orientez vers des organismes externes ?

Par ailleurs, les psychologues mis à disposition, selon vous, finissent par faire un travail de routine et, de ce fait, vous préféreriez qu'on les rémunère à l'acte. Or, il se trouve que les médecins, dans les COTOREP, sont rémunérés à l'acte et la rémunération est très faible. Là, on nous tient le propos inverse, à savoir qu'il faudrait un statut identique à celui du médecin. Il y a là une contradiction et j'aimerais que vous précisiez votre pensée en la matière.

Enfin, vous n'avez pas répondu à ma première question : quel est le regard que vous portez sur le fonctionnement des COTOREP d'une façon générale ?

M. Gilbert Hyvernat : Je ferai peut-être une réponse à deux voix avec Guy Jeannerot, qui est au c_ur de ces questions au quotidien à l'INOIP de Lille.

Sur la répartition, c'est assez complexe selon que l'on s'oriente vers des pré-qualifications parce que certaines personnes largement handicapées de la vie viennent nous voir, car elles ne peuvent pas entrer dans un dispositif qualifiant qui comporte des domaines d'exigence considérables. Près de 50 % de ces personnes-là sont orientées dans le dispositif AFPA, qui a une bonne densité de pré-qualification. C'est l'un de nos savoir-faire. Les autres 50 % entrent à l'intérieur de dispositifs externes à ceux de l'AFPA. Nous sommes là sur des flux de 4 000 à 5 000 personnes, avec un partage d'environ 50/50 entre le dedans et le dehors de la maison AFPA.

Sur la deuxième situation, qui est l'arrivée dans le champ plus qualifiant d'un certain nombre de demandeurs, ce sont plutôt 17 000 à 20 000 personnes que nous recevons chaque année. C'est donc un champ plus lourd. J'ai là quelques chiffres que j'ai notés tout à l'heure en préparant notre rencontre. Dans le dispositif qualifiant, environ 12 % des personnes sont orientées à l'intérieur du dispositif AFPA. Un certain nombre de personnes bénéficient de l'enseignement à distance. C'est quelque chose qui progresse terriblement à l'intérieur de notre dispositif et qui, aujourd'hui, pèse près de 10 % de la population. Puis, il restera ceux orientés vers un système préparatoire. En gros, sur les 17 000 personnes que nous recevons qui sont vraiment à destination de qualifications, pour répondre avec précision à votre question, 12 % d'entre elles sont réellement à destination du qualifiant dans notre dispositif.

J'ajouterai un commentaire plus qualitatif. Nous rencontrons deux types de problème sur ces 12 % dans le qualifiant. Tout d'abord, celle de l'adaptation de nos installations techniques et technologiques au handicap lui-même, qui peut être de tout ordre. Puis, autre question, celle de nos dispositifs d'accueil et d'hébergement.

En effet, l'AFPA est très souvent repérée comme un organisme de formation professionnelle. Par ailleurs - et c'est l'un des propos que j'avais déjà tenus devant la Mission -, nous avons une responsabilité sociale considérable car pour huit heures par jour que passe un stagiaire dans le dispositif de formation, il restera seize heures pendant lesquelles il sera dans un dispositif d'accueil, d'hébergement, d'animation, de restauration. Nous avons une possibilité d'hébergement à hauteur de 20 000 places, donc de chambres. Toute la question de l'accueil, du handicap physique, mais aussi parfois d'autres handicaps, est une question qui se pose tant dans le dispositif de formation qualifiante que dans le dispositif d'accueil social et de conduite des affaires sociales.

Or, l'AFPA rencontre aujourd'hui un problème sociétal. Si, dans son passé, on pouvait dire de certaines personnes qui venaient qu'il s'agissait d'adultes en formation, mais néanmoins maîtres du jeu concernant leur vie sociale, nous avons aujourd'hui des populations beaucoup plus dégradées, si l'on peut dire, abîmées par la vie et dont les problèmes de santé, de comportement, de solidité psychologique sont tels que nous sommes bien moins à l'aise que dans le dispositif qualifiant.

Pour vous donner un point de repère : 12 % dans le qualifiant, mais avec une partie de problèmes extrêmement importants concernant la partie sociale dans le domaine de l'hébergement, de restauration et d'occupation. Que font-ils le week-end s'ils sont d'une région éloignée de 200 km, etc. ? Aujourd'hui, comme je l'indiquais très clairement à ma tutelle, notre maison se trouve dans un équipement qui date quelque peu, sur des bases de comportements anciens. Or, les nouvelles sociologies du handicap de la vie qui se développent dans le monde nous obligent à nous interroger sur le point de savoir si nous sommes bien armés pour répondre à ces questions de santé, parfois de déviances diverses et variées que vous connaissez bien, mais qui nous impactent actuellement très durement. Je reste bien dans le champ des populations adultes, car c'est plutôt le sujet auquel je me réfère. Sachant que le terme « adulte » n'a plus le même sens aujourd'hui qu'il y a vingt ou trente ans. Aujourd'hui, l'adulte est plus en difficulté.

Quant à l'autre question plus précise sur les COTOREP, j'aurais tendance à dire que, tout d'abord, nous voulons progresser dans la qualité de l'apport que nous faisons aux COTOREP. Pour répondre mieux, essayons de retourner la question vers nous-mêmes. Il en résulte, selon notre analyse, que nous ne rendons pas le meilleur service aux COTOREP aujourd'hui dans la mesure où ce système de mise à disposition, vous en connaissez les limites, notamment du fait de l'histoire. En revanche nous avons intérêt à caractériser notre apport sous forme de dialogue avec ceux qui s'occupent des handicapés plus globalement, en particulier des commissions, pour les interroger sur leurs attentes par rapport à l'AFPA, sur la façon de définir notre prestation et comment la rendre, c'est-à-dire d'avoir un affinement de la question de notre prestation qui n'est plus une mise à disposition large et vague.

Comme moi, vous savez qu'au sein des COTOREP, des psychologues peuvent être appelés à faire ceci ou cela, alors que ce n'est pas réellement de leur compétence. On s'y habitue. Notre problème, à nous, est de rendre plus professionnelle la prestation que nous rendons aux COTOREP. C'est la première des préoccupations, la même que nous avons à travers notre prestation S2 (appui à la construction d'un projet de formation) lorsque, derrière l'ANPE, nous accueillons quelqu'un pour construire, avec lui, son parcours professionnel et déterminer une orientation professionnelle. C'est là un premier élément.

Deuxièmement, par rapport aux COTOREP, notre vision de ces systèmes est qu'ils sont lourds, onéreux en temps, chargés en réunions, et que nous ne sommes peut-être pas dans des dispositifs correspondant à la densité des flux qui, aujourd'hui, déferlent sur ces organismes-là. Pour autant, nous n'en sommes pas qu'une partie. Nous sommes un peu dans le dispositif technique, et non dans le dispositif le plus politique ou organisationnel de cette maison qu'est l'ensemble des COTOREP. Mais nous savons bien que ces COTOREP, à notre sens, ont probablement à progresser dans la qualité technique de l'acte rendu.

Quelques exemples. Nous n'avons pas une lisibilité tout à fait intéressante sur la circulation des dossiers. Il est des dossiers faits par les uns qui ne vont pas aux autres. Ce sont des circuits qui s'établissent. Le secret médical existe. Il est des choses que l'on peut dire, d'autres pas. Pourtant, en aval, on est impacté par la question médicale. À notre sens, nous avons là un système un peu daté, avec pas mal de vertus, mais qui ne répond plus aux questions d'aujourd'hui de manière aussi pertinente qu'il le faudrait.

M. Jean-Pierre Brard : Merci, Monsieur le Directeur général, pour la clarté de votre propos comportant des éléments très précis, ce qui n'est pas toujours le cas ici.

Vous évoquez les adultes. Parmi ces adultes, on peut imaginer les jeunes. Selon vous, et par rapport à ce qu'ont dit plusieurs d'entre nous, il y a le handicap social ou le handicap de la vie et il s'avère, finalement, que certaines personnes sont orientées vers les COTOREP mal à propos parce que le handicap est de caractère social. En vous écoutant, on s'interroge sur l'opportunité éventuelle d'intervenir plus en amont, c'est-à-dire de ne pas commettre des erreurs d'orientation. On imagine tous ce qui peut se passer sur le plan psychologique quand quelqu'un est orienté vers la COTOREP, alors que telle n'est pas sa vocation. Ma question, dans cet esprit de prendre les problèmes en amont, est la suivante : n'y a-t-il pas lieu de coopérer avec l'ANPE, mais aussi avec d'autres institutions ? Vous parliez, tout à l'heure, d'un partage 50/50. Je pense à nos missions locales dans nos villes qui nous coûtent cher et où l'on retrouve des jeunes qui sont au « fond de la caisse » si j'ose dire, des jeunes qui ont besoin d'une qualification que nous avons bien du mal à leur fournir. Ne pourrait-on pas envisager d'expérimenter en la matière - en disant cela, je n'oublie pas que l'AFPA est chez moi, à Montreuil - car nous serions nombreux, ici, à vouloir gagner en efficacité, me semble-t-il ? Derrière tout cela, il y a de l'argent public qui n'est pas toujours bien utilisé, en tout cas pas de la façon la plus optimale. Autre élément à prendre en compte, l'impact vis-à-vis de ces jeunes. Je pense à la mission locale en particulier où ils sont reçus maintes fois et grâce à qui ils peuvent suivre des stages. Mais, de stage en stage, ils ont le sentiment de descendre d'une marche une fois le stage terminé. Or, la situation économique actuelle peut nous ouvrir des débouchés plus faciles et donc faire en sorte que les défis que nous nous imposons à nous-mêmes aient davantage de chances de déboucher et de donner à espérer.

M. Gilbert Hyvernat : Je dois peut-être vous présenter mes excuses pour ne pas être venu vous rendre visite. Ce n'est pas bien !

M. Jean-Pierre Brard : Je vous l'ai dit car vous avez été vraiment très intéressant.

M. Gilbert Hyvernat : Vous comprendrez que c'est là une mission bien difficile, qui me monopolise beaucoup. Je suis venu discrètement, un soir, dans la foule, assister à l'une de vos présentations. J'aurais pu prendre rendez-vous et vous rencontrer. Je conviens que je n'ai pas bien rempli mon rôle sur ce bassin d'emplois que représente Montreuil.

M. Jean-Pierre Brard : Faute avouée est à demi pardonnée !

M. Gilbert Hyvernat : Votre question est absolument fondamentale et difficile, mais nous y travaillons. La question majeure qui se pose, non seulement pour le travail des handicapés mais aussi pour bien d'autres, porte sur l'aspect mise en réseau et l'aspect synergie. Nous menons beaucoup de réflexions, en particulier avec nos amis de l'AGEFIPH, sur une question clé : comment travaillons-nous avec les principales associations ?

Incontestablement, avec les associations, avec les partenaires territoriaux, se sont créés des territoires, des sortes de prés carrés sur lesquels il n'est pas de bon ton de venir « ramer ». Au final, cela donne un parcours du combattant et une accumulation d'argent public dont finalement la synergie n'est pas très évidente. Tout cela, vous le savez comme moi, ce n'est pas si facile à dominer.

Nous menons deux grands types d'actions et cela dans trois régions-clés qui m'ont été citées parce que celles-ci travaillent très fortement : le Nord-Pas-de-Calais, la Bretagne et la Bourgogne, cette dernière étant, pour nous, un endroit privilégié où il se fait des choses intéressantes en termes de territorialisation et de maillage territorial.

Deux problèmes, pour nous, ne sont pas faciles à dominer, car la vie française est compliquée. Vous en savez quelque chose.

Tout d'abord, il y a le niveau départemental, niveau de ce que l'on appelle les PDITH, bien connus. C'est presque une institution, avec ses avantages et ses inconvénients. Comment mieux travailler au niveau départemental parce que c'est le niveau de proximité et c'est là que cela se passe ? On connaît les gens ; des élus les accueillent, les reçoivent et leur proposent d'aller ici ou là. Dans le même temps, nous avons à conjuguer une question redoutable, celle du niveau régional ; niveau où il y a des politiques, des financements, des actions conduites. Bien sûr, nous pouvons envisager de rester à côté parce qu'il s'agit du financement de la commande publique, mais telle n'est pas notre logique politique aujourd'hui.

Notre logique, nous en avons beaucoup parlé. Nous avançons, certes, mais nous avançons durement par rapport à un passif assez certain, à essayer de décentrer notre commande publique par rapport aux besoins régionaux. Aujourd'hui, nous sensibilisons l'État pour dire qu'il faut désenclaver cette commande publique nationale pour qu'elle rende mieux service au niveau régional.

La question des travailleurs handicapés se pose clairement par rapport aux commissions ou aux groupes de travail installés au niveau local et qui sont des missions de travail sur les handicapés. Dans les trois régions citées plus haut, nous menons des actions expérimentales pour lesquelles nous poussons le désenclavement de notre maison. Autrefois, notre discours consistait à dire : nous sommes l'AFPA, vous y venez ou pas, c'est votre problème. Nous ne pouvons plus fonctionner selon un tel schéma. Au contraire, nous devons instaurer un dialogue avec les régions et les éclairer sur les questions et les besoins auxquels nous pouvons répondre et sur notre faculté d'adaptation dans tel domaine. C'est le premier élément de réponse.

Puis, de manière très précise et pragmatique, nous travaillons beaucoup avec l'AGEFIPH sur des expérimentations de maillage et de réseau avec des grandes associations et aussi un certain nombre d'outils ou d'organismes locaux, départementaux ou régionaux. Cela correspond à notre débat politique global sur cet AFPA : est-ce qu'elle reste enfermée ou est-ce qu'elle s'ouvre ? Dans ce domaine particulier des handicapés, l'enjeu est clair : il faut nous ouvrir. L'AGEFIPH nous y aidera. Elle a des moyens, comme chacun sait. Elle va nous aider en multipliant notre capacité de réponse, mais pas sur un mode national ni vertical, mais sur un mode de besoins régionalisés.

M. Francis Hammel, Rapporteur pour avis : Monsieur le Directeur général, je voudrais faire une observation et poser une nouvelle question. En termes d'observation, il convient de faire la distinction entre situation d'exclusion et situation de handicap. Ce sont deux choses différentes. L'exclusion, pour moi, est une situation sociale qui, on le souhaite le plus souvent, est temporaire. La situation de handicap, elle, est une déficience souvent durable et évolutive. On peut être handicapé et non exclu. On peut être exclu et non handicapé. Mais on peut aussi être les deux : handicapé et exclu.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : C'est souvent le cas.

M. Francis Hammel, Rapporteur pour avis : Cela dit, les trois possibilités existent. J'aimerais avoir votre appréciation sur cette première observation. J'en viens à ma question, qui porte plus sur les handicapés qu'ils soient mentaux, physiques ou sensoriels. De quels moyens et de quel dispositif disposez-vous pour satisfaire les besoins de ces personnes (besoins en formation) et pour assurer, dans l'étape secondaire, leur insertion ?

M. Gilbert Hyvernat : Votre question est complexe parce que vous croisez cette question du handicap et de l'exclusion, les deux pouvant se cumuler. C'est vraiment le plus difficile. Le travail que nous avons essayé de pousser le plus loin dans le champ des compétences de l'AFPA, sachant que cette maison ne peut pas tout faire et qu'elle est dans le qualifiant professionnel, rappelons-le, ce qui présente des niveaux d'exigence et peut conduire au fait que certains ne peuvent y accéder, parce qu'elle n'est pas dans sa mission, c'est sa mission de qualification, de reprise d'emploi. En tout état de cause, c'est dans le domaine probablement de l'exclusion avec handicap ou pas que nous développons le plus notre action.

Dès 1999, c'est plus du tiers de notre potentiel qui a été utilisé pour le « nouveau départ », c'est-à-dire sur des populations que généralement on ne traitait plus, qui étaient oubliées par sélection naturelle. Nous avons donc ramené le balancier vers les plus exclus qui sont dans le champ du plan national d'action pour l'emploi et qui sont près d'un tiers de notre dispositif aujourd'hui. Nous avons répondu là à une impérieuse nécessité de notre temps et du Gouvernement.

Sur le handicap proprement dit, il convient de faire preuve d'humilité quant à nos cibles et quant aux chiffres. Nous aimerions claironner, ici et là, que nous en faisons tant et tant. C'est faux. Nous sommes mal à l'aise avec la question du handicap globalement dit.

Nous sommes peut-être le plus mal à l'aise avec le handicap mental. Nous ne savons pas faire pour des raisons évidentes que, dans nos métiers de qualification professionnelle, il y a des aptitudes, des comportements, des gestes que l'on ne peut pas maîtriser dans le cadre du handicap mental. En tout cas, nous ne savons pas faire eu égard au danger et à la sécurité. Le handicap mental est, pour nous, un peu une limite dans laquelle nous ne pouvons pas aller. Nous sommes peu utiles directement dans cette question. Cela n'empêche pas que l'on peut avoir, ici ou là, une action ponctuelle, mais on ne va pas partir d'une ou deux personnes pour en faire un développement. Non. On ne sait pas bien faire dans le monde du handicap mental.

Dans le monde du handicap physique et sensoriel, nous sommes en train de progresser. Tout à l'heure, en préparant cette intervention, Guy Jeannerot nous rappelait que l'on accueille actuellement des personnes sourdes dans le secteur de la carrosserie ou dans celui de la restauration, notamment sur des formations de cuisinier, ce qui nous paraissait totalement impossible il y a quatre ou cinq ans. Cela suppose de l'interprétariat, des personnes aptes à traiter les questions des sourds. Mais, autant que possible, trouvons les moyens pour ce faire et prenons-les. Notre souhait, notre volonté plutôt, est que nous nous ouvrions à des gens exclus du fait de leur handicap. Pour y parvenir, tant les partenaires sociaux que l'AGEFIPH et d'autres aussi nous interrogent sur notre capacité d'accueillir telle ou telle personne. Nous avons ouvert nos sites à un nombre d'expérimentations, de cas un peu isolés. Aujourd'hui, nous savons faire. Nous pourrions quasiment faire des monographies de formation et cela dans des domaines que nous n'aurions pas imaginés il y a cinq ans.

M. Daniel Feurtet : Monsieur le Directeur général, je veux vous remercier à nouveau pour la clarté de vos propos puisque c'est la deuxième fois que vous venez devant la Mission. Vous-même avez utilisé ce terme tout à l'heure, ce qui laisse à penser que vous devenez un habitué.

J'ai été intéressé par le chiffre que vous avez donné de 20 000 personnes hébergées. Vous sembliez indiquer que l'AFPA pourrait interroger sa tutelle sur le point de savoir si cela relevait toujours de sa compétence ou de sa mission, si j'ai bien entendu la piste que vous avez évoquée.

Par ailleurs, est-ce que vous hébergez ces 20 000 personnes essentiellement durant leur formation ? Est-ce qu'elles sortent systématiquement après ou vous arrive-t-il d'être conduits, parfois, par humanité, à en conserver ?

M. Gilbert Hyvernat : La réponse est assez simple. Notre dispositif présente un caractère un peu technocratique brutal. D'une certaine manière, nous sommes là pour un certain temps, puis il faut laisser la place à quelqu'un d'autre. Par définition, c'est un système qui traite entre 150 000 à 160 000 personnes chaque année par le biais de rotations, courtes ou longues selon le cas de figure.

Au sein de l'institution et avec d'autres, nous avons beaucoup développé un accompagnement social, en particulier dans ce domaine qui nécessite, probablement à la différence d'il y a quelques années, de ne pas attendre la fin du circuit pour s'interroger sur le devenir de la personne. Cette interrogation, nous l'avons dès l'entrée dans notre circuit à nous, avec les DDASS, avec les associations, interrogation consistant à prendre en compte le problème de la personne elle-même et de son devenir dans trois, quatre ou six mois. En effet, on va commencer à s'interroger maintenant avec évidemment des hypothèses de suite, c'est-à-dire quand ils auront quitté l'AFPA.

Comme pour le handicap social, nous avons avec les DDASS un partenariat continu sur les problèmes de drogue, de santé, d'accès au système de soins, cela depuis l'entrée jusqu'à la sortie de la formation et après la formation. Ceci part d'un point de vue que l'on pourrait qualifier de doublement égoïste. D'abord, il y a la personne qui, elle, finalement, n'a pas grand chose à faire de ces histoires institutionnelles, car seul son problème compte et est prioritaire. C'est vraiment une représentation du service à rendre à la personne qui doit dominer, beaucoup plus que du service que l'institution est capable de rendre. C'est compliqué, pour nous, mais il faut inverser cette problématique, aller vers le service.

Par ailleurs, se pose un problème majeur dans notre dispositif. Croyez-vous qu'une personne souffrant de handicaps divers, qui est mal accompagnée et un peu perdue, puisse se former valablement ? Certainement pas. La question du parcours de formation repose énormément sur les dispositions sur lesquels se trouve la personne en question. Si nous ne traitions pas ces dispositions, nous n'aurions pas de performance à la formation et tout cela conduirait à un gaspillage épouvantable.

M. Jean-Jacques Jegou : Monsieur le Directeur général, à mon tour, je voudrais dire combien j'ai apprécié la réponse que vous m'avez faite et qui montre que l'on pourrait largement avancer dans les différentes réformes. J'ai cru comprendre que vous proposiez des choses à votre autorité de tutelle. En tout cas, j'espère que cette deuxième audition de la Mission, dont vous êtes un habitué maintenant, vous vaudra un meilleur accueil quand vous reviendrez à l'AFPA que la première fois. J'en suis désolé vraiment pour peut-être avoir participé à cela la dernière fois, mais votre sincérité et votre clarté vous ont sans doute créé des moments difficiles.

En tout cas, sachez que nous apprécions vos réponses précises et les propositions de réforme que vous venez de nous livrer. En effet, c'est vraiment le lieu où nous pouvons, nous, essayer de faire avancer ce que le Gouvernement a mis en place et, en tant qu'élus locaux, que nous apprécions, à savoir le programme TRACE. Nous espérons donc développer ce programme au sein de nos missions locales. Pour l'instant, c'est un programme à destination des jeunes jusqu'à vingt-cinq ans. Je ne pense pas être le seul à avoir des résultats intéressants, mais il est un peu tôt pour publier un bilan, quel qu'il soit. En tout cas, nous savons bien, au vu de l'activité de nos missions locales, qu'il existe des moyens plus importants encore à mettre en place. L'AFPA, en l'occurrence, pourrait être un partenaire tout à fait intéressant localement.

Tout à l'heure, nous parlions du décloisonnement. Mais il existe de l'intercommunalité, avec la mission locale, ainsi que des communautés d'agglomérations. Je pense au Val-de-Marne où elles sont au nombre de trois, mais il y en aura d'autres. Justement, dans le cadre de communautés de 100 000 à 150 000 habitants, qui ont le développement économique, l'emploi et la politique de la ville avec le nombre de handicapés de la vie qu'une telle structure peut comporter et dont on a identifié l'existence, ne pensez-vous pas qu'il y aurait des choses concrètes à mettre en place, ensemble, avec bien sûr votre autorité de tutelle, pour manifester l'intérêt de la Mission ?

M. Pierre Forgues : Ma question rejoint celle de M. Jegou. Monsieur le Directeur général, vous avez dit du système COTOREP qu'il était « daté » en quelque sorte. Vous avez reconnu que, en tant qu'AFPA, vous deviez progresser pour rendre de meilleurs services aux COTOREP, en tout cas plus professionnalisés. De façon plus générale, pouvez-vous nous esquisser quelques orientations, quelques idées, en fonction de vos expériences, susceptibles d'améliorer le fonctionnement des COTOREP dans leur ensemble et, en tout cas, de manière qu'elles soient « datées » pour l'an 2000 ?

M. Gilbert Hyvernat : Sur votre question, M. Jegou, je l'ai bien dit, c'est bien notre volonté de conjuguer deux espaces qui doivent être complémentaires à l'AFPA.

Le premier espace est celui de sa commande publique. Il y a là une mission, de par son statut et de par sa place, qui est une mission que les pouvoirs publics lui confèrent, en particulier dans les qualifications d'adultes en difficulté, dans la recherche de la distribution et de l'homologation des titres du ministère. Nous jouons un rôle important par rapport aux dispositifs « handicapés » en proposant une expertise et un conseil dans le domaine des titres homologués, c'est-à-dire de porter, au meilleur niveau, la capacité de former des handicapés.

Le handicap comporte un danger, à savoir la possibilité que nous avons de faire de la formation au rabais. Il y a une mission en difficulté dans la construction et la rénovation permanente des titres du ministère. Aujourd'hui, nous savons que cela ne peut pas se faire, ce que j'appelle le développement de cette mission de l'AFPA, sans que soit effectué un travail de repérage des besoins, de mise en place de dispositions et de financements spécifiques au niveau local.

Nous avons des savoir-faire, nous avons la capacité à développer des éléments de réponse à des questions qui se posent. Au niveau des missions locales, au niveau des commissions spécialisées, cela fait partie de notre travail dans un domaine en particulier et sur lequel nous devons pousser les feux, à savoir celui de l'accompagnement et de l'orientation. Nous avons quasiment doublé notre capacité d'accueil en orientation de personnes en difficulté entre 1998 et 1999. Nous sommes en pleine progression dans le domaine du développement de notre prestation d'orientation. C'est probablement un domaine sur lequel nous pouvons progresser et apporter des éléments de réponse à des questions qui se posent au niveau local. Notre volonté est qu'il n'y ait pas de parasitage, par la commande publique, de la réponse faite au niveau local à des questions précises posées par des groupements d'agglomérations, de villes, que sais-je encore.

Un, nous voulons tirer vers le haut en aidant un ensemble d'associations, qui font des choses que nous ne savons pas faire, à aller vers des niveaux de compétences reconnues pour que nous n'ayons pas cette image épouvantable que le handicap conduit à une dégradation du système. Nous ne voulons pas cela. Nous voulons aider les personnes, qui autour de nous développent des compétences en termes de formations qualifiantes, à développer ce secteur-là professionnellement et techniquement.

Deux, nous voulons nous porter en amont sur le problème du handicap en termes d'aide à apporter dans le dispositif d'orientation. Le milieu, dont nous sommes encore éloignés aujourd'hui, étant qu'il nous faudra bien connaître l'ensemble des dispositifs pour faire la meilleure orientation possible. Là encore, il faut tomber les murs et les fenêtres et regarder dehors. Comme je l'indiquais tout à l'heure, nous allons assurer 12 %. Mais pour les 88 % restant, il va falloir clairement, lucidement, provoquer les meilleures orientations possibles pour la réussite de ceux qui sont dans le système. Voilà le premier élément de réponse à votre question. Nous pourrons y revenir, si vous le souhaitez.

Sur les COTOREP, la question est pour nous plus difficile. Je ferai deux points d'observation sur les COTOREP sur lesquels nous devrions, à mon avis, pouvoir progresser.

Le premier est éternel. Quand j'étais chez Rhône-Poulenc, c'est un problème que nous avons traité de manière quelque peu spectaculaire en ouvrant des espaces industriels aux handicapés quand se discutait la question de savoir si on donnait des sous ou si on accueillait plutôt des handicapés dans l'entreprise.

L'une des premières questions, me semble-t-il, mais c'est un peu projectif, est cette relation entre ce monde du traitement du handicap qui accueille la demande et prend en charge la sortie. Il y a là une étanchéité entre un monde et un autre, in fine le monde de l'emploi, le monde de la sensibilité des entreprises. Or, le jeu qu'elles peuvent jouer n'est pas bien porté aujourd'hui par ce dispositif COTOREP. Il y là, me semble-t-il, toute une sensibilisation de tissu d'entreprises ou d'administrations, d'accueillants dans l'emploi, qui ne se fait pas et où nous sommes mal à l'aise. En effet, nous-mêmes faisons jouer nos réseaux, mais tout cela n'est pas une véritable politique. Il y a là quelque chose qui s'est un peu ensablé au fil du temps et nous n'avons plus cette sensibilité dans l'entreprise qui est confrontée à tous ces problèmes de compétition et autres que nous connaissons tous.

Il n'empêche que si l'on ne débouche pas un peu plus de ce côté-là, on est bloqué et en particulier sur ce qui me paraît être une vocation de notre maison qui est l'alternance. Comment pourrions-nous pratiquer l'alternance avec des personnes handicapées, de tous ordres, si l'entreprise ne s'y ouvre pas elle-même ? Il y a là, à mon sens, un aspect un peu politique qui n'est pas bien ouvert ou qui s'est un peu refermé au fil du temps. Dans la période entre 1985 et 1990, chez Rhône-Poulenc, on en parlait davantage dans l'entreprise qu'aujourd'hui, me semble-t-il.

Mon second point d'observation, j'y reviens, porte sur notre compétence en matière d'orientation. Il y a là un vrai terrain politique, une vraie mission entre l'ANPE, nous et les COTOREP qui devrait être redéfinie. Aujourd'hui, tout cela n'est pas clair. Nous en parlons entre nous, bien sûr, mais cela ne suffit pas. Les COTOREP pourraient jouer un rôle absolument majeur visant à redéfinir les circulations de flux et la manière dont cela se passe pour n'avoir à traiter que les problèmes majeurs, à quelques exceptions près, et ne plus faire un travail, comme c'est le cas aujourd'hui, où tout le monde fait un peut tout et n'importe quoi. Ce n'est pas une bonne chose. Comme le disent Jean-François Danon et Guy Jeannerot, nous avons une compétence d'expertise dans laquelle nous pouvons apporter beaucoup plus que la sollicitation que nous font les COTOREP aujourd'hui. C'est un domaine dans lequel nous pourrions avancer et être plus utiles qu'aujourd'hui où nous sommes un peu centrés sur la question d'accueil d'un certain nombre de cas individuels beaucoup plus que sur des approches collectives et de structuration de dispositif.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Merci, Monsieur le Directeur général. Il nous reste à vous remercier pour la précision et la clarté de vos réponses qui ont fait l'unanimité de notre mission.

Laisser cette page blanche sans numérotation.

6.- Audition de MM. Pierre Lubek, inspecteur général des finances, Michel Laroque, inspecteur général des affaires sociales, et Sylvain Picard, inspecteur des affaires sociales.

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 25 mai 2000)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

M. Augustin Bonrepaux, Président : Nous souhaitons, comme d'habitude, que les questions soient le plus courtes et le plus précises possibles et les réponses aussi précises et aussi concises que possible de façon à avoir le maximum d'information. Je vais donner la parole au rapporteur spécial pour les premières questions.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Je souhaiterais que Messieurs les Inspecteurs généraux puissent nous donner leur sentiment sur le fait que les COTOREP sont amenées à traiter du handicap social, des troubles de comportement dans notre société et sur l'utilisation de l'article 35-2 de l'ancienne loi, qui permet aux COTOREP, lorsque le handicap du demandeur est évalué entre 50 et 80 %, de lui octroyer l'AAH. Sont-ils en mesure de nous dire dans quels cas une COTOREP est obligée de rencontrer le demandeur ?

M. Pierre Lubek : Le sentiment que nous avons retenu de notre mission sur le premier point, c'est-à-dire le rôle de la COTOREP et l'intérêt de son rôle dans le traitement du handicap et l'allocation de l'AAH, notamment au titre de l'article 35-2, est, en quelque sorte, mitigé.

Je vais tenter d'être plus précis car, ayant dit cela, j'ai conscience de n'avoir pas dit grand-chose. Mitigé en ce sens que nous avons eu le sentiment que ces commissions travaillaient somme toute, compte tenu des moyens qu'elles avaient, assez sérieusement, mais que le fondement même d'une décision en commission et de débats en commission sur les cas d'attribution de l'AAH posait, en pratique, des problèmes.

Un premier problème est un problème de masse. Les COTOREP ont à traiter, lors de leurs sessions, des masses de dossiers considérables. Il est fréquent qu'elles statuent sur une centaine de cas lors d'une session d'une demi-journée, voire davantage. Certaines COTOREP multiplient les réunions et les sessions de façon fréquente. On est vraiment devant un problème de traitement de cas de masse. Il est exclu, humainement parlant, que chaque dossier puisse être examiné et discuté au sein de la COTOREP ou lors de la réunion de la COTOREP.

S'est développée de façon assez naturelle, mais peut-être plus largement qu'il n'était envisagé au départ, une pratique de décisions sur listes, listes préparées par le secrétariat de la COTOREP et le médecin coordonnateur, et qui vont assez loin en ce sens que ce sont à la fois des listes d'adoption de primo-demandeurs, c'est-à-dire d'octroi de l'AAH à des personnes qui n'étaient pas dans le système, ou des listes de renouvellement de l'AAH pour des personnes dont l'allocation expirait et qui en ont demandé le renouvellement, ou encore des listes de rejet. Le phénomène des listes paraît assez répandu, c'est une pratique très courante. Auquel cas, bien évidemment, la COTOREP ne se prononce pas sur des cas individuels.

Sur quoi se prononce-t-elle ? De ce que nous avons compris du fonctionnement de ces institutions, elles se prononcent sur les quelques cas qui semblent limites ou qui semblent poser des problèmes de principe et, notamment, au regard de l'article 35-2 évoqué dans la question.

En effet, lorsque le handicap est de 80 % ou plus, le taux de handicap étant décidé par le médecin au vu du dossier (on pourra revenir sur la manière dont travaillent les médecins), il n'y a pratiquement aucun champ de discussion : l'AAH est de droit pour tout handicap à partir de 80 %.

Lorsque le handicap est compris entre 50 et 79 %, la loi prévoit une deuxième condition : le handicap doit mettre l'individu concerné dans l'impossibilité de se procurer un emploi. Nous pourrons peut-être, à l'occasion d'autres questions, revenir sur cette terminologie et sur ce que cela veut dire, mais c'est là où il y a un champ pour une question, c'est-à-dire, compte tenu du handicap de la personne, elle est ou non dans l'impossibilité de se procurer un emploi.

La discussion en COTOREP sur des cas particuliers, avec, dans un certain nombre de cas, audition de la personne physique présente en réunion de COTOREP, porte précisément sur cet aspect : savoir si le handicap empêche ou non la personne considérée de se procurer un emploi.

Voilà pour un premier sentiment. Pour résumer : des décisions très largement prédéterminées avant la COTOREP, des décisions de COTOREP qui confirment très largement, à plus de 95 ou 98 % (nous n'avons pas fait de statistique sur le sujet), l'instruction des dossiers préparés par le médecin ou par le secrétariat. Enfin, quelques cas de discussions en réunion permettent, néanmoins, d'infléchir parfois, toujours dans le sens favorable au demandeur, la décision prévue par le dossier.

M. Jean-Pierre Delalande : Comment expliquez-vous alors, si 95 % des décisions sont en fait des décisions d'entérinement, que l'on puisse les attendre, comme cela m'a encore été rapporté dans une permanence parlementaire lundi dernier, un an et demi. Je suis un élu du Val-d'Oise.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Dans l'Isère, c'est pareil.

M. Jean-Pierre Delalande : Est-il normal que des personnes qui, au surplus, sont handicapées, ne soient pas, dans leur plus grand nombre, reçues pour qu'elles aient vraiment le sentiment qu'elles sont prises en compte dans leur dignité ? Est-il normal que l'accueil téléphonique soit tel, compte tenu de l'engorgement des dossiers, que l'on doive rappeler trois, quatre, cinq, six fois pour essayer d'avoir quelqu'un. Et, quand on a enfin quelqu'un, s'entendre dire : « Je n'ai pas que vous à traiter, rappelez ». Cela ne pose-t-il pas un problème de conception même de l'administration sur laquelle il mériterait que nous réfléchissions ensemble ?

M. Michel Laroque : Il y a certainement des problèmes à cet égard étant donné que c'est un problème plus varié dans le temps. Lors d'une enquête faite par nous il y a deux ans, nous avions l'impression, par rapport à ce que nous savions du passé, qu'il y avait eu une amélioration certaine des procédures, que les délais avaient été limités.

Dans les COTOREP où nous nous sommes rendus, la plupart d'entre elles n'avaient pas d'importants problèmes de délais. Certains délais étaient de trois et six mois, ce qui peut déjà paraître trop important pour des situations de ce type, mais ils n'étaient pas ceux que vous évoquiez. Cela ne signifie pas que, dans certains autres départements où nous ne nous sommes pas rendus, de tels délais ne peuvent exister.

En tout état de cause, nous avons constaté la fragilité administrative des COTOREP. Celles-ci sont partagées entre deux budgets de l'Etat. En effet, même si aujourd'hui cela va constituer un seul ministère, puisque le Ministère de l'emploi et de la solidarité regroupe l'ancien Ministère du travail et l'ancien Ministère des affaires sociales, il y a toujours deux budgets distincts et deux directions chargées du budget et du personnel distinctes.

À cet égard, il nous a semblé que ce partage entre deux administrations ne pouvait que nuire à la bonne gestion administrative de telles institutions qui étaient un peu justement à la marge de deux administrations, ce qui fait qu'aucune d'entre elles ne s'y impliquait autant qu'elles le devraient, d'autant plus que s'agissant de tâches de gestion individuelle, ces administrations sont mal armées. Elles sont plus habituées à des tâches de gestion collective et à des tâches de contrôle.

Il y a donc, sans aucun doute, des problèmes de gestion des COTOREP, et cela malgré les efforts qui ont été faits pour les renforcer dans les années passées et des efforts qui, d'ailleurs, concernent les diverses catégories de personnel. Cela concerne le personnel administratif : on ne met pas toujours les meilleurs agents dans ces commissions.

Cela concerne aussi - et c'est peut-être là le problème - le personnel médical car, si cela n'a pas été amélioré depuis deux ans, la rémunération du personnel médical est extrêmement modique. Les COTOREP ont du mal à recruter du personnel médical, alors qu'il devrait y avoir un médecin coordonnateur qui devrait être le c_ur de l'équipe technique, il n'y a pas de rémunération adaptée, ni même de statut contractuel adapté pour ce médecin.

Il nous semble que de nombreux progrès restent à faire au niveau de la gestion administrative. Nous avons, dans le rapport, fait un certain nombre de propositions d'aménagement à cet égard, tout en ouvrant une alternative puisque ce dernier rapport portait non pas sur les COTOREP, mais sur l'allocation aux adultes handicapés. Il apparaît qu'une autre alternative était d'intégrer cette prestation avec les autres prestations d'invalidité gérées par la sécurité sociale, dans la mesure où les organismes de sécurité sociale, eux, sont habitués à une gestion de masse et pourraient être mieux à même de gérer rapidement de telles prestations.

M. Francis Hammel, Rapporteur pour avis : Je voudrais toutefois approfondir l'aspect gestion de ces COTOREP, dont nous avons le sentiment qu'elle est uniquement administrative dès lors que les personnes qui font une demande ne sont souvent pas reçues et que l'avis est donné uniquement sur dossier. Cela pose un sacré problème. Par ailleurs, il n'est pas rare que des personnes se plaignent de décisions arbitraires des COTOREP sans avoir été vues par un médecin. C'est le premier point auquel vous avez en partie répondu.

Le deuxième point porte sur la qualification. Là aussi, vous avez abordé le sujet de la qualification des personnels et, notamment, des médecins des COTOREP. On voit des choses tout à fait particulières dans ce cadre-là.

M. Pierre Lubek : Je ne sais pas juger de la qualité des médecins. Mon collègue Sylvain Picard pourra en dire un mot.

Simplement, je voudrais dire combien j'ai été personnellement surpris, mais aussi toute la mission dans le cadre de cette enquête, par l'extrême variété des COTOREP dans leur manière de travailler. C'est frappant. Certaines mettaient un point d'honneur à recevoir le plus possible les primo-demandeurs. Pour les renouvellements, les choses sont beaucoup plus automatiques. En effet, quand on connaît déjà la personne, si le dossier n'a pas évolué, le renouvellement est plus aisé. D'ailleurs, les taux de renouvellement sont de l'ordre de 90 %, donc cela pose moins de problème.

S'agissant de la première demande, le taux de rejet est relativement important (30 à 40 %). Il faut donc examiner les dossiers sérieusement.

Nous avons été étonnés de voir la diversité entre un certain nombre de COTOREP qui estimaient nécessaire de recevoir la personne et d'autres pas. Si le dossier est bien fait par les médecins traitants, il est très parlant. Voir la personne, lorsque le dossier conduit déjà à accepter d'allouer l'AAH, n'apportera rien de plus si ce n'est une consommation de temps. En revanche, sur le plan humain, ce peut être réconfortant pour la personne d'être reçue. Un certain nombre de COTOREP souhaitent voir les personnes, en tout cas celles pour lesquelles le dossier n'est pas absolument évident. D'autres COTOREP ont un mode de fonctionnement différent et elles voient très peu de monde. Nous avons même rencontré une COTOREP qui, en pratique et au plan médical, ne voyait pratiquement jamais les demandeurs. En revanche, elle considérait qu'un dossier bien documenté par les médecins traitants était un outil extrêmement parlant, donc extrêmement précieux sur à la fois la pathologie, les conséquences de cette dernière compte tenu des traitements, et les handicaps. Les médecins de la COTOREP s'estimaient en mesure de décider au vu du dossier et avaient conscience, médicalement, de bien faire leur travail. Nous leur avons posé la question de savoir si ne pas voir la personne sur laquelle ils devaient statuer leur posait un problème. Leur réponse a été négative. Étant précisé quand même, et c'est une chose qu'il faut bien comprendre, qu'ils se reposaient entièrement et en toute confiance sur le dossier établi par les médecins traitants. À ce niveau-là, il convient peut-être de s'interroger.

M. Michel Laroque : Dans cette COTOREP, ils avaient établi un dossier enrichi, un questionnaire enrichi par rapport au questionnaire généralement utilisé.

M. Sylvain Picard : Il y a deux cas de figure qu'il faut totalement différencier.

Il a y ce qui se passe en première section, c'est-à-dire le reclassement professionnel qui, probablement, ne peut pas se faire sans que l'on convoque les gens. D'ailleurs, en première section, ils sont tous convoqués.

Puis, il y a le cas de la deuxième section, c'est-à-dire l'attribution du taux d'incapacité et, par conséquent, de l'AAH ensuite, pour lequel on a vu les deux cas de figure : des départements qui convoquent tout le monde et des départements qui ne convoquent personne. Quand j'ai étudié ces centaines de dossiers médicaux, le résultat est le même.

En fait, les dossiers médicaux dont on dispose en COTOREP, contrairement à ce que l'on pourrait penser, ne sont pratiquement jamais des dossiers médicaux rédigés par un généraliste. C'est souvent un généraliste qui joint des lettres de ses confrères (cardiologues, rhumatologues, etc.). Il s'avère que dans le même dossier, quatre ou cinq médecins s'engagent. Cela constitue une espèce de sécurité pour le médecin de la COTOREP qui sait qu'il s'agit non pas d'un médecin qui pourrait éventuellement faire preuve de complaisance, mais que quatre ou cinq médecins sont impliqués.

De fait, les dossiers me paraissent être tout à fait fiables. Le rapport fait état de 99 %. Je crois que c'est effectivement le cas. Nous n'avons pas vraiment beaucoup de doutes sur ces dossiers. La seule spécialité qui requiert une convocation de la personne, c'est l'ophtalmologie. En effet, le guide-barème a une grille d'entrée pour les deux yeux et, là, il est rare que même l'ophtalmologiste donne des renseignements assez précis. Pour tout le reste, les dossiers sont assez complets et les possibilités de se tromper lourdement sont extrêmement faibles.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Ma question suivante ne porte pas sur les cas où cela marche bien, où le handicap est parfaitement reconnu, où des spécialistes interviennent à plusieurs et où on accorde l'AAH à 80 %. Dans ce cas, il n'est peut-être pas utile de voir le demandeur. Encore que je ferai remarquer que la loi donne obligation aux COTOREP de recevoir le demandeur. Ma question est celle-ci : dans quels cas de figure la COTOREP est-elle obligée ou se sent-elle obligée (sachant qu'elle interprète la loi) de recevoir le demandeur ? Il y a le cas où, me semble-t-il, l'avis du médecin peut être interprété de diverses façons. C'est le sens de la question que j'avais posée. Le cas où le handicap est inférieur à 80 %, mais où le demandeur est jugé comme incapable de travailler ou de trouver un emploi. Là, on utilise l'article 35-2, il est entre 50 et 80 %. Dans ce cas-là, est-ce que véritablement on voit le demandeur ? Au vu du dossier médical, il apparaît que ce sont souvent des psychiatres qui interviennent et ils ne sont pas forcément plusieurs. On en est au niveau du handicap social et, en l'occurrence, de votre point de vue, ce travail est-il fiable à 99 % ? La question est là.

M. Pierre Lubek : Pour bien répondre à votre question, il convient d'en poser une autre. Cette question était incluse dans ma toute première réponse, à savoir quel sens exact on donne au mot « incapacité de se procurer un emploi ». Car tel est bien le fond du problème. Il y a plusieurs conceptions envisageables du sens de cette phrase.

Premier constat : il existe des différences entre les taux d'acceptation des différentes COTOREP. À l'échelle de la France, sur tous les départements, on voit, d'une part, que le taux de demandes par rapport à la population est extrêmement variable d'un département à l'autre. Nous y reviendrons, si vous le souhaitez, car on s'écarte un peu des COTOREP. Les COTOREP, elles, reçoivent des dossiers ; elles ne sont pas responsables du nombre de dossiers qu'elles reçoivent. À partir du moment où elles les reçoivent, elles doivent les traiter. Dans un premier temps, on remarque que la pression de la demande est très différente d'un département à l'autre. Ensuite, le taux de réponses positives de la COTOREP est, lui aussi, effectivement très différent d'un département à l'autre, notamment au titre de l'article 35-2.

Nous avons là un indice, à savoir que l'article 35-2 n'est pas nécessairement interprété de la même manière partout. Pourquoi ? Cela ne veut pas dire que certains ont raison et que d'autres se trompent, il serait difficile de le dire en ces termes, mais que l'article n'est pas très clair, si je puis me permettre ce jugement.

Il n'est pas très clair en ce sens que l'idée sous-jacente à l'époque où cet article a été écrit, qui était une époque de plein emploi (années 1970-1975), était que ne pas pouvoir se procurer un emploi dans une période de plein emploi signifiait, grosso modo, être dans l'incapacité de travailler, physique ou mentale.

Depuis, dans les années 1980-1990, ne pas pouvoir se procurer un emploi du fait du handicap peut vouloir dire tout autre chose dès l'instant qu'on se situe dans un marché du travail qui est lui-même très différent, avec beaucoup de concurrence à l'embauche, beaucoup de demandeurs d'emplois et beaucoup de chômage. Dans une telle configuration, faire la distinction entre le fait de ne pas pouvoir se procurer un emploi du fait du handicap, ce que voudrait la loi, et ne pas pouvoir se procurer un emploi tout court, devient extrêmement difficile. Autrement dit, il y a des handicaps qui dix, vingt ou trente ans auparavant n'étaient pas nécessairement un frein à l'embauche, d'abord parce que certains types de travaux simples existant alors ont aujourd'hui disparu et ont été remplacés par des machines, mais aussi parce qu'on était à la recherche de travailleurs dans de nombreux secteurs, donc les personnes, même atteintes d'un léger handicap, pouvaient se procurer un emploi. Aujourd'hui, en situation de compétition sur le marché du travail, une personne avec un handicap, même léger, peut-être défavorisée par rapport à d'autres candidats qui apparaîtront extrêmement brillants au futur employeur. On peut très bien affirmer qu'une personne se trouve, du fait de son handicap dans l'incapacité non pas théorique mais pratique de se trouver un emploi.

La question est de savoir sur quelle formule portera le choix de la COTOREP : l'incapacité de se trouver un emploi sur un plan un peu théorique, c'est-à-dire sa capacité ou non à accomplir des actes professionnels, ou plutôt sur un plan plus pratique compte tenu de l'ensemble des données de la personne, de son cursus, de son niveau d'études et autres ? En l'occurrence, il est parfaitement clair que les COTOREP, vraisemblablement, n'adoptent pas toutes la même vision et que peut-être certaines précisions des textes deviendraient nécessaires pour harmoniser les pratiques.

Pour répondre à votre question, il nous a semblé que lorsqu'une COTOREP se pose, en toute bonne foi, la question sur la capacité d'un demandeur à se procurer un emploi et que le message médical, si je puis dire, n'est pas suffisamment clair ou suffisamment tranché, c'est là où la personne est généralement convoquée.

M. Jean-Pierre Delalande : Pour remédier à ces différences de traitement, il n'y a ni instruction ni directive ou préconisation du ministère. Chaque COTOREP interprète la loi comme elle l'entend et vous trouvez cela normal ?

M. Michel Laroque : Le ministère a produit des circulaires, au début des années 1980, qui se situaient justement dans un contexte qui a évolué. De fait, ces circulaires n'ont pas toujours été considérées comme parfaitement adaptées et leurs termes mêmes restent parfois quelque peu ambigus compte tenu de cette notion d'impossibilité de se procurer un emploi, qui est elle-même ambiguë. La tendance du ministère était d'être plutôt stricte, mais seulement jusqu'à un certain point compte tenu des termes de la loi.

M. Pierre Lubek : Nous le disons en filigrane dans le rapport de façon assez claire, me semble-t-il. Nous tendons cette perche.

Pour préciser ce que dit Michel Laroque, les circulaires qui ont été produites à l'époque par l'administration, dans le sens d'une certaine rigueur, disaient : « Il faut que l'incapacité de se procurer un emploi soit bien liée au handicap et à rien d'autre ». Or, dire les choses en ces termes n'est pas opératoire. En effet, quand quelqu'un se présente à l'embauche, qu'il n'est pas pris et qu'il voit son dossier refusé, il ne sait pas - et personne ne peut le savoir - si le refus est dû à son handicap ou à l'ensemble de sa personnalité dont le handicap fait partie. Nous pensons que les circulaires produites ont voulu un peu réaffirmer les textes de la loi, mais d'une manière qui n'est pas opératoire dès lors que la réalité n'est pas celle-là. La réalité de l'emploi, c'est que l'on juge une personne globalement et non par petites bouts en découpant handicap pas handicap, grand, petit, etc.

M. Jacques Guyard : Je rejoins tout à fait ce qui vient d'être dit. Nous avons tous employé, plus ou moins, le concept d'inemployabilité parce que cela correspond tout à fait à ce que vous décrivez et que nous sommes coincés dedans. Vouloir faire une distinction supposerait qu'il y ait une réponse au problème de ceux qui sont inemployables plus pour des raisons sociales que pour des raisons médicales. Traiter cela dans la loi me paraît difficile et, plus encore avec une administration d'État.

Je reviens à l'intervention de M. Picard visant à dire que dans l'ensemble, compte tenu des dossiers médicaux, même quand il n'y a pas réception des personnes dans la plupart des cas du fait de quatre ou cinq avis médicaux convergents, y compris des spécialistes, cela pose peu de problèmes. À partir de là, il y a deux choses que je ne comprends pas. Premièrement, et je répète la question de notre collègue, pourquoi les délais sont-ils aussi longs ? En effet, si les dossiers sont satisfaisants, la lecture du dossier, elle, n'est pas très longue. Par ailleurs, pourquoi y a-t-il autant de recours et finalement autant de succès sur les recours ? Se pose là une question d'équilibre du système.

M. Sylvain Picard : La réponse est simple. Il faut comprendre qu'en 1975, les personnes qui se présentaient à la COTOREP étaient seulement handicapées. Aujourd'hui, il s'agit de personnes handicapées et de malades. Il y a donc une deuxième catégorie de personnes qui s'adressent aux COTOREP : les malades. Environ un quart ou un tiers des dossiers que l'on trouve dans les COTOREP concernent des personnes non pas handicapées, mais des personnes atteintes d'une maladie grave. On trouve beaucoup de sciatiques importantes ou des problèmes de cancer.

Par conséquent, des dossiers peuvent tout à fait, lors du premier examen, ne pas donner un taux d'invalidité important. Cependant, compte tenu du délai nécessaire pour obtenir la décision en vue de formuler un recours et pour passer devant l'expert pour ledit recours, l'état des personnes s'aggrave. Dans les deux tribunaux où j'ai eu l'occasion d'aller, c'était très clair. Majoritairement, les cas qui aboutissent au recours sont ceux pour lesquels les médecins ne disent pas que le médecin s'est trompé la première fois, mais que la maladie n'en était pas au stade où elle est maintenant. C'est très net. Cette évolution est probablement due au marché de l'emploi. De nos jours, quand une personne d'une cinquantaine d'années sans ressources tombe malade, elle fait volontiers un dossier en COTOREP. Il est évident que l'état de ces personnes peut, en un an ou deux, se modifier et plus généralement dans le mauvais sens.

Quant à la première question, je ne suis pas sûr que ce soit le verrou médical qui génère les délais qui viennent d'être cités. Dans les départements que nous avons visités, et nous en avons vu un certain nombre, nous n'avons pas eu l'impression d'avoir des délais d'attente très importants. Cela dépassait rarement six à neuf mois. En tout cas, il est très probable, et même sûr de mon point de vue, que ce n'est pas l'aspect du dossier médical qui génère ces délais, mais l'aspect purement administratif, sur lequel je ne dispose pas d'éléments précis.

M. Jean-Jacques Jegou : Je suis un peu perturbé par ce que vient de dire M. Picard qui qualifie les demandeurs de malades plutôt que de handicapés. Puis il a précisé pour la crise de sciatique, voire tout ce qui est la lombalgie d'effort qui est prise ou pas en fonction de ses caractéristiques. C'est un aspect des choses que je connais pour avoir travaillé très longtemps en médecine du travail. Je voudrais toutefois m'attarder un moment sur les cancers. Vous nous confirmez que des gens atteints d'un cancer viennent remplir un dossier à la COTOREP ?

M. Sylvain Picard : Oui.

M. Jean-Jacques Jegou : Cela ne me paraît pas être la démarche normale. Il y a la sécurité sociale, voire le médecin du travail pour savoir si l'évolution de la maladie va vers la guérison ou vers l'aggravation et permet de reprendre le travail ou pas. Cela voudrait dire que des gens atteints d'un cancer se trouveraient privés d'emploi ? On ne voit quand même pas des salariés demander un dossier COTOREP parce qu'ils sont atteints d'un cancer ?

M. Sylvain Picard : Il est clair que les gens qui s'adressent à la COTOREP savent qu'il y a une condition de revenus. Entrent dans cette catégorie, très souvent, des personnes d'un certain âge qui n'ont pas de revenus, qui ne travaillent pas ou qui n'ont jamais travaillé. Vous connaissez comme moi le nombre de femmes entre 50 et 55 ans qui n'ont jamais travaillé, qui sont parfois veuves et qui s'adressent aux COTOREP. De plus, vous savez aussi ce que peuvent avoir les femmes à 55 ans. Une liste est établie et, généralement, cela n'aboutit pas à 50 %, encore moins à 80 %. Mais ces dossiers-là encombrent la COTOREP. En réalité, ces dossiers correspondent à des personnes qui n'ont pas travaillé, qui se trouvent en situation de besoin et à qui les services sociaux, parce qu'ils n'ont pas de solutions à leur proposer, disent de tenter un dossier en COTOREP. Cela embouteille les COTOREP, d'autant que ce sont des dossiers qui n'aboutissent pratiquement jamais.

En ce qui concerne les malades, j'ai vu un très grand nombre de cancers du sein chez des femmes qui ne travaillent pas. Effectivement, il y a la période consacrée aux traitements de chimiothérapie et autres durant laquelle les femmes ne peuvent pas travailler. Auquel cas, et nous l'avons indiqué dans le rapport, les médecins des COTOREP donnent des taux d'invalidité de 80 % pour une durée d'un an, sachant qu'à l'issue de cette période soit la personne ira bien, soit elle ira beaucoup plus mal. Encore une fois, ces dossiers-là sont extrêmement fréquents.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : J'ai vu, en région parisienne, des dossiers de malades atteints du sida qui, eux aussi, sont dans les COTOREP. Il faut bien que quelqu'un les traite.

M. Jean-Jacques Jegou : Il y a une dérive, là.

M. Pierre Forgues : Le problème est qu'ils sont dirigés là faute de pouvoir aller ailleurs. En tout cas, on applique l'article 35-2 à leur égard.

M. Sylvain Picard : Dans le rapport, nous critiquons un peu la circulaire du ministère qui dit que, en cas de sida, il faut quasiment donner automatiquement 50 %. Or à notre époque, nous estimons ne plus pouvoir raisonner de la sorte et, en tout cas, c'est contraire à l'esprit du guide-barème. Le guide-barème ne consiste pas à dire que quelqu'un a telle ou maladie. Sachant que l'on peut très bien mourir d'une grippe et guérir d'un cancer, ce n'est donc pas le diagnostic et la maladie qui comptent, mais l'état réel du malade. Or, on peut tout à fait être séropositif pendant dix ans et aller très bien. Cela peut aussi ne pas être le cas, mais l'inverse est possible.

Nous considérons, de fait, qu'il faut appliquer le barème et l'esprit du barème. Autrement dit, il faut réellement donner à la personne qui est séropositive un taux qui correspond à son handicap réel, tout en sachant que ces personnes font des dossiers et, s'il y a un refus, cela peut évoluer sachant que leur état est lui-même évolutif. Il faut savoir aussi que cette situation contribue naturellement, dès lors qu'on met des malades en plus des handicapés dans les COTOREP, à embouteiller les commissions, car ce sont des personnes qui vont venir régulièrement en fonction de l'évolution de leur maladie.

M. Jean-Jacques Jegou : Pardonnez-moi, M. Picard, mais j'insiste un peu. Sauf à ce qu'un élément m'échappe, une femme âgée de 50 ans, atteinte d'un cancer du sein, veuve ou divorcée qui n'a jamais travaillé, bénéficie, de toute façon, du RMI. C'est un premier point.

Deuxièmement, si elle est veuve, elle perçoit une pension de réversion. Si elle est divorcée, elle peut avoir une pension.

La description que vous faite d'une femme atteinte d'un cancer, quel qu'il soit, le plus fréquent étant malheureusement un cancer du sein pour une femme de cet âge, qui n'aurait jamais travaillé, je ne vois pas ce que vient rajouter un dossier COTOREP. Sauf à ce qu'il y ait d'autres services, dont on parlait tout à l'heure avant les auditions, qui devraient avoir fonctionné. C'est-à-dire, est-ce qu'elle touche le RMI ? Est-ce que la pension de réversion de feu son mari a été purgée ou soldée ? Ou encore, a-t-elle droit à une pension alimentaire de son ex-époux ?

On en revient à ce débat, que nous avions avant votre arrivée, à savoir que l'on est en train de saucissonner de nombreux aspects qui, d'abord, ont un coût élevé. Par ailleurs, humainement et de façon solidaire, ce qui est notre volonté à tous, les éléments sont-ils connus véritablement ? Lorsque ce dossier COTOREP arrive malencontreusement, la personne qui voit le dossier s'interroge sur la pertinence de la démarche, attire l'attention de la demanderesse sur les revenus qu'elle pourrait avoir, mais qu'elle n'a pas et, enfin, la dirige vers le bon endroit où faire cette démarche.

M. Sylvain Picard : Il faut savoir que la condition de ressources est généralement étudiée après le taux d'invalidité. Certains services sociaux des hôpitaux donnent systématiquement, à certains catégories de malades, un dossier COTOREP. Par conséquent, la condition de revenus est toujours étudiée après. On a vu des COTOREP qui nous ont dit étudier de toute façon ces dossiers, tout en sachant que la condition des ressources ne sera pas remplie, car ne pas le traiter constituerait un déni d'administration. On sait toutefois que certains dossiers seront ensuite recalés au niveau des conditions de ressources. Nous insistons sur ce point : certains hôpitaux donnent systématiquement un dossier COTOREP à certaines catégories de malades.

M. Jean-Jacques Jegou : Et un dossier d'aide sociale aussi ?

M. Sylvain Picard : C'est très possible.

M. Pierre Lubek : Dans le même esprit, je rappelle que l'appréciation pour l'AAH comporte deux phases et deux organismes très distincts qui, en pratique, ne se recoupent à aucun moment : la phase médicale et administrative, qui répond aux conditions médicales de la loi ou sur les conditions de travailler, examinée par la COTOREP ; puis, l'autre phase constituant l'examen de la condition de ressources par la Caisse d'allocations familiales (CAF) ou la Mutualité sociale agricole (MSA). Ces deux organismes sont complètement disjoints et la condition de ressources est, en général, examinée après. À la limite, même si elle était examinée avant, le résultat n'en serait pas donné à la COTOREP, qui n'en continuerait pas moins de regarder le dossier dans l'état actuel des choses. Il y a donc là un premier problème, celui de l'examen global de la situation de recevabilité qui est scindé en deux, l'instruction médicale suivant son cours par ailleurs.

Autre aspect en réponse à ce que vous avez dit sur les ressources des personnes : le plafond de ressources pour être recevable à l'AAH est nettement plus élevé que pour le RMI. Il s'avère qu'un certain nombre de personnes, en réalité, dépasseraient le plafond du RMI, donc n'y auraient pas droit, mais auraient droit à l'AAH, voire une AAH simplement différentielle et cela avec davantage de facilités.

M. Michel Laroque : Ces phénomènes de disjonction sont effectivement importants, encore qu'à certains endroits on ne les retrouve pas. Mais, peut-être avec une application anormale de la loi, on peut néanmoins trouver une COTOREP où, effectivement, un tri préalable est fait par la CAF au niveau des conditions administratives, ce qui n'était pas parfaitement régulier même si, sur le plan administratif, ce n'était pas nécessairement une mauvaise solution.

Autre forme de disjonction qui me paraît importante : le problème de l'absence des médecins-conseils des caisses d'assurance maladie qui, s'ils sont prévus dans les COTOREP, sont absents en seconde section, alors qu'ils détiennent des informations médicales extrêmement utiles et précieuses, notamment dans certains des cas évoqués précédemment.

Enfin, concernant le problème des ressources, il est certain qu'un certain nombre de bénéficiaires du RMI, après un certain temps dans le RMI, compte tenu de leur état, sont orientés vers l'AAH.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : À votre avis, quelles sont les mesures que vous pourriez préconiser afin de permettre aux COTOREP de se recentrer sur leurs missions propres, en tout cas de fonctionner mieux et de façon plus homogène ?

M. Pierre Lubek : Il est un premier aspect, que nous avons évoqué tout à l'heure, à savoir préciser mieux le sens des termes de la loi et la manière dont on doit interpréter l'incapacité à trouver un travail.

L'autre aspect, plus délicat, consisterait à essayer d'avoir quelques repères jurisprudentiels sur les cas de recours des tribunaux du contentieux de l'invalidité. Actuellement, il ne se construit pas de jurisprudence intelligible. Dans l'exposé des motifs des recours, on indique simplement si la personne remplit ou non la condition sans donner, par ailleurs, aucun élément d'appréciation permettant de tracer des cas types pouvant dire si un certain type de contentieux se dessine à la fois dans les tribunaux du contentieux d'invalidité et dans la Cour nationale. L'approche par construction jurisprudentielle serait certainement très utile pour guider les COTOREP.

Sur le plan de l'organisation des COTOREP elles-mêmes, on peut dire deux choses. Premièrement, administrativement - et Michel Laroque l'indiquait tout à l'heure -, elles sont quelque peu écartelées entre deux directions administratives. De plus, elles sont dotées d'un encadrement qui nous est apparu souvent un peu faible, notamment avec un agent de catégorie B pour diriger la COTOREP sachant qu'il a quand même une action et une masse d'interventions considérables. Il nous semble que là où l'on a mis un cadre A, cela fonctionne mieux. Il y a peut-être une question de niveau non pas forcément quantitatif, mais qualitatif de l'encadrement des COTOREP à examiner.

Puis, deuxièmement, je rappelle la proposition que nous avons faite dans le rapport, consistant en une modification relativement substantielle qui permettrait, nous semble-t-il, de donner une cohérence à l'ensemble. Celle-ci consisterait à fusionner les deux sections, des COTOREP pour qu'il n'y ait plus qu'une seule section réunissant tout le monde autour de la table et que la personne handicapée soit vue dans l'intégralité de sa problématique personnelle tant sous l'angle d'une éventuelle réinsertion dans le monde du travail que sous l'angle alternatif d'une allocation.

M. Michel Laroque : C'est là une voie d'aménagement que nous avons suggérée, l'important étant de ne plus avoir qu'une COTOREP et donc cette division de section. Le problème étant que pour un certain nombre de demandes d'AAH, on ne s'interroge même pas sur la possibilité de reconnaître la qualité de travailleur handicapé pour la personne qui ne demande pas cette reconnaissance, mais seulement l'AAH. On fait alors un examen morcelé de la situation.

Dans cette voie d'aménagement, s'ajoutent les points que nous avons évoqués précédemment : un véritable médecin coordonnateur, une véritable équipe technique et une informatisation plus poussée. Cette dernière est commencée et constitue un progrès notable. Par ailleurs, elle pourrait aussi concerner l'aspect médical avec, bien sûr, les précautions nécessaires pour assurer le respect du secret médical. C'est là une voie d'aménagement.

En parallèle à cette voie d'aménagement, le rapport a suggéré - mais c'est là un choix politique - une réforme plus fondamentale qui concernait l'allocation aux adultes handicapés. Compte tenu des difficultés de fonctionnement persistantes des COTOREP, la mission s'est demandé s'il ne faudrait pas transférer, partiellement ou totalement, la gestion d'attribution de l'AAH vers les organismes de sécurité sociale.

Dans un premier temps, elle s'est interrogée sur tout ce qui concerne l'instruction médicale, notamment sur le fait de savoir s'il ne faudrait pas transférer cette instruction vers le contrôle médical de la sécurité sociale. Ce dernier procède au même type d'instruction, même s'il y a certaines différences, pour l'assurance invalidité, pour l'appréciation des taux en matière d'accidents du travail. Ce n'est pas le même barème, certes, les règles d'appréciation sont quelque peu différentes, mais il y a quand même beaucoup de points communs. Cela présenterait certains avantages, mais aussi des inconvénients. Par exemple, les médecins-conseils sont mieux payés que les médecins des COTOREP, mais c'est peut-être aussi une garantie.

Le problème que pose un tel transfert est celui de l'articulation avec une réinsertion professionnelle éventuelle. Le problème se pose aussi en matière d'assurance invalidité et d'accidents du travail, voire davantage. Là, le lien est assuré et cela fonctionne de manière à peu près satisfaisante. Du reste, les médecins-conseils de la sécurité sociale sont tout à fait présents en première section.

Par conséquent, cela nous paraît une voie possible et d'autant plus intéressante dès lors qu'elle s'accompagne d'une méthode d'appréciation médicale unifiée en matière de handicap et d'invalidité, ce qui paraît possible. On pourrait aussi utiliser un barème en matière d'invalidité, tout en conservant les principes essentiels de l'assurance invalidité actuelle. L'instruction pourrait donc être transférée vers le contrôle médical de la sécurité sociale. L'attribution de l'AAH pourrait l'être également. Reste à savoir vers quel organisme. Est-ce la caisse primaire d'assurance maladie, ce à quoi conduirait l'instruction par les médecins-conseils, encore que ces derniers interviennent aussi pour les caisses d'assurance vieillesse pour apprécier l'inaptitude ? Dès lors qu'il faudrait tenter d'unifier la décision et la gestion, cela pose le problème du choix de la caisse primaire ou de la caisse d'allocations familiales. Nous n'avons pas tranché sur ce point, qui peut dépendre d'autres considérations tenant aux possibilités même de ces organismes.

Cela aurait aussi le mérite de faciliter, encore que cela puisse être aussi dissociable, l'unification du fonds spécial d'invalidité, le minimum invalidité de la sécurité sociale versé aux bénéficiaires de l'assurance invalidité lorsque le niveau de la pension d'invalidité n'est pas suffisant et l'allocation aux adultes handicapés. Aujourd'hui, il existe une dissociation de niveau et de condition qui fait que l'on donne des allocations aux adultes handicapés pour des bénéficiaires de pensions d'invalidité. La raison en est qu'il y a des petits différentiels tenant aux différences de plafond de ressources qui, aujourd'hui, peuvent paraître quelque peu absurdes. On pourrait, en effet, tenter d'essayer d'unifier ces deux systèmes.

Le rapport, parallèlement à la voie de l'aménagement évoqué tout à l'heure, propose une réforme plus fondamentale qui permettrait d'intégrer l'AAH dans le système de sécurité sociale.

M. Sylvain Picard : En complément de ce que j'ai dit, rappelons qu'en dehors de la condition de ressources se pose le problème de la demi-part d'impôt lorsqu'on a un taux à 80 % et plus. Par conséquent, même ceux qui n'ont pas de problèmes financiers ont intérêt à faire un dossier à la COTOREP pour obtenir cela. Il est évident que cela embouteille sûrement les COTOREP et on voit mal comment justifier cet avantage fiscal donné à des personnes ayant un taux d'invalidité de plus de 80 %. Cela correspond à des dossiers importants et pas toujours intéressants.

M. Augustin Bonrepaux, Président : Il me reste à vous remercier.

7.- Audition de M. Patrick Segal, Délégué interministériel aux personnes handicapées.

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 25 mai 2000)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

M. Augustin Bonrepaux, Président : Dans un premier temps, M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, va poser quelques questions. Ensuite, je demanderai à M. Patrick Segal, délégué interministériel, de répondre. Comme pour les questions, Monsieur le Rapporteur spécial, mes chers collègues, je souhaite qu'elles soient précises, courtes et que les réponses qui y sont apportées le soient aussi de façon à nous permettre de cerner l'ensemble du problème.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : M. Segal, pouvez-vous nous dire dans quelles conditions la délégation interministérielle aux personnes handicapées a été amenée à se saisir de la question des COTOREP ? De votre point de vue, les COTOREP constituent-elles un véritable outil capable de déceler les capacités de la personne en vue de bâtir, avec elle, un parcours de formation ou d'insertion ?

M. Augustin Bonrepaux, Président : Je vous demanderai, dans un premier temps, de répondre à ces deux questions.

M. Patrick Segal : Messieurs, tout d'abord merci de m'avoir convié ici, à l'Assemblée nationale. Les conditions dans lesquelles, en tant que délégué interministériel, j'ai approché le problème des COTOREP remontent au 3 août 1995, lors de ma nomination en tant que tel.

Tout d'abord, un rapide point d'histoire.

Dans un premier temps, le traitement du handicap s'était fait et par le ministère des affaires sociales et par le ministère de la santé. Puis, certaines évolutions sont intervenues, notamment la création d'un secrétariat d'État aux personnes handicapées. Enfin, après une période de latence de quelques années, un poste de délégué a été créé, poste dont j'ai pris la responsabilité. Une fois nommé délégué interministériel, la question des COTOREP a été abordée le jour même de ma réception par le Premier ministre. En effet, cette question des COTOREP est l'une des questions sur laquelle repose la vie des personnes handicapées. Aujourd'hui, après de nombreuses années, on s'interroge toujours sur le point de savoir si les COTOREP sont opérationnelles ou pas et si elles constituent un véritable outil.

D'un mot, sans paraître désobligeant, je dirai que l'évolution sémantique fait que l'on parle de moins en moins d'insertion et de plus en plus d'inclusion. Je représente la France à la DG V à Bruxelles, la Direction des affaires sociales. Il s'avère que l'expression anglo-saxonne « mainstreaming », qui voudrait dire « inclusion dynamique », pourrait se traduire en français par le terme « inclusion ». Il est important que vous soyez au fait de ce petit débat sémantique, sémantique à laquelle je suis très attaché. Le mot "inclusion" induit que la personne handicapée est une personne citoyenne, comme le rappelle la loi de 1975, qu'elle fait partie d'un tout, qu'elle est dans la société et qu'elle n'est donc pas à l'extérieur. Nous réclamons son insertion ou son intégration, vocabulaire qui maintenant tend à disparaître, autrement dit elle est incluse.

S'agissant des COTOREP, vous me posez la question de savoir si c'est un outil et, si oui, si cet outil donne des capacités aux personnes à la fois sur la formation et sur l'inclusion. Je suis obligé, pardonnez-moi, de vous fournir une explication brève sur ce qu'est le panorama actuel de la vie des personnes handicapées et cela de façon à bien comprendre la logique de fonctionnement.

Lors du Conseil consultatif national des personnes handicapées du 25 janvier, honoré par le Premier ministre et sept ministres - on peut le souligner, car c'est la première fois qu'une telle démarche est entreprise - il a été fait état de trois millions de personnes handicapées, soit 5 % de la population. Hier, devant le Conseil régional d'Île-de-France, et je le dis publiquement dès lors qu'il convient de ne pas se tromper ou de se méprendre sur l'évaluation de la population, car elle conditionne complètement notre action en matière d'inclusion, je disais que ramener aujourd'hui la population handicapée à trois millions de personnes, alors que nous étions voici quelque temps encore le double, soit 10 %, chiffre commun de l'ensemble des pays de l'Union européenne, c'est se méprendre sur l'existence des personnes handicapées. N'y voyez là aucune critique frontale de ce qui a été annoncé par le Premier ministre. C'est simplement une analyse qui a été faite à partir de plusieurs éléments.

Le premier élément, celui que nous aurons vraisemblablement dans le courant de l'année 2000, c'est l'enquête INSEE. Cette enquête, à mon sens, a été mal faite. Je l'ai indiqué à l'INSEE quand nous nous sommes rencontrés. Cette enquête a été réalisée de manière assez partielle, voire partiale puisqu'elle a été faite sur la base d'entretiens avec des personnes en institution. Puis, un questionnaire a été envoyé dans sept départements à un certain nombre de personnes leur demandant si, en tant que personnes handicapées, elles étaient concernées par ledit questionnaire.

C'est là une démarche pour le moins particulière. En effet, que l'on se réfugie derrière la Commission nationale informatique et libertés pour dire qu'on ne peut pas, dans un questionnaire, poser une question pour savoir si on est concerné par le handicap et, si oui, est-ce que l'on souhaite répondre à des questions, est quelque chose qui m'a gêné. Cela m'a gêné, car si l'on connaît la population nationale dans tout ses caryotypes et que l'on peut, à partir de la définition du handicap et des problèmes évoqués, tracer des lignes, ce qui vous intéresse au premier chef et, à partir de là, ventiler les fonds publics, si on ne le fait pas, on passe à côté notre mission républicaine.

Deuxièmement, en tant que personne handicapée, je suis gêné quand je reçois un questionnaire qui m'interroge sur la surface de mon garage et de ma cuisine, mais qui ne me demande pas si, à un moment donné, je suis concerné ou non par un problème lié au handicap, ce que cela induit dans ma vie en termes de transports, de vie personnelle, de relation avec ma famille et ce que je fais avec mon enfant lorsque je le dépose à la halte-garderie.

Deuxième élément qui a amené à cette analyse des 5 %, c'est celui émanant des COTOREP. Autrement dit, on a pris en compte les populations passées devant les COTOREP et les commissions départementales de l'éducation spéciale (CDES). Aujourd'hui, n'est considérée handicapée que la personne qui est passée par la COTOREP. C'est quelque chose de très réducteur. Cela ne correspond pas à la population nationale. De plus, cela ne correspond en rien à ce que sera la population dans les années à venir.

Notre souci premier, dont nous parlons souvent avec Dominique Gillot et Martine Aubry, consiste à échafauder une stratégie sur ce que sera cette société dans les années à venir, sachant qu'en 2030, 30 % de la population aura plus de 60 ans et qu'en 2050, 37 % de la population aura plus de 80 %. Cela veut dire que les outils que l'on met à disposition pour des personnes qui sont en situation de handicap pourraient être les mêmes pour des personnes âgées qui sont frappées par un problème d'autonomie. Vous remarquerez que, plutôt que le mot « autonomie », j'emploie celui de « dépendance » qui me paraît être plus cohérent.

L'outil COTOREP, à un moment donné, est celui qui a calibré, défini, orienté la personne handicapée. Maintenant, à la question de fond que vous me posez, celle de savoir si cet outil est moderne, s'il correspond à la réalité sur l'évaluation et la préconisation, je répondrai non. Pour information, je ne suis pas le seul à faire cette réponse négative. Le rapport Carcenac le disait déjà. M. Fonrojet partage, lui aussi, le sentiment que cet outil est obsolète.

Avant d'entrer dans le détail de cette question, je veux vous dire que dès mon arrivée à la Délégation, en 1995, parce que je suis républicain et que les valeurs de la République sont importantes à mes yeux, qu'il existe dans ce pays une grande disparité entre les départements, mon souci premier a été de créer un système qui s'appelle aujourd'hui un guichet unique. Le guichet unique a été expérimenté dans quatre départements : l'Isère, la Loire, la Saône-et-Loire et le Morbihan.

Ce guichet unique porte sur trois éléments : l'aide technique, l'aide humaine et l'aménagement du logement. La personne handicapée dépose son projet, lequel passe par le guichet où un pilote (une personne et un secrétariat) traite le dossier et se tourne vers une commission médico-technique. En l'occurrence, c'est le point qui commence à donner du sens à la notion d'évaluation et de préconisation.

En effet, la commission médico-technique, dans le département, est formée de personnes de l'ensemble du corps médical et, en fonction de la personne et de sa spécificité - et c'est là où les COTOREP sont faibles - nous trouvons le médecin ayant la capacité d'analyser et d'évaluer les besoins de la personne. S'ajoute à cela tout ce qui touche au problème de l'inclusion sociale : ergonomes, ergothérapeutes, assistantes sociales, psychologues, soit tout le panel de la médecine (psychiatres, médecins de médecine physique ou autres).

Suite à cela, la commission médico-technique et le pilote se tournent vers les financeurs du département (vingt financeurs en moyenne par département). À partir de là, les financeurs vont abonder un fonds, qui peut être une caisse-pivot. La caisse peut avancer l'argent et apporter à la personne, rapidement, la réponse à son besoin tant au niveau de l'aide technique, de l'aide humaine qu'au niveau de l'aménagement du logement.

Ces quatre expériences ont été lancées courant 1996 et se sont terminées fin 1999. Le taux de satisfaction enregistré a été de 65 % de personnes très satisfaites, contre 1,5 % de personnes qui ont trouvé que cela n'avait pas changé grand-chose. À partir de là, une discussion s'est engagée sur le point de savoir s'il fallait étendre cette expérimentation à l'ensemble des départements français ou plutôt la laisser dans les cartons de toutes les expérimentations faites depuis tant d'années, comme le veut la tradition française. La discussion fut âpre. Certaines n'ont pas souhaité poursuivre l'expérimentation.

Une précision : pour que ce guichet unique fonctionne, il faut l'abonder. L'État donnait 1 million de francs par département. À partir de là, des négociations assez difficiles se sont engagées. Ces négociations, je les ai menées avec le tissu associatif, à mon sens, pour le bien-être de l'ensemble de la communauté des personnes handicapées.

Martine Aubry a décidé, pour l'année 2000, d'étendre les quatre expérimentations et d'envisager une mise en application sur onze nouveaux départements dont je n'ai pas la liste ici. Parmi ceux-ci, j'avais souhaité que figure un département d'outre-mer, car cela donnait du sens à ce qu'est le grand dossier, que j'aurai peut-être le plaisir d'évoquer devant vous, qui est une forme d'exclusion géographique des personnes qui vivent dans les départements et territoires d'outre-mer et à qui l'on fait faire des aller-retour entre leur île lointaine et la Métropole. Cette année, le guichet unique touche quinze départements, dont les onze nouveaux vont démarrer à partir du 1er juillet. Nous avons pris un léger retard qui n'est pas de notre fait. Le fonds de 1 million de francs sera de moitié si l'on démarre au 1er juillet, car d'autres évolutions sont intervenues entre-temps. Pour l'année 2001, il est prévu que vingt-cinq nouveaux départements seront dotés. Ensuite, l'intégralité des départements français seront dotés.

Derrière cette idée que j'ai imaginée dès 1995 (pardon de ramener cela à ma personne), on trouve le problème du droit à compensation. Ce guichet unique, avec une commission médico-technique, réfléchit sur le droit à compensation. Le droit à compensation consiste à dire : vous êtes en situation de handicap (handicap mental, physique, sensoriel ou multi-handicap).

À ce niveau de mon intervention, je ferai une parenthèse sur cette appellation qui, à mon sens, est fallacieuse, qui a trompé son monde et qui a contraint les COTOREP à faire un métier qui n'était pas le leur, c'est-à-dire à amalgamer, dans les COTOREP, des handicapés physiques, mentaux, sensoriels et polyhandicapés à ceux que l'on appelle des handicapés sociaux. À mon sens, c'est là une erreur sémantique, une erreur fonctionnelle. C'est ce qui a engorgé les COTOREP et c'est ce qui les a tuées. En outre, c'est ce qui fait que nous avons aujourd'hui un mélange des dossiers. Je veux faire un point là-dessus car c'est important.

Un mot sur les handicapés sociaux que sont les personnes au chômage, sachant qu'il y a aussi des chômeurs chez les personnes handicapées et que leur durée de chômage est deux fois plus longue. La personne au chômage vit dans le stress, dans la douleur de ne pas avoir d'emploi, mais elle a l'espoir d'en trouver un le lendemain. Il n'y a donc pas un manque structurel. En revanche, il y en a un pour la personne handicapée qui, elle, a une déficience de matière. Ce manque structurel peut être physique, mental ou sensoriel. En aucun cas je ne veux faire de la provocation. Mais à 52 ans, après 28 ans de paraplégie, je ne rêve plus, demain matin, de retrouver un « docteur miracle » qui va me rendre, d'un point de vue biologique et cellulaire, ce que j'ai perdu à l'âge de 24 ans.

Aujourd'hui, il y a presque une forme de provocation à dire aux personnes handicapées physiques, mentales, sensorielles et polyhandicapées qu'elles sont amalgamées à des personnes qui sont dans le stress du chômage. Ce sont deux choses totalement séparées. Or, dans la mesure où un amalgame des deux a été fait, on a tué les COTOREP. C'est mon point de vue. C'est aussi celui de M. Fonrojet. Je présume que vous avez des relations étroites avec le tissu associatif. Les associations, je pense, vous tiendront le même discours.

En créant ce guichet unique et cette commission médico-technique, je mets le doigt sur un problème : celui du droit à compensation. Vous le savez, dans la révision de la loi de 1975, prévue maintenant pour 2001, le droit à compensation va entrer dans l'article premier de cette loi. C'est là une révolution culturelle. Le mot ne vient pas de moi, et je ne me serais pas permis de le dire en séance plénière. Pour la première fois, comme pour les anciens combattants, nous sommes en train de dire que le handicap induit un droit à la compensation en termes d'aides techniques, d'aides humaines et au niveau du cadre de vie. C'est un aspect fondamental.

C'est aussi la réponse à votre question de savoir si les COTOREP sont un outil de l'inclusion et de la formation. Parce que les COTOREP ne le sont pas pour les raisons que j'ai décrites, auxquelles s'ajoutent des raisons structurelles de la formation frustre des gens qui les composent, qui n'ont pas, elles, la compétence idoine pour traiter le dossier, il fallait répondre par quelque chose. Cette réponse, elle arrive. Elle arrive avec la révision de la loi de 1975. Elle arrive avec l'application du guichet unique. Elle arrive avec le droit à compensation. C'est là un élément fondamental car cela veut dire que si vous êtes, à un moment donné, dépendant du fait du handicap, que votre situation de personne handicapée induit qu'il vous faille quelqu'un pour vous assister, on tombe sur le problème de l'allocation compensatrice tierce personne (ACTP). Or cette ACTP, en quelques années, est tombée à trois heures par jour. Il est scandaleux d'imaginer que seulement trois heures par jour soient octroyées à un tétraplégique lourd, à un myopathe qui a besoin d'avoir des aspirations trachéales, qui a besoin d'être pris en charge. Trois heures, c'est absolument ridicule. Il est donc nécessaire de réévaluer l'ACTP.

Pour toutes ces raisons, on voit bien que le droit à compensation met le doigt sur ce qui est le complément permettant aux personnes handicapées d'arriver à ce seuil de citoyenneté auquel nous aspirons tous. Car nous ne sommes pas citoyens. J'aurais plaisir à pouvoir vous dire que nous le sommes, mais ce n'est pas le cas. Nous sommes citoyens, certes, selon une espèce de courbe sinusoïdale, un peu avant les élections, un peu moins après, mais nous ne le sommes pas au quotidien. Nous ne le sommes pas non plus sur la scolarité, ni sur la formation, ni sur le transport, ni sur l'accessibilité, ni sur l'emploi.

En l'occurrence, il est important de créer des outils. Ma mission, étant entendu que je ne m'occupe du handicap que depuis vingt-cinq ans, consiste à créer les outils et à faire en sorte que, à un moment donné, comme l'ont fait nos collègues du Nord de l'Europe ou nos amis nord-américains, ces outils nous amènent à ce seuil de citoyenneté qui fait que nous partageons la vie sociale et l'effort social, que nous soyons dans la vie, que nous ne parlons plus de maintien à domicile mais de vie à domicile, qu'il n'y ait plus de lieux de vie, mais de lieux à vie. Toutes ces notions participent à l'effort à la fois de solidarité et de citoyenneté.

Votre question est fondamentale dès l'instant que les COTOREP, aujourd'hui, ne répondent plus à cela. Mais elles sauront y répondre demain parce qu'il y a le guichet unique, parce qu'il y aura des préconisations, de même qu'il y aura des évaluations des besoins de la personne. Il y aura un système complémentaire. Si l'on arrivait à pouvoir laisser aux COTOREP une décision qui soit afférente aux problèmes des personnes handicapées, effectivement, je le crois, nous sortirions par le haut.

Je peux répondre à d'autres questions, bien entendu, mais je voulais faire ce point. Pardonnez-moi d'avoir été un peu long, mais cela me paraît être la seule façon de comprendre la motivation gouvernementale. Mme Martine Aubry ou Mme Dominique Gillot ont d'ailleurs soutenu cette idée du guichet unique, qui est un véritable outil.

Quant à l'aide humaine, je reviens sur un point. Lionel Jospin a annoncé, le 25 janvier, la création de 5 000 postes d'auxiliaires de vie. Aujourd'hui, ils sont au nombre de 1 864 et ce chiffre, je le précise, n'a pas varié depuis 1983. Imaginez ce que sont 1 864 postes pour un nombre croissant de personnes en situation de handicap. Créer 5 000 postes en tout, cela induit plusieurs choses. Tout d'abord, cela nécessite de définir les missions des auxiliaires de vie, mais aussi de définir les formations, les grilles de salaires et, in fine (et ce sera votre rôle), le statut.

J'en terminerai là-dessus pour vous dire quelle est la réflexion qui nous a amenés à créer ces outils précisément pour répondre à ce qu'a été la faiblesse des COTOREP avec des traitements variables où, selon les départements, on peut mettre quelques semaines ou plusieurs mois.

M. Augustin Bonrepaux, Président : Je vous remercie de votre réponse. Elle ne m'a pas paru tellement longue parce qu'elle était très intéressante et très constructive.

M. Francis Hammel, Rapporteur pour avis : M. Segal, vous avez parfaitement bien planté le décor.

Dans un premier temps, je voudrais dire que je suis d'accord sur pratiquement l'essentiel des points que vous venez d'évoquer. S'agissant du nombre de handicapés en France, je pense que nous sommes plus près des 5,5 millions, voire 6 millions de personnes, plutôt que des 3 millions.

Je vous rejoins aussi pour dire qu'un amalgame a été fait entre handicap et exclusion. Selon moi, on peut être handicapé et non exclus. On peut être exclus et non handicapé, mais être handicapé et exclus. Il convient de bien distinguer les différentes situations. Cet amalgame, il est vrai, a participé à l'engorgement et à la déstabilisation des COTOREP.

Troisièmement, sur la réévaluation de l'ACTP, une action est à entreprendre et j'ai bien l'intention de proposer, dans le cadre du projet de modernisation sociale, un amendement pour que cette réévaluation soit faite.

En revanche, une chose me choque et me dérange quelque peu : le terme d'« inclusion ». J'en ai une vision un peu péjorative et un peu mathématique. C'est pourquoi je préfère le mot « intégration » à celui d'« inclusion ».

J'en viens à ma question. Pouvez-vous nous parler de la vision qu'a le Gouvernement sur la réforme ou sur la modernisation, voire la disparition des COTOREP ? Cela pour recadrer le sujet qui nous préoccupe et nous intéresse.

M. Patrick Segal : Je ne reviendrai pas sur un débat qui serait essentiellement sémantique. Pour information, sachez qu'une commission se crée. Nous avons plusieurs sessions d'ici la fin juillet sur la sémantique. Sur ces problèmes de sémantique à proprement parler, je n'ai pas inventé le mot « inclusion », il est la traduction de « mainstreaming », il est le mot qui prévaut dans l'ensemble de la Communauté européenne. Dès lors que l'Europe se fait, il faudra bien s'adapter. En tout cas, le mot d'inclusion ne vient pas de moi.

Vos propos me ravissent, mais ils ne me surprennent pas. Dans la mesure où vous siégez au CNCPH, je ne suis pas étonné que vous vouliez réévaluer l'ACTP. Juste un point sur ce sujet. Il faut arrêter de la mettre en opposition avec l'emploi. Aujourd'hui, AAH plus ACTP et emploi ne vont pas de pair. Quand vous avez un emploi, vous perdez l'ACTP. Comme si l'ACTP était compensatrice d'une perte d'emploi. Là encore, problème de sémantique : l'ACTP n'est pas là pour compenser une perte d'emploi ; c'est une aide financière pour payer quelqu'un qui vous aide à entrer sur le marché du travail.

Reprécisez-moi la question pour éviter d'être trop long.

M. Francis Hammel, Rapporteur pour avis : Quelle est la vision du Gouvernement ?

M. Patrick Segal : Sur la disparition des COTOREP ?

M. Francis Hammel, Rapporteur pour avis : Modernisation, voire disparition ?

M. Patrick Segal : Je préfère le mot modernisation. À mon sens, de ce que j'en sais de la part du cabinet de Dominique Gillot avec qui je travaille quotidiennement, il n'est pas prévu de faire disparaître les COTOREP. La création du guichet unique et la commission médico-technique ne feront en rien disparaître les COTOREP. Cela va alléger. Cela va permettre à ces guichets et à ces commissions médico-techniques de préconiser les aides techniques, les aides humaines, l'aménagement du logement, participant ainsi à la qualité de vie des personnes handicapées. En rien on ne va diminuer les COTOREP, qui ont deux vocations : évaluer le taux de handicap et orienter d'un point de vue professionnel.

Quant à la modernisation, thème du rapport Fonrojet, c'est précisément de définir le contenu de la COTOREP. Le contenu de la COTOREP devra ressembler à celui de la commission médico-technique, à savoir qu'elle devra être constituée de personnes qualifiées en matière de handicap. Je ne pense pas faire de peine aux professionnels médicaux, étant moi-même issu de ce milieu, en disant que 91 % des médecins n'ont pas de formation quant au handicap.

Aussi, dans le cadre des COTOREP, ne soyons pas surpris si les orientations ne correspondent pas aux besoins du handicapé. Je ne fais offense à personne, ici, en disant que lorsqu'on n'a pas de connaissances particulières en ORL, il est particulièrement difficile de préconiser une orientation de qualité pour un sourd profond. Quid de la démonstration ? Dans un certain nombre de centres d'aide par le travail, on retrouve amalgamés des sourds avec des déficients intellectuels. Pourquoi ? Parce que le sourd qui souffre d'un déficit de communication a été incapable d'être appréhendé pour ses capacités et ses ressources. Or, la seule chose qui m'intéresse, pour ma part, c'est la ressource de la personne handicapée. Le volet de l'incapacité, je laisse cela aux personnes qui, dans le sérail médical, ont été chargées de la prise en charge.

Il apparaît clairement que cet outil est mal fait. Il y a à cela plusieurs raisons.

D'abord, le personnel n'est pas qualifié pour ce faire. Il n'est pas déshonorant de le dire. On ne peut pas, quand on est médecin généraliste, avoir une connaissance extrêmement large de toutes les spécialités, sauf à imaginer un cursus universitaire différent. C'est, là aussi, une réflexion gouvernementale. Ne faut-il pas, à un moment donné, introduire dans les formations universitaires, des notions afférentes au handicap ? Cela vaut pour des médecins, des architectes ou autres, en tout cas pour toutes personnes qui, à un moment donné, seront en prise directe avec les problèmes de qualité de vie. C'est une réflexion que le Gouvernement non seulement envisage, mais, je présume, à laquelle il réfléchit. Pour avoir été le rédacteur en amont du rapport Handiscol sur l'intégration scolaire, pour être aujourd'hui au c_ur du débat sur l'évolution de l'inclusion des personnes handicapées, je crois qu'il convient aussi de se poser la question sur les formations en amont.

Deuxièmement, 270 millions de francs de financement des COTOREP, c'est peu. C'est très peu pour traiter les dossiers. 1 200 agents, ce n'est pas beaucoup, notamment si vous intégrez le fait qu'il y a parmi eux des personnes pas forcément très compétentes.

Ensuite, selon les départements, les vitesses de réponse sont extrêmement variables. En effet, on va parfois jusqu'à cinq ou six mois d'attente. Je ne veux pas, ici, jeter l'anathème sur qui que ce soit, mais certains médecins COTOREP, après la retraite, utilisent cette activité secondaire. Nous avons un cas dans un département, que je ne nommerai pas, qui a plus de 80 ans. Je ne suis pas hostile au fait que des personnes, à la frontière du quatrième âge, s'impliquent dans des actions sociales. J'espère pouvoir, moi aussi, poursuivre mon activité d'aide humanitaire au-delà de 70 ans. Mais quand même, pour être au fait de ce qu'est la société, la vie et l'orientation, il faut peut-être aussi être plus « inclus » dans une activité.

On voit bien que ces COTOREP sont des outils anciens, dépassés, mal composés, mal financés. En termes de gestion, de mémoire, le budget de fonctionnement est très faible. Les frais de gestion sont aux alentours de 0,8 %, pour 5 ou 6 % dans les caisses d'assurance maladie pour traiter des dossiers similaires.

Il est évident que, dans le temps, on n'a pas pris la mesure de ce qu'était ce passage obligé pour la personne handicapée qui lui donnait à la fois son identité, sa vitesse de croisière et son orientation. Or, nombre d'orientations ont été en partie ratées du fait d'une composition mal adaptée.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Vous proposez le guichet unique en disant que cinq départements l'ont mis en place. Vous expliquez, raisonnement que nous comprenons fort bien, que l'une des raisons du mauvais fonctionnement des COTOREP, c'est justement ce mélange des dossiers et la prise en compte des handicapés sociaux. Quelle est la procédure avec le guichet unique ? Les handicapés sociaux, dans votre proposition, à quel niveau sont-ils traités ?

M. Patrick Segal : En ce qui concerne les handicapés sociaux sur le guichet unique, ils n'y entrent plus, dans la mesure où l'on est sur du droit à compensation. Autrement dit, c'est de l'aide technique. Le paraplégique a besoin d'un fauteuil roulant, c'est une aide technique. Un sourd a besoin d'une aide auditive, c'est une aide technique. Sur l'aide humaine, c'est le problème de l'auxiliaire de vie et de toutes les aides qui entrent dans ce champ particulier. C'est très complémentaire et c'est pourquoi ce n'est en rien contradictoire avec l'existence des COTOREP.

Autre analyse du mauvais fonctionnement des COTOREP : le lien avec les CDES est quasi inexistant. Selon les départements, certaines CDES transmettent les informations sur l'amont de l'adulte handicapé. Il y a une césure entre CDES et COTOREP. Elle peut être souhaitée à partir du moment où l'on tourne la page de l'enfance et de l'adolescence handicapées, où la personne devient adulte et on repart à zéro. Mais quelque part, c'est nier tout le travail qui a été fait en amont par les éducateurs, par les équipes pédagogiques et médicales qui, tous, se sont penchés sur la vie de l'enfant handicapé.

À mon sens, on devrait avoir un rapprochement entre CDES et COTOREP, comme cela se fait de manière non réglementaire, qui redonnerait du sens au parcours de vie. À partir du moment où l'on naît avec un handicap, on a l'ambition de devenir aussi un adulte et, par conséquent, il importe que l'on puisse bénéficier de tout ce qui a été fait en amont par les personnes qui vous ont accompagné.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Donc, M. Segal, vous souhaitez que l'exclusion sociale et le handicap physique soient totalement disjoints ?

M. Patrick Segal : Personnellement, j'y suis assez favorable. Cela ne veut pas dire que je ne considère pas que la personne qui est chômeur de longue durée, et on le voit aussi chez le handicapé, soit dans un état de stress qui, à un moment, la rapproche d'un monde médical et d'un traitement médical de prise en charge. Mais sur le fonctionnement et sur l'analyse pour faire une préconisation, je suis favorable à la séparation.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Premièrement, vous souhaitez que l'on modernise les COTOREP et, notamment, que l'on traite ce point. Deuxièmement, vous préconisez que l'équipe technique de la COTOREP soit véritablement une équipe technique, y compris au plan médical.

M. Patrick Segal : Tout à fait. Vous posez là le problème des vacations. Les vacations à hauteur de 104 francs pour un médecin généraliste et de 127 francs pour un spécialiste, la réponse est incluse dans la question : cela n'attire pas les foules.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Les médecins des COTOREP jugent sur des dossiers, des dossiers médicaux qui souvent sont réalisés par des spécialistes, que ce soit pour les yeux, les oreilles et autres handicaps, donc ils jugent sur ces dossiers. Vous, pour votre part, vous estimez que le rôle du médecin coordonnateur et de l'équipe technique consiste à traiter le handicapé dans sa globalité : il y a, d'une part, la reconnaissance du handicap et, d'autre part, toutes les mesures qu'implique la reconnaissance de ce handicap.

M. Patrick Segal : Je vois que vous avez parfaitement compris le sens de mes propos. J'ajouterai que sur les commissions médico-techniques du guichet unique, nous avons recommandé que la personne soit vue par la commission médico-technique, afin que nous ne jugions pas un dossier. Car vous le savez, et je m'adresse à ceux qui sont médecins dans cette salle, il existe une disparité immense entre deux paraplégies, deux myopathies, deux types de surdité. Comme je le dis toujours dans les débats publics, c'est ce qui nous aurait amenés à traiter Toulouse-Lautrec et Beethoven par les COTOREP et les envoyer en CAT.

Cela revient à dire que l'on n'appréhende pas la richesse, la ressource de la personne. Or, ce qui importe surtout, quand on est professionnel, c'est la ressource et la potentialité de la personne. C'est ce qui peut nous permettre l'orientation. Si vous ne rencontrez pas la personne et que vous traitez son cas sur dossier, surtout si les dossiers s'empilent et qu'il faut faire de l'abattage parce qu'il y a à la fois trop de demandes et pas suffisamment de gens qualifiés pour les analyser, le résultat, in fine, n'est pas exceptionnel.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Les personnes atteintes de certaines maladies très invalidantes relèvent-elles, selon vous, de la COTOREP ?

M. Patrick Segal : Vous avez prononcé le mot. Dès l'instant où elles sont invalidantes, cela veut dire qu'elles participent à une perte de degré de liberté. Auquel cas, elles entrent dans le champ de la COTOREP et du handicap, à savoir qu'il faut traiter à la fois les problèmes de l'aide technique et de l'aide humaine. Je rappellerai toutefois que, aujourd'hui, nous sommes encore dans un débat très sémantique et philosophique de fond sur la classification internationale du handicap. Nous sommes encore sur la CIH 1 et nous sommes en train de réfléchir sur une CIH 2 qui ferait entrer d'autres critères évaluant ce qu'est le handicap où l'on ferait disparaître, peut-être, certaines notions.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Sans doute n'ai-je pas été suffisamment précis quant aux maladies invalidantes, excusez-moi. Je pensais au cancer, au sida, à certaines maladies de dos (sciatique et autres). Dès lors que des citoyens se trouvent dans ce cas-là, ceux-ci doivent-ils relever de la COTOREP ou pas ?

M. Patrick Segal : Totalement. Un cancer, le sida, ou un problème de lombalgie aiguë liée à un accident du travail ou à une fatigabilité particulière relèvent totalement du monde du handicap, puisque cela se traduit par une perte de liberté, un perte de moyens qui peut être compensée par une aide technique, une aide humaine, une allocation, tout ce qui peut remettre les gens à niveau.

Donc, bien entendu, les personnes atteintes de ces maladies entrent dans le champ du handicap. On voit bien, au travers de toutes ces définitions et de cette analyse qu'on ne se situe pas du tout dans la même problématique que si l'on s'adressait à quelqu'un qui est en perte d'emploi et qui, suite à cela, se sent stressé, dévalorisé, mis en marge de la société. Cela participe d'un autre traitement et, a fortiori, les réponses ne sont pas les mêmes.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : La perte d'emploi engendre le stress, certes, mais cela peut aller jusqu'à des pathologies du comportement, voire des troubles psychiatriques. Auquel cas, est-ce que cela relève de la COTOREP ?

M. Patrick Segal : Dès l'instant que la perte d'emploi engendre un déséquilibre chez la personne, cela la conduit vers une structure aussi spécialisée que le monde de la psychiatrie. On peut imaginer que cette personne a besoin d'un soutien médical, voire un soutien dans son quotidien et aussi un accompagnement. Étant entendu que l'accompagnement peut participer dans le volet aide humaine sur le volet droit à compensation. Mais je n'ai pas l'impression que sur l'ensemble des chômeurs de longue durée que l'on a fait entrer dans la catégorie des handicapés sociaux, ceux-ci relèvent d'un traitement psychiatrique.

M. Jérôme Cahuzac : La généralisation des guichets uniques va, me semble-t-il, poser le problème de la contestation des décisions qui seront prises. Dans l'organisation actuelle, il y a des procédures d'appel. Comment envisagez-vous ladite procédure lorsque nous assisterons à une généralisation ou quasi-généralisation du guichet unique ?

M. Patrick Segal : On va se retrouver dans la même situation, c'est-à-dire que des commissions traiteront sur l'appel et elles pourront effectivement trancher. Actuellement, après trois ans d'expérience, l'opération a été totalement convaincante. Je précise qu'il y a eu assez peu de procédures d'appel. Il faut savoir que le guichet unique permet aux gens, sur la manne donnée par l'État et par les vingt financeurs, de pouvoir abonder le fonds qui répond à la demande de la personne. On ne se situe pas du tout sur la revendication COTOREP, notamment sur l'analyse du taux d'incapacité. En général, c'est ainsi que cela se passe. C'est dû au fait que les gens n'ont pas été reconnus avec un taux correspondant soit à la réalité et à la matérialité du handicap, soit à ce que les gens en attendent pour bénéficier d'une allocation. Nous ne sommes pas du tout dans la même problématique.

Je le vois régulièrement, car nous sommes destinataires de nombre de dossiers. Nous avons, en effet, des personnes à qui il a été attribué un taux d'invalidité de 79 %. C'est un peu de la provocation. Nous sommes à 1 % de ce qui les fait basculer vers un mode allocataire de qualité.

Pour le guichet unique, nous ne sommes pas du tout dans la problématique de la contestation dans la mesure où il n'y a pas d'évaluation d'un taux d'incapacité (ce qui est fait par les COTOREP). Effectivement, les personnes pourraient indiquer qu'elles mériteraient d'avoir une ACTP plus prolongée, ou des aides techniques de qualité. Mais, là encore, un système de recours sera mis en place, comme c'était le cas pour les COTOREP. Je ne pense pas que nous soyons dans un débat aussi rude que celui que nous avons en COTOREP dans le cadre des recours.

M. Jérôme Cahuzac : Si je comprends bien, la pression du guichet unique ne modifie en rien l'appréciation du handicap, qui restera faite selon les procédures classiques que nous connaissons et critiquons à l'occasion ?

M. Patrick Segal : Totalement. Cela n'influera en rien sur les décisions des COTOREP. On peut dire cependant que l'existence du guichet unique va donner encore plus de sens à la définition du handicap et à son orientation faite par les COTOREP. En clair, ce sont deux structures qui vont marcher de pair. Si l'Etat a accepté le principe de mettre tous les guichets uniques à l'horizon 2003, c'est qu'il a parfaitement compris qu'il s'agissait d'une structure totalement nécessaire.

Celle-ci sera renforcée, vous le savez, dès lors qu'un arrêté est à la signature, par la création du Conseil consultatif départemental qui est une émanation du Conseil consultatif national où siège M. Hammel, qui permettra aussi aux personnes handicapées, dans leur département, de pouvoir interpeller toutes les administrations sous l'autorité du préfet. Toutes ces structures mises côte à côte, et j'ai eu le plaisir de les imaginer il y a quelques années de cela, donneront du sens au rôle que nous avons à jouer vis-à-vis des handicapés et donneront aux handicapés le sentiment qu'ils sont des personnes citoyennes.

M. Augustin Bonrepaux, Président : Il me reste à vous remercier, Messieurs les Rapporteurs, ainsi que vous, M. Segal, pour votre brillante et passionnante intervention.

Laisser cette page blanche sans numérotation.

8.- Audition de :

M. Jean-Marc Boulanger, délégué adjoint à l'emploi et à la formation professionnelle, Mme Claire Descreux, chef de la mission « Emploi des personnes handicapées » et M. Jacques Cochard, chargé de mission, mission « Emploi des personnes handicapées » (Ministère de l'emploi et de la solidarité, Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, DGEFP) ;

M. Yves Buey, sous-directeur des finances, de la logistique et de l'informatique, Mme Christine Abrossimov, adjoint au sous-directeur, et Mme Marie-Claude Égéa, adjoint au chef du bureau de la sous-direction des ressources humaines (Ministère de l'emploi et de la solidarité, Direction de l'administration générale et la modernisation des services, DAGEMO).

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 15 juin 2000)

Présidence de M. Jean-Pierre Delalande, Président

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Nous avons le plaisir d'accueillir dans notre mission d'évaluation et de contrôle des représentants de la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle et de la Direction de l'administration générale, de la modernisation des services (DAGEMO).

Je vous rappelle les usages de nos travaux. Il n'y a pas d'exposé introductif. Nous passons immédiatement aux questions de notre Rapporteur spécial, le cas échéant de notre Rapporteur général et des membres de la mission.

Nous avons déjà procédé à un grand nombre d'auditions. On commence donc à mieux cerner notre sujet, étant entendu que nous en avions déjà, pour la plupart d'entre nous, pour ne pas dire la quasi-totalité, une sérieuse connaissance de par notre terrain, de ce qui revient dans nos propres COTOREP.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Quelles sont la part et la nature des dépenses de fonctionnement des COTOREP prises en charge par le budget de l'emploi ? Comment appréciez-vous les moyens matériels (locaux, systèmes d'information) dont disposent les COTOREP et comment résoudre les problèmes soulevés, notamment par l'archivage des dossiers ? L'offre de formation et d'emploi est-elle suffisamment connue par la COTOREP ou par l'équipe technique et comment améliorer les informations dont disposent les COTOREP ? Enfin, dans quelle mesure le suivi des stages, des formations et des orientations est-il assuré et ce suivi peut-il être amélioré ?

M. Jean-Marc Boulanger : La DAGEMO est évidemment mieux placée pour répondre sur la question des moyens puisque c'est elle qui a la compétence budgétaire. Je préfère qu'elle vous réponde sur ce point. Je prendrai les dernières questions que vous avez abordées sur l'offre et sur le suivi.

M. Yves Buey : Pour ce qui concerne d'abord votre première question, la part des coûts de fonctionnement pris en charge par le secteur emploi, il faut tout d'abord rappeler que le secteur emploi assure le fonctionnement des COTOREP, et notamment la dépense immobilière et la dépense générale de fonctionnement. Il n'y a pas aujourd'hui d'individualisation budgétaire des COTOREP au sein de la section emploi. Les chiffres que je vais vous communiquer résultent d'enquêtes et d'estimations du coût des COTOREP.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Comment se fait-il qu'il n'y ait pas d'individualisation ?

M. Yves Buey : Il s'agit, Monsieur le Président, d'une problématique d'individualisation budgétaire. La nomenclature budgétaire du secteur emploi est organisée par nature de dépenses. Nous retrouvons donc un chapitre de dépenses de fonctionnement des services déconcentrés, qui est le chapitre 37-61, section emploi, sur lequel les articles et paragraphes recouvrent des natures de dépenses, c'est-à-dire par exemple de la téléphonie, du fonctionnement courant, des loyers, des charges, etc. D'ailleurs, en général, la nomenclature budgétaire de l'État procède d'un découpage par nature de dépenses plutôt que par fonction ou par service. Néanmoins, cette question d'individualisation des dépenses des COTOREP est posée et suppose de progresser dans le système d'information.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Vous nous avez donné l'information. On va en tirer les conséquences.

M. Yves Buey : Sous l'impulsion de la mission présidée par M. Fonrojet, nous avons mené des enquêtes et estimé ces dépenses de fonctionnement, que nous évaluons à 41 millions de francs s'agissant du fonctionnement, hors frais de déplacement qui relèvent d'une spécificité un peu à part. S'ajoutent des dépenses d'investissement immobilier que l'on évalue à 6,5 millions de francs par an, sachant que s'agissant de la dépense immobilière, les COTOREP étant situées au sein des directions départementales, elles font partie intégrante d'un projet de relogement immobilier.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Il n'y a pas de comptabilité analytique dans les directions ?

M. Yves Buey : Les dépenses de fonctionnement sont suivies par nature dans le cadre de la comptabilité budgétaire de l'État et il n'y a pas aujourd'hui, en effet, de comptabilité analytique qui permette d'apprécier ce type de dépenses par fonction. Au demeurant, c'est une problématique qui n'est pas complètement évidente puisque, par exemple, la COTOREP, quand elle est logée dans une direction départementale, peut émarger sur un loyer. Dans un bail, on n'identifie pas la COTOREP en tant que telle dans le loyer, d'autant qu'il y a des services communs avec d'autres structures (accueil par exemple). Et si tant est qu'il y ait une comptabilité analytique, il resterait quand même des sujets d'estimation de la dépense.

Par ailleurs, les dépenses de rémunération sont évaluées au total, pour les deux secteurs, emploi et solidarité, à 229 millions de francs pour 1 023 équivalents temps plein, sachant qu'il y a, dans ces 1 023 équivalents temps pleins, des personnels mis à disposition par le secteur solidarité du ministère et des personnels qui sont portés sur la section budgétaire emploi (année 1999). Les personnels portés sur la section budgétaire emploi sont au nombre de 450 personnes.

À cela, s'ajoutent des dépenses de vacations (il s'agit des vacations de médecins COTOREP) qui, en exécution 1999, sont de 11 250 000 francs. Elles ont été revalorisées dans le cadre de la loi de finance 2000. Et les crédits délégués à ce titre en 2000 s'élèvent à 15,7 millions de francs.

Voilà pour ce qui concerne le fonctionnement des COTOREP.

S'agissant de votre question relative aux locaux, il faut rappeler que 50 % des COTOREP ont fait l'objet d'un relogement dans les dix dernières années et que le secteur emploi du ministère est engagé, depuis dix ans, dans un programme très important de relogement de ses services, qui fait notamment suite à la fusion de la partie formation professionnelle et de la partie emploi. Au-delà de ces 50 % de COTOREP relogées, un programme est envisagé pour les années à venir qui porte aujourd'hui sur trente-et-une opérations concernant plus généralement des directions départementales ou plus particulièrement des COTOREP. Elles sont planifiées. Nous sommes donc engagés dans un programme de relogement et d'amélioration de la situation des COTOREP en terme de locaux.

Outre les locaux, la problématique de l'archivage est forte puisque le fonctionnement des COTOREP donne lieu à des archives importantes. Des questions d'accessibilité à ces archives se posent d'ailleurs. Il y a deux solutions possibles par rapport à ces archives : soit une solution mécanique avec des systèmes d'archivage mécanique, mais qui pose des problèmes, par exemple, de poids par rapport à une surface occupée au sol. Elle n'est donc pas possible dans toutes les implantations.

C'est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés dans un programme de constitution de gestion électronique de documents. À ce titre, 2,5 millions de francs ont été ouverts en loi de finances 2000, et 4 millions de francs sont demandés dans le projet de loi de finances pour 2001. Ces ouvertures de crédits porteraient à 6,5 millions de francs les moyens du secteur emploi sur cette gestion électronique de documents.

Nous considérons que c'est tout à fait porteur d'avenir. Des expérimentations ont eu lieu dans cinq COTOREP et s'avèrent plutôt concluantes. Même si les technologies en cause ne sont pas encore d'une maturité totale, nous considérons qu'il faut continuer. Ces technologies sont de nature à améliorer très significativement l'accessibilité aux archives et accessoirement la problématique de taille de ces archives qui est évidemment tout à fait importante.

Un système d'information sous maîtrise d'_uvre de la DAGEMO a été mis en place dans les COTOREP ces dernières années. Environ 125 millions de francs ont été consacrés au système d'information des COTOREP entre 1985 et 1999. C'est donc un effort tout à fait important qui a été fait.

Ce système d'information a aujourd'hui des limites puisqu'il est d'une technologie ancienne. À l'occasion du passage à l'an 2000, nous l'avons rénové dans ses fondements d'architecture et porté sur de nouvelles machines. Toutes les conditions ont été mises en _uvre pour que ce système d'information puisse continuer à fonctionner, sachant qu'il est limité aujourd'hui à la fonction secrétariat des COTOREP.

Sous l'égide de la mission de M. Fonrojet, une réflexion est en cours sur le système d'information. Deux problématiques se posent : d'une part, une problématique de périmètre du système d'information, c'est-à-dire d'aller au-delà du simple secrétariat des COTOREP et, par exemple, suivre des données épidémiologiques, voire associer d'autres organismes comme la CNAM ou la MSA dans la constitution du système d'information ; d'autre part - autre problématique -, en améliorer l'ergonomie du système qui commence aujourd'hui à dater. Un crédit de 800 000 francs a été inscrit à ce titre dans la loi de finances pour 2000 (section emploi) pour assurer l'étude préalable du système d'information. Ils sont inscrits sur la section emploi.

M. Jean-Marc Boulanger : Vous posiez la question de savoir si l'offre de formation et d'emploi était suffisamment connue de la COTOREP et comment améliorer cette connaissance.

L'offre de formation dédiée aux handicapés est connue, mais l'offre de formation de droit commun et l'offre d'emploi en général ne le sont pas. Il faut qu'on se resitue, à ce moment-là, sur la fonction de la COTOREP. Au fond, que fait-elle ? Elle reconnaît une situation et elle valide une orientation. En conséquence, elle attribue ou elle concède des moyens qui vont permettre de répondre aux exigences de la situation, et de réaliser, le cas échéant, le parcours qui répond à l'orientation.

Le système d'orientation, tel qu'il a été mis en place il y a pas mal d'années maintenant dans les COTOREP, n'a pas pris acte d'un certain nombre de progrès qui ont été réalisés pour le public de droit commun, si j'ose dire, notamment la démarche engagée depuis maintenant quelques années au travers des plans nationaux d'action pour l'emploi, du service personnalisé pour un nouveau départ vers l'emploi et du service intégré d'appui au projet professionnel rendu par le service public de l'emploi.

L'idée du service intégré ANPE-AFPA, c'est que la fonction première du service qu'on rend à un demandeur d'emploi lorsqu'il en a besoin (il n'en a quelquefois pas besoin), c'est de l'appuyer dans la définition de son projet professionnel. On l'aide ensuite à le réaliser. Lorsque ce projet professionnel suppose la réalisation d'actions de formation et l'acquisition de qualifications complémentaires, il y a à ce moment-là à mettre au point un projet de formation qui tienne compte des acquis de la personne, qui définisse le parcours et qui détecte l'organisme susceptible de réaliser le parcours.

C'est une fonction partagée entre l'ANPE et l'AFPA en dehors et au-delà de sa propre fonction de formation, puisque c'est un service qu'elle doit rendre pour quatre fois plus de personnes à terme qu'elle n'en forme elle-même directement. C'est l'idée du service intégré d'appui au projet professionnel avec l'idée-clé que le projet de formation est consécutif et sert à la réalisation du projet professionnel. Il n'est mis en _uvre que pour autant qu'il est nécessaire à la réalisation du projet professionnel.

Or, on a un circuit un peu archaïque dans la démarche d'orientation COTOREP. Gilbert Hyvernat, lorsque vous l'avez entendu, a peut-être développé ce point. Nous avons commencé à travailler l'année dernière sur ce sujet en faisant faire une analyse dans un certain nombre de COTOREP sur les pratiques qui sont très diverses puisque les choses ont un peu dérivé depuis les origines. Et nous avons, cette année, un travail visant à définir un nouveau processus d'orientation - non pas pour normer de façon absolue mais pour caler un peu les procédures -, fondé justement sur la démarche dont l'idée est, en gros, la suivante.

Lorsque quelqu'un demande la reconnaissance de travailleur handicapé et demande une orientation, si la réponse à la reconnaissance est non, handicapé ou pas, le problème est réglé instantanément ; il n'est pas réglé pour lui s'il est demandeur d'emploi mais il est réglé pour la « fonction » COTOREP. Si la réponse est oui, il faut à ce moment-là engager un processus, non pas seulement en définissant l'orientation et en faisant la réalisation ensuite, mais en enclenchant le processus de réalisation de l'orientation, car l'orientation ou la définition et la réalisation d'un projet professionnel, ce n'est pas seulement de la décision, c'est aussi de l'action.

Et l'on va donc utiliser les processus de droit commun ANPE ou les EPSR et OIP qui remplissent, dans le champ des handicapés, en convention avec l'ANPE, la même fonction de première ligne (appui au projet professionnel) avec, comme objectif premier, le milieu ordinaire si c'est possible, le milieu protégé seulement si c'est nécessaire, et les formations en utilisant l'ensemble de la palette dédiée aux handicapés ou de la palette de droit commun lorsqu'elle est accessible.

L'une de nos vocations est d'avoir une offre qui ne soit pas limitée qualitativement et quantitativement, non plus que géographiquement, mais d'utiliser l'ensemble des ressources possibles.

Notre défaut principal est aujourd'hui d'avoir pressenti que le besoin était un besoin de formation et d'aller directement au contact de l'AFPA pour une orientation de formation. Le point-clé, c'est de commencer par l'appui à la définition du projet professionnel : on peut sans doute décaler reconnaissance, d'une part, et orientation, d'autre part, celle-ci intervenant une fois qu'on a commencé à enclencher ce processus d'appui au projet professionnel.

C'est quelque chose qui demande à être techniquement monté et qui va se fonder sur les réalisations déjà acquises maintenant et les progrès réalisés pour le public, en général, dans le service personnalisé pour un nouveau départ vers l'emploi. Nous avons commencé à y travailler l'année dernière et nous y travaillons avec l'appui d'un consultant qui va analyser les pratiques et nous faire des propositions, parce qu'il faut aussi, dans ce processus, tenir compte des exigences particulières du sujet handicapé et des compétences qu'il faut mobiliser latéralement.

Je pense à ce moment-là qu'on sera capable de ne plus avoir, l'année prochaine, une vision qui soit cantonnée aux formations dédiées aux handicapés qui sont utiles, qui sont nécessaires, mais qui ne sont pas quantitativement suffisantes. Il est clair que le problème de la qualification est l'un des problèmes qui accroît le handicap des personnes.

De cette réponse-là, découle la réponse à la deuxième question. Vous parliez du suivi des stages, des formations et des situations. À partir du moment où une liaison fonctionnelle existe entre le processus d'orientation, que je préfère appeler d'appui au projet professionnel des personnes, pour les personnes handicapées comme pour les autres, en tenant compte des spécificités de ces personnes, le processus personnalisé y compris de suivi - qui ne sera pas un suivi éternel mais un suivi de la phase de réalisation du projet - pourra se réaliser sans qu'on soit obligé de dire que c'est à la COTOREP elle-même de l'organiser. La COTOREP ne peut pas l'organiser.

Voilà la démarche dans laquelle nous sommes. Le processus est engagé depuis l'année dernière. Il veut utiliser les avancées considérables qui ont été faites en général, et je pense que nous aurons pu évoluer assez fortement sur ce point d'ici l'année prochaine.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Vous avez du travail !

Vous ne nous avez pas du tout parlé de crédits de formation pour les personnels de la COTOREP. Vous nous avez parlé des locaux, de l'archivage, des investissements... Pouvez-vous nous en parler ? Parce que c'est, pour nous, un grand sujet de préoccupation et pas seulement la formation au traitement des dossiers et à la technique mais aussi la formation à la qualité de l'accueil, qu'il soit accueil physique ou qu'il soit accueil téléphonique. Ce sont aussi des choses qui s'apprennent manifestement, en tout cas de ce qui nous revient. Pouvez-vous nous parler de cela ?

M. Yves Buey : La formation continue du ministère - puisqu'il s'agit là essentiellement de formation continue - est, comme la formation initiale, assurée par l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (INTEFP) avec, d'une part, son centre de formation dans la région de Lyon et, d'autre part, neuf centres inter-régionaux de formation situés dans les régions.

Les personnels de la COTOREP bénéficient, comme tous les personnels du ministère, de formations assurées par l'INTEFP. Pour donner un ordre de grandeur, les moyens de l'INTEFP sont de 50 millions de francs au total, formation initiale comme formation continue.

Je pourrais aujourd'hui difficilement vous donner plus d'information.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : On comprend bien votre gêne compte tenu des outils que vous avez, mais il y a à faire un travail important de clarification de tout cela pour que vous ayez les outils qui vous permettent de travailler tels qu'une comptabilité analytique pour que vous sachiez individualiser les crédits. C'est pareil pour la formation. Je comprends que ce soit difficile dans des conditions pareilles. Il me semble qu'il y a un vrai problème de fond de mise en ordre.

M. Yves Buey : Je peux vous donner des éléments sur les travaux qui sont faits sur ces sujets.

Sur les aspects comptabilité de la dépense tout d'abord, un projet interministériel est en cours avec le système ACCORD, destiné à remplacer le système actuel SYGMA au niveau de l'administration centrale, mais également au niveau des services déconcentrés avec la refonte du système NDL. L'ambition de ce système est de se doter notamment d'outils qui permettent de suivre la dépense de manière analytique.

Par ailleurs, nous engageons aujourd'hui une refonte complète du système de formation et de l'information de l'INTEFP. L'un des objectifs est de se donner des indicateurs permettant d'apprécier quantitativement et qualitativement la formation. Des travaux sont également en cours sur le système d'information des ressources humaines du ministère.

Il n'en demeure pas moins qu'il reste un sujet qui est l'individualisation des crédits des COTOREP. Les COTOREP étant aujourd'hui situées dans les directions départementales, nous disposons d'un mécanisme d'allocation de la ressource en emplois et en crédits qui repose sur des critères nationaux. Il y a des critères qui sont liés à la charge immobilière, mais il y a également des critères qui sont plus particulièrement liés aux COTOREP, puisqu'il est tenu compte, dans l'affectation des effectifs de référence, du stock de dossiers dans les COTOREP. Le système d'allocation des ressources tient donc compte de la spécificité COTOREP.

L'allocation de ressources s'effectue au niveau régional et il appartient ensuite au directeur régional, compte tenu de la situation précise de chacun des services (par exemple, il est peut être nécessaire de refaire les papiers, la peinture, etc., dans une COTOREP) de tenir compte de la situation au niveau local pour répartir ces crédits entre les différentes directions départementales. Nous nous appuyons donc très fortement sur le niveau régional, qui a une meilleure connaissance que l'administration centrale de la situation précise au niveau local.

Comme je l'ai indiqué, la refonte du système d'information comptable du ministère devrait permettre, en exécution de la dépense, de pouvoir suivre des imputations analytiques de dépenses. Se pose la question de savoir s'il ne faut pas aller plus loin et avoir une individualisation des COTOREP dans la nomenclature budgétaire et du ministère. Cela renvoie à des réflexions qui sont en cours par la mission Fonrojet. Ce problème a été explicitement posé. La mission pourra vous donner l'état de ses réflexions sur ce sujet.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Tout est en refonte. On arrive un peu tôt.

Mme Christine Abrossimov : Je souhaite apporter des compléments, non pas sur l'évaluation que nous n'avons pas au sens propre du terme, mais sur l'appréciation des moyens de fonctionnement, question posée au début de séance.

Ce qui a été présenté globalement, ce sont les chiffres d'exécution 1999 et les perspectives 2000 et 2001. Ces moyens de fonctionnement au bénéfice des services déconcentrés sont en augmentation d'environ 5 % sur les trois dernières années, et les COTOREP, qui font partie intégrante des services déconcentrés, bénéficient d'allocations en moyenne aussi bonnes que le reste des sites déconcentrés.

Pour vous donner un chiffre d'appréciation sur l'aspect immobilier, la moitié de nos sites ont été relogés dans les dix dernières années. Lorsqu'il s'agit des COTOREP, nous avons plusieurs batteries de critères à observer, mais un des critères majeurs, qui est vraiment mis en priorité et qui tient toujours, c'est celui de l'accessibilité du public sur ces sites. C'est un critère qui a toujours pu être observé.

M. Jean-Marc Boulanger : Sur la question de l'accueil et sur le travail qu'il y a à faire, on ne peut pas y arriver si on veut faire de la COTOREP la préfecture des handicapés et, des services qui s'en occupent, le ministère de l'intérieur des handicapés, c'est-à-dire tout faire traiter par la COTOREP. Il est clair que le secrétariat de la COTOREP doit faire ce qu'il doit faire. Il doit mobiliser des services spécifiques ou de droit commun dont la fonction va être d'accompagner.

On n'y arrivera pas mieux ni plus mal que pour les autres personnes à partir du moment où l'orientation est à la fois un processus qui débouche sur une décision mais surtout un processus de réalisation et qu'un service et une personne sont identifiés pour faire cela et je pense qu'on progressera. On pourra surtout améliorer l'accueil des COTOREP en ne leur faisant pas tout faire et, par conséquent, en identifiant bien leur travail de renseignement administratif et d'explication quant aux structures, à l'état du dossier, où on en est, les étapes, etc. On pourra le faire à ce moment-là, sinon c'est un travail trop considérable.

Mais ce que vous avez dit sur la nécessité, y compris techniquement, de savoir expliquer et de savoir communiquer est un vrai sujet, et il est convenu dans nos travaux communs avec la mission Fonrojet - DAS, DGEFP, DAGEMO, l'ensemble des services concernés des deux branches du ministère concernées par la question des handicapés -, que ce sujet de l'accueil est un sujet sur lequel il va falloir travailler, y compris sur les aspects que vous identifiiez, mais on n'y réussira que si on n'imagine pas que le secrétariat de la COTOREP est à la fois celui qui oriente - et pourquoi pas qui place -, qui fait l'ensemble du travail, y compris individuel. On ne peut pas y arriver.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : C'est une vraie difficulté parce que je crois que dans l'esprit des personnes concernées, ce sont les COTOREP qui font. C'est plus simple pour elles d'avoir un lieu unique et elles auront toujours du mal - c'est une donnée qu'il faut prendre en compte - à faire les distinguos que vous souhaitez dans le souci d'une meilleure administration interne. C'est une donnée qu'il faut vraiment que nous prenions en compte.

M. Jean-Marc Boulanger : C'est certain. Il faut donc que la COTOREP puisse savoir quel est l'interlocuteur avec lequel elle va traiter.

À propos de la fonction d'appui au projet professionnel de première ligne, je parlais de l'Agence pour l'emploi mais il existe, en fait, deux réseaux associés : le réseau des jeunes - je n'en parle pas, même s'il peut concerner un certain nombre de handicapés - et le réseau Cap Emploi, des EPSR et des OIP.

Si les choses sont longues, c'est parce qu'une série de choses à mener en parallèle sont en interférence. S'agissant par exemple des EPSR et des OIP, nous avons fortement renforcé, depuis deux à trois ans, la communauté de travail entre le ministère et l'AGEFIPH, par exemple pour organiser la convergence des interventions. Mais j'en reviens immédiatement aux EPSR et aux OIP pour dire qu'une des difficultés est évidemment que c'est un réseau divers, un réseau souvent associatif et donc indépendant mais financé. Il faut combiner la richesse des structures associatives qui ont donc une vocation dans ce domaine au sens propre et, en même temps, un certain ordre, une certaine convergence, un travail de balayage systématique et un travail commun et de convergence avec les actions entreprises.

Le réseau des EPSR et des OIP devient aujourd'hui véritablement un réseau. Nous nous mettons en état avec l'AGEFIPH, dans un pilotage stratégique, de lui donner des objectifs et des orientations clés. Je vous en donne simplement une : dans la convention d'objectifs que nous avons passée avec l'AGEFIPH, un des objectifs est de diminuer de 10 % la part des entreprises assujetties à l'emploi de handicapés qui n'en ont pas du tout, considérant que le premier travailleur handicapé embauché est, non pas celui qui coûte, mais le plus déterminant. C'est un petit exemple. Il y en a d'autres plus significatifs sur la formation.

C'est l'AGEFIPH qui est en première ligne dans la conduite de ce réseau en association, au plan déconcentré, avec les directeurs départementaux et régionaux pour qu'il y ait une homogénéité des démarches « nouveau départ » en direction de l'ensemble du public et en direction des handicapés, et au plan central avec la DGEFP.

Si on réussit à faire (je ne sais pas qui sera en première ligne dans le processus d'orientation que j'évoquais tout à l'heure) une répartition entre ANPE, EPSR ou OIP, je pense qu'on devra pouvoir trouver un référent, tout en faisant en sorte que la COTOREP soit l'interlocuteur parce que la personne s'intéresse à savoir où est son dossier... Il faut notamment, quand cela ne va pas, qu'elle puisse s'adresser quelque part. C'est le point d'entrée. Mais il ne faut pas que ce point d'entrée soit seul, c'est-à-dire qu'il faut une espèce de fenêtre sans immeuble derrière. L'immeuble, c'est l'usage de l'ensemble des moyens qui existent. Sinon, un acteur seul ne peut tout faire.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : En entendant M. Boulanger, je me pose un certain nombre de questions. Selon vous, il est évident que la COTOREP ne peut pas traiter de façon autonome et indépendante tous les problèmes liés aux handicapées concernant la formation, l'orientation, le suivi, etc., mais qu'on essaie aujourd'hui de mettre partout en place des guichets uniques.

Nous pensons qu'il doit exister un seul interlocuteur pour le handicapé, c'est-à-dire que ce soit vous, les COTOREP.

Que les COTOREP mobilisent après tous les autres services et qu'on utilise l'ANPE, l'AGEFIPH, l'AFPA..., c'est évident, encore qu'il s'agit de savoir si les autres services accepteront que vous leur demandiez d'agir de telle ou telle façon. Mais il faut que le handicapé, lui, ait une espèce de guichet unique. Et il faut qu'il puisse s'adresser à un guichet unique concernant, ensuite, la reconnaissance du handicap et son orientation à partir du moment où il est retenu, soit dans le cadre du droit commun, soit dans un cadre tout à fait spécifique.

Travailler ensemble est une chose mais on arrive aussi à beaucoup de difficultés si on se renvoie les responsabilités.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Ce qu'exprime M. Forgues, c'est qu'on entre, derrière l'idée de guichet unique, dans un système de relations personnelles avec des gens qu'on connaît, et qu'on n'a pas affaire à une administration impersonnelle qui vous renvoie parce qu'elle est débordée. Il n'y a pas de semaine sans que nous n'ayons des exemples du style « je n'ai pas que vous à gérer ». Les gens sont absolument ulcérés. Que font-ils ? Ils vont voir leur député. Nous sommes donc très au courant. C'est de la qualité humaine qui est indispensable dans tout cela.

M. Jean-Marc Boulanger : Justement, vous avez raison, mais je ne pense pas que la notion de guichet unique doive être comprise de façon large. Le point d'entrée de quelqu'un qui pense être handicapé, qui demande à être reconnu et qui demande un appui à l'orientation, est bien celui de la COTOREP.

À partir du moment où le processus d'orientation s'engage pour le conduire à l'emploi, il faut qu'il ait un référent professionnel unique, pas pour l'ensemble des handicapés mais pour lui, qu'il s'appelle Dupont ou Durand, parce que la personne handicapée, au-delà de son handicap, est une personne et comme pour les demandeurs d'emploi, qui bénéficient d'un accompagnement, il faut qu'elle puisse bénéficier, au moins pendant un certain temps, d'un accompagnement.

C'est à ce moment-là que le secrétariat de la COTOREP, plus particulièrement une personne à l'intérieur du secrétariat de la COTOREP (cela rejoint les questions d'accueil), est nécessaire pour savoir où le dossier en est, mais dans la réalisation du projet cela ne peut pas être le cas. Si l'on imagine que le guichet unique consiste à faire traiter individuellement les questions par un seul service, on aboutit nécessairement à l'embouteillage. Je me suis placé dans l'hypothèse de l'orientation professionnelle et il y a d'autres hypothèses. Il faut ici un référent qui soit un professionnel de l'appui à la réalisation du projet, mais il faut que le travailleur handicapé puisse aussi l'identifier, et la réalisation de son projet ne relèvera pas, à ce moment-là, de la COTOREP elle-même et du secrétariat.

On peut à ce moment-là individualiser et personnaliser parce que la véritable question est bien celle-là, c'est le fait de n'être qu'un dossier qu'on évacue avec des flux à traiter et j'ai participé assez souvent à des commissions comme directeur départemental pour savoir ce qu'est ce côté « flux » qu'il faut traiter. Et quand on est face à un flux, le premier objectif est d'évacuer le flux, ce n'est pas de traiter les personnes, d'où les dérives que vous venez d'évoquer.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : On ne va pas faire comprendre cela à nos concitoyens et ils ont raison. C'est un problème de qualité dans le suivi. Il faut que la personne ait le sentiment, même si elle doit, en effet, s'adresser à un autre organisme dans son parcours, qu'elle n'est pas jetée ni abandonnée, mais qu'elle est suivie, qu'on fait preuve de considérations à son égard, qu'on prend la globalité de sa personne et qu'on ne lui demande pas de faire un parcours du combattant au cours duquel elle doit se heurter à une administration impersonnelle. C'est comme cela que les gens le ressentent. Et on est quand même là pour essayer de leur organiser les choses.

M. Jean-Marc Boulanger : La démarche de droit commun du service personnalisé pour un nouveau départ vers l'emploi vise aujourd'hui à ce type d'approche, sauf qu'on n'a pas besoin d'un accompagnement pour tout le monde parce qu'il y a beaucoup de gens très autonomes qui n'ont pas besoin qu'on leur tienne la main tout le temps. Mais il faut pouvoir justement identifier un accompagnement pendant un certain temps pour un certain nombre de personnes - et je ne parle pas ici des personnes handicapées. C'est le sens de la démarche, mais il faut qu'on l'instrumente et qu'on l'organise.

À partir du moment où on est dans un processus de reconnaissance débouchant sur une orientation, il faut qu'on s'inscrive dans une telle démarche, sinon on n'y arrivera pas.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Puisqu'il n'y a plus d'autres questions, nous vous remercions. Votre audition a été courte mais tout de même très instructive sur l'ampleur de ce qu'il y a à faire. Cela nous a confirmé un certain nombre d'éléments. Merci à vous.

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9.- Audition de :

Mme Marie-Dominique Soumet, administrateur civil, chef de projet « Mission d'appui sur le fonctionnement des COTOREP » (Ministère de l'emploi et de la solidarité, Direction de l'action sociale, DAS) ;

M. Éric Trottmann, sous-directeur, et Mme Ambroise, chargée du suivi des crédits des agrégats sociaux (Ministère de l'emploi et de la solidarité, Direction de l'administration générale, du personnel et du budget, DAGPB).

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 15 juin 2000)

Présidence de M. Jean-Pierre Delalande, Président

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Le directeur de l'administration générale et du personnel n'est pas présent.

M. Éric Trottmann : Je le représente.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Je suis obligé de vous dire que nous avons été désagréablement impressionnés du fait qu'il nous ait été rapporté que la direction considérait qu'il n'y avait pas grand chose à dire et qu'elle ne voyait pas l'intérêt de venir.

L'usage est qu'on vienne. Et ce que nous avons appris jusqu'à maintenant montre qu'il y a beaucoup de choses à dire.

Nous allons donc vous poser des questions précises, en espérant que ceci sera rapporté à votre directeur, ce qui, bien sûr, fera l'objet d'une lettre à Madame la Ministre.

Il faut apprendre la démocratie et accepter le rôle du Parlement, même quand on est directeur de l'administration centrale...

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Surtout quand on l'est.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : ... parce que ce n'est apparemment pas encore la culture partout.

Monsieur le Rapporteur spécial a des questions précises, mais j'en aurai aussi sur la base de ce que nous avons entendu tout à l'heure.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Quels sont la part et la nature des dépenses de fonctionnement des COTOREP prises en charge par le budget de la solidarité ? Comment appréciez-vous les moyens en personnel dont disposent les COTOREP ? Peut-on faire fonctionner une centaine de COTOREP, 500 000 dossiers, 1 200 000 demandes avec 31 médecins coordonnateurs, 160 médecins vacataires en équivalents temps plein et un millier d'administratifs ? La formation des médecins intervenant dans les COTOREP est-elle une formation réellement adaptée à leur mission ? L'offre en milieu protégé (CAT, ateliers) et en milieu ordinaire ou en formation est-elle suffisamment connue des COTOREP ou par l'équipe technique ? Comment améliorer cette information ? Enfin, quelles réformes, dans le cadre législatif actuel ou dans un cadre rénové, pouvez-vous suggérer afin d'améliorer le fonctionnement des COTOREP et, au-delà, l'insertion professionnelle des personnes handicapées ? Faut-il en particulier maintenir le même système de décision pour les deux sections ?

Mme Marie-Dominique Soumet : Pour répondre à votre première question sur l'évaluation du budget de fonctionnement des COTOREP pris en charge par l'administration du ministère de l'emploi et de la solidarité, la mission d'appui au fonctionnement des COTOREP avec les directions vient de terminer une étude dont vous avez eu quelques chiffres lors de la réponse à votre questionnaire, sur l'évaluation des coûts annuels du fonctionnement des COTOREP.

Cette étude montre que la part des coûts de fonctionnement et des coûts en personnels est respectivement de 84 % pour les coûts de personnel et 16 % pour les coûts de fonctionnement. Il s'agit bien sûr d'une première évaluation de ces coûts mais elle était tout à fait nécessaire pour arriver à y voir plus clair dans le fonctionnement des COTOREP.

La mission d'appui au fonctionnement des COTOREP et les directions ont donc essayé d'évaluer ce budget des COTOREP à un total de 270 millions de francs en coûts annuels pour les budgets emploi et solidarité, de 229 millions de francs pour les coûts de personnel et de 40,9 millions de francs pour les coûts de fonctionnement.

Ramenée au nombre de dossiers à traiter, la demande traitée revient à l'État à 220 francs, puisqu'il s'agit de 1 275 000 demandes par an, et par demandeur puisqu'un demandeur présente en moyenne presque deux demandes de prestations à la COTOREP, soit orientation professionnelle, soit prestations elles-mêmes, le prix de revient du dossier est de 440 francs. On peut signaler que ces coûts ne sont pas très élevés. Il y a manifestement une sous-évaluation des coûts de fonctionnement d'un service de ce type qui répond à un nombre très important d'instructions de demandes.

Pour répondre à votre question sur le nombre des personnels administratifs et médecins, on s'aperçoit que le nombre de personnels administratifs est resté quasiment stable sur dix ans alors que le nombre de demandes a crû de façon assez conséquente. Il y a, bien sûr, des efforts de productivité mais on ne peut pas tout résoudre par des efforts de productivité.

L'affectation des personnels est très souvent source de difficultés dans les COTOREP. On essaie d'y remédier dans le budget 2000 et dans les budgets qui vont suivre par une augmentation du nombre de postes. Mais on se rend compte que le nombre des personnels est un peu sous-évalué. Il est aussi important qu'on puisse évaluer - la mission d'appui le fera - la charge de travail par personne suivant les différents métiers exercés en COTOREP.

Le nombre de médecins a, par contre, assez fortement décru, à la fois entre 1990 et 1998 - puisque notre enquête portait sur 1998 --, de 990 médecins à 554 en effectifs physiques et de 220 médecins à 187 équivalents temps plein. En outre, la répartition pose problème, puisque l'écart varie de 1 à 16 pour un même nombre de dossiers dans la répartition des personnels médicaux.

L'évolution de la qualification des médecins pose aussi problème puisqu'on a de moins en moins de médecins du travail. On n'a pratiquement plus de médecins de l'aide sociale, puisque les conseils généraux ont récupéré leur personnel. Ils sont peu présents en COTOREP, de même que les médecins de la sécurité sociale. Il y a une sorte d'évasion des ressources médicales mises à disposition par des partenaires extérieurs pour les COTOREP, alors que la ressource interne n'a pas augmenté. Cela pose donc effectivement problème.

Le coût de l'évaluation médicale au sein des COTOREP a été mesuré à 39 millions de francs à partir de l'enquête que nous avons réalisée. C'est moins que le coût des psychologues du travail qui est évalué avec la convention AFPA à 50 millions de francs, ce qui pose quand même problème et on va essayer de le résoudre. Il est vrai que l'évaluation médicale n'est pas suffisante, les COTOREP le disent, ce qui entraîne des difficultés de fonctionnement et de retard dans l'instruction des dossiers.

Cette plaquette vous sera remise puisqu'elle précise l'évaluation des coûts. Elle a été réalisée avec des directions pour les coûts de fonctionnement sur la base de 1 400 agents, 1 200 agents administratifs, 200 agents médecins équivalents temps plein ou effectifs physiques, puisque tous les médecins ne sont pas présents au même moment dans les COTOREP. On a pu évaluer, sur la base de 1 400 agents, les coûts des matériels, des fournitures, des charges courantes (téléphone, affranchissement), des locaux...

Cette évaluation a été faite de la manière suivante : puisque les COTOREP sont souvent logées dans les directions départementales du travail et de l'emploi, on a évalué ces coûts au niveau des personnels direction du travail dont les personnels des COTOREP font partie, et on a pu faire des ratios multipliés par le nombre d'agents présents en COTOREP. Cela donne une évaluation qui n'est pas complètement fiable à 100 %, mais qui est déjà une estimation assez intéressante du coût de fonctionnement des COTOREP.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Je ne sais pas si c'est anormal, il nous est en tout cas très difficile d'avoir une réponse très nette sur la part du budget de l'emploi et la part du budget de la solidarité puisque vous nous donnez le coût du fonctionnement global, de même que pour ce qui concerne la part emploi. Comment se fait-il qu'on n'arrive pas à distinguer la part du budget de la solidarité que vous gérez et la part du budget de l'emploi ?

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Ce n'est pas une mission pour un directeur du budget ?

Mme Marie-Dominique Soumet : On peut maintenant le faire très facilement puisqu'on a isolé les coûts sur les différents budgets. On vous les donnera si cela n'a pas été fait. On peut très bien isoler la part du budget de l'emploi et la part du budget de la solidarité.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : C'était le sens de ma question. Pourquoi ne le faites-vous pas ?

Mme Marie-Dominique Soumet : On peut le faire rapidement. On l'a peut-être quelque part.

M. Éric Trottmann : Si on nous le demande...

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Eh bien, on vous le demande, M. Trottmann, cela tombe bien !

M. Éric Trottmann : Je vais compléter la réponse de Marie-Dominique Soumet le moins mal possible. Je ne connais pas aussi bien le sujet qu'elle.

Auparavant, Monsieur le Président, si vous me le permettez, je voudrais juste répondre à vos propos introductifs. Bien entendu, je ferai part à mon directeur de ces propos. Je pense qu'il doit y avoir un malentendu parce qu'il est évident que mon directeur est éminemment respectueux des pouvoirs du Parlement. Cela va de soi.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Qu'il se manifeste.

M. Éric Trottmann : Quant à moi, j'ai appris cette réunion hier soir tard, en rentrant d'une réunion à Bercy, et je suis donc venu le représenter.

Je n'ai pas grand-chose à rajouter par rapport à ce qu'a dit Marie-Dominique Soumet. Le divorce, le décalage ou la disproportion que vous pointez entre la charge de travail et les moyens qui y sont consacrés par notre ministère est plus globalement à l'image de notre ministère. Comme le disait M. Cahuzac lors d'un précédent débat budgétaire, notre ministère est un peu l'administration de la misère et la misère de l'administration.

Il y a donc globalement un divorce dans le couple missions-moyens, entre les missions qui sont les nôtres et les crédits impressionnants que la Nation nous confie puisque notre budget pour la section santé, solidarité s'élève, en 2000, à quasiment 92 milliards et que les effectifs de notre ministère sont, de mémoire, de 14 325, ce qui fait moins de 1 % des effectifs de l'État, alors que nous gérons le quatrième budget ministériel. On gère donc la pénurie en terme de moyens, et la mission COTOREP en souffre évidemment.

Pour ce qui est du partage entre le secteur emploi et le secteur santé et solidarité, de ce que je peux en connaître, tout ce qui relève du personnel ou des dépenses de vacations est à la charge de la section santé-solidarité du ministère, alors que le reste, - les moyens de fonctionnement, les équipements informatiques, les locaux - relève du secteur emploi.

Mais on doit néanmoins pouvoir vous ventiler les 270 millions de francs qu'a indiqués Marie-Dominique Soumet. On vous transmettra toutes ces données. On a déjà préparé un certain nombre de données (s'adressant à son assistante) ... qu'on peut leur laisser et on complétera.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : « Qu'on peut leur laisser », oui ... Mme Soumet, pouvez-vous ventiler ?

Mme Marie-Dominique Soumet : On a à présent la connaissance la plus pertinente possible du budget de fonctionnement des COTOREP et des coûts de fonctionnement pris en charge par les budgets. Comme le dit M. Trottmann, tous les frais de fonctionnement (matériels, locaux) sont pris en charge sur le budget emploi. Il reste à faire - et on le fera - la répartition des crédits de personnel, puisqu'il y a des personnels du côté emploi et des personnels du côté solidarité, de même que pour les vacations médicales, il y a des vacations médicales côté emploi-solidarité et les conventions AFPA, c'est plutôt le côté emploi.

On a maintenant l'origine et le montant, et on en fera la répartition. Il n'y a maintenant aucun problème pour le faire.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Donc on l'aura.

M. Jean-Jacques Jegou : Monsieur le Président, j'avais la volonté de rester paisible ce matin, d'autant qu'il ne faudrait pas s'en prendre à M. Trottmann qui est, en fin de compte, la victime expiatoire. Si j'ai bien compris, il ne savait pas, hier soir tard, qu'il serait là ce matin. Je ne voudrais pas, en plus, qu'il prenne des averses, car il n'a apparemment pas pris de parapluie.

Je voudrais simplement dire à M. Trottmann et rappeler ici à ses collaborateurs que nous sommes dans une mission d'évaluation et de contrôle. Je suis parlementaire depuis un certain nombre d'années et j'entends dire que le ministère du travail et de l'emploi serait le parent pauvre, les miséreux, et je ne sais quoi encore... Je suis en Commission des finances et je regarde les crédits mais en deux temps, comme vous l'avez dit vous-même, c'est-à-dire qu'on gère beaucoup de milliards et, si on rapporte cela au nombre de personnels, il faudrait qu'on embauche du personnel.

Permettez-moi de vous dire que je suis scandalisé par vos propos. Nous sommes des parlementaires sourcilleux, et le reste du pouvoir qui nous est encore donné est de contrôler les gouvernements quels qu'ils soient, qu'on soit dans la majorité ou dans l'opposition.

Ce qui m'intéresse en venant régulièrement à la Mission d'évaluation et de contrôle, c'est de savoir si l'argent que confie le contribuable aux différents ministères est bien utilisé. Je suis quand même effrayé de voir que vous n'êtes pas capables, les uns et les autres, de savoir combien vous dépensez et ce que vous faites. Ce n'est d'ailleurs pas seulement le seul service. On parle aujourd'hui longuement des COTOREP et, plus on avance, plus on voit que ce système doit être réformé. Je pense que vous en êtes d'ailleurs vous-mêmes convaincus.

Messieurs les Présidents, lorsque nous avons travaillé avec Gérard Bapt, l'année dernière déjà, sur les aides à l'emploi, on s'est aperçu qu'il y avait aussi des sommes très importantes dont l'efficacité n'était pas toujours reconnue.

Il ne s'agit pas qu'on s'attache à des revendications de personnels qui ne nous concernent pas et qui ne sont pas l'objet de la mission d'évaluation et de contrôle, mais il s'agit de savoir, comme l'a dit le Président et puisque cette question est posée depuis plusieurs séances, pourquoi nous n'avons pas d'évaluation des budgets propres des COTOREP - il y a là un vrai problème, et croyez bien que les parlementaires que nous sommes feront des propositions - alors qu'il y a différentes directions, des sous-directions, des adjoints à la sous-direction. Il manque peut-être du personnel, je ne sais pas ; il n'y a visiblement pas, en tout cas, un manque de cadres.

Et tout cela pour ne pas donner des renseignements élémentaires sur la comptabilité publique pour laquelle nous sommes ici en configuration de Mission d'évaluation et de contrôle, qui est une émanation de la Commission des finances et dont le premier acte est tout de même de voter le budget et d'en regarder l'efficacité et la nature.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : M. Buey nous disait tout à l'heure que le ministère n'avait qu'une comptabilité par nature, par type de fonctions, et que des évaluations étaient prêtes dans ces différentes fonctions.

Depuis quelques années déjà, il aurait tout naturellement pu venir à l'esprit d'un responsable de la comptabilité la question : ne devrait-on pas imaginer une comptabilité analytique ? Ne devrait-on pas se poser la question de savoir si notre travail ne serait pas plus simple si on y voyait plus clair ? C'est aussi bête que cela.

Mme Marie-Dominique Soumet : C'est ce qu'on a commencé à faire.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : C'est ce qu'on a appris et cela nous fait plaisir. Mais quand on a le front de s'interroger sur ces dysfonctionnements - ce qui est notre activité principale -, et qu'on nous répond « Circulez, il n'y a rien à voir ou on n'a rien à dire », comprenez que cela ne nous mette pas dans un état d'esprit forcément bien disposé.

L'incident est clos. Nous voudrions maintenant travailler sérieusement.

Quels sont les premiers éléments de mise en place de cette comptabilité analytique ? Pour ce qui vous concerne, DAS et DAGPB, à quel délai pensez-vous y voir clair ? Comment imaginez-vous ce cheminement et comment allons-nous pouvoir progressivement mieux apprécier les choses ?

Mme Marie-Dominique Soumet : Comme je vous le disais, on a commencé à travailler sur une évaluation des coûts, une comptabilité par postes de dépenses, ce qui est déjà une première indication fondamentale dont on aurait dû disposer depuis pas mal de temps. Mais la difficulté dans ce ministère est aussi une difficulté de coordination.

On a essayé de prendre le taureau par les cornes et d'y voir plus clair. On commence à donner des chiffres qui ne sont pas loin de la réalité sur le coût de fonctionnement des COTOREP. Mais il faut arriver avec notamment un contrôle de gestion au niveau local dans les dépenses déconcentrées, puisque la plupart des dépenses sont des dépenses déconcentrées, et il faut isoler les postes de fonctionnement des COTOREP. C'est possible dans l'application GLB côté travail et côté solidarité.

Notre prochaine échéance pour l'exécution du budget 2000 va être d'analyser plus finement la réalité des dépenses par postes de fonctionnement des COTOREP. C'est notre objectif pour le contrôle de l'exécution du budget 2000 dont vous serez destinataire.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Sur le contrôle de l'exécution du budget 2000, nous préférerions que ce soient des chiffres correspondant à la réalité et non pas, pour reprendre votre formule, des chiffres qui se rapprochent de la réalité.

Mme Marie-Dominique Soumet : Certains chiffres sont, pour l'instant, des chiffres réels, notamment l'exécution des consommations de dépenses de vacations médicales, puisqu'on a là les chiffres comptables pour 1998 et 1999, qui vous ont d'ailleurs été remis par département. Ils sont assez instructifs parce qu'ils permettent de voir qu'on peut opérer un contrôle de gestion et aller plus loin dans le contrôle de la dépense, car des départements consomment beaucoup en matière de consommation médicale, comme les Hauts-de-Seine avec 1,5 million de francs de dépenses de vacations par an, et d'autres peu. Cela s'explique mais il faut aller voir ce qu'il y a derrière. C'est l'application comptable budgétaire pour les dépenses de vacations médicales. Mais il reste maintenant à faire cela pour tous les autres postes de dépenses.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : On a pu constater que la marge de progression dans le contrôle de la dépense était très nette.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Il n'a pas été répondu à deux questions : l'offre en milieu protégé et en milieu ordinaire est-elle suffisamment connue des COTOREP ou par l'équipe technique, et comment améliorer cette information ?

Dernière question : je vous demandais votre sentiment en ce qui concerne les réformes. Dans quels sens faut-il s'orienter ? On voudrait tout simplement avoir votre sentiment.

Mme Marie-Dominique Soumet : Il y avait même une autre question sur la formation des médecins que j'ai notée.

La formation des médecins a été prise en compte par la DAS depuis deux ans par une formation au guide-barème. Un comité de suivi de l'application du guide-barème a été mis en place depuis 1993. Ce comité suit les difficultés d'application du guide-barème au niveau des COTOREP, notamment pour la deuxième section. Des formations en direction des médecins ont déjà été mises en place en liaison avec l'École nationale de la santé publique (ENSP) et avec les différents pôles régionaux (DRASS). On a bien conscience que ces formations sont notoirement insuffisantes et qu'il faut les améliorer. Un plan de réforme de l'évaluation médicale au sein des COTOREP a donc été mis en place, sur lequel la mission d'appui a commencé à travailler à la demande des directeurs et il y a, dans ce plan, un plan de formation des médecins, ainsi d'ailleurs que des personnels administratifs, qu'il faut pouvoir bien calibrer par rapport à la demande. C'est une première formation au guide-barème, mais qui est quand même assez timide.

Des efforts d'information des médecins ont aussi été faits puisqu'on a commencé à mettre en place la « Lettre du guide-barème », éditée par la DAS, qui est une sorte de feuille de questions-réponses sur les problèmes d'application du guide-barème. Cette lettre a été mise en place sur un intranet des COTOREP qui a démarré la semaine dernière. Elle est accessible aux médecins de COTOREP localement.

On fait donc des efforts de communication vis-à-vis des médecins parce que c'est très important. On fait aussi des efforts d'encadrement du réseau de ces médecins pour les faire travailler davantage en réseau avec la mise en place de médecins coordonnateurs.

Cette mise en place va se poursuivre, puisque dix postes ont été créés sur le budget 2000 et d'autres seront créés dans les budgets suivants.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : En ce qui concerne les médecins coordonnateurs, vous savez qu'il y en a 31 et une centaine de COTOREP. C'est donc nettement insuffisant. Mais la question est celle de savoir comment vous recrutez les médecins pour les COTOREP.

Mme Marie-Dominique Soumet : Les directions manquent localement d'outils et de cadrage pour le recrutement des médecins. C'est aussi ce qu'on va essayer de leur donner avec des éléments sur les fonctions des médecins puisque, pour recruter, il faut d'abord bien définir les fonctions. On a donc aussi repris la définition des fonctions des médecins COTOREP que l'administration est en droit de leur demander quand ils travaillent au sein d'une COTOREP.

On a créé des fiches de postes de médecins des COTOREP, de médecins coordonnateurs, de manière à pouvoir travailler dans le sens de ce qu'on demande à la plupart des médecins exerçant en COTOREP par rapport aux différents types de travaux auxquels ils sont confrontés, que ce soit l'examen des dossiers, l'examen sur pièces, l'examen médical des personnes, ou que ce soit le temps passé en équipes techniques, le temps-réseau en formation ou avec les établissements. Tout ce temps-là doit être mesuré et encadré. Et on doit pouvoir exiger des médecins ce que l'administration leur demande dans le travail au niveau des dossiers qu'ils sont chargés d'examiner.

Les conditions de recrutement sont, pour l'instant, un peu aléatoires, puisque c'est chacun des directeurs départementaux qui recrute à la demande du secrétaire des COTOREP par voie d'annonce dans le « Quotidien du médecin ». C'est ce qu'on m'a dit plusieurs fois. Il aurait été mieux qu'une fiche de poste soit faite au départ, mais il y a maintenant un peu plus d'outils pour améliorer la visibilité des compétences qu'on demande aux médecins.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Cette affaire-là est un problème central, car que font, en fait, les médecins dont on a appris qu'étant de plus en plus débordés, il travaillent essentiellement sur dossiers ? Ils font de l'évaluation de ce que leurs collègues du secteur privé ont fait pour l'essentiel. Or, compte tenu des rémunérations qu'on leur propose à la vacation, étant fonctionnaires recrutés par annonce dans le « Quotidien du médecin », je ne suis pas sûr qu'on accueille forcément ceux qui ont le mieux réussi par ailleurs.

N'y a-t-il pas là un vrai souci ? Ne devrait-on pas créer des équipes de médecins qui soient tout de même assez solides et convenablement rémunérés, quitte à ce qu'on en évalue comptablement leur nombre ? Il devra certainement être important compte tenu du nombre des dossiers et des personnes à traiter, mais il me semble qu'il y a une contradiction qu'on ne peut pas ne pas traiter.

Il ne s'agit pas de ne pas faire confiance aux médecins de ville et aux médecins hospitaliers, lorsque la personne est passée par un hôpital et qu'il transmet son dossier, à partir du moment où il y a des éléments objectifs, mais il est vrai qu'on connaît de temps en temps des certificats qui en rajoutent un peu. Il faut donc une appréciation qui soit une vraie appréciation professionnelle de ces dossiers.

Mais on a pour l'instant le sentiment que tout cela est quand même un peu approximatif.

Mme Marie-Dominique Soumet : Des efforts ont déjà été faits dans le budget 2000 pour augmenter la rémunération des médecins, puisque les conditions de recrutement sont très difficiles de l'avis des COTOREP qui nous appellent très souvent. Elles le sont d'autant plus qu'on fait de plus en plus appel, et de plus en plus fréquemment, à des spécialités, notamment à des médecins du travail et à des psychiatres.

Les rémunérations des médecins ont donc été récemment revalorisées dans l'arrêté de décembre 1999. C'est une première augmentation des rémunérations qui devrait se poursuivre parce que les rémunérations sont insuffisantes pour pouvoir attirer des médecins de qualité au sein des COTOREP. Il faut résoudre ce problème de rémunération.

Il faut ensuite pouvoir mieux encadrer, mieux manager, l'ensemble des médecins de COTOREP. Le réseau de médecins coordonnateurs qu'on voudrait mettre en place pourra contribuer à améliorer l'encadrement des équipes médicales au sein des COTOREP. C'est par le travail en réseau et par ces médecins coordonnateurs qu'on devrait pouvoir arriver à améliorer la qualité des équipes techniques, l'instruction des dossiers, et à fidéliser aussi un corps de médecins compétents pour les COTOREP, mais cela passe évidemment par une augmentation des rémunérations parce qu'il faut être concurrentiel sur le marché vis-à-vis des tarifs des médecins qu'on veut recruter de l'extérieur puisque cela se passe par contrats. On recrute des contractuels à temps incomplet qui répondent à un besoin permanent. C'est leur qualification et leur « statut », mais il faut pouvoir les recruter.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Le plan de formation que vous avez engagé depuis deux ans paraît timide.

Mme Marie-Dominique Soumet : Ce sont des formations régionales qui ont lieu mais elles ne touchent pas tous les médecins de COTOREP. On souhaiterait pouvoir les élargir pour pouvoir former les médecins COTOREP, la difficulté étant que ces médecins ont parfois des rotations plus ou moins rapides au sein des COTOREP, et on a travaillé un peu sur l'ancienneté des médecins de COTOREP. Certains ne restent pas très longtemps.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Il y a une rotation rapide, on les forme et, quand ils sont formés, ils s'en vont. C'est assez gênant. J'aimerais qu'on soit capable de faire une évaluation de la formation de ces médecins pour voir si on en fidélise quelques-uns parce que, si on les forme et qu'ils s'en vont une fois formés, Monsieur le Président, il y a un problème ! Des évaluations sont-elles possibles de ce qu'on fait ou de ce qu'on ne fait pas ?

Mme Marie-Dominique Soumet : Une évaluation est possible. On va évaluer cette formation du guide-barème, parce que c'est celle qui a été mise en place et elle a été efficace pour les médecins. Ils en sont demandeurs. Mais au-delà de la formation, des échanges entre COTOREP sont aussi nécessaires, d'où l'importance de ce travail en réseau.

Il est vrai que la question de la fidélisation des médecins est liée aussi à la rémunération. Les médecins s'en vont si la rémunération n'est pas attractive. Mais on arrive quand même à les stabiliser. La mission d'appui va dans les COTOREP et on s'aperçoit que de nombreux médecins, qui sont là depuis dix à quinze ans, connaissent les COTOREP. On a d'ailleurs essayé, dans l'enquête 1999, d'étudier l'ancienneté du corps médical au sein des COTOREP, ce qui nous donnera quelque idée pour pouvoir mieux calibrer les formations à destination des médecins. Mais on va évaluer cette formation au guide-barème qui s'est mise en place sur les deux dernières années. On va donc élargir un plan de formation pour 2000-2001 qui sera soumis au comité des directeurs puisque le prochain comité des directeurs de l'administration centrale sur les COTOREP portera sur les questions de formation.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Vous avez bien compris qu'on est là pour vous aider. Les fidéliser, ce n'est pas non plus s'encroûter.

Je me demande tout de même s'il ne faut pas élargir le problème avec les médecins hospitaliers, les médecins de ville... J'ai moi-même fait beaucoup d'efforts pour la mise en réseau des médecins de ville avec les médecins hospitaliers de mon département, de mon secteur. Ils sont revenus avec des propositions tout à fait intéressantes et intelligentes qui, dans le cadre d'une même enveloppe budgétaire, aboutissaient à la fois à une amélioration des soins et à une amélioration de leur qualité de vie.

On pourrait y inclure - je ne suis pas sûr qu'ils y seraient opposés - une réflexion sur une relation avec les COTOREP. Il me semble qu'il faut que nous élargissions parce que je crains qu'on ne continue à en parler pendant longtemps si nous nous en tenons uniquement à une amélioration ici ou là.

Je m'autorise à vous dire cela parce qu'il me semble que ce sont des voies auxquelles il faut que nous réfléchissions.

M. Jean-Jacques Jegou : J'ai deux questions à poser plutôt à Mme Soumet qui est responsable de la mission d'appui sur le fonctionnement, mais M. Trottmann pourrait aussi y répondre, sur deux aspects qui vont d'ailleurs en partie dans le sens de votre question et des questions redondantes que nous pouvons avoir.

Premièrement, chacun est d'accord pour dire qu'il y a un encombrement des dossiers, etc. Il y a aujourd'hui une évolution du handicap. Pouvez-vous nous dire des choses tangibles sur ce point ? On a quelques idées parce que nous sommes sur le terrain, nous sommes aussi des élus locaux, et nous voyons qu'il y a les handicapés de la vie, qu'il y a le handicap qui survient au cours d'un accident et qu'il y a le handicapé social. Tout cela n'est tout de même pas à traiter de la même façon et tout cela se retrouve et s'empile pourtant dans les COTOREP à un moment donné. Puisque vous avez l'air de beaucoup phosphorer, ces temps derniers, pour voir les choses évoluer, avez-vous des propositions pour essayer de scinder ces choses qui ne sont tout de même pas de la même nature ?

Deuxièmement - c'est un sujet qu'on n'a peut-être pas encore abordé mais qui me paraîtrait indispensable -, les choses doivent aujourd'hui être ouvertes, comme le disait le Président, dans des relations entre médecins de différents systèmes, (hospitaliers, privés, etc.). Sans être à la mode parce qu'il ne faut pas forcément céder à toutes les modes, on parle en tout cas beaucoup de comparaisons (pour faire branché, de « benchmark »). Avez-vous quelque idée de ce qui se passe, par exemple, dans un pays comparable où je ne pense pas qu'il y ait plus de handicapés qu'ici, en Allemagne par exemple ? Comment cela fonctionne ?

Dans les nombreuses directions et sous-directions que vous pouvez avoir, avez-vous des gens qui peuvent aller passer quelques temps en Allemagne ou dans d'autres pays (je pense que l'Allemagne est un des pays les plus intéressants à comparer sur le plan social), pour voir si nous sommes dans les clous, ou dans quelle situation nous nous trouvons par rapport aux autres ? C'est toujours par rapport aux autres que les choses peuvent s'évaluer.

Mme Marie-Dominique Soumet : Vos propositions se rejoignent avec les nôtres. Quand on parle d'évaluation médicale au sein des COTOREP, on pense expertise internalisée parce qu'on fait venir les médecins mais il est important - et c'est une idée qu'on est en train de poursuivre pour voir comment on peut mettre en place ces modalités pratiques - de pouvoir externaliser l'expertise et non pas l'internaliser au sein des COTOREP parce qu'on a besoin de spécialités en fonction de l'évolution du handicap.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : Vous n'arriverez pas à tout internaliser.

Mme Marie-Dominique Soumet : Oui, on ne peut pas tout internaliser. Or, c'est ce qui se passe actuellement.

Mme Nicole Bricq : C'est le propre de beaucoup d'administrations. On l'a vu dans la police.

Mme Marie-Dominique Soumet : On va réfléchir à ces moyens consistant, par exemple, à passer des conventions avec des hôpitaux pour pouvoir trouver des examens, peut-être même aussi avec des conseils généraux. On va reprendre les liens anciens qui se sont un peu distendus, semble-t-il, d'après l'étude qu'on a faite sur les partenaires des COTOREP, qui étaient beaucoup plus présents ou qui apportaient de la ressource externe de façon beaucoup plus efficace antérieurement, semble-t-il. On va essayer d'explorer cette piste parce qu'on peut penser externaliser cette expertise médicale des COTOREP pour des raisons de compétence et de coûts.

Sur le point des comparaisons avec d'autres pays, on a commencé à y travailler avec nos conseillers sociaux, et on n'a pas encore tout à fait les résultats très pragmatiques de ce qui se passe dans les autres pays, mais on est en train d'y réfléchir parce qu'il est important qu'on travaille à comparer les méthodes d'appréciation et d'évaluation du handicap. On a comparé aussi avec la Grande-Bretagne où le système est assez différent.

Ce sont des études qui sont en cours et elles seront finalisées dans le cours de l'année. Cela nous donnera quelques indications.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : En plus, vous avez un conseiller social très actif à l'ambassade de France en Allemagne. Vous le connaissez, il a travaillé dans votre ministère. Il doit donc vous donner beaucoup d'éléments.

M. Jean-Jacques Jegou : On n'a pas répondu sur les différents handicaps et sur l'accumulation des dossiers qui ne sont plus vraiment et seulement des dossiers de handicaps physiques dus à la crise du chômage que nous avons connue. On a dit au début des auditions que nous avons eues au niveau des COTOREP qu'il y avait un afflux de dossiers qui permettait en fait d'accéder à un dossier COTOREP parce qu'il y avait, par exemple, un chômage de longue durée.

Mme Marie-Dominique Soumet : On a bien conscience que la demande évolue vis-à-vis des COTOREP parce que la situation sociale des demandeurs évolue. C'est la raison pour laquelle la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle a envisagé avec la DAS la mise en place d'une étude sur l'évolution des publics de demandeurs de manière à ce qu'on puisse mieux cerner cette demande par rapport à la situation sociale et du handicap de la personne.

Les COTOREP disent qu'elles ont de plus en plus de personnes, exclues de différentes prestations, qui viennent en COTOREP parce qu'elles ont un problème de santé. Elles sont d'ailleurs souvent aiguillées par les travailleurs sociaux vers les COTOREP à défaut d'autres solutions. Il y a aussi de plus en plus de handicaps d'ordre psychologique ou psychiatrique. C'est ce que nous disent aussi les COTOREP, et elles ont du mal à traiter ce type de demandes.

C'est la raison pour laquelle on va essayer de mieux cerner la demande et de réfléchir à l'attribution de l'allocation adulte handicapé dans les conditions nouvelles de l'évolution de ces publics de handicaps.

Mme Nicole Bricq : Vous n'avez pas actuellement ces données quantitatives ?

Mme Marie-Dominique Soumet : Non. On a des données quantitatives sur l'attribution de l'allocation adulte handicapé.

Mme Nicole Bricq : Mais par type de handicap ?

Mme Marie-Dominique Soumet : Non, nous ne les avons pas par type de handicap.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Les COTOREP sont-elles des centres de données statistiques fiables en matière de handicap ?

Mme Marie-Dominique Soumet : Non. Je suis contente d'essayer d'améliorer le fonctionnement, tout au moins de vous expliquer comment on y travaille.

M. Jean-Jacques Jegou : Vous avez beaucoup à faire !

Mme Marie-Dominique Soumet: Nous avons beaucoup à faire mais je pense qu'on y arrive avec de la volonté. C'est cette volonté qui nous anime collectivement avec les directions.

Le constat de tous les partenaires des COTOREP est depuis longtemps la déficience les statistiques des COTOREP. Le système ITAC, qui est actuellement le système informatique des COTOREP, est un système ancien, qui a vieilli et qui n'est d'ailleurs pas du tout bien renseigné. On pourrait parfois obtenir quelques appréciations sur le handicap mais, comme la nomenclature est un peu obsolète, elle n'est plus renseignée. Il n'est donc plus possible d'avoir des données sur les statistiques de personnes handicapées par type de handicap, par type d'origine professionnelle ou par type de parcours.

Les ministres nous ont demandé d'engager une refonte de cette application ITAC, de manière à pouvoir avoir un système d'information qui puisse donner aux COTOREP et à leurs partenaires les renseignements qui sont nécessaires sur les personnes handicapées qui transitent toutes par la COTOREP, parce que la COTOREP est une mine importante de renseignements, puisque quasiment toutes les personnes adultes handicapées transitent par la commission. Il faut donc un système d'information plus pertinent et plus performant.

On a aussi déjà commencé à améliorer les statistiques. Elles seront consolidées cette année de façon informatique et, au plan national, sous forme de « fichiers de compteurs », ce qui n'était pas le cas auparavant puisque c'étaient des statistiques papier qui étaient ressaisies. On arrive enfin à des statistiques consolidées au niveau national pour ce qui est de l'application informatique actuelle des COTOREP, et on a engagé un projet de refonte du système d'information dont les premiers travaux démarrent le 30 juin.

M. Éric Trottmann : Notre direction de la recherche, de l'évaluation et des études statistiques (DREES) a en cours une étude sur le handicap et la dépendance qui devrait également enrichir la connaissance des publics.

Mme Marie-Dominique Soumet : Et la DREES publie aussi une étude et des statistiques sur l'allocation adulte handicapé dont les dernières sur l'année 1999 vont paraître bientôt et qui vous seront naturellement transmises.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Il reste deux petites questions auxquelles vous n'avez pas répondu.

Mme Marie-Dominique Soumet : Sur la connaissance par les COTOREP de l'offre en établissements, c'est un souci des COTOREP elles-mêmes, qui nous est souvent formulé, de pouvoir disposer de davantage d'informations sur les liste d'attente et sur l'offre des établissements qui accueillent des personnes handicapées.

On a intégré cette problématique dans les travaux sur le système d'information. On va essayer de voir comment les établissements - en les contraignant d'ailleurs peut-être par voie législative - peuvent renvoyer une information sur l'accueil d'une personne, le non-accueil ou la présence sur liste d'attente d'une personne handicapée adressée à eux par la COTOREP, parce que certaines COTOREP avaient déjà développé des logiciels de suivi des décisions et des orientations qu'elles prennent, parce que le besoin existe vraiment pour les COTOREP de pouvoir suivre les orientations et les décisions qu'elles prennent. On va donc essayer de faire en sorte que cette connaissance soit réellement échangée entre les établissements et les COTOREP. Mais c'est aussi un chantier important.

Mme Nicole Bricq : J'insiste car c'est vraiment un chantier primordial. Je vois passer des réponses de COTOREP qui orientent vers des établissements qui sont archi-complets. Ensuite, c'est à nous, députés, de se débrouiller face à la désespérance des familles. J'ai vraiment du mal à comprendre comment, après l'admission en COTOREP, on oriente vers des établissements dont on sait qu'ils ne recevront personne. C'est incompréhensible. Cela arrive. Je vous parle d'une grosse COTOREP et d'un gros département. Vous le savez ?

Mme Marie-Dominique Soumet : Bien sûr. On va essayer d'y remédier par une meilleure information entre les établissements et les COTOREP. C'est un chantier vraiment primordial. On en a tout à fait conscience. Il est de toute façon demandé par les COTOREP elles-mêmes, parce qu'elles n'ont pas de visibilité vraiment très pertinente de l'offre présente à l'instant t, et qu'il y a aussi la politique propre des établissements dont il faut pouvoir avoir une connaissance beaucoup plus fiable. Il est de même nécessaire, pour l'ouverture des places, d'avoir cette connaissance la plus complète possible de l'offre existante.

Mme Nicole Bricq : L'État développe actuellement de nombreuses politiques contractuelles avec les collectivités locales ou avec des partenaires mi-publics mi-privés. Avez-vous pensé justement à cette orientation de politiques contractuelles par rapport à votre partenariat, qui mettrait dans le coup des collectivités locales et des établissements qui accueillent les handicapés ?

Mme Marie-Dominique Soumet : Cela se fait déjà dans certains départements avec des schémas départementaux du handicap qui sont pilotés par les directions départementales des affaires sanitaires et sociales. Il y a donc déjà, non pas une contractualisation, mais un schéma départemental qui permet une connaissance de la réalité du terrain.

Il faut ensuite passer au stade supérieur. Il nous paraît intéressant et important de passer à une contractualisation des types entre les différents partenaires concernés par l'offre de places pour les personnes handicapées. On peut contractualiser. Mais je pense qu'il faut aussi y travailler au niveau régional, et la politique régionale est encore un peu timide à ce niveau. Mais on va essayer de la mobiliser.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : De votre point de vue, quelles sont les réformes que vous pourriez suggérer ?

Mme Marie-Dominique Soumet : Sur les réformes qu'il est possible de suggérer, on s'aperçoit bien que le copilotage de notre travail en commun avec les deux directions côté travail et côté solidarité ne fonctionne pas et n'est pas à même de fonctionner. C'est un premier obstacle, malgré tout les efforts locaux, malgré la bonne entente des uns et des autres, qu'il faut pouvoir lever en terme de structures.

Il faut un pilotage unique des COTOREP et il faut essayer d'imaginer lequel. On essaie d'y travailler. Il faut, de même, un gestionnaire unique des COTOREP, puisque les COTOREP sont actuellement gérées pour les personnels, pour les crédits et pour tout leur fonctionnement, par des interlocuteurs très différents, et elles ont globalement du mal à comprendre les circuits de financements et les circuits qui leur permettent de fonctionner. C'est d'ailleurs une source de dysfonctionnements.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : On peut comprendre.

Mme Marie-Dominique Soumet : Il est vrai que notre tâche est d'abord, en l'état actuel de la réglementation, de la législation et de la structure des COTOREP, d'essayer de faire en sorte qu'on arrive à un budget unique des COTOREP, à des circuits de financement uniques, ne serait-ce que pour les financements de vacations médicales.

Et il faudra, à terme, imaginer les COTOREP en tant que gestionnaires uniques, un peu dans le sens de ce que fait l'ANPE pour les demandeurs d'emploi. C'est une comparaison que la mission d'appui a été amenée à faire plusieurs fois. Il s'agit d'un service public qui gère des dossiers en nombre, qui accueille du public, qui répond à des demandes en nombre, et il faut qu'il soit à même de le faire avec une politique de gestion clairement identifiée, une politique d'accueil qui soit vraiment globale et cohérente, de même qu'une politique de ressources humaines qui soit globale et cohérente puisqu'on a actuellement des personnels qui viennent de deux secteurs et il n'y a pas véritablement de gestion des ressources humaines dans la structure COTOREP. Or, quand on sait que ce sont des hommes qui font la structure et le travail, il est important de penser qu'on arrive à cette structure de gestion unique. C'est un peu le sens qu'on pourrait donner dans l'état de nos réflexions à votre question.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : C'est très intéressant. Cela milite, en fait, quasiment pour une administration autonome, sans doute avec des liens précis, en tout cas une administration qui porte le handicap...

Mme Marie-Dominique Soumet : Tout à fait.

M. Jean-Pierre Delalande, Président : ... après avoir vu comment elle peut s'articuler avec le ministère des affaires sociales.

Mesdames, messieurs, merci beaucoup et bon travail.

10.- Audition de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la santé et aux handicapés.

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 6 juillet 2000)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

M. Augustin Bonrepaux, Président : Madame la secrétaire d'État, je vous remercie d'avoir bien voulu répondre à notre invitation.

Sans plus tarder, je vais demander à Monsieur le Rapporteur spécial d'en venir aux questions et des les formuler de façon concise. Je vous saurai donc gré, Madame la secrétaire d'État, de bien vouloir y répondre avec la même précision.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Madame la secrétaire d'État, de votre point de vue et en fonction des éléments dont vous disposez, pouvez-vous nous dire si l'égalité de traitement des personnes handicapées est bien assurée dans notre système français des COTOREP ? Avez-vous le sentiment que la personne handicapée est correctement accueillie et traitée dans les COTOREP, que ce soit au niveau de l'accueil sur place, de l'accueil téléphonique, de l'accessibilité, des délais de traitement des dossiers ou des convocations adressées par le médecin et la commission ?

Les COTOREP sont parfois amenées à traiter du handicap social ou du trouble du comportement ce qui est une notion assez large : estimez-vous que ce soit véritablement de leur ressort ?

Je terminerai cette série d'interrogations sur une question qui relève directement de votre ministère : envisagez-vous une formation particulière pour les médecins des COTOREP ? Comptez-vous en recruter de nouveaux et les doter d'un statut spécial ? En effet, il nous a été donné de constater, au fil de nos auditions, que ces derniers, pour arriver à une rémunération correcte, étaient parfois amenés à compter deux ou trois vacations quand il n'en faisaient qu'une. Je conclurai en disant qu'il y a là un peu de désordre et donc nécessité de former ces médecins et de leur octroyer un statut.

M. Augustin Bonrepaux, Président : Vous aurez l'occasion de reprendre la parole, mais je crois préférable de laisser d'abord Madame la secrétaire d'État répondre à la liste déjà longue des questions que vous venez de poser.

Mme Dominique Gillot, Secrétaire d'État : Très rapidement, je dirai, Monsieur le Rapporteur spécial, que vos questions incluent leurs réponses. Je sais bien que nous partageons le même sentiment sur l'insuffisance des solutions apportées aujourd'hui par les COTOREP à la situation de handicap qui est celle d'un certain nombre de nos concitoyens.

L'égalité de traitement est-elle bien assurée dans les COTOREP ? À l'évidence non, pour des raisons qui tiennent à l'histoire et à l'évolution des COTOREP, mais aussi à l'augmentation considérable des dossiers qu'elles ont à traiter.

Ce volume est effectivement extrêmement important, puisqu'il est estimé à plus de 1 200 000 chaque année, que chaque dossier comporte au moins deux demandes, et parfois trois ou quatre, qui ont trait à la réinsertion, à la qualification professionnelle du travailleur handicapé, mais qui peuvent également concerner sa demande d'allocation - soit l'allocation aux adultes handicapés, soit l'allocation compensatrice pour tierce personne - voire une demande de type social pour une insertion liée au handicap.

Comme vous l'avez mentionné dans une autre de vos questions, il faut préciser que vient encore s'ajouter à cela le fait qu'au fil du temps les COTOREP ont été confrontées à des demandes de classement de personnes qui présentent essentiellement une incapacité d'intégration sociale. Ceux d'entre nous qui ont siégé dans les commissions locales d'insertion qui traitent les situations de bénéficiaires du RMI ont souvent été confrontés à des difficultés majeures qui paraissaient insurmontables dans l'environnement ordinaire, mais qui trouvaient leur solution dans le classement du handicap ? qui permettait à l'intéressé d'obtenir au moins un revenu de substitution par le biais de l'allocation aux adultes handicapés.

C'est donc bien une multitude de problèmes que doivent traiter les COTOREP qui, par ailleurs sont constituées de professionnels mis à disposition par un grand nombre de directions, puisqu'elles sont au nombre de huit au niveau national, et qu'on retrouve localement tous ces secteurs d'administration avec des disparités, tant au niveau du secrétariat qu'à celui des commissions d'attribution. Il est donc impératif d'introduire de l'homogénéité et une plus grande cohérence dans le traitement des dossiers des personnes handicapées en fonction de leurs besoins et de leurs aptitudes.

Je me permets de vous rappeler que le Gouvernement a affirmé très fortement, le 25 janvier dernier, par la voix du Premier ministre, que l'une de ses priorités était de conduire en direction des personnes handicapées une politique forte, déterminée afin de leur permettre, quelle que soit la nature de leur handicap, d'exercer un libre choix de vie et de leur garantir les conditions soit de leur autonomie, soit de leur intégration en milieu ordinaire, soit de leur accueil en milieu protégé. Force est de constater que les COTOREP, à travers leur diversité et leur mode de fonctionnement, ne répondent pas, pour l'instant, à cet objectif.

Pour autant, le tableau n'est pas définitivement noir, puisque des moyens ont été dégagés, que des observations ont été faites et qu'une mission d'appui, présidée par M. Fonrojet qui réunit des responsables de chacune des huit directions travaille depuis un peu plus d'un an à la transformation et à la réorganisation de ces COTOREP. Le rapport de cette mission du mois de janvier dernier souligne déjà des avancées dans un certain nombre de secteurs sur lesquels nous pourrons revenir, si vous le désirez, et contrôle la mise en _uvre des dispositions qui ont été décidées.

Vous m'avez interrogée sur les médecins : vous savez que dans le budget 2000, dix postes de médecins coordinateurs supplémentaires ont été créés. Ces créations de postes seront renouvelées l'année prochaine. Parallèlement, les vacations horaires des médecins ont été revues à la hausse, puisqu'elles sont passées à 126 francs, ce qui est certes encore insuffisant, mais marque un progrès dans la reconnaissance de la vacation. Par ailleurs, il faut poursuivre sur la voie de la définition du statut à laquelle vous avez fait allusion. En effet, sur ce point, on recourt parfois à certains subterfuges pour garantir le bon traitement des dossiers.

Je réponds un peu globalement aux questions que vous m'avez posées, mais on vous a fait parvenir un certain nombre de fiches techniques qui traitent plus précisément de ces questions.

Pour ce qui concerne la formation des médecins, nous nous apercevons effectivement qu'elle ne prend pas suffisamment en compte, au niveau universitaire notamment, le handicap et ce qu'il représente aujourd'hui. Nous menons donc une action particulière en direction de l'université et de l'École nationale de la santé publique pour assurer une meilleure formation aux médecins de COTOREP. Il va falloir faire preuve d'un peu de patience pour en recueillir les fruits, mais les choses sont en marche.

Cette formation doit également toucher les personnels administratifs, car si vous ne m'avez interrogée que sur les médecins, la disparité et l'hétérogénéité des équipes administratives ont aussi des conséquences sur les différences de traitement et s'il est important d'harmoniser et de sécuriser le travail administratif des COTOREP, il convient aussi de le valoriser. Or, il ressort des informations de la mission d'appui qu'il y a un encadrement supérieur déficitaire dans les équipes administratives, où les fonctionnaires sont majoritairement de catégorie C ou B, d'où une difficulté pour garantir une qualité d'accueil à la fois humain, technique et administratif et pour faire évoluer les outils dont disposent les COTOREP.

Aujourd'hui, nous nous trouvons confrontés à la situation suivante : depuis 1994, des moyens supplémentaires ont été accordés aux COTOREP, mais de manière insuffisante compte tenu de l'augmentation considérable du nombre des dossiers. On constate que le traitement des dossiers a quasiment doublé, alors que les moyens attribués n'ont pas évolué dans la même proportion. Je pense qu'il ne faut pas les augmenter de manière homothétique, mais qu'il convient de techniciser et de moderniser le traitement des dossiers, de valoriser et de professionnaliser les encadrements des équipes administratives; d'améliorer la formation des médecins pour que le handicap soit l'objet d'une attention particulière et d'un traitement spécifique, tout en veillant à faire progresser les moyens et à harmoniser les choses au niveau national.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Chacun s'accorde à reconnaître que le volume des dossiers des COTOREP augmente puisqu'elles en traitent plus d'un million - 1 200 000 avez-vous dit. Or, il se trouve que les COTOREP examinent inutilement certains dossiers puisqu'elles ne tiennent pas compte des conditions de ressources du demandeur et ne s'occupent que du handicap : ce sont les caisses d'allocations familiales (CAF) qui versent l'AAH et ce sont elles qui, après avoir pris connaissance du taux de handicap, sont, de temps en temps, amenées à la refuser au motif que le plafond de ressources est dépassé. Il y a quand même là une anomalie et un dysfonctionnement qu'il conviendrait de corriger ! Les caisses primaires d'assurance maladie intervenant également pour les accidentés du travail, il s'agit donc de savoir comment améliorer l'action des CAF et celles des caisses primaires d'assurance maladie, notamment par rapport au fonctionnement des COTOREP.

Mme Dominique Gillot, Secrétaire d'État : La réponse apportée aux personnes en situation de handicap ne se résume quand même pas à la définition d'un niveau de ressources et à l'attribution de la prestation. Que l'allocation à laquelle peut prétendre une personne en situation de handicap ait un niveau différencié et que cette question soit traitée en un autre lieu que les réponses à ses besoins en termes de qualification professionnelle ou d'aménagement de son environnement ne me paraît pas choquant pour autant qu'il puisse y avoir une bonne coordination des choses.

Or, on s'aperçoit qu'encore trop souvent les COTOREP traitent les dossiers par lots et qu'elles apportent un traitement technique aux dossiers dans des délais qui, oscillant en moyenne entre quatre et cinq mois, font que la situation de la personne intéressée peut avoir évolué dans l'intervalle. Il est donc impératif d'introduire, comme je le disais précédemment, une régularité dans le fonctionnement, et d'assurer, par le biais de séances plénières, une régulation à la fois sociale, politique et administrative dans la gestion de dossiers dont on s'aperçoit aujourd'hui qu'elle se fait uniquement de façon administrative, un peu déconnectée de la situation de la personne et de l'évolution de ses besoins.

Les orientations et les objectifs de modernisation, de formation des personnels et d'équilibrage des équipes administratives et médicales devraient nous conduire à avoir une appréhension plus globale à la fois de la personne et de ses besoins et de nature à apprécier l'évolution de sa situation au regard de son état, de ses aptitudes retrouvées ou développées et des progrès qui peuvent intervenir dans l'aménagement de son environnement, que ce soit au niveau de l'habitat, au niveau de l'espace professionnel ou même de façon plus large au niveau urbain.

Il faut donc que les COTOREP deviennent à terme un vrai service public d'accueil et de réponse aux personnes en situation de handicap ce qui, je le répète, n'est pas aujourd'hui le cas...

M. Jean-Pierre Delalande : On en reparlera en 2020...

Mme Dominique Gillot, Secrétaire d'État : Pas du tout, parce que nous avons des projets intéressants assortis de moyens adaptés !

M. Jean-Pierre Delalande : Vous nous en parlez ?

Mme Dominique Gillot, Secrétaire d'État : Je peux le faire si vous le voulez, mais il figurent dans les fiches consacrées à la mise en _uvre des orientations budgétaires et des décisions annoncées par le Premier ministre au mois de janvier dernier... Celles-ci vous ont été transmises.

M. Jean-Pierre Delalande : Honnêtement, tout reste à faire en matière d'accueil !

Mme Dominique Gillot, Secrétaire d'État : Oui mais nous nous sommes attelés à la question !

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Dans le cas précis que j'ai évoqué, il faudrait que le personnel administratif qui accueille pour la première fois le dépositaire d'un dossier à la COTOREP lui demande le niveau de ses ressources en lui signifiant que lorsque ce dernier dépasse la limite, il ne doit attendre aucune allocation...

Mme Dominique Gillot, Secrétaire d'État : Oui, mais il peut aussi attendre une aide en matière d'aménagement et d'adaptation de son environnement, ce qui est par ailleurs une dimension importante.

En effet, la réponse à une situation de handicap n'est pas seulement à envisager au niveau individuel et en fonction des moyens que peut mobiliser la personne pour faire face à sa nouvelle situation : elle passe aussi par l'organisation de la totalité de l'environnement pour que la situation de handicap devienne une situation ordinaire, prise en compte dans l'ensemble des décisions qu'elles concernent l'aménagement, l'équipement, les transports ou l'accompagnement à domicile. C'est sur cette voie que nous avançons.

Je peux répéter les chiffres des sommes qui ont été mobilisées depuis 1997 et accélérées cette année et vous verrez qu'elles traduisent le souci d'intégrer la politique du traitement du handicap dans une politique globale. Dans la situation actuelle, nous souhaitons valoriser et respecter les droits de chacun de nos concitoyens en ayant affirmé, du point de vue législatif, l'accès à de nouveaux droits : les personnes handicapées ont des droits particuliers et généraux qui doivent être respectés et un tel comportement ne passe pas seulement par l'attribution de droits supplémentaires attachés à la personne, mais suppose aussi une évolution globale de notre société.

Concernant les mesures nouvelles décidées depuis 1997, je relève que sur le budget de l'emploi et de la solidarité, 2,2 millions de francs ont été prélevés pour les vacations médicales et que ce sont 29 millions de francs qui ont été mobilisés en faveur des COTOREP au budget 2000. Cette somme se ventile de la façon suivante : 17,2 millions de francs pour l'emploi et 14 millions de francs pour la solidarité. Ce sont là des engagements financiers importants.

Concernant les effectifs administratifs, 2 millions de francs leur sont attribués cette année ce qui correspond à des postes de secrétaire administratif affectés aux COTOREP en plus grande difficulté, pour opérer un rattrapage, avec un renforcement de l'évaluation médicale à hauteur de 13 millions de francs.

Ces 13 millions de francs sont destinés à couvrir l'augmentation des tarifs des vacations médicales, qui n'avaient pas été réévalués depuis 1979 - j'indiquais précédemment qu'ils passeront de 103 francs de l'heure à 126,60 francs pour les spécialistes, et de 84,75 francs de l'heure à 103,52 francs pour les généralistes - l'augmentation en volume des vacations médicales que nécessite la création de dix postes de médecins coordinateurs, qui a justifié l'inscription de 3 millions de francs qui seront reconduits en 2001, et la modernisation et l'adaptation des systèmes informatiques de gestion des COTOREP qui ont été engagées à la fin du mois dernier avec une expérience électronique de traitement des archives de dix COTOREP ont été dotées d'un montant de 2,5 millions de francs.

En outre, pour renforcer les équipes techniques, il faut souligner une augmentation du nombre d'interventions des psychologues de l'AFPA pour des orientations en première section, soit la section emploi, à concurrence de 5,5 millions de francs, ainsi que la généralisation des plans départementaux d'insertion des travailleurs handicapés, dont les COTOREP sont l'un des essentiels pivots bénéficiant, qui bénéficie cette année de 2,5 millions de francs.

Il y a donc là une mobilisation financière significative, que je n'avais pas jugé utile de détailler, puisque vous aviez été destinataires de ces fiches. Il me semble important de replacer cet effort financier, qui s'inscrit dans une volonté d'affirmation du respect des droits des personnes handicapées à vivre en milieu ordinaire. J'insiste beaucoup sur ce point, qui ne se résume pas à des mots et à des slogans mais qui vise à faire changer le regard que porte notre société sur les besoins et la situation des personnes qui, suite à leur handicap, se trouvent en difficulté.

M. Augustin Bonrepaux, Président : L'objectif de notre Mission, Madame la secrétaire d'État, n'est pas tant de chercher des moyens nouveaux que de mieux utiliser ceux qui existent déjà, voire de parvenir, si possible, à réaliser des économies. Si pour chaque dossier que nous étudions, nous en arrivons à demander des moyens supplémentaires, notre Mission ne jouera pas son rôle et n'obtiendra pas les résultats escomptés.

M. Jean-Pierre Delalande : Dans le même esprit, vos propos traduisent un effort consenti dans le cadre de l'organisation actuelle, mais compte tenu du fait qu'elle n'est pas bonne, nous nous demandons si l'argent qui lui est consacré est vraiment bien employé, s'il ne contribue pas, au contraire, à entretenir les problèmes, et s'il ne faut pas privilégier une autre approche qui consisterait, par exemple, à s'interroger sur la dichotomie des moyens mis à la disposition des COTOREP entre la partie emploi et la partie solidarité du ministère et sur les avantages qu'offrirait une structure unique.

Puisque nous nous sommes aperçus qu'il n'y avait ni comptabilité analytique, ni budget, ce qui complique terriblement la tâche des gestionnaires, il est permis de réfléchir sur leur mise en _uvre, ou, au niveau médical qui pose actuellement problème, sur l'intérêt que pourraient, par exemple, présenter des conventions entre COTOREP et hôpitaux, ces derniers établissant, en fonction des diverses spécialités, les diagnostics et les médecins des COTOREP validant les dossiers techniques pour éviter toute erreur et confirmer que le dossier entre bien dans le canevas prévu.

Si je m'en tiens à l'esprit qui nous a tous animés jusqu'alors, ce que nous attendions un peu de vous, c'est plus que des mesures techniques dans le cadre du système actuel, une réflexion de fond à partir des interrogations que soulève le fonctionnement des COTOREP.

À partir du moment où nous reprendrions les choses différemment, peut-être l'accueil physique rare et l'accueil téléphonique qui, comme tout le monde le sait, est absolument catastrophique, pourraient-ils être améliorés puisque, du même coup, il deviendrait possible de concentrer les moyens sur cette dimension humaine qui est absolument indispensable...

C'est donc à une réflexion de fond que nous entendions vous inviter, de manière à rendre opérationnel un dispositif qui, à l'heure actuelle, reste très problématique.

Mme Dominique Gillot, Secrétaire d'État : Nous dressons tout à fait le même constat et d'ailleurs j'ai fait état du travail conjoint mené avec la mission d'appui pilotée par M. Fonrojet, qui réunit les huit directions mobilisées sur les COTOREP, tant il est vrai qu'on a affaire à un dispositif non piloté. Il résulte d'une juxtaposition de responsabilités administratives avec une collégialité de façade qui s'appuie sur des mobilisations peu institutionnelles, puisque je répète que les COTOREP n'ont pas d'identité juridique, mais qu'il s'agit d'un service mis en place avec des personnels mis à disposition. En conséquence, l'investissement des personnels dans la mission de service public que doivent assumer les COTOREP est perfectible.

S'il est vrai que le système manque de moyens, ces derniers existent néanmoins, même s'ils ne sont ni bien utilisés, ni adaptés au volume des dossiers à traiter. Les personnels administratifs sont, comme je vous le disais, de niveau modeste...

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Très hétérogènes ....

Mme Dominique Gillot, Secrétaire d'État : ... effectivement et ce sont essentiellement eux qui font marcher le système sans pilotage, sans orientation et sans coordination. Alors que certaines COTOREP n'ont pas même de séances plénières annuelles, comment voulez-vous que ce dispositif soit performant ?

Au-delà de ce constat, il convient maintenant de mettre en place certaines mesures qui sont d'autant plus difficiles à arrêter qu'elles demandent à être négociées au niveau des huit directions administratives, qui ont toutes une part de responsabilité dans l'animation et la gestion du sujet. Bien évidemment, il est nécessaire de mettre en _uvre une gestion unique, ce à quoi devraient contribuer les travaux de la mission d'appui. En la matière, nous avançons sur un programme qui est suivi par la mission d'appui et que je valide régulièrement. J'ai évoqué le rapport du mois de janvier dernier et certaines dispositions qui sont mises en place depuis un mois. Nous allons notamment lancer des contrats d'objectifs et de moyens entre les directions : la première expérimentation sur ce modèle va se faire à la COTOREP de Paris, ce qui va nous permettre de voir comment tout cela peut se mettre en place.

Il faut également explorer la possibilité qu'offrent les délégations interservices qui peuvent être mises en _uvre, suite à la publication du décret du 20 octobre dernier, et qui sont articulées autour du préfet, qui pourra être le pilote et le garant de la politique de l'État. Encore une fois, il s'agira d'une expérimentation, car pour changer un dispositif aussi lourd et hétérogène les décrets et la volonté politique ne suffisent pas, encore faut-il que les services et directions puissent suivre...

Par ailleurs, nous sommes en train d'étudier un projet d'agence qui serait le gestionnaire unique pour les personnes handicapées et assurerait l'unité de gestion des COTOREP : voilà une piste qui est encore à l'étude ! Il faut que les orientations politiques se confirment et soient acceptées et que la tutelle qui relève actuellement de plusieurs directions du ministère soit portée par une seule de manière à obtenir cette cohérence que nous appelons de nos v_ux.

Enfin, malgré certaines difficultés, il nous semble néanmoins peu souhaitable de séparer les fonctions d'orientation et d'adaptation du milieu de vie des personnes de celles des prestations : il est important d'avoir une vision globale de la situation de la personne handicapée et de l'évolution de sa situation dans le temps par la définition de ce guichet unique. Cette volonté politique, technique et administrative va s'appliquer très concrètement aux COTOREP mais c'est aussi une idée directrice que nous avons également pour la gestion des problèmes de la personne âgée avec la mise en place des CLIC - Comités locaux d'information et de coordination.

Par ailleurs, avec les associations de personnes handicapées, nous sommes en train de créer des sites à la vie autonome qui existeront dans chacun des départements et qui pourront travailler en coordination et en concertation avec les COTOREP de façon que les services à la fois techniques, administratifs et financiers et ceux qui concourent au confort dans le milieu de vie ordinaire puissent agir de concert.

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Madame la Ministre, vous venez de nous donner des éléments concernant des réformes envisagées ou envisageables dont un certain nombre nécessitent le dépôt d'un projet de loi. Nous serons, nous aussi, amenés à faire, dans notre rapport, des propositions dont certaines iront dans le même sens que les vôtres et d'autres seront très différentes tant il nous semble, comme l'a dit notre collègue Jean-Pierre Delalande, que le problème ne relève pas tant des moyens que de leur utilisation, donc de la nécessité de procéder à une réforme d'ensemble...

M. Jean-Pierre Delalande : Nous n'avons pas obtenu de réponse sur le traitement du handicap entre 50 et 80 %, ni sur la manière dont vous envisagiez d'établir la distinction entre handicap social et handicap physique.

Mme Dominique Gillot, Secrétaire d'État : J'ai répondu sur le handicap social : j'ai constaté, comme vous, que les COTOREP sont de plus en plus fréquemment amenées à traiter des dossiers en faveur de personnes présentant un handicap d'intégration sociale. C'est une orientation qui s'est développée au cours des dix dernières années parce qu'il est apparu aux commissions locales et aux services d'évaluation des aptitudes des personnes que leur situation serait mieux assurée si elles pouvaient bénéficier de l'AAH que si on les maintenait dans un leurre d'intégration sociale dont elles ne pourraient pas attendre de grandes satisfactions...

M. Jean-Pierre Delalande : N'est-ce pas une confusion préjudiciable et ne pensez-vous qu'il faut chercher à mettre un peu d'ordre dans tout cela par des dispositifs plus appropriés ?

Mme Dominique Gillot, Secrétaire d'État : Bien sûr et c'est l'une des observations retenues dans le rapport de l'IGAS. Je confirme ce constat mais nous sommes aujourd'hui en situation de prendre en compte cette difficulté d'ordre social et je me pose la question de savoir comment reprendre ces dossiers et vers quoi les orienter...

C'est vrai que les traiter ne relève pas de la vocation des COTOREP, qui au départ étaient destinées à prendre en compte le handicap physique, moteur, mental, psychique. En raison de la situation sociale et économique, un certain nombre de personnes se sont retrouvées en situation de handicap social qui appelle les mêmes constats qu'un handicap social et psychique et les commissions les ont, par extension, enregistrées. Si, concernant ces personnes, vous avez à faire des propositions d'exclusion, nous les examinerons mais il restera à trouver un autre dispositif...

M. Jean-Pierre Delalande : Ces propositions d'exclusion ne viendraient pas de l'opposition : ce n'est pas ainsi que nous envisageons les choses, mais nous demandons qu'il y ait des dispositifs appropriés pour chacune des catégories pour mettre fin à la confusion actuelle qui, entre autres inconvénients, engorge les COTOREP et complique donc le traitement des dossiers.

Mme Dominique Gillot, Secrétaire d'État : Cela étant, M. Delalande, la confusion n'est pas systématique : on ne peut pas dire qu'aujourd'hui l'ensemble des dossiers traités par les COTOREP soit à caractère social. L'AAH est quand même attribuée en fonction de critères qui, le plus souvent, excluent le caractère social. Pour qu'il en aille différemment il faut vraiment que la situation sociale de la personne ait entraîné une telle détérioration de ses aptitudes à l'intégration qu'elle finisse par s'apparenter à un handicap mental ou psychique ou qu'elle soit reconnue comme tel.

M. Augustin Bonrepaux, Président : Au fil de nos auditions, on nous a parlé de la mission animée par M. Fonrojet, mais nous n'avons jamais eu l'occasion de le rencontrer, à l'exception peut-être de Monsieur le Rapporteur spécial qui a eu la chance de le faire... Quand pensez-vous disposer des conclusions de cette mission pour nous présenter une projet de réforme ?

Mme Dominique Gillot, Secrétaire d'État : Cette mission n'est pas limitée dans le temps puisque, s'agissant d'une mission d'appui, son travail est permanent.

J'ai fait état d'un rapport qui m'a été transmis au mois de janvier dernier, j'en aurai un autre le 18 juillet. C'est donc un travail de jalonnement, avec des préconisations qui reprennent les constats des différents rapports ou des différentes inspections.

Cette mission, dont je vous rappelle qu'elle réunit des représentants des huit directions qui ont une responsabilité et une compétence dans les COTOREP, fait des propositions, examine comment elles sont appliquées, et suggère des expérimentations - le nouveau fonctionnement de la COTOREP avec contrats d'objectifs et de moyens en est un exemple - pour nous permettre d'avancer de manière à la fois volontaire et pragmatique, pour garantir la continuité du service tout en le faisant évoluer pour répondre plus concrètement aux besoins des personnes handicapées en fonction d'une politique nationale affirmée.

Cela étant, si vous le souhaitez, je peux vous faire parvenir le rapport de la mission Fonrojet que j'ai eu au mois de janvier et celui que je recevrai dans les jours qui viennent.

M. Henri Emmanuelli, Président de la Commission des finances. Je n'ai pas assisté à toute la discussion mais j'aimerais savoir si vous pensez que cet « itinéraire de jalonnement » va déboucher sur des propositions précises.

Mme Dominique Gillot, Secrétaire d'État. Il y a régulièrement des propositions précises et j'en ai énuméré un certain nombre avant que vous n'arriviez, Monsieur le Président ...

M. Henri Emmanuelli, Président de la commission des finances : Je partage un peu le point de vue de M. Delalande : ces commissions où l'on traite de beaucoup de sujets très différents, dont les origines du handicap, peuvent donner le sentiment d'être en quelque sorte des entonnoirs...

Pour présider un conseil général depuis dix-huit ans, je suis bien placé pour le savoir, puisque c'est la COTOREP qui prend les décisions mais moi qui reçois les lettres de protestation...

Mme Dominique Gillot, Secrétaire d'État : Tout à fait ! Nous avons, les uns et les autres, constaté, sur la base de rapports incontestables - les rapports d'inspection et de la Cour des comptes - que les COTOREP, dans leur configuration actuelle, ne fonctionnent pas de manière satisfaisante. C'est un outil qui n'est pas piloté...

M. Henri Emmanuelli, Président de la commission des finances : Qui distingue le décideur et le payeur...

M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial : Qui n'a pas de budget ...

Mme Dominique Gillot, Secrétaire d'État : ... qui n'a pas de budget propre, qui n'a pas de gestionnaire unique, qui commence à avoir un secrétariat unique, mais qui continue à avoir des secrétariats juxtaposés, qui parfois ne juge pas utile de réunir des séances plénières, donc qui fonctionne sans pilotage. C'est un point que j'ai admis et nous avançons vers une rationalisation, une cohérence et une amélioration de l'encadrement administratif et technique, avec des créations de postes de médecins, des revalorisations de vacations, mais aussi avec le souci d'exercer un meilleur contrôle par l'informatisation, le recueil des données et un pilotage au niveau national.

Cela étant, compte tenu du fait qu'il s'agit d'un dispositif qui fonctionne depuis des années de manière que je qualifierai, pour ne pas être désagréable, d'« autonome », il est nécessaire que ces huit directions soient soumises à un pilotage unique et l'arbitrage n'est pas simple.

La mission Fonrojet a cette vocation. Elle avance régulièrement et progressivement et je pense que dans les mois qui viennent, on pourra constater qu'avec la volonté politique que nous affirmons, avec la technicité de la mission Fonrojet mais aussi avec la mobilisation des moyens repris sur l'ensemble du secteur, car il ne s'agit pas de budgets supplémentaires, nous allons parvenir aux résultats que nous souhaitons les uns et les autres.

M. Augustin Bonrepaux, Président : Mes chers collègues, que ceux qui ont encore des questions veuillent bien me pardonner mais pour ne pas retarder l'audition suivante, je dois maintenant suspendre la séance.

ANNEXE

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LA LOI ALLEMANDE SUR LES GRANDS HANDICAPÉS (SCHWERBEHINDERTENGESETZ, 1986)
ET SON APPLICATION 
(5)

L'obligation générale d'égalité de traitement prévue à l'article 3, alinéa 1er, de la Loi fondamentale, qui garantit l'égalité de tous devant la loi, a été complétée, en novembre 1994, par une disposition spécifique concernant les personnes handicapées : l'article 3, paragraphe 3, comprend désormais une phrase indiquant que nul ne peut être désavantagé en raison de son handicap. L'extension de la Loi fondamentale a consolidé la position des handicapés, car elle prévoit que l'État a le devoir de prendre des mesures pour veiller à ce qu'ils puissent participer à la vie sociale sur un pied d'égalité.

L'organisation mondiale de la santé (OMS) a développé, depuis 1980, des critères sur lesquels devraient être basées les définitions légales nationales du handicap. Il s'agit du dommage (impairment), du handicap physique (disability) et du handicap mental (handicap).

Définition du handicap

La loi sur les grands handicapés recourt aux critères de l'OMS susmentionnés en formulant les définitions suivantes.

Un handicap est la suite d'une altération non-temporaire résultant d'une déficience corporelle, mentale ou psychique.

Cette déficience s'apprécie comme la limitation ou l'interdiction de l'accomplissement d'un rôle normal, compte tenu de l'âge de la personne. Il est non-temporaire s'il dépasse une durée de six mois (article 3, alinéa 2, de la loi sur les grands handicapés).

Attribution du statut de grand handicapé

Une personne ayant sa résidence ou un emploi régulier en Allemagne peut bénéficier du statut de grand handicapé si l'administration a constaté chez elle un taux d'invalidité (Grad der Behinderung = GdB) d'au moins 50 %.

Avec un taux d'invalidité de 30 à 50 %, une personne peut être assimilée à un grand handicapé, dans certaines conditions. Tel est le cas si, à cause de son handicap, la personne ne peut obtenir ou conserver un emploi jusqu'à présent occupé sans cette assimilation. La décision relève de la compétence du bureau local de l'emploi (Arbeitsamt). Assimilée à un grand handicapé, la personne peut prétendre aux mêmes aides (voir infra) que celles dont bénéficie ce dernier, notamment pour l'intégration dans la vie professionnelle mais en sont exclus le supplément de congé payé et la gratuité dans les transports publics.

Dispositions spéciales pour les grands handicapés

Tous les employeurs du secteur public ou privé comptant plus de 15 employés sont tenus d'attribuer 6 % de ces emplois à de grands handicapés. Ceux qui ne respectent pas ces obligations ont à payer une taxe de compensation dont le montant mensuel est de DM 200 (700 francs) par emploi non attribué (Ausgleichsabgabe). Dans les établissements et les services administratifs occupant au moins cinq grands handicapés à des emplois non temporaires, un Vertrauensmann ou une Vertrauensfrau (homme ou femme de confiance) doit être élu. Il ou elle a pour mission d'encourager l'intégration professionnelle de tous les grands handicapés de l'établissement ou du service et de défendre leurs intérêts.

· un grand handicapé bénéficie des prestations de promotion professionnelle et d'une protection spéciale sur le lieu de travail concernant avant tout le licenciement par l'employeur ;

· il a droit à un congé payé supplémentaire (en règle générale, cinq jours ouvrables).

Par ailleurs, un grand handicapé peut avoir recours à des « compensations de handicap », généralement accordées, sous réserve que d'autres conditions de santé soient remplies. Font notamment partie de ces compensations de handicap :

· allégements fiscaux, en particulier l'abattement pour personnes handicapées ;

· gratuité des transports publics ;

· minoration de la taxe sur les véhicules automobiles ;

· facilités de stationnement ;

· exonération de la redevance radiophonique (DM 85 par trimestre) et téléphonique (abaissement de DM 29 à DM 5 par mois) ;

· subventions pour l'acquisition et l'aménagement d'un appartement.

Carte de grand handicapé

Un grand handicapé peut demander à bénéficier d'une carte de grand handicapé lui permettant, d'une part, de justifier le grand handicap, d'autre part, de bénéficier des compensations de handicap.

Cette carte sera délivrée par le bureau de prévoyance qui étudiera le dossier pour savoir si la personne faisant la demande a droit à compensation pour handicaps particuliers. Dans l'affirmative, une marque correspondant au degré de l'invalidité sera apposée sur la carte. Ainsi, la marque « G », caractérise une « diminution importante de la mobilité dans la circulation routière », handicap permettant au titulaire d'utiliser gratuitement les transports publics locaux ou de payer moins de taxe sur les véhicules automobiles.

Exécution de la loi portant sur les grands handicapés

L'article 83 de la Loi fondamentale prévoit que les lois fédérales sont exécutées généralement par les administrations des Länder. La compétence administrative comprend l'instauration d'une administration adéquate et le droit à la prescription des ordonnances administratives (Verwaltungsvorschrift). L'État fédéral peut cependant régler d'une façon générale, par ordonnance, l'éxécution de la loi afin de garantir son égale application par les différentes administrations des Länder (article 84, alinéa 2, de la Loi fondamentale), ce qui nécessite l'accord de la chambre des Länder (Bundesrat).

En conséquence de cette règle générale, la loi portant sur les grands handicapés est exécutée par les bureaux de prévoyance (Versorgungsamt), au niveau départemental, qui appartiennent à l'administration des Länder. Ils sont surveillés par les administrations supérieures de prévoyance (Landesversorgungsamt) puis par les ministères des affaires sociales. Le ministère fédéral des affaires sociales a défini par décret des critères médicaux (Anhaltspunkte) suivant lesquels est étudié l'état physique et mental d'une personne handicapée.

Procédure administrative

La procédure administrative se déroule de la manière suivante :

· la personne fait une demande auprès du bureau de prévoyance en joignant tous les documents médicaux, notamment les expertises médicales, dont elle dispose. En outre, le demandeur nomme les médecins qui l'ont pris en charge et les dispense du secret professionnel ;

· le bureau de prévoyance s'adresse aux médecins pour une expertise de l'état physique et mental du demandeur. Les frais de l´expertise médicale sont à la charge de l'État.
Des délais importants de trois à cinq mois s'expliquent par l'encombrement des cabinets médicaux ;

· le dossier sera ensuite étudié par le service médical du bureau de prévoyance sur le fondement des Anhaltspunkte ;

· le bureau de prévoyance prend sa décision finale en constatant le degré de l'invalidité et, le cas échéant, en accordant le droit de bénéficier des compensations mentionnées supra puis en délivrant la carte de grand handicapé.
La procédure administrative ne dure guère plus de dix à quinze jours ouvrables.
Le demandeur n'est examiné que si les expertises fournies par ses médecins sont contradictoires ou insuffisantes ;

· le demandeur peut faire opposition à la décision du bureau de prévoyance. Le recours sera examiné par l'administration supérieure. Le cas échéant, le demandeur peut ensuite élever le litige devant le tribunal social ;

· en cas de licenciement, le recours sera présenté à la commission de recours (Widerspruchsausschuß). Cette commission est établie auprès de l'administration supérieure de prévoyance, au niveau du Land, et se compose de deux employés handicapés, deux employeurs, un représentant de l'administration supérieure, un représentant du bureau supérieur pour l'emploi et le Vertrauensmann des handicapés. Les membres de la commission sont nommés pour une période de quatre ans et disposent chacun d'un suppléant.

Statistiques

Une statistique est établie tous les deux ans. La plus récente est datée du 31 décembre 1997. En raison du système fédéral, le nombre total des demandes n'est pas connu avec précision.

Degré d´invalidité

en  %

nominal6 (x 1000)

100%

24,3

31

50% >

28,8

36

< 50%

46,9

58

Total

100

125

Handicapés

sur 1000 habitants7

(x 100)

< 25 ans

25-54

55-64

65 >

Total

Hommes

88

3501

4,1

21,2

28,2

46,5

100

Femmes

74

3120

3,5

19,4

20,7

56,4

100

Total

81

6621

3,8

20,3

24,4

51,5

100

Dysfonctionnement des organes

29,9 %

Dysfonctionnement de la colonne vertébrale ou des membres

15,3 %

Troubles mentaux

14,8 %

Non-voyance

5,2 %

Divers

34,8 %

Total

100 %

2542 - Rapport d'information de M. Pierre Forgues en conclusion des travaux d'une mission d'évaluation et de contrôle constituée le 22 décembre 1999 : fonctionnement des COTOREP (commission des finances)

() Parmi lesquels votre Rapporteur spécial a relevé :

- La politique en faveur des handicapés adultes (Cour des comptes, 1982)

- M. Bruno Rémond : « L'accès à la formation professionnelle des travailleurs handicapés » (La Documentation française, novembre 1990)

- Mme Thérèse Poupon : « Le potentiel productif des personnes handicapées : conditions sociales et technologiques de sa valorisation » (Conseil économique et social, juin 1992)

- M. Yves Carcenac : « L'activité et le fonctionnement des COTOREP, vingt mesures pour améliorer l'"efficacité globale" du dispositif » (Inspection générale des affaires sociales, juin 1993)

- Les politiques sociales en faveur des personnes handicapées adultes (Cour des comptes, novembre 1993)

- MM. Piere Lubek, François Werner, Michel Laroque, Michel Gagneux et Sylvain Picard : « Rapport d'enquête sur l'allocation aux adultes handicapés » (Inspections générales des finances et des affaires sociales, juin 1998)

() Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), Direction de l'administration générale et de la modernisation des services (DAGEMO), Direction des relations du travail (DRT), Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), Direction de l'action sociale (DAS), Direction de l'administration générale, du personnel et du budget (DAGPB), Direction de la sécurité sociale +(DSS) et Direction de la recherche, de l'évaluation et des études statistiques (DREES).

() Relevé de constatations définitives sur les suites données au rapport public particulier sur les politiques sociales en faveur des personnes handicapées adultes : la situation des COTOREP (juin 2000).

() Les recours sont d'abord portés devant les commissions départementales des travailleurs handicapés ou les tribunaux du contentieux de l'invalidité, puis, en appel, devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (CNITAAT) et, en cassation, devant la Cour de cassation.

() Les autres principales bases juridiques sont le Code social (Sozialgesetzbuch), la loi d'harmonisation sur la réadaption (Rehabilitierungsangleichungsgesetz), la loi fédérale sur l'assistance aux victimes de guerre (Bundesversorgungsgesetz) et la loi fédérale sur l'aide sociale (Bundessozialhilfegesetz).

( )Nombre de nouvelles demandes (évaluations 1996 et 1997)

( )La population allemande est de 82 millions